philosophie (Orígenes)

Abimélech signifie : mon père est roi. Or il me semble qu’Abimélech représente les sages parmi les amis du siècle, adonnés à la philosophie, sans avoir encore entièrement ni pleinement atteint la règle de piété, sachant toutefois que Dieu est le père et le roi de tout, autrement dit qu’il a tout fait et qu’il gouverne tout. Sur ce plan de la philosophie morale, il est bien vrai que ces gens-là ont cultivé jusqu’à un certain point la pureté de coeur et qu’ils ont cherché généreusement, avec zèle, à entrer en communication de la vertu divine. Mais « Dieu n’a pas permis qu’ils la touchent ». Car ce n’était pas Abraham – quelque grand qu’il fût, il n’était qu’un serviteur, – mais le Christ qui était destiné à donner cette grâce aux Gentils. Aussi, malgré l’impatience d’Abraham de voir la parole qui lui avait été dite : « Toutes les nations seront bénies en toi », s’accomplir en lui et par lui, c’est en Isaac que lui est faite la promesse, c’est-à-dire dans le Christ, selon ce que dit l’Apôtre : « Il n’a pas dit « et à ses descendants » comme s’il s’agissait de plusieurs, mais « et à ta descendance », comme ne parlant que d’un seul qui est le Christ. » Homélies sur la Genèse: VI – ABIMÉLECH ET SARA Le premier jour.

– Ce n’est pas sans raison, à mon avis, que l’Écriture, non contente de mentionner la femme d’Abimélech, a mentionné aussi ses servantes, notamment en ce passage : « Dieu les guérit et elles enfantèrent ; car il les avait rendues stériles. » Autant que nous pouvons avoir un avis sur des passages si difficiles, nous pensons qu’on peut faire de l’épouse d’Abimélech la philosophie naturelle, et de ses servantes les divers systèmes de la dialectique qui se différencient suivant les écoles. Homélies sur la Genèse: VI – ABIMÉLECH ET SARA Le premier jour.

Si, en plus des vertus que nous enseigne la loi de Dieu, nous nous adonnons aux disciplines qui, étant du siècle, semblent venir du dehors, comme la littérature, la grammaire, la géométrie, l’arithmétique, la dialectique, si nous faisons concourir ces disciplines tirées du dehors à notre enseignement, si nous les admettons à témoigner en faveur de notre loi, alors on pourra dire que nous avons pris en mariage des étrangères ou même des concubines. Et si de semblables unions nous amènent à exposer nos idées, à discuter, à réfuter des contradicteurs et qu’à ce propos nous puissions en convertir quelques-uns à la foi ; et si, maniant mieux qu’eux leurs propres sciences et leurs propres méthodes, nous les persuadons de recevoir la vraie philosophie du Christ et la vraie piété de Dieu, alors on pourra dire que nous avons eu des enfants de la dialectique ou de la rhétorique comme d’une étrangère ou d’une concubine. Homélies sur la Genèse: XI – ABRAHAM ÉPOUSE CÉTHURA – SÉJOUR D’ISAAC AU PUITS DE VISION Le premier jour.

Cet Abimélech, à ce que je vois, n’est pas toujours en paix avec Isaac, mais tantôt il est en désaccord et tantôt il demande la paix. Si vous vous le rappelez, nous disions de lui, dans les précédentes homélies, qu’il tient le rôle, parmi les partisans du siècle, de ces sages qui, par l’étude de la philosophie, sont arrivés à la connaissance de beaucoup de vérités. Par là vous pouvez comprendre comment, avec Isaac qui est la figure du Verbe de Dieu contenu dans la Loi, Abimélech ne peut être ni toujours en désaccord ni toujours en paix. Car si la philosophie n’est pas en opposition en tout avec la Loi de Dieu, en tout non plus elle n’est pas en accord avec elle. Homélies sur la Genèse: XIV – APPARITION DU SEIGNEUR A ISAAC – ALLIANCE AVEC ABIMÉLECH Le premier jour.

Beaucoup de philosophes écrivent qu’il y a un seul Dieu, créateur de toutes choses : en quoi, ils sont d’accord avec la Loi de Dieu. D’aucuns ont même ajouté que Dieu a tout fait et qu’il dirige tout par son Verbe et que c’est le Verbe de Dieu qui règle tout : en quoi, ils sont d’accord non seulement avec la Loi, mais avec les Évan-giles. La philosophie dite morale et naturelle pense à peu près tout ce que nous pensons. Mais elle est en désaccord avec nous quand elle dit que la matière est coéternelle à Dieu , – quand elle soutient que Dieu ne s’occupe pas des choses périssables, que sa providence est réservée aux espaces lunaires, – quand elle fait dépendre la vie des hommes du cours des étoiles , – quand elle dit que ce monde durera toujours et n’aura pas de fin. Et il y a encore beaucoup d’autres points sur lesquels les tenants de cette philosophie sont soit en accord soit en désaccord avec nous. Homélies sur la Genèse: XIV – APPARITION DU SEIGNEUR A ISAAC – ALLIANCE AVEC ABIMÉLECH Le premier jour.

Ochozath signifie : « Celui qui tient », Phicol : « la bouche de tous », et le nom d’Abimélech : « Mon père est roi ». A eux tous, me semble-t-il, ils représentent toute la philosophie, que les philosophes divisent en trois parties : la logique, la physique, l’éthique, c’est-à-dire la philosophie rationnelle, la philosophie naturelle et la philosophie morale. La philosophie rationnelle est celle qui reconnaît en Dieu le père de tous : c’est Abimélech. La philosophie naturelle sert de base et tient tout, en s’appuyant en quelque sorte sur les forces de la nature elle-même : c’est celle d’Ochozath, « celui qui tient ». La philosophie morale est celle qui est dans la bouche de tous, celle qui s’adresse à tout le monde et qui se trouve dans la bouche de tous, dans la mesure où les préceptes qui s’adressent à tous se ressemblent : c’est Phicol qui la représente, Phicol qui signifie « bouche de tous ». Homélies sur la Genèse: XIV – APPARITION DU SEIGNEUR A ISAAC – ALLIANCE AVEC ABIMÉLECH Le premier jour.