passions (Orígenes)

Si donc nos interlocuteurs acquiescent à notre assertion – car la raison même montre la nature de cette lumière – et reconnaissent qu’on ne peut comprendre Dieu comme un corps d’après la signification de cette lumière, on pourra leur donner une raison semblable à propos du feu qui consume. En effet, que consume Dieu en tant qu’il est feu ? Peut-on croire qu’il consume une matière corporelle, telle que bois, foin ou paille ! Que fait-il là qui soit digne de louange, s’il est un feu consumant de telles matières ? Mais considérons donc ce que Dieu consume et supprime : il consume les mauvaises pensées, il consume les actes honteux, il consume les désirs de péché, lorsqu’il pénètre dans les intelligences des croyants, lorsqu’il habite avec son Fils dans les âmes qui ont été rendues capables de recevoir sa Parole et sa Sagesse, selon ce qui est dit : Moi et mon Père nous viendrons et nous ferons chez lui notre demeure, et qu’ayant consumé en elles tous les vices et toutes les passions, il s’en fait un temple pur et digne de lui. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Maintenant nous nous adres-sons à quelques-uns des nôtres qui, par suite de l’étroitesse de leur compréhension et par pauvreté d’expli-cation, donnent de la résurrection des corps une signification tout à fait basse et abjecte. Nous leur demandons comment ils entendent le changement que subira le corps animal, grâce à la résurrection, et la nature du corps spirituel futur : comment pensent-ils que ce qui est semé dans l’infirmité ressuscitera dans la force, que ce qui est semé dans l’obscurité ressuscitera dans la gloire, que ce qui est semé dans la corruption passera à l’incorruption ? S’ils croient ce que dit l’Apôtre, que le corps ressuscitant dans la gloire, la force et l’incorruptibilité sera désormais devenu spirituel, il paraît donc absurde, contraire à la pensée de l’Apôtre, qu’il soit de nouveau empêtré dans les passions de la chair et du sang, alors que l’Apôtre dit clairement : La chair et le sang ne posséderont pas le royaume de Dieu et la corruption ne possédera pas l’incorruption. Comment conçoivent-ils aussi cette autre parole de l’Apôtre : Tous nous serons changés. Ce changement est à attendre selon la norme que nous avons exposée plus haut, qui nous permet sans aucun doute d’espérer une solution digne de la grâce divine. Nous pensons que cela se passera de la même manière que le simple grain de blé, ou celui d’autres plantes, qui, semé en terre, suivant la description de l’Apôtre, reçoit de Dieu le corps que Dieu veut, après la mort en terre de ce même grain de blé. Il faut en effet penser que nos corps aussi tomberont en terre comme le grain. Mais il y a en eux une raison qui maintient unie la substance corporelle ; bien que les corps soient morts, corrompus et dispersés, cette raison elle-même qui est toujours intacte dans la substance du corps, par l’action de la Parole de Dieu, relèvera ces corps de la terre, les reconstituera, les restaurera, de même que la force qui est dans le grain de blé, après sa corruption et sa mort, restaure et reconstitue le grain dans le corps de la paille et de l’épi. Et ainsi, pour ceux qui mériteront d’obtenir l’héritage du royaume des cieux, cette raison qui se trouve dans le corps à réparer, celle dont nous avons parlé plus haut, refait sur l’ordre de Dieu un corps terrestre et animal en un corps spirituel qui puisse habiter dans les cieux. Mais ceux qui auront été inférieurs ou même assez bas en mérite, bien mieux ceux qui auront été les derniers et les rejetés, recevront la gloire et la dignité du corps en proportion de la dignité de l’âme et de la vie de chacun, de telle sorte cependant que le corps de ceux qui sont destinés au feu éternel et aux supplices sera, certes, incorrompu par suite de la transformation opérée par la résurrection, mais pour que les supplices ne puissent le corrompre ni le détruire. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Première section

Pour que cela ne semble pas trop difficile à comprendre, on peut considérer les passions vicieuses qui s’emparent souvent des âmes, par exemple lorsqu’elles sont embrasées des flammes de l’amour, énervées par les feux de la jalousie ou de l’envie, agitées par une colère folle, consumées d’une tristesse sans bornes, et voir comment quelques-uns jugeant intolérables ces excès de maux ont préféré subir la mort que de supporter des tourments de cette sorte. On peut, certes, se demander si ceux qui ont été impliqués dans les malheurs et les vices indiqués plus haut, n’ont jamais pu trouver ici-bas le moin-dre adoucissement et ont laissé ce monde de cette façon, en seront quittes en ce qui concerne le châtiment avec les tourments que leur infligeront la continuation en eux de ces passions malfaisantes, colère, fureur, folie ou tristesse, quand aucun remède ou aucun adoucissement n’a apaisé en cette vie leur venin mortel, ou si, leurs passions ayant changé, ils seront torturés alors par les souffrances du châtiment commun aux pécheurs. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Seconde section

Si quelqu’un prétend que le stimulant extérieur est tel qu’il est impossible de lui faire face quand il se produit de telle façon, qu’il réfléchisse à ses propres passions et à ses propres mouvements pour voir s’il ne s’y produit pas une approbation, un consentement, une inclinaison de l’intelligence vers telle attitude à cause de sa force de persuasion. Pour celui qui a décidé, par exemple, de garder la continence et de s’abstenir de l’union sexuelle, ce n’est pas l’apparition d’une femme, le provoquant à agir contre son dessein, qui est la cause décisive de l’abandon de ses résolutions : c’est en fait parce qu’il a complètement consenti aux chatouillements et à la douceur du plaisir, n’ayant pas voulu lui résister ni ratifier sa décision, qu’il pratique l’incontinence. C’est tout le contraire pour celui à qui surviennent les mêmes tentations alors qu’il est davantage instruit et exercé : les chatouillements et les excitations peuvent se produire, mais la raison, davantage fortifiée et formée par l’exercice et l’étude, parvenue par l’instruction à la fermeté dans sa marche vers le bien, ou du moins devenue proche d’y parvenir, repousse les excitations et affaiblit la convoitise. Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

souffrir ni subir en quoi que ce soit aucun malaise, qu’il vienne de l’abondance ou de la pénurie. Mais les partisans de la doctrine des deux âmes essaieront de résoudre cette objection et de la combattre en montrant qu’il y a en l’âme de nombreuses passions qui ne tirent nullement de la chair leur origine et que cependant l’esprit s’y oppose : ainsi l’ambition, l’avarice, la jalousie, l’envie, l’orgueil et tout ce qui leur est semblable. Voyant que l’intelligence ou l’esprit de l’homme ont à les combattre, ils n’assignent pas à tous ces maux d’autres causes que celle dont nous avons parlé plus haut, une âme corporelle engendrée par l’intermédiaire de la semence. Ils trouvent d’ordinaire une confirmation à cela dans ce témoignage de l’Apôtre : Il est facile de savoir ce que sont les oeuvres de la chair, la fornication, l’impureté, l’impudicité, l’idolâtrie, les sortilèges, les inimitiés, les disputes, les jalousies, les colères, les rixes, les dissensions, les divergences d’opinions, les envies, les ivrogneries, les orgies et tout ce qui leur est semblable. Pour eux ce ne sont pas tous ces maux, mais une partie d’entre eux, qui tirent leur origine de l’usage et de la délectation de la chair, de sorte qu’on puisse penser qu’ils existent à cause d’une substance que l’âme ne possède pas, c’est-à-dire la chair. Mais cette autre phrase de l’Apôtre : Voyez, frères, d’où vous avez été appelés, car il n’y a pas parmi vous beaucoup de sages selon la chair, semble tendre vers cette solution qu’il paraît y avoir à proprement parler une sagesse charnelle et matérielle, autre que la sagesse selon l’esprit, et l’on ne pourrait l’appeler sagesse s’il n’y avait pas une âme de la chair qui puisse être sage de cette sagesse dite de la chair. Ils ajoutent encore ceci : Si la chair combat contre l’esprit et l’esprit contre la chair, de telle sorte que nous ne faisions pas ce que nous voulons, qui sont ceux dont il est dit : de telle sorte que nous ne faisions pas ce que nous voulons ? Il est certain, disent-ils, qu’il ne s’agit pas de l’esprit, car ce n’est pas la volonté de l’esprit qui est empêchée ; ni de la chair, car si elle n’a pas une âme propre, sans aucun doute elle n’aura pas de volonté. Il ne reste qu’une solution, que cela soit dit de la volonté de cette âme, qui peut avoir une volonté propre s’opposant à la volonté de l’esprit. S’il en est ainsi il est clair que la volonté de cette âme est comme un intermédiaire entre la chair et l’esprit, servant sans aucun doute l’un des deux et obéissant à celui à qui elle a choisi d’obéir : et lorsque cette âme s’est soumise aux délectations de la chair elle rend les hommes charnels ; mais lorsqu’elle s’est jointe à l’esprit, elle fait vivre l’homme dans l’esprit et pour cela il est appelé spirituel. L’Apôtre semble indiquer cela lorsqu’il dit : Mais vous, vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’esprit. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

Voyons maintenant la réponse que font d’ordinaire à cela ceux qui soutiennent qu’il y a en nous une seule sorte de mouvement intérieur et une seule vie pour une seule et même âme, à laquelle il faut attribuer proprement, par suite de ces actes, salut ou perdition. Examinons d’abord de quelle sorte sont les passions dont souffre notre intelligence, lorsque nous nous sentons nous-mêmes comme déchirés intérieurement en partis opposés sur chaque point, lorsque nos pensées d’une certaine manière luttent ensemble dans nos coeurs, nous suggérant comme des apparences de vérité qui nous inclinent tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, qui nous entraînent tantôt à nous accuser, tantôt à nous approuver. Il n’y a rien d’étrange à dire que les caractères pervers ont un jugement variable, en contradiction et en opposition avec lui-même, puisque cela se produit chez tous les hommes quand il s’agit de délibérer sur une chose douteuse et qu’on examine et recherche ce qui est le plus droit et le plus utile à choisir. Rien d’étonnant par conséquent que deux apparences de vérité se présentent l’une contre l’autre, suggèrent des décisions contraires et déchirent l’intelligence en divers partis. Par exemple, quand une pensée nous pousse à la foi et à la crainte de Dieu, on ne peut dire que la chair combatte contre l’esprit ; mais tant qu’on reste indécis sur ce qui est vrai et utile, l’intelligence est tirée de divers côtés. Ainsi, lorsqu’on pense que la chair pousse au plaisir tandis qu’un projet meilleur résiste à cette sorte d’incitation, il ne faut pas croire qu’il s’agisse d’une vie qui résiste à une autre, mais que cela vient de la nature du corps qui brûle d’éliminer et de vider les organes remplis d’humeur séminale. Pareillement il ne faut pas imaginer quelque puissance contraire ou quelque autre âme vivante qui excite en nous la soif et nous pousse à boire, ou qui nous donne faim et nous invite à manger. De même que ces appétits ou évacuations proviennent des mouvements naturels du corps, de même l’humeur contenant naturellement la semence, quand elle s’est rassemblée depuis un certain temps en son lieu, brûle d’être expulsée et rejetée, et ce n’est pas tellement l’action d’un stimulant extérieur qui le produit, puisque parfois cela s’accomplit spontanément. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

Mais parmi les oeuvres de la chair l’Apôtre cite aussi les divergences d’opinions, les envies, les disputes, etc., et ils les comprennent ainsi : l’âme, lorsqu’elle a acquis une sensibilité plus grossière, parce qu’elle se soumet aux passions du corps, est opprimée sous la masse des vices et elle ne sent plus rien de subtil et de spirituel ; on dit alors qu’elle est devenue chair et elle tire son nom de cette chair qui est davantage l’objet de son zèle et de sa volonté. Ceux qui se posent ces questions ajoutent : Peut-on trouver un créateur de ces pensées mauvaises qui sont dites la pensée de la chair ou peut-on appeler quelqu’un ainsi ? En effet ils soutiendront qu’il faut croire qu’il n’y a pas d’autre créateur de l’âme et de la chair que Dieu. Si nous disons que c’est le Dieu bon qui, dans sa création elle-même, a créé quelque chose qui lui soit ennemi, cela paraîtra tout à fait absurde. Si donc il est écrit : La sagesse de la chair est ennemie de Dieu et si on dit que cela s’est fait à partir de la création, il semblera que Dieu ait créé une nature qui lui soit ennemie, qui ne puisse être soumise ni à lui ni à sa loi, car on se sera représenté comme un être doué d’âme cette chair dont on parle. Si on accepte cette opinion, en quoi paraît-elle différer de la doctrine de ceux qui se prononcent pour la création de natures différentes d’âmes, destinées par leur nature au salut ou à la perdition? Seuls des hérétiques pensent ainsi et, parce qu’ils n’arrivent pas à soutenir par des raisonnements conformes à la piété la justice de Dieu, ils inventent des imaginations aussi impies. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

passons…………..2

Mais passons à la parole de l’Évangile : Dieu est esprit (souffle), et montrons comment il faut la comprendre d’après ce que nous avons dit. Demandons-nous quand le Sauveur l’a prononcée, et près de qui, et ce qu’il cherchait. Nous trouvons sans aucun doute qu’il parlait à une Samaritaine, celle qui pensait qu’il fallait adorer Dieu sur le mont Garizim selon l’avis des Samaritains ; c’est alors qu’il dit : Dieu est esprit. La Samaritaine, pensant qu’il était un Juif ordinaire, lui demandait s’il fallait adorer Dieu à Jérusalem ou sur cette montagne : Tous nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites que c’est à Jérusalem qu’il faut adorer. A cette opinion de la Samaritaine, pensant à un privilège possédé par des lieux corporels, suivant lequel on adore Dieu à tort ou à raison si on le fait avec les Juifs à Jérusalem ou avec les Samaritains sur le mont Garizim, le Sauveur répondit qu’il ne faut pas se préoccuper de lieux corporels pour suivre Dieu : L’heure vient où ce n’est pas à Jérusalem ni sur cette montagne que les vrais adorateurs adoreront le Père. Dieu est esprit et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité. Constatons le rapport qu’il a mis entre vérité et esprit : il a opposé l’esprit aux corps, la vérité à l’ombre et à l’image. Ceux qui adoraient à Jérusalem adoraient Dieu en se consacrant à l’ombre et à l’image des réalités célestes, mais non à la vérité ni à l’esprit; pareillement ceux qui adoraient sur le mont Garizim. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Si le terme bon est appliqué par les Écritures à d’autres êtres, que ce soit un ange, un homme, un serviteur, un trésor, si elles parlent d’un coeur bon ou d’un arbre bon, tout cela est dit au sens large, car il y a là bonté accidentelle, non substantielle. C’est un travail considérable, pour une autre oeuvre et pour un autre temps, de rassembler toutes les dénominations du Fils de Dieu, par exemple celles de Vraie Lumière, de Porte, de Justice, de Sanctification, de Rédemption et un très grand nombre d’autres, et d’exposer les causes, les valeurs, les sentiments qui les font appliquer au Fils. Mais nous nous contentons de ce que nous avons discuté plus haut et nous passons aux sujets qui suivent. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section