Nostalgie des temps des martyrs

Il avait donc donné à Israël un livret de divorce ; puis nous, Juda, — Juda à cause du Sauveur qui s’est levé de la tribu de Juda, « car il est notoire que notre Seigneur s’est levé de Juda », — nous nous sommes convertis au Seigneur, et nos derniers jours, plût au Ciel que nous n’y fussions pas déjà ! ont l’air de devenir semblables aux derniers jours de Juda, voire pires encore. Que telle soit en effet notre époque à l’achèvement de ce monde, cela ressort avec évidence des propos tenus dans l’évangile par le Sauveur, lorsqu’il dit : « Devant le débordement de l’iniquité, la charité du grand nombre se refroidira ; mais celui qui aura tenu jusqu’au bout sera sauvé » ; et encore : « Celui qui viendra fera des signes et des prodiges au point d’égarer, si cela était possible, même les élus ». Et telle est notre époque que le Sauveur peut dire à propos de son retour, à la pensée que dans tant d’églises on ne trouvera bientôt plus un fidèle : « Mais quand il reviendra, le Fils de l’homme trouvera-t-il la foi sur la terre ? » Et réellement, si nous jugeons les choses à la réalité et non pas au nombre, si nous jugeons les choses aux dispositions profondes et non pas en considération du nombre des hommes rassemblés, nous verrons que maintenant nous ne sommes pas fidèles. Autrefois il y avait des fidèles, au temps des martyres généreux, quand au retour des convois des martyrs au cimetière nous nous rendions aux assemblées, que l’église tout entière était là, sans la moindre angoisse, et que les catéchumènes étaient catéchisés au milieu des martyres et au milieu des morts de ceux qui confessaient la vérité jusqu’à la mort, sans qu’ils soient eux-mêmes effrayés, ni troublés dans leur foi au Dieu vivant. Alors nous connaissons des gens qui ont même vu des choses extraordinaires et prodigieuses. Alors il y avait des fidèles, peu nombreux, mais de vrais fidèles, qui suivaient la route « étroite et resserrée qui conduit à la vie ». Mais maintenant que nous sommes devenus nombreux, comme il n’est pas possible qu’il y ait de nombreux élus, — car Jésus ne ment pas quand il dit : « Beaucoup d’appelés mais peu d’élus », — parmi la foule de ceux qui font profession de convictions religieuses, il en est fort peu qui parviennent à l’élection divine et à la béatitude. (Homélies sur Jérémie)