Erôs et Agapè. La notion chrétienne de l’amour et ses transformations. Anders Nygren. Aubier, 1944
CHAPITRE PREMIER – L’Agapè.
I – L’ « Agapè » et la communion avec Dieu.
1. — Choix d’un point de départ permettant de définir l’idée d’agapé.
versão francesa
On a compris, depuis longtemps, que l’idée d’agapè exprime ce qu’il y a de spécifiquement nouveau dans le christianisme. Pour préciser ce qui constitue cet élément original, on a cité la loi d’amour : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur » ; « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » On a cru trouver dans ces deux commandements un point de départ naturel pour expliquer l’amour chrétien.
Il faut dire, au contraire, que partir de la loi d’amour, c’est-à-dire de l’agapè en tant que chose commandée, c’est s’interdire de comprendre l’idée chrétienne de l’amour. On aurait dû voir ce qu’il y a là d’erroné, en observant que la loi d’amour, dans ses deux parties, se trouve textuellement dans l’Ancien Testament, qu’elle ne constitue pas, dans les Evangiles, un élément nouveau et qu’elle n’y figure que comme une citation tirée de l’ancien Testament. Il est également erroné de considérer comme l’œuvre propre du christianisme le rapprochement de ces commandements qui sont séparés dans l’Ancien Testament. Les premiers chrétiens n’avaient pas conscience de opposer, en quoi que ce soit, au judaïsme sur ce point. Dans l’Evangile de Luc, c’est précisément un docteur de la Loi, c’est-à-dire un représentant de la religion de l’Ancien Testament, qui opère ce rapprochement (Luc, 10, 25 et ss.). Et si, d’après le récit de Marc, c’est Jésus qui l’opère lui-même, cela ne change en rien les choses. Il le fait, en citant l’Ancien Testament et à la vive approbation d’un docteur de la Loi (Marc, 12, 28 et ss.). On peut montrer, avec une certaine raison, que, dans l’Ancien Testament, le commandement d’aimer se trouve placé à côté d’une série d’autres prescriptions et qu’il doit au christianisme sa place dominante en tant que synthèse des exigences de la Loi. Le légalisme et le formalisme ont, sans doute, fortement marqué la période postérieure du judaïsme, mais celui-ci a toujours eu tendance à placer l’amour au centre de la morale et de la religion. Le commandement d’aimer n’est pas, simplement, l’une des nombreuses prescriptions légales. Chez Osée déjà, l’amour est au centre des exigences de la Loi. Dieu prend « plaisir à l’amour et non au sacrifice (Osée, 6, 6). L’amour éprouvé pour Dieu est, parfois, si fortement accentué, qu’à côté de la « crainte du Seigneur » il peut contribuer à déterminer la véritable attitude de l’homme en face de Dieu. Le judaïsme tend donc, d’une façon précise, à faire du commandement d’aimer, dans cette acception, le « commandement principal de la Loi ». Aussi bien ne peut-on accéder, par cette voie, à ce qu’il y a de spécifiquement nouveau et d’original dans le christianisme.
Pour pouvoir affirmer que le commandement d’aimer est spécifiquement chrétien — ce qui est hors de douter — il faudrait voir clairement que la raison n’en est pas dans le commandement lui-même, mais dans le sens tout nouveau qu’il a reçu du christianisme; et que l’amour exigé est loin d’avoir la même signification dans le christianisme et dans le judaïsme. Faire appel au commandement d’aimer pour expliquer l’idée chrétienne d’agapè, c’est tourner dans un cercle vicieux. Jamais on ne pourrait expliquer ce qu’est l’amour au sens chrétien, l’agapè, si’ l’on n’avait à sa disposition que les deux textes : « Tu aimeras le Seigneur, ton Dieu, de tout ton cœur » et « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». En effet, au lieu d’expliquer l’idée d’agapè par la loi d’amour, c’est en saisissant l’originalité de l’agapè chrétienne que nous comprendrons le commandement d’aimer au sens chrétien. Il faut donc chercher un autre point de départ.
L’une des différences les plus frappantes qui existent entre le commandement d’aimer au sens de l’Ancien Testament et au sens chrétien, réside dans la portée universelle qu’il prend dans le christianisme. Dans le judaïsme, l’amour est exclusif et particulariste. Il a pour objet le « prochain », dans l’acception primitive et restreinte du terme. Il « ne s’adresse qu’au prochain » et non aux autres. Les limites de ce qu’embrasse la notion de « prochain » et, par conséquent, celle de l’amour, peuvent varier considérablement. Elles peuvent comprendre les proches et ceux qui font partie du même peuple. Selon cette dernière interprétation, les deux commandements concordent exactement. L’amour éprouvé pour Dieu correspond à l’amour du prochain, entendu comme l’amour du peuple choisi par Dieu, du « peuple élu pour appartenir à Dieu ». Cet amour peut également s’élargir et comprendre les étrangers qui vivent sur le territoire” du peuple élu. Quoiqu’il en soit, il conserve toujours ses limites. L’amour chrétien, au contraire, brise toutes ces frontières; il est universel et s’adresse à tous. « Ici, il n’y a ni Juif, ni Grec, ni esclave, ni maître, ni homme, ni femme » (Gai., 3, 28). Partant de cette affirmation, on a souvent voulu interpréter l’idée chrétienne de l’amour par la tendance cosmopolite et individualiste si répandue dans le monde antique; cette tendance se manifestait, avant tout, dans des milieux influencés par le stoïcisme et faisait tomber les barrières nationales et sociales devant les idées rationnelles et morales d’humanité et de cosmopolitisme. Pour les raisons que nous allons indiquer, on ne peut utiliser ce point de départ pour expliquer ce qu’est l’amour chrétien, car il ne nous permet pas de dégager un seul trait essentiel de la conception chrétienne de l’amour. En effet, l’universalisme n’est pas, en définitive, le caractère décisif du christianisme et, dans celui-ci, il a d’autres causes que dans le stoïcisme, par exemple.
Ce n’est pas une moindre erreur que d’essayer de donner une origine sociale à la transmutation des valeurs morales, qui se produit dans le christianisme. Troeltsch le constate avec raison : « Pour comprendre la tendance foncière du christianisme dans ses rapports avec les problèmes sociaux, il est essentiel de savoir que la prédication de Jésus et la formation d’une communauté religieuse nouvelle ne résultent pas d’un mouvement social. Elles ne sont pas issues d’une lutte de classes, elles ne visent pas à en provoquer et ne se rattachent nullement aux bouleversements sociaux de la société antique ».
Dans cet ordre d’idées, rappelons la tentative que fit Nietzsche pour expliquer l’amour chrétien comme un ressentiment né de la haine juive. « Du tronc de cet arbre de vengeance et de haine, de haine juive…, de la haine la plus profonde et la plus sublime, celle qui forge des idéaux et transmute des valeurs, — haine telle qu’il n’y en eût jamais de semblable sur terre…, naquit quelque chose d’incomparable, un amour nouveau, le plus profond et le plus sublime amour… Ce Jésus de Nazareth, personnification de l’Evangile d’amour, ce « Sauveur » apportant la victoire et la félicité aux pauvres, aux malades et aux pêcheurs — n’était-il pas la séduction sous sa forme la plus sinistre et la plus irrésistible, la séduction et le biais qui mènent précisément à ces valeurs et à ces nouvelles formes d’idéal juives ? ». Nietzsche a vu, avec raison, que l’amour chrétien entraîne une transmutation de toutes les valeurs antiques qu’il estimait par dessus tout. Mais le fait qu’il en a situé, arbitrairement, le point de départ dans l’idée d’un ressentiment, l’a empêché de reconnaître l’originalité de l’amour chrétien et l’a amené à confondre “cet amour avec l’altruisme vulgaire. D’après une conception analogue, l’amour chrétien serait, tout uniment, la négation de l’idée de justice distributive. Plusieurs raisons militent en faveur de cette interprétation. L’un des caractères les plus” frappants de l’amour chrétien est d’apparaître comme la transmutation de toutes les valeurs admises jusque là. Il a, par rapport à elles, une valeur critique. Il en est ainsi, par exemple, dans les oppositions bien tranchées du Sermon sur la montagne. Si l’on s’en tient à cette forme antithétique, on est tenté de penser que la communauté chrétienne se sentait naturellement opposée au judaïsme régnant et que cette opposition caractérisait également son attitude morale. Ce que le judaïsme affirmait, le christianisme le niait. Alors que les Juifs appliquaient à la lettre le principe de la justice distributive : « Œil pour œil, dent pour dent », le commandement chrétien était : « Vous ne résisterez pas au mal. » (Matth., 5, 38 et ss.) Tandis que les Juifs ! interprétaient le commandement d’aimer en disant : « Tu aimeras ton prochain et haïras ton ennemi », le christianisme commandait : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. » (Matth., 5, 43.) En somme, l’amour chrétien serait déterminé par le fait qu’il s’adresse aux ennemis.
On pourrait croire que cette conception est à l’opposé de celle de Nietzsche. Celui-ci considère l’amour chrétien comme lié d’une façon constante au judaïsme. On voit clairement, au contraire, qu’ils sont en opposition. Et pourtant, au point de vue objectif, ces deux conceptions tendent à coïncider. Dans les deux cas, l’amour est dépourvu d’autonomie; il n’est que le côté négatif de l’idée d’ennemi. Et voilà précisément l’erreur fondamentale de toutes les conceptions que nous avons citées. Leurs auteurs n’ont pas vu que l’amour chrétien repose sur un fondement positif bien déterminé. Quel est-il? Le passage cité plus haut, touchant l’amour des ennemis, nous l’indique; car, bien qu’il paraisse constituer l’un des meilleurs arguments en faveur de la théorie de la négation, il renferme, en réalité, sa complète réfutation. L’amour des ennemis s’oppose à notre sentiment naturel et inné et pourrait, par conséquent, revêtir le caractère négatif indiqué plus haut. Or, si on en examine le mobile, il apparaît comme entièrement positif. Ce n’est pas parce que l’adversaire érige en règle : « Tu haïras ton ennemi », que le christianisme commande : « Aimez vos ennemis. » Ce commandement se fonde, au contraire, sur un état de fait positif, sur les rapports de Dieu et des méchants. Dieu fait lever son soleil sur eux comme sur les bons. Donc : « Aimez vos ennemis…, afin que vous soyez fils de votre Père céleste. » (Matth., 5, 44 et ss.)
Ce n’est pas par hasard que nous découvrons une relation aussi étroite entre l’amour chrétien et les rapports de l’homme avec Dieu, entre l’agapè et la communion avec Dieu. La morale chrétienne est une morale essentiellement religieuse. Et cela, non seulement au sens extérieur et formel, à savoir que les commandements moraux procèdent de la volonté divine et que la Toute-Puissance divine avec ses sanctions — châtiments et récompenses — garantit le maintien de l’ordre moral. S’il s’établit par là une certaine relation entre la morale et la religion, celles-ci peuvent demeurer, intérieurement, presque complètement indépendantes l’une de l’autre. Le contenu des commandements moraux n’est pas forcément lié à la religion. L’éthique chrétienne est d’autant plus religieuse que le contenu de la vie morale reçoit son caractère d’un rapport religieux, de la communion avec Dieu. Si donc nous cherchons le point d’où il faut partir pour comprendre le sens de l’idée d’agapè, nous l’apercevons sans erreur possible. C’est la communion chrétienne avec Dieu qui donne à l’idée d’agapè son caractère propre. Il faut donc préciser ce qui constitue l’originalité de cette communion.
versão inglesa
It has long been recognised that the idea of Agape represents a distinctive and original feature of Christianity. But in what precisely does its originality and distinctiveness consist?
This question has often been answered by reference to the Commandment of Love. The double commandment, “ Thou shah love the Lord thy God with all thy heart ” and “ Thou shah love thy neighbour as thyself ”, has been taken as the natural starting-point for the exposition of the meaning of Christian love, Yet the fact is that if we start with the commandment, with Agape as something demanded, we bar our own way to the understanding of the idea of Agape. The error of this procedure should have been evident from the fact that both parts of the Commandment of Love—both the commandment of love for God and that of love for one’s neighbour—occur in the Old Testament, and are introduced in the Gospels, not as something new, but as quotations from the Old Testament.
It is equally an error to regard the combination of the two commandments, which in the Old Testament occur separately, as the specific achievement of Christianity. The earliest Christians, at all events, were not conscious of any difference from Judaism on this point. That is clear from the fact that in Luke it is a lawyer, a representative of Old Testament religion, who combines the commandments (Luke x. 25 ff.); and if in Mark it is Jesus Himself who combines them, He does so with a direct reference to the Old Testament, while a scribe is represented as heartily agreeing with Him (Mark xii. 25 ff).
It can, of course, be pointed out with some justification that in the Old Testament the commandment of love stands as one among many rules and regulations, and that it was Christianity that first gave it its dominant place as a summary of the whole requirement of the Law. Yet, granted that later Judaism bears to a high degree the marks of legalism and externality, there was never lacking in Judaism a tendency to make love central in ethical and religious relationships; and it is not true to say that the commandment of love is merely one among many legalistic regulations. As early as Hosea the principle that love is the central requirement of the Law is clearly recognised; God desires “ love and not sacrifice ” (Hos. vi. 6).1 Indeed, love towards God sometimes acquires such importance that it can stand alongside “ the fear of the Lord ” as an inclusive description of the right attitude of man to God. There are thus to be found in Judaism definite impulses towards making the commandment of love in this sense the “ great commandment of the Law ”. Not even along this line, therefore, is the qualitatively new and distinctive element in Christianity to be found.
If the Commandment of Love can be said to be specifically Christian, as undoubtedly it can, the reason is to be found, not in the commandment as such, but in the quite new meaning that Christianity has given it. The love it requires does not mean the same in a Christian context as it meant in Judaism. To reach an understanding of the Christian idea of love simply by reference to the Commandment of Love is therefore impossible; to attempt it is to move in a circle. We could never discover the nature of Agape, love in the Christian sense, if we had nothing to guide us but the double command : “Thou shalt love the Lord thy God with all thy heart” and “Thou shalt love thy neighbour as thyself.” It is not the commandment that explains the idea of Agape, but insight into the Christian conception of Agape that enables us to grasp the Christian meaning of the commandment. We must therefore seek another starting-point.
One of the most striking differences between the Commandment of Love as it is interpreted in the Old Testament and in Christianity, is that in the latter it is universal in its scope. In Judaism love is exclusive and particularistic : it is directed to one’s “ neighbour ” in the original and more restricted sense of the word, and it is directed to “ neighbours only ”. Otherwise the application of the term “ neighbours ”, and therefore the scope of love, can vary a good deal, ranging from one’s immediate kith and kin to any member of the same nation. When “ neighbour” is understood in the latter sense there comes to be a close correspondence between the two commandments of love. Love towards God has its counterpart in love for one’s neighbour, which is understood as love for the Chosen People of God, the “ peculiar people ”. The scope of love can also be extended to embrace even aliens resident among the Chosen People. Yet, even so, love always preserves its limits. Christian love, on the other hand, overleaps all such limits; it is universal and all-embracing. “There can be neither Jew nor Greek, there can be neither bond nor free, there can be no male and female ” (Gal. iii. 28). For this reason the attempt has often been made to interpret the Christian idea of love in the light of the cosmopolitan and individualistic spirit which was widespread in the ancient world, especially in circles influenced by Stoicism, and which transcended national and social barriers with the rationalistic ethical concept of “ man ” and “ citizen of the world.” For reasons shortly to be given, however, this is quite useless as a starting-point for the interpretation of the Christian idea of Agape; it cannot shed light on anything that is essential to the Christian concept of love. In the first place, the universalism of Christian love is not its most distinctive feature, and, in the second place, Christian universalism rests on an entirely different basis from that of Stoicism.
Another, and equally mistaken, interpretation of the ethical revolution involved in the Christian idea of love represents it as arising essentially from social considerations. Troeltsch is right when he says : “ In order to understand the foundation principles of Christianity as a whole, in its relation to social problems, it is of the utmost importance to recognise that the preaching of Jesus and the creation of the Christian Church were not due in any sense to the impulse of a social movement. To put it quite plainly : Christianity was not the product of a class struggle of any kind; it was not shaped, when it did arise, in order to fit into any such situation; indeed, at no point was it directly concerned with the social upheavals of the ancient world.”2 Here we may recall Nietzsche’s attempt to interpret Christian love as a manifestation of “ resentment ” born of Jewish hatred. He writes: “ From the stem of that tree of revenge and hatred, Jewish hatred-—the deepest and sublimest, ideal-creating, value-transforming hatred, the like of which has never been seen on earth— sprang something equally unique, a new love, the deepest and sublimest of all kinds of love. . . . This Jesus of Nazareth, himself the embodiment of the Gospel of love, this ‘ Saviour ’, bringing to poor and sick and sinners blessedness and victory—was he not Seduction itself in its most sinister and irresistible form, the seduction by a roundabout way to just those Jewish values and innovations in respect of the ideal?”3 Nietzsche quite rightly saw that Christian love means the transvaluation of those values of antiquity which he himself valued most highly; but he did not see that it means just as complete a transvaluation of all Jewish values. His arbitrary choice of the idea of “ resentment ” as his starting-point led him to miss the deepest characteristics of Christian love and to treat it as simply synonymous with universal altruism.
Closely related to Nietzsche’s view is that which regards Christian love as purely and simply the negation of the Jewish doctrine of retribution. There are several points which might seem to favour this interpretation. One of the most conspicuous facts about the Christian idea of love is that it involves a transvaluation of all previously accepted values. In relation to these values, therefore, it has a negative, critical significance, such as finds typical expression in the sharp antitheses of the Sermon on the Mount. If what chiefly strikes us here is the antithetical style, we may well incline to the view that the Christian Church must quite naturally have felt itself in opposition to the prevailing Judaism, and that this fact would be bound to influence its ethical attitude. What Judaism affirmed, Christianity must deny. If Judaism maintained the principle of exactly equivalent retribution, “ An eye for an eye and a tooth for a tooth,” then the Christian requirement must naturally be, “ Resist not him that is evil ” (Matt, v. 38 f.). If Judaism took the commandment of love to mean, “ Thou shalt love thy neighbour and hate thine enemy ”, then Christianity must say, “ Love your enemies, and pray for them that persecute you ” (Matt. v. 43 f.). But this would mean that the Christian idea of love was determined ultimately by the outlook of its opponents.
It might seem as if this view, which clearly recognises that there is an antithesis between Judaism and Christianity, were the direct opposite of that of Nietzsche, who seeks to derive Christian love directly from Judaism. Yet these two views come to much the same thing in the end, for they both deny the independent character of Christian love and treat it as simply the negative reflection of its opponent’s position. This, in fact, is the root-fault of all the interpretations we have so far considered; they fail to recognise that Christian love rests on a quite definite, positive basis of its own. What, then, is this basis?
The answer to this question may be found in the text last quoted: “Love your enemies”. This text, which at first sight is one of the best arguments for the “ negation ” theory, actually furnishes a complete refutation of it. It is true that love for one’s enemies is at variance with our immediate natural feelings, and may therefore seem to display the negative character suggested above; but if we consider the motive underlying it we shall see that it is entirely positive. The Christian is commanded to love his enemies, not because the other side teach hatred of them, but because there is a basis and motive for such love in the concrete, positive fact of God’s own love for evil men. “ He maketh His sun to rise on the evil and the good.” That is why we are told : “ Love your enemies . . . that ye may be children of your Father which is in heaven ” (Matt. v. 44 f.).
It is no mere accident that we find here so intimate a connection between Christian love and the Christian relationship to God, Agape and fellowship with God. The reason for it is that the Christian ethic is from first to last a religious ethic; and this is not merely in the sense that the ethical demands are attributed to the Divine will, and that Divine omnipotence with its sanctions of reward and punishment is invoked to maintain the ethical order. Such an external and formal connection between ethics and religion can leave them without any real inner relation to one another, for the content of the ethical demand need not have anything whatever to do with religion. The Christian ethic is a religious ethic in a far deeper sense, inasmuch as the actual content of the ethical life is wholly determined by the religious relationship, by fellowship with God. There can therefore be no doubt where the starting-point is to be found which we are seeking for our interpretation of the idea of Agape. It is the Christian conception of fellowship with God that gives the idea of Agape its meaning. It will therefore be our next task to consider the nature of Christian fellowship with God.
- Where the English R.V. reads “mercy ”(mg. “ kindness ”), the Swedish version has “ love ”.—Translator’s note.[↩]
- E. Troeltsch, The Social Teaching of the Christian Churches, E.T., 1931, vol. i., p. 39. Cf. K. Holl, Urchristentum und Religionsgeschichte, 1925. Ρ. 27.[↩]
- F. Nietzsche, Zur Genealogie der Moral, i. Abhandlung, 8.—Cf. Max Scheler’s criticism of Nietzsche in his essay on “ Das Ressentiment im Aufbau der Moralen ” (Vom Umsturz der Werte, 1919, vol. i., PP. 43 ff.).[↩]