4, 12. Entre ces deux convoitises la volonté tient un milieu qui est pire. Ni les turpitudes du vice n’ont pour elle d’attraits, ni elle ne consent aux souffrances de la vertu. Elle cherche à s’abstenir des passions de la chair, mais elle se refuse à soutenir les douleurs sans lesquelles, les désirs de l’esprit ne se peuvent accomplir; aspirant à posséder la chasteté de corps sans châtier la chair, à obtenir la pureté de cœur sans la fatigue des veilles, à être riche de vertus tout en jouissant du repos ; curieuse de posséder la grâce de la patience, mais sans goûter l’âpre injure, de pratiquer l’humilité du Christ, mais sans perdre l’honneur du monde; prête à embrasser la simplicité de la religion, à la condition de garder les prétentions du siècle, à servir le Christ, pourvu qu’elle ait en même temps l’applaudissement et la faveur des hommes ; désireuse de confesser la vérité dans son austère intégrité, mais sans causer à personne le moindre déplaisir ; empressée à gagner les biens futurs, mais sans laisser échapper les biens présents. Une telle volonté ne nous ferait jamais parvenir à la perfection véritable ; elle nous induirait, au contraire, au pire état de tiédeur… Dans cette lutte des deux concupiscences, l’une supposant à l’autre tour à tour, la volonté de l’âme, qui répugne à s’abandonner complètement aux désirs de la chair et ne consent pas non plus aux labeurs que réclame la vertu, se voit soumise à un juste tempérament. la lutte des deux influences rivales annihile cette volonté de l’âme en ce qu’elle a de pernicieux, et établit en nous comme une balance, où, le corps et l’esprit étant maintenus exactement dans la limite de leurs droits, ni les ardeurs intempérantes de l’esprit à droite, ni les tentations de la chair à gauche ne peuvent faire pencher le plateau en leur faveur. Puis, cette guerre intestine, dont nous sommes tous les jours le théâtre, a cet effet salutaire de nous amener de force à la quatrième chose que nous disions, c’est-à-dire à faire ce que nous ne voulons pas : à acquérir la pureté de cœur, non point dans le repos et la tranquillité, mais par l’effort continu et la contrition de l’esprit ; à garder la chasteté du corps par des jeûnes sévères, dans la faim et la soif, dans la vigilance ; à donner à notre cœur sa direction vers Dieu par la lecture, les veilles, la prière ininterrompue et la solitude effrayante du désert; à conserver la patience par le support des tribulations ; à servir notre créateur parmi les épreuves et rassasiés d’opprobres; à confesser la vérité, quitte à encourir, s’il est nécessaire, la jalousie du monde et ses inimitiés.