Possibilité de la perfection.

11. A ceux qui disent qu’il est impossible d’atteindre la perfection et la complète délivrance des passions, et aussi d’arriver à la participation et à la plénitude du bon Esprit, il est nécessaire d’opposer le témoignage des divines Ecritures et de montrer que ceux-là savent mal les choses et qu’ils parlent à la fois faussement et dangereusement. Le Seigneur dit en effet: «Vous aussi, soyez parfaits, comme votre Père céleste est parfait» ( Mt 5,48 ), indiquant par là une pureté parfaite ; et encore : « Je veux que là où je suis, ils soient avec moi, afin qu’ils voient ma gloire» ( Jn 17,24 ). Ces mots sont de celui qui avait dit. « Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas » ( Mt 24, 35 ). Et ceci encore de l’apôtre: «Afin que nous rendions tout homme parfait dans le Christ» ( Col 1, 28 ). Et ceci qui sonne de même : « Jusqu’à ce que nous soyons tous parvenus à l’unité de la foi et de la connaissance du Fils de Dieu, à l’état d’homme parfait, à la mesure de la stature parfaite du Christ » ( Eph 4, 13 ). Or ceux qui ont en vue la perfection, il leur arrive deux choses très remarquables : ils ont une ardeur intense et continuelle de pousser jusqu’au sommet, dans l’espoir, dis-je, de monter à cette hauteur ; et ils entendent aussi ne pas être pris d’orgueil, mais rester modestes et s’estimer petits, puisqu’ils n’ont pas encore atteint la perfection.

12. Ceux qui parlent ainsi font le plus grand mal à l’âme, et cela de trois façons : d’abord parce qu’ils paraissent ne pas ajouter foi aux Ecritures inspirées ; ensuite parce qu’ils n’assignent pas au christianisme un but plus grand et parfait, et que ceux qui font effort pour l’atteindre ne peuvent avoir ardeur et zèle, ni faim et soif de la justice, mais pleinement satisfaits de leurs manières d’être et d’agir à l’extérieur et d’un petit nombre de bonnes actions, ils laissent de côté le bienheureux espoir et de la perfection et de la complète purification de toutes les passions. En troisième lieu, parce qu’ils pensent avoir atteint le sommet pour avoir pratiqué, comme nous avons dit, quelques vertus, et qu’ils n’aspirent pas à ce qui est parfait, non seulement ils ne peuvent pas avoir l’humilité, la pauvreté et la contrition du cœur, mais se regardant eux-mêmes comme possédant déjà toutes ces vertus, ils n’avancent pas de jour en jour et ne font aucun progrès.