Et ensuite, le signe est donné : « Voici : la Vierge va concevoir et enfanter un fils. » Or, quel signe y aurait-il si c’était une jeune fille non vierge qui enfante ? Et à laquelle sied-il mieux d’enfanter Emmanuel, Dieu avec nous : à la femme qui a eu des relations sexuelles et qui a conçu par PASSION féminine, ou à celle qui est encore pure, sainte et vierge ? C’est à celle-ci, bien sûr, qu’il convient d’enfanter un enfant à la naissance duquel il soit dit : « Dieu avec nous ». Et si, même dans ce cas, on continue à chicaner en disant que c’est à Achaz que s’adresseraient les mots : « Demande pour toi au Seigneur un signe », je répliquerai : Qui donc est né au temps d’Achaz, à la naissance duquel il soit dit « Emmanuel », « Dieu avec nous » ? Si l’on ne trouve personne, il est évident que la parole dite à Achaz l’est à la maison de David, car le Seigneur, d’après l’Écriture, est né « de la postérité de David selon la chair ». De plus, ce signe est dit être « dans la profondeur ou sur la hauteur », puisque « Celui qui est descendu, c’est le même qui est monté au-dessus de tous les cieux, afin de remplir toutes choses ». Voilà ce que je dis à l’adresse du Juif qui donne son adhésion à la prophétie. A Celse ou à l’un de ses adeptes de dire dans quel état d’esprit le prophète fait du futur cette prédiction ou d’autres, écrites dans les prophéties : est-ce bien en prévoyant le futur, oui ou non ? Si c’est en prévoyant le futur, les prophètes avaient un esprit divin ; si ce n’est pas en prévoyant le futur, qu’il explique l’état d’esprit de celui qui ose parler de l’avenir et que les Juifs admirent pour sa prophétie ! LIVRE I
Ensuite, il tire de l’Évangile selon Matthieu, et peut-être aussi des autres Evangiles, l’histoire de la colombe qui a volé sur le Sauveur lors de son baptême par Jean, et veut la disqualifier comme une fiction. Mais croyant avoir mis en pièces l’histoire que notre Sauveur est né d’une vierge, il ne cite pas dans l’ordre les événements qui suivent : car la PASSION et la haine n’ont rien d’ordonné, mais les gens pris de colère et de haine lancent contre ceux qu’ils haïssent les injures qui leur passent par la tête, empêchés par la PASSION de formuler leurs griefs d’une manière réfléchie et ordonnée. S’il avait gardé l’ordre, en effet, il aurait pris l’Évangile et, décidé à l’accuser, il aurait critiqué le premier récit, puis aurait passé au second, et ainsi du reste. Mais non ! Après la naissance d’une vierge, Celse qui proclame tout savoir de nos doctrines, incrimine l’apparition du Saint-Esprit lors du baptême sous la forme d’une colombe, puis calomnie ensuite la prophétie de la venue de notre Sauveur, après quoi il revient aux événements racontés à la suite de la naissance de Jésus, au récit de l’étoile et des mages venus de l’Orient « adorer » l’enfant. Et que de passages confus de Celse à travers tout le livre révélerait une observation attentive ! Nouveau moyen, pour ceux qui savent chercher et garder l’ordre, de le convaincre d’impudence et de vantardise lorsqu’il intitule son livre “Discours véritable”, ce que n’a fait aucun des philosophes de valeur ! Car Platon dit que ce n’est pas faire preuve d’esprit sensé que de trancher avec force sur des sujets de cet ordre et plus obscurs encore. Et souvent Chrysippe, après avoir cité les raisons qui l’ont persuadé, nous renvoie à ceux chez qui l’on pourrait trouver une meilleure explication que la sienne. Voilà donc un homme qui, plus sage même que ces deux auteurs et que tous les autres Grecs, dans la logique de son affirmation de tout savoir, intitula son livre “Discours véritable” ! LIVRE I
Ensuite, comme s’il n’était pas le seul dont il est prophétisé qu’il rend la justice aux saints et châtie les pécheurs, comme s’il n’y avait aucune prédiction sur le lieu de sa naissance, la PASSION qu’il endurerait des Juifs, sa résurrection, les miracles prodigieux qu’il accomplirait, il dit : ” Pourquoi serait-ce à toi plutôt qu’à une infinité d’autres nés depuis la prophétie que s’appliquerait ce qui est prophétisé ? ” Je ne sais pourquoi il veut attribuer à d’autres la possibilité de conjecturer qu’ils sont eux-mêmes l’objet de cette prophétie, et ajoute : ” Les uns, fanatiques, les autres, mendiants, déclarent venir d’en haut en qualité de Fils de Dieu “. Je n’ai pas appris que ce soit un fait reconnu chez les Juifs. Il faut donc répondre d’abord que bien des prophètes ont fait des prédictions de bien des manières chez les Juifs sur le Christ : les uns en énigmes, les autres par allégorie ou autres figures, et certains même littéralement. Il déclare ensuite dans le discours fictif du Juif aux croyants de son peuple : Les prophéties rapportées aux événements de sa vie peuvent aussi bien s’adapter à d’autres réalités, et il le dit avec une habileté malveillante ; j’en exposerai donc quelques-unes entre beaucoup d’autres ; et à leur sujet, qu’on veuille bien dire ce qui peut contraindre à les renverser et détourner de la foi les croyants à l’intelligence prompte. LIVRE I
Puisque cet homme, prétendant tout savoir de l’Écriture, reproche au Sauveur de n’avoir dans sa PASSION ni été secouru par son Père, ni pu se porter secours à lui-même, il faut établir que cette PASSION avait été prophétisée avec sa raison d’être : il était avantageux aux hommes qu’il mourût pour eux et subît les meurtrissures dues à sa condamnation. Il avait été prédit que même les peuples des Gentils, bien que les prophètes n’aient pas vécu chez eux, le reconnaîtraient, et annoncé qu’on le verrait offrir aux yeux des hommes une apparence misérable. Le passage est le suivant : « Voici que mon Serviteur sera plein d’intelligence, de grandeur et d’exaltation souveraine. Autant, à ta vue, la multitude sera stupéfaite, tellement ta forme sera sans gloire parmi les hommes et ta gloire leur sera inconnue, autant des multitudes de peuples t’admireront et des rois resteront bouche close : car ceux qui n’ont pas reçu de message à ton sujet te verront, ceux qui n’ont pas entendu d’annonce te connaîtront. Seigneur, qui a cru en nous entendant parler, et à qui le bras du Seigneur a-t-il été dévoilé ? Nous l’avions annoncé comme un enfant devant sa face, comme une racine en terre desséchée ; il était sans forme et sans éclat. Nous l’avons vu, et il n’avait ni forme ni beauté, mais sa forme était objet de mépris et rebut de l’humanité ; c’était un homme dans la calamité, sachant supporter la faiblesse, et parce qu’il avait détourné la face, méprisé et déconsidéré. C’est lui qui porte nos péchés et endure pour nous les douleurs, et nous, nous le considérions comme affligé, frappé, maltraité. Mais il a été blessé à cause de nos péchés, affaibli à cause de nos iniquités ; le châtiment qui nous rend la paix était sur lui, par ses meurtrissures, nous avons été guéris. Tous, nous errions comme des brebis, chaque homme dans sa voie particulière ; et le Seigneur l’a livré pour nos péchés, et lui, maltraité, n’ouvre pas la bouche. Comme un agneau conduit à l’abattoir, comme une brebis muette devant celui qui la tond, ainsi n’ouvre-t-il pas la bouche. Dans son humiliation, son jugement s’est élevé. Mais qui décrira sa génération ? Car sa vie est ôtée de la terre, par les iniquités de son peuple il a été conduit à la mort. » LIVRE I
Je me rappelle avoir un jour, dans un débat avec des hommes réputés savants chez les Juifs, cité ces prophéties. A quoi le Juif répliqua que ces prédictions visaient comme un individu l’ensemble du peuple, dispersé et frappé pour que beaucoup de prosélytes fussent gagnés à l’occasion de la dispersion des Juifs parmi les autres peuples. Ainsi interprétait-il les mots : « Ta forme sera méprisée par les hommes », « ceux qui n’avaient pas reçu de message sur lui verront », « homme dans la calamité ». J’amenais donc alors plusieurs arguments dans le débat, pour prouver qu’on n’a aucune raison d’appliquer à l’ensemble du peuple ces prophéties qui visent un seul individu. Je demandais à quel personnage attribuer la parole : « C’est lui qui porte nos péchés et endure pour nous les douleurs », « Il a été blessé à cause de nos péchés, affaibli à cause de nos iniquités » ; et à quel personnage attribuer la parole : « Par ses meurtrissures nous avons été guéris ». Ce sont manifestement des paroles de ceux qui ont vécu dans leurs péchés et ont été guéris par la PASSION du Sauveur, qu’ils fassent partie de ce peuple ou des Gentils : le prophète les avait prévues et les leur avait attribuées par l’action du Saint-Esprit. Mais j’ai paru élever la plus grande difficulté avec le texte : « Par les iniquités de mon peuple il a été conduit à la mort. » Car si l’objet de la prophétie, selon eux, est le peuple, comment dit-on qu’il est conduit à la mort « par les iniquités du peuple » de Dieu, s’il n’est autre que le peuple de Dieu ? Qui est-ce donc sinon Jésus-Christ par les meurtrissures de qui nous avons été guéris, nous qui croyons en lui, lorsqu’il a dépouillé les principautés et les puissances, faisant d’elles l’objet de la dérision publique sur la croix ? Mais développer chacun des points contenus dans la prophétie et n’en laisser aucun sans examen est pour une autre circonstance. Voilà des considérations assez longues, nécessitées, je pense, par le passage que j’ai cité du Juif de Celse. LIVRE I
Ensuite, cet homme qui, par son impiété et ses doctrines misérables, est, s’il m’est permis de dire, haï de Dieu, en vient à injurier Jésus : “Tout cela était d’un homme haï de Dieu et d’un misérable sorcier”. A vrai dire, si l’on examine strictement les mots et les faits, il est impossible qu’il y ait un homme « haï de Dieu », puisque Dieu « aime tous les êtres, et n’a de dégoût pour rien de ce qu’il a fait ; car, s’il avait haï quelque chose, il ne l’aurait pas formé ». Et si certains passages des prophètes ont des expressions de ce genre, ils seront interprétés d’après ce principe général que l’Écriture s’exprime, à propos de Dieu, comme s’il avait des PASSIONs humaines. Mais pourquoi répliquer à un homme qui, ayant promis des arguments dignes de foi, croit devoir user de blasphèmes et d’injures contre Jésus, le traitant de misérable et de sorcier ? C’est là l’oeuvre de quelqu’un qui, loin de démontrer par des preuves, est atteint d’une PASSION vulgaire et non philosophique : il aurait dû exposer le sujet, le soumettre à un examen loyal et présenter de son mieux les objections qui lui venaient à l’esprit. LIVRE I
Il était bien logique que ceux qui étaient envoyés aux circoncis ne s’écartent pas des coutumes juives, quand « ceux que l’on considérait comme des colonnes donnèrent en signe de communion la main » à Paul et à Barnabé, et partirent « eux vers les circoncis », afin que les autres aillent prêcher aux Gentils. Mais, que dis-je, ceux qui prêchent aux circoncis se retiraient des Gentils et se tenaient à l’écart ? Paul lui-même se fit « Juif pour gagner les Juifs ». C’est la raison pour laquelle, comme il est encore écrit dans les Actes des Apôtres, il présenta même une oblation à l’autel, afin de persuader les Juifs qu’il n’était point un apostat de la loi. Si Celse avait su tout cela, il n’aurait pas mis en scène un Juif qui dit aux croyants issus du judaïsme : “Quel malheur vous est donc survenu, mes compatriotes, que vous ayez abandonné la loi de nos pères, et que, séduits par celui avec qui je discutais tout à l’heure, vous ayez été bernés de la plus ridicule façon, et nous ayez désertés pour changer de nom et de genre de vie ?” Puisque j’en suis à parler de Pierre et de ceux qui ont enseigné le christianisme aux circoncis, je ne crois pas hors de propos de citer une déclaration de Jésus, tirée de l’Évangile selon Jean, et de l’expliquer. Voici donc ce qu’il dit d’après l’Écriture : « J’ai encore un grand nombre de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant. Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même, mais tout ce qu’il entendra, il le dira. » La question est de savoir quel était ce « grand nombre de choses » que Jésus avait à dire à ses disciples, mais qu’ils n’étaient pas encore en état de porter. Je réponds : parce que les apôtres étaient des Juifs, instruits de la loi de Moïse prise à la lettre, il avait peut-être à dire quelle était la loi véritable, de quelles « réalités célestes » le culte des Juifs était l’accomplissement « en figure et en image », quels étaient les « biens à venir » dont l’ombre était contenue dans la loi sur les aliments, les boissons, les fêtes, les nouvelles lunes et les sabbats. Voilà « le grand nombre de choses » qu’il avait à leur dire. Mais il voyait l’extrême difficulté d’arracher de l’âme des opinions pour ainsi dire congénitales et développées jusqu’à l’âge mûr, ayant laissé ceux qui les avaient reçues persuadés qu’elles étaient divines et qu’il était impie de les en dépouiller. Il voyait la difficulté de prouver, jusqu’à en persuader les auditeurs, qu’en comparaison de la suréminence de la « connaissance » selon le Christ, c’est-à-dire selon la vérité, elle n’étaient que « déchets » et « dommages ». Il remit donc cette tâche à une occasion plus favorable, après sa PASSION et sa résurrection. Et en effet, il était vraiment hors de propos d’apporter du secours à ceux qui n’étaient pas encore capables de le recevoir ; cela pouvait détruire l’impression, qu’ils avaient déjà reçue, que Jésus était le Christ, le Fils du Dieu vivant. Considère s’il n’y a pas un sens respectable à entendre ainsi le passage : « J’ai encore un grand nombre de choses à vous dire, mais vous ne pouvez pas les porter maintenant » : par un grand nombre de choses, il entendait la méthode d’explication et d’éclaircissement de la loi dans un sens spirituel ; et les disciples ne pouvaient en quelque sorte les porter, parce qu’ils étaient nés et avaient été jusqu’alors élevés parmi les Juifs. Et, je pense, c’est parce que les pratiques légales étaient une figure, et que la vérité était ce que le Saint-Esprit allait leur enseigner, qu’il a été dit : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité tout entière » ; comme s’il disait : vers la vérité intégrale des réalités dont, ne possédant que les figures, vous croyiez adorer Dieu de l’adoration véritable. Conformément à la promesse de Jésus, l’Esprit de vérité vint sur Pierre et lui dit, à propos des quadrupèdes et des reptiles de la terre et des oiseaux du ciel : « Debout, Pierre, immole et mange ! » Il vint à lui, bien qu’il fût encore imbu de superstition, car même à la voix divine il répond : « Oh ! non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur. » Et il lui enseigna la doctrine sur les aliments véritables et spirituels par ces mots : « Ce que Dieu a purifié, toi ne le dis pas souillé. » Et après cette vision, l’Esprit de vérité, conduisant Pierre « vers la vérité tout entière », lui dit « le grand nombre de choses » qu’il ne pouvait pas « porter » alors que Jésus lui était encore présent selon la chair. LIVRE II
Il ajoute cette remarque tout à fait sotte : “Les disciples ont écrit cela de Jésus pour affaiblir les charges qui pesaient sur lui. C’est comme si, pour dire qu’un homme est juste, on montrait qu’il a commis des injustices; pour dire qu’il est saint, on montrait qu’il tue; pour dire qu’il est immortel, on montrait qu’il est mort, ajoutant à tout cela qu’il l’avait prédit”. Son exemple est évidemment hors de propos : il n’y a rien d’absurde à ce que Celui qui allait être parmi les hommes l’idéal de la manière dont on doit vivre, ait entrepris de donner l’exemple de la manière dont on doit mourir pour la religion ; sans compter le bien qu’a tiré l’univers de sa mort pour les hommes, comme je l’ai montré dans le livre précédent. Il croit ensuite que l’aveu sans ambages de la PASSION, loin de la détruire, renforce l’accusation : il ignorait à son sujet toutes les réflexions philosophiques de Paul, et les prédictions des prophètes Et il lui a échappé qu’un des hérétiques a dit que Jésus a enduré ces souffrances en apparence, non en réalité. S’il l’avait connu, il n’aurait pas dit ” Car vous n’alléguez même pas qu’il semblait bien, aux yeux de ces impies, endurer ces souffrances, mais qu’il ne les endurait pas vraiment vous avouez bonnement qu’il souffrait “. Mais nous, nous ne substituons pas l’apparence a la réalité de sa souffrance, pour que sa résurrection non plus ne soit pas un mensonge, mais une réalité. Car celui qui est réellement mort, s’il ressuscite, ressuscite réellement, mais celui qui ne meurt qu’en apparence ne ressuscite pas réellement. LIVRE II
Après cela, il dit : ” S’il avait pris cette décision, et si c’est par obéissance à son Père qu’il a été puni, il est évident que, puisqu’il était Dieu et qu’il le voulait, les traitements spontanément voulus pouvaient ne lui causer ni douleurs ni peines “. Et il n’a même pas vu la contradiction où il s’empêtre ! Car s’il accorde que Jésus a été puni parce qu’il en avait pris la décision, et qu’il s’est livré par obéissance à son Père, il est clair que Jésus a été puni et qu’il lui était impossible d’éviter les douleurs que lui infligent les bourreaux ; car la douleur échappe au contrôle de la volonté. Si au contraire, puisqu’il le voulait, les traitements ne pouvaient lui causer ni douleurs ni peines, comment Celse a-t-il accordé qu’il a été puni ? C’est qu’il n’a pas vu que Jésus, ayant une fois pris un corps par sa naissance, il l’a pris exposé aux souffrances et aux peines qui arrivent aux corps, si par peine on entend ce qui échappe à la volonté. Donc, de même qu’il l’a voulu et qu’il a pris un corps dont la nature n’est pas du tout différente de la chair des hommes, ainsi avec ce corps il a pris les douleurs et les peines ; et il n’était pas maître de ne pas les éprouver, cela dépendait des hommes disposés à lui infliger ces douleurs et ces peines. J’ai déjà expliqué plus haut que s’il n’avait pas voulu tomber entre les mains des hommes, il ne serait pas venu. Mais il est venu parce qu’il le voulait pour la raison déjà expliquée : le bien que retirerait tout le genre humain de sa mort pour les hommes. Ensuite il veut prouver que ce qui lui arrivait lui causait douleurs et peines, et qu’il lui était impossible, l’eut-il voulu, d’empêcher qu’il en fût ainsi, et il dit : ” Pourquoi dès lors exhale-t-il des plaintes et des gémissements et fait-il, pour échapper à la crainte de la mort, cette sorte de prière : «Père, si ce calice pouvait s’éloigner»? ” En ce point encore, vois la déloyauté de Celse. Il refuse d’admettre la sincérité des évangélistes, qui auraient pu taire ce qui, dans la pensée de Celse, est motif d’accusation, mais ne l’ont pas fait pour bien des raisons que pourra donner opportunément l’exégèse de l’Évangile ; et il accuse le texte évangélique au moyen d’exagérations emphatiques et de citations controuvées. On n’y rencontre pas que Jésus exhale des gémissements. Il altère le texte original : « Père, s’il est possible, que ce calice s’éloigne. » Et il ne cite pas, au delà, la manifestation immédiate de sa piété envers son Père et de sa grandeur d’âme, qui est ensuite notée en ces termes : « Cependant non pas comme je veux, mais comme tu veux. » Et même la docilité de Jésus à la volonté de son Père dans les souffrances auxquelles il était condamné, manifestée dans la parole , « Si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que ta volonté soit faite » il affecte ne de pas l’avoir lue. Il partage l’attitude des impies qui entendent les divines Écritures avec perfidie et « profèrent des impiétés contre le ciel » Ces gens semblent bien avoir entendu l’expression « Je ferai mourir », et ils nous en font souvent un reproche , ils ne se souviennent plus de l’expression « Je ferai vivre » Mais le passage tout entier montre que ceux dont la vie est ouvertement mauvaise et la conduite vicieuse sont mis à mort par Dieu, mais qu’est introduite en eux une vie supérieure, celle que Dieu peut donner à ceux qui sont morts au péché. De même, ils ont entendu « Je frapperai », mais ils ne voient plus « C’est moi qui guérirai » expression semblable à celle d’un médecin qui a incisé des corps, leur a fait des blessures pénibles pour leur enlever ce qui nuit et fait obstacle à la santé, et qui ne se borne pas aux souffrances et à l’incision, mais rétablit par ce traitement les corps dans la santé qu’il avait en vue. De plus, ils n’ont pas entendu dans son entier la parole « Car il fait la blessure et puis il la bande », mais seulement « il fait la blessure ». C’est bien ainsi que le Juif de Celse cite « Père, si ce calice pouvait s’éloigner », mais non la suite, qui a prouve la préparation de Jésus a sa PASSION et sa fermeté Et c’est même là une matière offrant un vaste champ d’explication par la sagesse de Dieu, qu’on pourrait avec raison transmettre à ceux que Paul a nommes « parfaits » quand il dit « Pourtant c’est bien de sagesse que nous parlons parmi les parfaits » , mais, la remettant à une occasion favorable, je rappelle ce qui est utile à la question présente. Je disais donc déjà plus haut il y a certaines paroles de celui qui est en Jésus le premier-né de toute créature, comme « Je suis la voie, la vérité, la vie » et celles de même nature, et d’autres, de l’homme que l’esprit discerne en lui, telles que « Mais vous cherchez à me faire mourir, moi, un homme qui vous ai dit la vérité que j’ai entendue de mon Père » Dés lors, ici même, il exprime dans sa nature humaine et la faiblesse de la chair humaine et la promptitude de l’esprit la faiblesse, « Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi » , la promptitude de l’esprit, « cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux » De plus, s’il faut être attentif a l’ordre des paroles, observe qu’est d’abord mentionnée celle qui, pourrait-on dire, se rapporte a la faiblesse de la chair, et qui est unique , et ensuite, celles qui se rapportent à la promptitude de l’esprit, et qui sont multiples. Voici l’exemple unique « Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi ». Voici les exemples multiples « Cependant, non pas comme je veux, mais comme tu veux », et « Mon Père, si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que ta volonté soit faite » Il faut noter aussi qu’il n’a pas dit « Que ce calice s’éloigne de moi », mais que c’est cet ensemble qui a été dit pieusement et avec révérence : « Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi. » Je sais bien qu’il y a une interprétation du passage dans le sens que voici : Le Sauveur, à la vue des malheurs que souffriraient le peuple et Jérusalem en punition des actes que les Juifs ont osé commettre contre lui, voulut, uniquement par amour pour eux, écarter du peuple les maux qui le menaçaient, et dit : « Père, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi », comme pour dire : puisque je ne peux boire ce calice du châtiment sans que tout le peuple soit abandonné de toi, je te demande, s’il est possible, que ce calice passe loin de moi, afin que la part de ton héritage ne soit pas, pour ce qu’elle a osé contre moi, entièrement abandonné de toi. » Mais encore si, comme l’assure Celse, ce qui est arrivé en ce temps n’a causé à Jésus ni douleur, ni peine, comment ceux qui vinrent après auraient-ils pu proposer Jésus comme modèle de patience à supporter les persécutions religieuses, si au lieu d’éprouver des souffrances humaines il avait seulement semblé souffrir ? Le Juif de Celse s’adresse encore aux disciples de Jésus comme s’ils avaient inventé tout cela : ” En dépit de vos mensonges, vous n’avez pu dissimuler vos fictions d’une manière plausible.” A quoi la réplique sera : il y avait un moyen facile de dissimuler les faits de ce genre : n’en rien écrire du tout ! Car si elles n’étaient contenues dans les Evangiles, qui donc aurait pu nous faire un reproche des paroles que Jésus prononça au temps de l’Incarnation ? Celse n’a pas compris qu’il était impossible que les mêmes hommes, d’une part aient été dupes sur Jésus qu’ils croyaient Dieu et prédit par les prophètes, et de l’autre aient sur lui inventé des fictions qu’ils savaient évidemment n’être pas vraies ! Donc, ou bien ils ne les ont pas inventées, mais les croyaient telles et les ont écrites sans mentir , ou bien ils mentaient en les écrivant, ne les croyaient pas authentiques et n’étaient point dupés par l’idée qu’il était Dieu. LIVRE II
Mais le Juif, après avoir rapporté les histoires grecques de ces conteurs de merveilles et des soi-disant ressuscites des morts, dit aux Juifs qui croient en Jésus : «Pensez-vous que les aventures des autres soient des mythes en réalité comme en apparence, mais que vous auriez inventé à votre tragédie un dénouement noble et vraisemblable avec son cri sur la croix quand il rendit l’âme ? » Nous répondrons au Juif : les exemples que tu as cités, nous les tenons pour mythes, mais ceux des Écritures, qui nous sont communes avec vous et en égale vénération, nous nions absolument que ce soient des mythes. Voilà pourquoi nous croyons que ceux qui ont écrit sur les personnages autrefois ressuscites des morts n’usent pas de contes merveilleux ; nous croyons de même que Jésus est alors ressuscité tel qu’il l’a prédit et qu’il fut prophétisé. Mais voici en quoi sa résurrection des morts est plus miraculeuse que la leur : eux furent ressuscités par les prophètes Élie et Elisée ; Lui ne le fut par aucun des prophètes, mais par son Père qui est dans les cieux. Pour la même raison, sa résurrection a eu plus d’efficacité que la leur : car quel effet eut pour le monde la résurrection de petits enfants par Élie et Elisée, qui soit comparable à l’effet de la résurrection de Jésus prêchée et admise des croyants grâce à la puissance divine ? Il juge contes merveilleux le tremblement de terre et les ténèbres ; je les ai défendus plus haut de mon mieux en citant Phlégon qui a rapporté que ces faits survinrent au temps de la PASSION du Sauveur. Il ajoute, de Jésus : « Vivant, il ne s’est pas protégé lui-même ; mort, il ressuscita et montra les marques de son supplice, comment ses mains avaient été percées. » Je lui demande alors : que signifie « il s’est protégé lui-même » ? S’il s’agit de la vertu, je dirai qu’il s’est bel et bien protégé : sans dire ni faire quoi que ce fût d’immoral, mais vraiment « comme une brebis il a été conduit à l’abattoir, comme un agneau devant le tondeur il est resté muet », et l’Évangile atteste : « ainsi, il n’a pas ouvert la bouche ». Mais si l’expression « il s’est protégé » s’entend de choses indifférentes ou corporelles, je dis avoir prouvé par les Évangiles qu’il s’y est soumis de plein gré. Puis, après avoir rappelé les affirmations de l’Évangile : « ressuscité des morts, il montra les marques de son supplice, comment ses mains avaient été percées », il pose la question : « Qui a vu cela ? » et, s’en prenant au récit de Marie-Madeleine dont il est écrit qu’elle l’a vu, il répond : « Une exaltée, dites-vous ». Et parce qu’elle n’est pas la seule mentionnée comme témoin oculaire de Jésus ressuscité, et qu’il en est encore d’autres, le Juif de Celse dénature ce témoignage : « et peut-être quelque autre victime du même ensorcellement ». Ensuite, comme si le fait était possible, je veux dire qu’on puisse avoir une représentation imaginaire d’un mort comme s’il était en vie, il ajoute, en adepte d’Épicure, que « quelqu’un a eu un songe d’après une certaine disposition, ou, au gré de son désir dans sa croyance égarée, une représentation imaginaire » et a raconté cette histoire ; « chose, ajoute-t-il, arrivée déjà à bien d’autres ». Or c’est là, même s’il le juge très habilement dit, ce qui est propre néanmoins à confirmer une doctrine essentielle : l’âme des morts subsiste ; et pour qui admet cette doctrine, la foi en l’immortalité de l’âme ou du moins à sa permanence n’est pas sans fondement. Ainsi même Platon, dans son dialogue sur l’âme, dit qu’autour de tombeaux sont apparues à certains « des images semblables aux ombres », d’hommes qui venaient de mourir. Or ces images apparaissant autour des tombeaux des morts viennent d’une substance, l’âme qui subsiste dans ce qu’on appelle le « corps lumineux » Celse le rejette, mais veut bien que certains aient eu une vision en rêve et, au gré de leur désir, dans leur croyance égarée, une représentation imaginaire. Croire à 1’existence d’un tel songe n’est point absurde, mais celle d’une vision chez des gens qui ne sont pas absolument hors de sens, frénétiques ou mélancoliques, n’est pas plausible. Celse a prévu l’objection il parle d’une femme exaltée. Cela ne ressort pas du tout de l’histoire écrite d’où il tire son accusation Ainsi donc, après sa mort, Jésus, au dire de Celse, aurait provoqué une représentation imaginaire des blessures reçues sur la croix, sans exister réellement avec ces blessures. Mais suivant les enseignements de l’Evangile, dont Celse admet à sa guise certaines parties pour accuser, et rejette les autres, Jésus appela près de lui l’un des disciples qui ne croyait pas et jugeait le miracle impossible. Il avait bien donné son assentiment à celle qui assurait l’avoir vu, admettant la possibilité de voir apparaître l’âme d’un mort, mais il ne croyait pas encore vrai que le Christ fût ressuscite dans un corps résistant. D’où sa repartie « Si je ne vois, je ne croirai pas », puis ce qu’il ajoute « Si je ne mets ma main à la place des clous et ne touche son côté, je ne croirai pas. » Voilà ce que disait Thomas, jugeant qu’aux yeux sensibles pouvait apparaître le corps de l’âme « en tout pareil » a sa forme antérieure « par la taille, les beaux yeux, la voix », et souvent même « revêtu des mêmes vêtements » Mais Jésus l’appela près de lui « Avance ton doigt ici voici mes mains , avance ta main et mets-la dans mon côte , et ne sois plus incrédule, mais croyant » LIVRE II
Bien plus, que ce miracle supérieur a tous se soit produit était dans la logique de tout ce qui avait été prophétise de lui, cet événement y compris, et accompli par lui, et subi par lui. Car le prophète avait fait cette prédiction attribuée à Jésus « Ma chair reposera dans l’espérance tu n’abandonneras pas mon âme aux Enfers, tu ne laisseras pas ton saint voir la corruption » Et justement sa résurrection l’a mis dans un état intermédiaire entre l’épaisseur du corps avant la PASSION, et la condition ou une âme apparaît dépouillée d’un pareil corps. Aussi, lors de la réunion en un même lieu « de ses disciples et de Thomas avec eux, Jésus arrive, toutes portes closes, se place au milieu d’eux et dit. La paix soit avec vous ! Puis il dit a Thomas : “Avance ton doigt ici ” etc.. Et dans l’Évangile selon Luc, alors que Simon et Cléophas s’entretenaient l’un l’autre de tout ce qui venait de leur arriver, Jésus survint près d’eux, « et il fit route avec eux , mais leurs yeux étaient empêches de le reconnaître. Il leur dit quels sont ces propos que vous échangez en marchant ? ». Et lorsque « leurs yeux s’ouvrirent et qu’ils le reconnurent », alors, l’Écriture le dit en propres termes, « lui, il avait disparu à leurs regards ». En dépit donc du désir de Celse d’assimiler a d’autres fantômes et à d’autres visionnaires les apparitions de Jésus et ceux qui l’ont vu après la résurrection, tout examen judicieux et prudent des événements fera éclater la supériorité du miracle. LIVRE II
Apres quoi Celse, blâmant ce qui est écrit, fait une objection non négligeable. Si Jésus voulait réellement manifester sa puissance divine, il aurait dû apparaître à ses ennemis, au juge, bref a tout le monde. Il est vrai que selon l’Évangile, il nous semble qu’après la résurrection il n’est point apparu comme auparavant en public et à tout le monde. S’il est écrit dans les Actes que, « leur apparaissant pendant quarante jours », il annonçait à ses disciples le Règne de Dieu, dans les Evangiles, il n’est pas dit qu’il fût sans cesse avec eux une fois, huit jours aprés, toutes portes closes, « il parut au milieu d’eux », puis une autre fois, dans des conditions semblables. Paul de même, vers la fin de sa première Épître aux Corinthiens, insinuant que Jésus n’apparut point en public comme au temps précédant sa PASSION, écrit : « Je vous ai transmis d’abord ce que j’ai reçu moi-même : que le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures », qu’il est ressuscité, « qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la fois, dont la plupart vivent encore et quelques-uns sont endormis. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il m’est apparu à moi aussi, comme à l’avorton. » Qu’elles me paraissent grandes, admirables, sans proportion avec le mérite non seulement de la foule des croyants, mais encore de l’élite en progrès dans la doctrine, les vérités de ce que contient ce passage ! Elles pourraient montrer la raison pour laquelle, après sa résurrection d’entre les morts, il n’apparaît point comme auparavant. Mais, parmi les nombreuses considérations qu’exigé un traité écrit comme celui-ci contre le discours de Celse qui attaque les chrétiens et leur foi, vois si on peut en offrir quelques-unes de vraisemblables pour toucher ceux qui prêteront attention à notre défense. LIVRE II
Et ne t’étonne pas que les foules qui ont cru en Jésus n’aient pas toutes vu sa résurrection, puisque Paul écrit aux Corinthiens comme si la pluralité d’aspects dépassait leur capacité : « J’ai décidé de ne rien savoir parmi vous que Jésus-Christ, et Jésus-Christ crucifié. » Ou encore, de même sens : « Vous ne pouviez encore le supporter. Mais vous ne le pouvez pas davantage à présent, car vous êtes encore charnels. » Ainsi donc le Logos, qui fait toutes choses selon un discernement divin, a écrit que Jésus avant sa PASSION apparaissait sans restriction aux foules, quoiqu’il ne le fît pas sans cesse ; tandis qu’après sa PASSION il ne se manifestait plus de la même manière, mais avec un discernement qui donnait à chacun sa juste mesure. Et de même qu’il est écrit que « Dieu apparut à Abraham » ou à l’un des saints, que cette apparition n’avait pas lieu sans cesse mais par intervalles, et qu’il n’apparaissait point à tous, ainsi je pense que le Fils de Dieu mit à apparaître aux siens le même discernement que Dieu mit à apparaître à ceux-là. LIVRE II
L’interprétation qui consiste à remonter des événements rapportés par l’Écriture aux réalités dont ils étaient les figures demanderait une explication plus étendue et plus sublime si l’on exposait plus à propos ces matières dans un traité spécial. L’interprétation littérale s’expliquerait ainsi : une fois sa décision prise d’endurer la mise en croix, il se devait de subir les conséquences de son propos ; en sorte que, tué comme un homme, mort comme un homme, il fût de même enseveli comme un homme. Bien plus, à supposer qu’il fût écrit dans les Évangiles que du haut de la croix il avait soudain disparu, Celse et les incroyants blâmeraient le texte par des critiques de ce genre : pourquoi donc est-ce après sa croix qu’il a disparu, et qu’il ne l’a pas fait avant sa PASSION ? Si donc ils ont appris des Évangiles qu’il n’a pas disparu soudain du haut de la croix, et pensent faire grief à l’Écriture de n’avoir pas inventé comme ils l’auraient voulu cette disparition soudaine du haut de la croix mais de dire la vérité, n’est-il pas raisonnable de les croire aussi lorsqu’il disent qu’il est ressuscité et qu’à son gré, tantôt « toutes portes closes, il se tint au milieu » de ses disciples, tantôt, ayant donné du pain à deux de ses familiers, subitement il disparut de leurs regards, après leur avoir adressé quelques paroles ? LIVRE II
Mais pour quelle raison le Juif de Celse a-t-il dit que Jésus se cachait ? Car il dit de lui : Quel messager envoyé en mission se cacha-t-il jamais au lieu d’exposer l’objet de son mandat ? Non, il ne se cachait pas, puisqu’il dit à ceux qui cherchaient à le prendre : « Chaque jour j’étais dans le temple à enseigner librement, et vous n’osiez m’arrêter. » A la suite, où Celse ne fait que se répéter, j’ai déjà répondu une fois, je me bornerai donc à ce qui est déjà dit. Car plus haut se trouve écrite la réponse à l’objection : Est-ce que, de son vivant, alors que personne ne le croyait, il prêchait à tous sans mesure, et, quand il aurait affermi la foi par sa résurrection d’entre les morts, ne se laissa-t-il voir en cachette qu’à une seule femmelette et aux membres de sa confrérie ? Ce n’est pas vrai : il n’est pas apparu seulement à une femmelette, car il est écrit dans l’Évangile selon Matthieu : « Après le sabbat, dès l’aube du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie allèrent visiter le sépulcre. Alors il se fit un grand tremblement de terre : l’ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre. » Et peu après, Matthieu ajoute : « Et voici que Jésus vint à leur rencontre ? évidemment, les Marie déjà nommées ?, et il leur dit : « Je vous salue ». Elles s’approchèrent, embrassèrent ses pieds et se prosternèrent devant Lui. » On a également répondu à sa question : Est-ce donc que, durant son supplice, il a été vu de tous, mais après sa résurrection, d’un seul – en réfutant l’objection qu’il n’a pas été vu de tous. Ici j’ajouterai : ses caractères humains étaient visibles de tous ; ceux qui étaient proprement divins – je ne parle pas de ceux qui le mettaient en relation avec les autres êtres, mais de ceux qui l’en séparaient – n’étaient pas intelligibles à tous. De plus, note la contradiction flagrante où Celse s’empêtre. A peine a-t-il dit : « Il s’est laissé voir en cachette à une seule femmelette et aux membres de sa confrérie », qu’il ajoute : « durant son supplice, il a été vu de tous, après sa résurrection, d’un seul ; c’est le contraire qu’il aurait fallu. » Entendons ce qu’il veut dire par « durant son supplice il a été vu de tous, après sa résurrection, d’un seul ; c’est le contraire qu’il aurait fallu». A en juger par son expression, il voulait une chose impossible et absurde : que, durant son supplice, il soit vu d’un seul, après sa résurrection, de tous ! Ou comment expliquer : « c’est le contraire qu’il aurait fallu »? Jésus nous a enseigné qui l’avait envoyé, dans les paroles : « Personne n’a connu le Père si ce n’est le Fils », « Personne n’a jamais vu Dieu : mais le Fils unique, qui est Dieu, qui est dans le sein du Père, lui, l’a révélé» . C’est lui qui, traitant de Dieu, annonça à ses disciples véritables les caractéristiques de Dieu. Les indices qu’on en trouve dans les Écritures nous offrent des points de départ pour parler de Dieu : on apprend, ici, que « Dieu est lumière et il n’y a point en lui de ténèbres », là, que « Dieu est esprit, et ses adorateurs doivent l’adorer en esprit et en vérité ». De plus, les raisons pour lesquelles le Père l’a envoyé sont innombrables : on peut à son gré les apprendre soit des prophètes qui les ont annoncées d’avance, soit des évangélistes ; et on tirera bien des connaissances des apôtres, surtout de Paul. En outre, si Jésus donne sa lumière aux hommes pieux, il punira les pécheurs. Faute d’avoir vu cela, Celse écrit : Il illuminera les gens pieux et aura pitié des pécheurs ou plutôt de ceux qui se sont repentis. Après cela, il déclare : S’il voulait demeurer caché, pourquoi entendait-on la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu ? S’il ne voulait pas demeurer caché, pourquoi le supplice et pourquoi la mort ? Il pense par là montrer la contradiction entre ce qui est écrit de lui, sans voir que Jésus ne voulait ni que tous ses aspects fussent connus de tous, même du premier venu, ni que tout ce qui le concerne demeurât caché. En tout cas, la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me suis complu », au témoignage de l’Écriture, n’a pas été dite de façon à être entendue de la foule, comme l’a cru le Juif de Celse. De plus, la voix venant de la nuée, sur la haute montagne, a été entendue de ceux-là seuls qui avaient fait l’ascension avec lui ; car c’est le propre de la voix divine d’être entendue seulement de ceux à qui il « veut » faire entendre sa parole. Et je n’insiste pas sur le fait que la voix de Dieu, mentionnée dans l’Écriture, n’est certainement pas de l’air en vibration, ou un ébranlement d’air, ou tout autre définition des traites sur la voix : elle est donc entendue par une oreille supérieure et plus divine que l’oreille sensible Et comme Dieu qui parle ne veut pas que sa voix soit audible à tous, qui a des oreilles supérieures entend Dieu, mais qui est sourd des oreilles de l’âme est insensible à la parole de Dieu. Voilà pour répondre à la question : « Pourquoi entendait-on la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu ? » Et la suivante : « S’il ne voulait pas demeurer caché, pourquoi le supplice et pourquoi la mort ? » trouve une réponse suffisante dans ce qu’on a dit longuement de sa PASSION dans les pages précédentes. LIVRE II
Celse abomine la haine, celle, je pense, que nourrissait contre Jacob Ésaü, dont la méchanceté est reconnue par l’Écriture ; puis, sans citer clairement l’histoire de Siméon et de Lévi qui cherchèrent à venger leur soeur violée par le fils du roi de Sichem, il les accuse tous deux. Il parle des frères qui vendent : les fils de Jacob ; du frère qui est vendu : Joseph ; du père qui se laisse tromper : Jacob, qui n’eut aucun soupçon quand ses fils lui montrèrent « la tunique multicolore » de Joseph, mais les crut et « pleura », comme s’il était mort, Joseph devenu esclave en Egypte. Voilà bien la haine sans amour de la vérité avec laquelle Celse entasse les traits de l’histoire. Là où elle lui paraît contenir des motifs de blâme, il la cite ; mais là où elle prouve la mémorable chasteté de Joseph, refusant, malgré ses prières et ses menaces, de céder à la PASSION de celle qui était légalement sa maîtresse, il ne se souvient plus de l’histoire. De manière bien supérieure aux actions que l’on rapporte de Bellérophon, on voit, en effet, Joseph préférer la prison à la perte de sa chasteté : du moins, quand il eût pu se défendre et se justifier contre son accusatrice, sa magnanimité lui fit garder le silence et remettre sa cause à Dieu. LIVRE IV
Quand donc on parle de la colère de Dieu, il s’agit non d’une PASSION qu’il éprouve, mais d’un procédé qu’il adopte pour corriger par une méthode d’éducation plus sévère ceux qui ont commis de nombreux et graves péchés. Parler de la colère de Dieu et de sa fureur est un procédé pédagogique ; et telle est la pensée du Logos, clairement exprimée par le psaume sixième : « Seigneur ne me reprends point dans ta fureur, ne me corrige point dans ta colère », et dans Jérémie : « Corrige-nous Seigneur, mais selon ta justice et non dans ta fureur, pour ne pas trop nous réduire. » Mais, en lisant dans le second livre des Rois, que la colère de Dieu persuada David de dénombrer le peuple, et dans le premier des Paralipomènes que ce fut « le diable », et en comparant les expressions de l’un à l’autre, on verra ce que désigne « la colère » : cette colère dont tous les hommes sont enfants, au dire de Paul : « Nous étions par nature enfants de colère tout comme les autres. » Que la colère n’est point une PASSION de Dieu, et que chacun l’attire sur lui par les péchés qu’il commet, Paul le montrera dans ce passage : « Ou bien mépriseras-tu ses trésors de bonté, de patience, de longanimité, sans reconnaître que cette bonté de Dieu te pousse au repentir ? Par ton endurcissement et l’impénitence de ton coeur, tu amasses contre toi un trésor de colère pour le jour de colère où doit se révéler le juste jugement de Dieu. » Comment donc chacun peut-il amasser contre lui-même un trésor de colère pour le jour de colère, si la colère est considérée comme une PASSION ? Et comment la PASSION de colère peut-elle être un moyen d’éducation? De plus, le Logos nous enseigne à ne pas du tout nous mettre en colère, et déclare dans le psaume trente-sixième : « Laisse la colère, abandonne la fureur », et dit chez Paul : « Vous aussi rejetez tout cela : colère, fureur, méchanceté, diffamation, vilains propos. » Elle ne saurait donc avoir attribué à Dieu lui-même la PASSION dont elle nous demande l’abandon total. Il est bien clair que les expressions sur la colère de Dieu sont à prendre au sens figuré, à en juger par ce qui est écrit de son sommeil : comme s’il voulait l’éveiller, le prophète dit : « Lève-toi, pourquoi dors-tu, Seigneur ? » et ajoute : « Le Seigneur s’éveilla comme un dormeur, comme un guerrier terrassé par le vin. » Si donc le mot sommeil a une autre signification que le sens usuel du terme, pourquoi ne pas entendre aussi la colère de la même manière ? LIVRE IV
De plus, si les Juifs s’enorgueillissent de s’abstenir des porcs, ce n’est pas qu’il y ait là un grand mérite, mais c’est qu’ils ont appris la différence naturelle entre animaux purs et impurs, qu’ils en savent la raison, et que le porc se trouve parmi les animaux impurs. Gela n’était que figures d’autres réalités avant l’arrivée de Jésus ; après elle, son disciple ne comprenait pas encore la raison de ces interdits et objectait : « Jamais je n’ai rien mangé de souillé ni d’impur » ; il entendit la parole : « Ce que Dieu a déclaré pur, ne va pas le dire souillé. » Il n’importe donc ni aux Juifs ni à nous-mêmes que les prêtres d’Egypte s’abstiennent non seulement des porcs, mais en outre des chèvres, des brebis, des b?ufs et des poissons. Comme « ce n’est pas ce qui entre dans la bouche qui souille l’homme » et que « ce n’est pas un aliment qui nous recommandera auprès de Dieu », nous ne nous glorifions pas de nos abstinences, mais nous n’allons pas non plus manger par gloutonnerie. Aussi, en ce qui nous concerne, nous disons bonne chance aux disciples de Pythagore qui s’abstiennent des êtres vivants. Mais il faut voir la différence du motif pour lequel s’abstiennent des êtres vivants les disciples de Pythagore et nos ascètes. Eux pratiquent cette abstinence des êtres vivants à cause du mythe de la métensomatose de l’âme. Et qui donc « serait assez fou pour élever vers le ciel son fils bien-aimé et l’immoler avec imprécation ? » Mais nous, par cette même pratique nous châtions notre corps et le réduisons en servitude ; nous voulons mortifier « nos membres terrestres : fornication, impureté, impudicité, PASSION, mauvais désir » ; nous faisons tout pour mortifier « les oeuvres de notre corps ». LIVRE V
On distinguera de la même manière l’assertion : Il n’éprouve rien de ce que les noms expriment. Et il est vrai aussi que Dieu est exempt de toute PASSION. En voilà assez sur ce point. LIVRE VI
Quant à Celse et aux ennemis du divin Logos qui n’examinent pas les enseignements du christianisme avec l’amour de la vérité, d’où pourraient-ils savoir la signification des différentes formes de Jésus ? Et j’ajoute même : la signification des différents âges de sa vie, et tout ce qu’il a pu faire soit avant sa PASSION, soit après sa résurrection des morts. LIVRE VI
Il nous a demandé plus haut pourquoi nous refusons le culte des démons. Et à ses remarques sur les démons j’ai donné une réponse qui me paraît conforme à la volonté du divin Logos. Puis dans son désir de nous voir rendre un culte aux démons, il nous prête cette réponse à sa question : Il est impossible que le même homme serve plusieurs maîtres. C’est là, pour lui, un cri de révolte de gens qui se retranchent en eux-mêmes et rompent avec le reste du genre humain. Parler ainsi, croit-il, c’est projeter autant qu’il dépend de soi sa PASSION en Dieu. Voilà pourquoi, d’après lui, on peut admettre que le serviteur d’un maître ne puisse raisonnablement en servir un autre, car le premier subirait un tort du service rendu à l’autre : qui s’est engagé envers quelqu’un n’a pas le droit de s’engager envers un autre, car il lui ferait tort. On a raison de ne pas servir en même temps différents héros et démons de ce genre. Mais quand il s’agit de Dieu qui ne peut subir de tort ni de chagrin, il est absurde, juge-t-il, d’éviter de rendre un culte à plusieurs dieux comme s’il s’agissait d’hommes, de héros ou de démons de ce genre. Rendre un culte à plusieurs dieux, dit-il, c’est rendre un culte à l’un de ceux qui appartiennent au grand Dieu et, par là même, lui être agréable. Il n’est pas permis, ajoute-t-il, d’honorer celui à qui Dieu n’a pas donné ce privilège. Par conséquent, dit-il, l’honneur et l’adoration rendus à tous ceux qui appartiennent à Dieu ne peuvent le chagriner, puisqu’ils sont tous à lui. LIVRE VIII
De plus, si nous refusons de servir un autre que Dieu par son Logos et sa Vérité, ce n’est point parce que Dieu subirait un tort comme paraît en subir l’homme dont le serviteur sert encore un autre maître. C’est pour ne pas subir de tort nous-mêmes en nous séparant de la part d’héritage du Dieu suprême, où nous menons une vie qui participe à sa propre béatitude par un exceptionnel esprit d’adoption. Grâce à sa présence en eux, les fils du Père céleste prononcent dans le secret, non en paroles mais en réalité, ce cri sublime : « Abba, Père ! » Sans doute, les ambassadeurs de Lacédémone refusèrent d’adorer le roi de Perse, malgré la vive pression des gardes, par révérence pour leur unique seigneur, la loi de Lycurgue. Mais ceux qui s’acquittent pour le Christ d’une ambassade bien plus noble et plus divine refuseraient d’adorer aucun prince de Perse, de Grèce, d’Egypte ou de toute autre nation, malgré la volonté qu’ont les démons, satellites de ces princes et messagers du diable, de les contraindre à le faire et de les persuader de renoncer à Celui qui est supérieur à toutes les lois terrestres. Car le Seigneur de ceux qui sont en ambassade pour le Christ, c’est le Christ dont ils sont les ambassadeurs, le Logos qui est « au commencement », qui est près de Dieu, qui est Dieu. Celse a cru bon ensuite d’avancer, parmi les opinions qu’il fait siennes, une doctrine très profonde sur les héros et certains démons. Ayant remarqué, à propos des relations de service entre les hommes, que ce serait infliger un tort au premier maître qu’on veut servir que de consentir à en servir un second, il ajoute qu’il en irait de même pour les héros et les démons de ce genre. Il faut lui demander ce qu’il entend par les héros et quelle nature il attribue aux démons de ce genre, pour que le serviteur d’un héros déterminé doive éviter d’en servir un autre, et celui d’un de ces démons, d’en servir encore un autre : comme si le premier démon subissait un tort comme font les hommes quand on passe de leur service à celui d’autres maîtres. Qu’il établisse en outre le tort qu’il juge ainsi causé aux héros et aux démons de ce genre ! Il lui faudra alors répéter son propos en tombant dans un océan de niaiseries et réfuter ce qu’on a dit ou, s’il se refuse aux niaiseries, avouer ne connaître ni les héros, ni la nature des démons. Et quand il dit des hommes que les premiers subissent un tort du service rendu à un second, il faut demander comment il définit le tort subi par le premier quand son serviteur consent à en servir un autre. En effet, s’il entendait par là, comme un homme vulgaire et sans philosophie, un tort concernant les biens que nous appelons extérieurs, on le convaincrait de méconnaître la belle parole de Socrate : « Anytos et Mélètos peuvent me faire mourir, mais non me faire du tort ; car il n’est point permis que le supérieur subisse un tort de la part de l’inférieur. » S’il définit ce tort par une motion ou un état concernant le vice, il est évident, puisqu’aucun tort de ce genre n’existe pour les sages, qu’on peut servir deux sages vivant en des lieux séparés. Et quand ce raisonnement ne serait pas plausible, c’est en vain qu’il argue de cet exemple pour critiquer la parole : « Nul ne peut servir deux maîtres » : et elle n’aura que plus de force si on l’applique au service du Dieu de l’univers par son Fils qui nous conduit à Dieu. De plus, nous ne rendons pas un culte à Dieu dans la pensée qu’il a en besoin et qu’il se chagrinerait qu’on ne le lui rende pas, mais pour l’avantage que nous retirons de ce culte rendu à Dieu, étant libérés de chagrin et de PASSION en servant Dieu par son Fils unique Logos et Sagesse. LIVRE VIII
Voilà donc ce qui est arrivé de nouveau depuis la PASSION de Jésus : je veux dire la destinée de cette cité et de toute la nation juive, et la naissance soudaine de la race des chrétiens qui paraît avoir été mise au monde tout d’un coup. Ce qui est encore nouveau, c’est que des gens étrangers aux alliances de Dieu et exclus des promesses, éloignés de la vérité l’aient acceptée par un miracle divin. Ce ne fut pas l’oeuvre d’un sorcier, mais celle de Dieu qui pour porter son message a envoyé son Logos en Jésus. On l’a si cruellement torturé que cette cruauté doit être imputée à ceux qui l’ont injustement torturé, et il l’a supportée avec un courage extrême et une douceur totale. Mais sa PASSION, loin de faire périr le message de Dieu, a au contraire, s’il faut le dire, concouru à le faire connaître, comme Jésus lui-même l’avait enseigné : « Si le grain de blé ne tombe en terre et ne meurt, il reste seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruit. » Donc, par sa mort, le grain de blé que fut Jésus a porté beaucoup de fruit, et le Père exerce une providence continuelle envers ceux qui ont été, sont encore et seront les fruits produits par la mort de ce grain de blé. Le Père de Jésus est donc un père juste : il n’a point épargné son propre Fils, mais il l’a livré pour nous tous comme son agneau, afin que l’Agneau de Dieu, en mourant pour le salut de tous, ôtât le péché du monde. Aussi n’est-ce pas contraint par le Père, mais de lui-même qu’il a enduré les supplices que lui infligeaient les persécuteurs. LIVRE VIII
Je trouve que dans son ” Art de guérir les PASSIONs ” Chrysippe procède avec plus d’humanité que Celse. Il veut guérir les PASSIONs qui oppriment et troublent l’âme humaine, principalement par les doctrines qu’il juge saines, mais aussi, en second et troisième lieu, par les doctrines étrangères à ses maximes. « A supposer qu’il y ait trois espèces de biens, dit-il, même alors il faut soigner les PASSIONs. Ce n’est pas au moment de leur paroxysme qu’on insiste sur la doctrine occupant l’esprit de ceux qui en sont troublés. On risquerait en s’attardant hors de propos à réfuter les doctrines qui avaient pris possession de l’âme, de laisser passer la guérison qui est encore possible. » Et il ajoute : « A supposer que le plaisir soit le Souverain Bien et que telle fût la pensée de celui qui se laisse dominer par la PASSION, il faudrait néanmoins le secourir et lui montrer que, même quand on admet le plaisir comme le Souverain Bien et la Fin, toute PASSION est condamnable. » LIVRE VIII