Mais ne doit-on pas sentir que si la Mythologie s’annonce sous des apparences ridicules, telles que ces fureurs, cette jalousie, cette ardeur des sens qui paraît y être presque le seul mobile des Dieux et des Héros c’est qu’étant un tableau universel, elle doit offrir les maux et les biens, l’ordre et le désordre, les vices et les vertus qui circulent dans la sphère de l’homme. D’ailleurs l’abus des mots et l’ignorance de leur véritable signification ont donné à ces récits emblématiques, une multitude de sens louches et forcés qu’ils n’avaient pas dans l’origine, où ils peignaient des objets aussi réguliers, aussi élevés, aussi respectables que ces emblèmes paraissent aujourd’hui imparfaits, ridicules et dignes de mépris. SMTN: X
C’est par là qu’on peut expliquer en partie les contradictions que présente la Mythologie. L’ignorance du vrai sens des noms, a porté à attribuer au même Etre, à un Héros, à une Divinité, des faits et des actions qui appartenaient à des êtres différents ; on ne doit donc pas être surpris d’y voir le même personnage montrer dans ses actions, tantôt l’orgueil et l’ambition des êtres les plus coupables, tantôt l’excès de la débauche la plus honteuse, tantôt les vertus des Héros et des Dieux : il ne faut point s’étonner d’y voir Jupiter maître du Ciel, Chef des Dieux terrestres, ses frères, et Jupiter livré aux passions les plus vicieuses ; d’y voir Saturne être à la fois le Père des Dieux, et manger ses enfants ; enfin, d’y voir Vénus Uranie et Vénus Déesse de prostitution ; ainsi, quoiqu’on trouve rassemblés dans la Mythologie tous les faits et tous les types : quoiqu’elle présente plusieurs tableaux opposés sous les mêmes noms, l’intelligence doit en discerner les couleurs et les véritables sujets. SMTN: X
En effet, l’on ne peut porter un autre jugement de ceux qui ont borné exclusivement à un objet inférieur et isolé, le sens des traditions mythologiques, qui se sont efforcés d’y faire voir partout le système particulier qu’ils avaient embrassé, et qui n’ont point aperçu que ces traditions, n’ayant pas toutes le même caractère, ne pouvaient supporter la même explication : que les unes, tenant à la haute antiquité, renfermaient les emblèmes des vérités les plus profondes ; que d’autres, beaucoup plus modernes, ne devaient leur existence qu’à la superstition et à l’ignorance des Peuples, qui n’ayant pu comprendre les traditions primitives, les ont altérées et confondues avec les traditions postérieures et particulières à chaque Nation : que le mélange de ces traditions, les préjugés des. Historiens, et les fruits de l’imagination des Poètes, avaient augmenté l’obscurité. En sorte que loin de vouloir concentrer la Mythologie dans un objet particulier, on devrait plutôt convenir qu’elle présente des faits qui n’ont aucune analogie. SMTN: X
Ce système une fois conçu par les Observateurs, ils ont fait des effort étonnants pour le justifier, et pour y trouver des rapports avec tous les détails de la Mythologie ; mais pour en apercevoir le défaut, la plus légère attention sera suffisante. SMTN: X
Qu’on examine en outre, si l’on petit regarder comme le type de la Mythologie, les constellations célestes et leurs influences sur les corps terrestres, relativement à la végétation. Cette opinion présentant la même infériorité du type à la figure, les mêmes motifs la rendent inadmissible. SMTN: X
Ceci doit suffire pour ouvrir les yeux à ceux qui n’apercevant qu’un objet isolé dans les traditions fabuleuses croient que toute la Mythologie des anciens ne doit son origine qu’à l’Agriculture et à l’Astronomie. L’erreur vient de ce que postérieurement on a confondu quelques symboles de ces deux Sciences avec les traditions symboliques primitives. Par là les hommes se sont trouvés encore plus éloignés des vérités simples et importantes, qui faisaient l’objet de ces traditions. SMTN: X
Ainsi, sans prétendre nier les symboles en petit nombre, que l’Agriculture et l’Astronomie ont fourni à la Mythologie, nous pouvons rendre service à nos semblables, en les avertissant que ces traditions, telles que nous les avons reçues des Anciens renferment une infinité d’autres emblèmes, pour lesquels il est de toute impossibilité d’admettre le même sens et les mêmes rapports ; parce que leur type ne se trouve ni dans la terre, ni dans les astres, ni dans aucun Etre corporel. SMTN: X
Ceux qui ont donné ces interprétations de la Mythologie, en ont fait descendre également l’Art de l’Ecriture et de la Peinture, comme devant servir à transmettre les signes visibles des lois et des faits, donc les Nations voulaient perpétuer la mémoire et l’intelligence. Ils ont expliqué par ce même principe tous les emblèmes de l’idolâtrie, prétendant que les figure hiéroglyphiques qu’elle employait, n’étaient que la représentation symbolique des objets matériels de son culte. SMTN: X
Des observateurs ont réfuté avant moi le système que je viens de combattre relativement à l’agriculture ; mais après l’avoir détruit, ils ne l’ont pas remplacé. Car, dire aux hommes que la Mythologie n’a voulu peindre que le feu vivant de la Nature, et que leur unique objet doit être d’en disposer pour la réparation de leurs forces, et pour la conservation de leur forme corporelle ; c’est leur donner, il est vrai, une grande idée, mais ce n’est pas leur donner le complément de la vérité ; puisque les hommes ont encore une destination plus élevée. Ainsi, c’est tomber dans le cas des Philosophes hermétiques, dont nous allons observer les dogmes et la doctrine. SMTN: X
La règle qui exige que les types soient supérieurs aux figures, aux symboles et aux hiéroglyphes, s’applique également à l’opinion de ceux qui ne voient dans les traditions anciennes, que les procédés de l’Art hermétique ; qui n’aperçoivent dans les Divinités de la Mythologie, que les emblèmes des matières ou des substances premières, sur lesquelles ils prétendent opérer. SMTN: X
Si l’Art hermétique matériel n’atteint pas au delà des objets matériels, cet Art n’est pas dans une classe plus élevée que l’agriculture ; il est donc évident que les emblèmes et les symboles de la Mythologie lui sont également étrangers, puisqu’ils présentent le langage de l’intelligence, et qu’ils donnent une vie et une action à des facultés qui sont inconnues à la matière. SMTN: X
Alcyonée, Pandore, Deucalion Sisyphe les Danaïdes, Hercule, la Robe de Nessus, le Caducée, Argus, les Parques, les Champs Elysées, le fleuve Léthé, le nombre des circuits du Styx, Semélé consumée parla présence de Jupiter dans sa gloire, Pygmalion, Circé, les Compagnons d’Ulysse, Tirésias devenu aveugle à l’instant pour avoir regardé Pallas pendant qu’elle s’habillait, les Centaures ; en un mot, presque tous les détails de la Mythologie offrent à l’homme des instructions profondes, qui le confirment dans la Science que ses efforts lui ont procurée. SMTN: X
De simples rapports entre les différents traits de la Mythologie et l’histoire de l’homme ne nous montreraient point une Science assez ample ni assez certaine, si nous n’élevions notre pensée jusqu’à leur origine. Pour le faire avec succès, rappelons-nous que l’épigraphe de cet écrit nous impose la loi d’expliquer les choses par l’homme, et non l’homme par les choses. SMTN: X
Convenons à présent que la Mythologie ; dans ses récits les plus sensés et les plus réguliers en apparence, doit être comme inexplicable pour ceux qui n’ont pas pénétré dans la science de l’homme et de la Nature. Ceux même qui y auraient pénétré, doivent encore trouver de grandes difficultés dans cette espèce d’étude ; parce que pour s’assurer de la justesse des rapports, il faudrait en quelque sorte passer en revue les signes originels mêmes sur lesquels ils reposent. Or les copies seules de pareils signes ne suffisent pas pour de telles vérifications, et il faut aller chercher les originaux dans les dépôts mêmes d’où les premiers Ecrivains les ont tirés ; c’est-à-dire, dans leurs réservoirs naturels. SMTN: X
On verra avec la même clarté l’histoire de l’homme criminel dans Prométhée ; et celle des différents crimes de sa postérité, dans tous les malheureux dont la Mythologie nous présente les noms et les supplices. SMTN: XII
Enfin le fameux Caducée, séparant deux serpents qui se battent, est une image expressive et naturelle de l’objet de l’existence de l’Univers : ce qui se répète dans les moindres productions de la Nature, où Mercure maintient l’équilibre entre l’eau et le feu pour le soutien des corps, et afin que les lois des Etres étant à découvert aux yeux des hommes, ils puissent les lire sur tous les objets qui les environnent. L’emblème du Caducée que la Mythologie nous a transmis, est clone un champ inépuisable de connaissances et d’instruction ; parce que les vérités les plus physiques peignent à l’homme les lois de son Etre intellectuel et le terme auquel il doit tendre pour recouvrer son équilibre. SMTN: XII
Quant à ceux qui veulent borner à des faits historiques, les traditions de la Mythologie, et qui ne voient dans les anciennes Divinités, que des Héros ou des personnages célèbres, nous croyons qu’ils peuvent avoir raison sur quelques points ; mais il faut qu’ils avouent aussi que la plupart de ces applications particulières, n’ont été faites que postérieurement, et d’après des traditions mythologiques déjà existantes en sorte qu’on ne peut s’empêcher de reconnaître que la Mythologie primitive fut hiéroglyphique et symbolique ; c’est-à-dire qu’elle a renfermé les vérités les plus importantes pour l’homme ; et tellement nécessaires, qu’elles n’en existeraient pas moins, quand ni les Fables, ni aucune espèce de Tradition ne nous les aurait retracées. SMTN: XII
On le pensera avec d’autant plus de fondement, que de nos jours on a découvert des rapports frappants entre plusieurs personnages de la Mythologie Egyptienne et ceux des Traditions hébraïques, dont celle-ci, par conséquent, sembleraient être la première source. Et si nous avons aperçu l’histoire de l’homme dans les principales Traditions mythologiques, à plus forte raison, devons-nous la reconnaître dans des faits qui paraissent avoir été le type et le germe des plus célèbres de ces Traditions. SMTN: XII
Au reste, j’indiquerai tout à l’heure un point de vue lumineux sur cet objet important, par lequel on découvrira des solutions plus satisfaisantes, parce que l’on verra sortir de l’homme même la vraie source de toutes les Mythologies ; car il ne faut pas chercher ailleurs que dans lui, l’origine naturelle de tous les faits soumis à ses spéculations. SMTN: X
Il ne faudrait pas non plus être étonné que la succession des siècles eût multiplié pour l’homme les tableaux de la vérité, et les signes qui leur sont relatifs, de façon que les hommes fussent aujourd’hui à portée de puiser à des réservoirs plus abondants qu’ils ne l’auraient pu dans les premiers temps ; parce que les sources qui se sont ouvertes, dés l’instant de la chute de l’homme, n’ont cessé et ne cessent point de couler sur la malheureuse postérité. De ce qui vient d’être exposé, l’on peut aisément voir descendre toutes les traditions de la Terre, et les différentes Mythologies des Peuples. SMTN: X
Quelques autres s’abandonnant à la dépravation, ont pu altérer à dessein les types et les emblèmes, ou ne s’attacher dans toutes les merveilles auxquelles ils participaient, qu’aux objets irréguliers désordonnés et chacun d’eux professant ensuite ces sciences ainsi rétrécies ou corrompues, ont donné lieu à ces traditions absurdes, à cette multitude infinie de récits ridicules, impies et insensés, dont les différentes Mythologies sont remplies ; et qui ne se concilient point avec les vérités fondamentales et primitives, parce que plusieurs de ces récits tiennent si peu à la vraie source, qu’ils ne peuvent avoir aucun rapport avec nous ; enfin, de là dérivent principalement les différentes Sectes des Religions des hommes, et toutes les branches de l’Idolâtrie. SMTN: X