ROLE DU CŒUR

Le rôle du cœur dans notre vie ne consiste pas à rester seulement passif devant les impressions et à témoigner de notre état de satisfaction ou non, mais aussi à soutenir l’énergie de toutes les facultés de l’âme et du corps. Voyez comme on accomplit lestement ce qui plaît, ce que l’on a à cœur ! Et devant quelque chose qui ne vous dit rien, les mains tombent, les jambes ne remuent pas. Aussi ceux qui savent se dominer devant une action nécessaire, qui pourtant déplaît à leur cœur, s’empressent de trouver dans cette action un bon côté et de s’y mettre de bon cœur, pour entretenir l’énergie que cette action exige. Le zèle, l’élan moteur de la volonté, vient du cœur…

On le voit, notre cœur est vraiment la source et le centre de la vie. En manifestant les bonnes ou mauvaises dispositions de l’homme, il pousse à l’action les autres forces et reçoit d’elles par réaction un renforcement ou affaiblissement du sentiment qui détermine ces dispositions de l’homme. Il semblerait donc qu’il faille donner au cœur tout pouvoir pour diriger entièrement la vie, comme c’est le cas de nombreuses personnes et un peu de tous. Peut-être, dans l’ordre de la nature, le cœur avait-il précisément cette destination, mais les passions sont survenues, elles ont tout troublé. A cause d’elles, le cœur manifeste l’état de notre âme d’une façon erronée, et nos impressions ne sont pas ce qu’elles devraient être, nos goûts deviennent dépravés, et le cœur pousse les autres forces dans une direction indue. C’est devenu une obligation de tenir le cœur fermement sous contrôle et de soumettre ses sentiments, ses goûts et ses aspirations à une discrimination sévère. Quand quelqu’un s’est purifié des passions, il peut donner libre cours à son cœur. Mais aussi longtemps que les passions ont de la force, donner la liberté au cœur c’est se vouer à faire toutes sortes de faux pas. Ce qu’il y a de pire, c’est de faire des convoitises de son cœur le but de la vie… [Qu’est-ce que la vie spirituelle et comment s’y disposer ? Moscou, 5e éd. 1904; p. 26-29]