Olivier Boulnois: representação na Idade Média

[…] Le Moyen Age explique la repraesentatio par ses équivalents : stare pro (tenir lieu de) — les signes tiennent lieu des choses qui les causent et auxquelles ils renvoient; supponere pro (supposer pour) — dans une proposition, les termes tiennent lieu de la chose à laquelle ils se réfèrent; similitudo, species, imago (être une ressemblance, une image) — l’espèce sensible, le phantasme, le concept représentent l’objet auquel ils ressemblent; supplere vicem (jouer le rôle de) — la connaissance abstractive tient lieu de l’objet1. II faut donc s’interroger sur le Statut logique, optique et noétique de la représentation, correspondam aux fonctions du signe, de l’image sensible (espèce ou phantasme), du concept. Tenir lieu de, être l’image de, ressembler à, concevoir, ce sont divers régimes qu’il faudra étudier pour eux-mêmes. Il faudra ensuite réarticuler l’un sur l’autre ces termes, et se demander comment la représentation de l’être se constitue successivement en une sémantique, une eidétique et une noétique. Dans une théorie où les concepts sont eux-mêmes des signes, où ils ont aussi pour contenu l’espèce sensible, ces trois dimensions forment un système cohérent. Mais il faut examiner sa genèse. Quelle forme de concentration a permis de faire reposer la signification, la connaissance et la pensée sur le seul concept de représentation ? Et qu’est-ce qui a changé dans la notion de représentation pour qu’il soit possible de représenter toutes choses de manière unique ? Rechercher l’origine d’une métaphysique de la représentation, ce n’est pas faire l’histoire du concept de représentation, mais la généalogie d’une nouvelle structure, la pensée de l’être par représentation.

Elle reçoit une nouvelle formulation dans la tradition qui va de Roger Bacon à Duns Scot, identifiée souvent à l’école franciscaine anglaise du XIII-XIVe siècle. J’espère montrer que cette appellation est trop restrictive, car la problématique plonge ses racines plus loin dans le sol augustinien et avicennien, et déborde cette école, puisqu’on en trouve des éléments importants chez Thomas d’Aquin ou Henri de Gand. — Une fois ces distinctions faites, il sera possible de mesurer les mutations de la métaphysique qui en découlent. Celle-ci reçoit son Statut moderne de Science grâce au concept d’être, qui permet chez Henri de Gand de saisir toutes choses en un seul acte de pensée, et remplace chez Duns Scot l’analogie de l’être en fondant son univocité : l’unité de la métaphysique repose sur une unité noétique. Il faut alors rechercher ce qui donne la priorité au concept, unité engendrée par l’intellect, ayant le pouvoir de représenter, dans son identité stable, tous ses signifiés.

[BOULNOIS, O. Être et représentation: une généalogie de la métaphysique moderne à l’époque de Duns Scot, XIIIe-XIVe siècle. Paris: PUF, 1999.]


  1. Le recueil Der Begriff der Repraesentatio…, éd. A. Zimmermann (1971), aborde ces différents sens, mais sans les unifier ni les orienter vers la question métaphysique. A ma connaissance, seul l’article de T.-D. Humbrecht (1998), distinguant douze sens du terme (357-358), s’interroge sur l’unité de cette pluralité; il conclut justement:« La notion de représentation, par sa plasticité même, par son emploi constamment analogique, par sa mise en perspective avec d’autres notions, mais aussi par sa capacité d’englober les divers niveaux du problème, s’avère […] précieuse doctrinalement» (386).