Il y a un monde spirituel intérieur, duquel est sorti un monde matériel extérieur ; l’homme a été créé de la substance de ces deux mondes, et mis dans le Paradis qui était l’élément un, où toutes les puissances naturelles vivaient dans l’harmonie paisible.
Chacune de ces puissances, l’homme y compris, avait en elle une volonté de Feu, par laquelle cette puissance s’individualisait dans le chaos de l’abîme divin ; et un désir de Lumière par lequel chacune de ces puissances tendait à s’unir à toutes les autres, par l’amour.
La puissance la plus sublime exalta son Feu et sortit de l’harmonie : elle devint Lucifer, et ce fut la chute des anges.
L’homme s’appela du coup le seigneur de toutes les créatures.
Le diable, jaloux, introduisit son désir dans l’imagination de l’homme ; les différentes facultés de celui-ci commencèrent dès lors à lutter ensemble : ainsi germa et crût l’arbre de la science du bien et du mal. Adam perdit la puissance créatrice qu’il avait dans le Paradis et ce fut la création de la femme.
Cette séparation des deux teintures du Feu et de la Lumière détermina dans l’élément un comme un précipité, qui fut la matière physique Les efforts d’Adam et d’Eve pour posséder cette matière, fruit symbolique de l’arbre de la science, les en rendirent esclaves.
L’âme ignée de l’homme, provenue de Dieu le Père, resta telle quelle. Son esprit, c’est-à-dire l’ensemble de toutes ses facultés sensorielles et spirituelles, qui communiquaient auparavant avec la Sagesse par le moyen de l’élément unique, ne put plus se nourrir que des forces adverses et des lumières faussées qui constituent l’Esprit de ce Monde et qu’il essaye de connaître, en particulier par l’astrologie ; son corps, autrefois glorieux et immortel, se corrompit et reçut tous les contrecoups des combats que se livrent les forces de ce monde.
Actuellement donc l’âme de l’homme soupire après la lumière perdue. L’Esprit de l’homme, prison de cette âme, se trouve en exil, balloté par les courants furieux de l’Océan astral. Sur notre terre, cet océan est divisé en quatre régions ou éléments qu’ont décrits tous les hermétistes ; et l’esprit de chaque homme, suivant sa nature propre, est enfermé dans une de ces régions.
De là viennent les quatre tempéraments ou complexions.
L’âme et l’Esprit, bien qu’enchaînés ensemble, ne peuvent pas se confondre puisqu’ils ne proviennent pas de la même mère.
Tout ce qui, en nous, sensations, sentiments,
idées, intuitions, vient du Ciel, se rapporte à l’âme ; tout ce qui vient de la nature créée, visible ou invisible, se rapporte à l’Esprit ; le corps reçoit toutes ces influences et leur obéit.
Par conséquent ce dernier porte l’empreinte des forces intérieures qui l’animent ; dès le premier mois de la vie intra-utérine, on pourrait pronostiquer la complexion de l’enfant qui va naître ; a fortiori peut-on déterminer cette complexion par les traits du visage, par les gestes, la démarche, le son de la voix, les formes du corps. Mais, selon l’exemple de notre auteur, nous ne donnerons aucune indication divinatoire, car il vaut mieux rester ignorant que s’exposer à faire mal en jugeant son prochain. Voici quelques détails sur les quatre tempéraments :
Le colérique tient de l’élément feu par le désir de monter, de commander, de dominer, de provoquer l’admiration ; il a une grande confiance en soi, ne demande pas de conseils, est courageux, mais ne souffre pas la moindre contrariété de la part des hommes ou des circonstances sans se mettre en colère. Sa pensée est forte, son intelligence lucide, logique, déductive.
Le sanguin tient de l’air sa mobilité et sa subtilité ; il est gai, doux, amical, pas très énergique ; les influences des astres l’impressionnent facilement ; il a l’esprit ingénieux et doué de grandes facilités pour apprendre toutes sortes de sciences sans trop les approfondir.
Le tempérament phlegmatique tend toujours, comme l’eau, à se tenir dans le repos ; la matière et les sens y sont puissants ; il fuit la fatigue et les soucis ; sa lumière est moyenne, ni très triste, ni très gaie ; son intelligence est lente et doit travailler beaucoup pour apprendre, mais elle retient bien ce qu’elle a compris ; le calme lui est nécessaire.
Le mélancolique est comme la terre et les pierres : froid, engourdi, sombre, triste, affamé de lumière ; mais cette faim le fait évoluer, de même que la faim qui torture les minéraux les amène à l’état métallique. Si le bilieux croit que les autres doivent l’adorer, si le sanguin se contente de l’amabilité superficielle du monde, si les jouissances matérielles suffisent au phlegmatique, le tempérament terrestre a besoin d’affection profonde.
Son intelligence est inégale, ses conceptions originales, ses intuitions souvent remarquables ; cependant, il n’est jamais satisfait de son travail.
De même que le bois est l’aliment du feu, la vie astro-élémentaire de la complexion est l’aliment magique de l’âme. Quelquefois cette dernière s’évade du tempérament pour se nourrir de la Lumière. Cette Lumière ne se trouve ici-bas qu’en vertu de l’incarnation du Verbe, dont elle est comme le sillage : ce que Bœhm appelle la corporéité angélique du Christ. Lorsque donc l’âme s’alimente de cette teinture, la complexion défaille, puis se réveille dans la joie, par le rayonnement divin que l’âme lui transmet. Mais si les influences astrales s’exaltent, il se peut que l’âme les désire de nouveau, à moins qu’elle ne se retourne de suite vers la Vierge de la Sagesse divine. Si non, toutes les essences extérieures, quoique invisibles, de l’Esprit de ce monde, attisent le feu de l’âme ; plus il brûle, plus il devient ardent parce que sa nourriture véritable, l’Amour, ne se trouve pas dans ces essences ; à la fin, l’âme excédée, pour sortir de cet enfer, se prive de ces aliments : c’est la pénitence. Quand elle est définitivement débarrassée de son appétit astral (richesses, amitiés, honneurs, sciences) elle peut se baigner dans l’eau de la Vie éternelle, être renouvelée par ce baptême et vivre avec Dieu. Bœhm désigne par Esprit de ce Monde, essence astro-élémentaire, imagination extérieure, toutes les sensations, tous les sentiments, toutes les idées, tous les plaisirs et toutes les souffrances que nous envoient les forces et les êtres de la Nature temporelle, visible et invisible.
Si l’âme se nourrit de la complexion colérique, celle-ci s’exalte encore, vers la colère, la spoliation, l’écrasement des obstacles, à moins que les aspects des constellations ne s’y opposent ; l’âme est en danger car son état appelle le démon de la fureur qui vient y habiter ; elle prend pour lumière divine le feu qu’elle a elle-même allumé et veut être honorée comme sainte malgré sa noirceur réelle.
Si l’âme se nourrit de la douce et légère complexion sanguine, elle obéit à toute impulsion des étoiles ; cela produit un tempérament aimable, rusé, intelligent pour les choses de ce monde, tantôt généreux, tantôt mesquin ; le diable l’amuse avec toutes sortes d’objets rares et d’études curieuses ; elle reçoit tout comme l’air et se nourrit de vanités ; elle peut subir des épreuves sans en souffrir beaucoup, non plus que de la tristesse ou de l’effroi; elle est sujette à l’impudicité, parce que Vénus est sa planète, et à l’idolâtrie à cause de sa curiosité et de son peu de réflexion.
L’âme attachée au tempérament phlegmatique mène une vie balourde, vile, sans intelligence, ne s’élevant pas au-dessus du vulgaire ; l’Esprit de l’eau ou la qualité lunaire accepte tout, bien et mal, et peut couvrir ce dernier sous un masque d’hypocrisie, comme la surface brillante de l’Océan cache des perles ou des pieuvres. Le diable peut introduire tous ses vices dans cette complexion quand les étoiles ne s’y opposent pas, caries péchés semblent y perdre leur importance ; il peut l’accabler par la tristesse ; mais si l’âme soulève une tempête et veut s’enfuir de cette maison de deuil, il ne peut résister aussi bien que dans le Feu, à cause de la faiblesse de ce tempérament.
La complexion mélancolique, inattentive aux choses extérieures, plonge l’âme dans la crainte. Le diable y vient souvent et l’effraie sans cesse, car l’obscurité est son domaine ; il tâche de l’étourdir et de lui faire perdre son bon sens.
Mais elle lutte contre lui, car elle sent intuitivement son approche, surtout pendant la nuit ; c’est le tempérament où il peut le mieux jeter ses imaginations; pour le désespérer, il agite le souvenir de ses péchés et l’idée de la Colère divine.