Préférer la simplicité

{{Pédag., II, 3.}} Lorsque nous avons besoin d’un noyau ou d’une charrue pour cultiver nos champs, nous n’allons pas fabriquer une pioche d’argent ni une faucille d’or; nous ne regardons pas si l’outil est riche, mais s’il est propre au travail. Qui donc empêche que nous ne pensions de même au sujet des meubles destinés à nos usages domestiques? Croyez-vous, je vous prie, qu’un couteau de table ne coupe pas, s’il n’a des clous d’argent ou un manche d’ivoire ? Faut-il aller chercher jusqu’aux Indes un fer pour trancher nos viandes, comme si nous avions besoin d’un auxiliaire contre l’ennemi ? Quoi donc ! L’eau avec laquelle nous lavons nos pieds et nos mains les nettoiera-t-elle moins bien, pour être contenue dans des bassins de terre ? Et d’ailleurs, une table aux pieds d’ivoire portera-elle sans indignation un pain d’une obole? Une lampe ciselée par un polie réclaire-t-elle moins qu’une lampe faite par un orfèvre? Pour moi, je n’hésite pas à le dire, le sommeil est aussi doux sur un humble grabat que sur un lit d’ivoire. Puis donc qu’il suffit d’une peau pour nous couvrir, qu’est-il besoin de tissas de pourpre ou d’écarlate ? Quelle vaine erreur, quelle fausse idée du beau, que de préférer à la simplicité ces folles délices, source de tout mal !