Or, ceux qui n’auraient pas senti leur véritable nature, je ne leur demanderais que de se regarder pour être à couvert des méprises. Car dans ce qu’ils appellent l’homme, dans ce qu’ils appellent le moral, dans ce qu’ils appellent le politique, dans ce qu’ils appellent la science, enfin dans ce qu’on pourrait appeler le chaos et le champ de bataille de leurs diverses doctrines, ils trouveraient tant d’actions doubles et opposées, tant de forces qui se combattent et se détruisent, tant d’agents clairement actifs, et tant d’autres clairement passifs, et cela sans chercher même hors de leur propre individu, que sans pouvoir peut-être dire encore ce qui nous compose, ils conviendraient que sûrement en nous tout ne se ressemble pas ; et que nous n’existons que dans une perpétuelle différence soit d’avec nous-mêmes, soit d’avec tout ce qui nous entoure, et d’avec tout ce que nous pouvons atteindre, et considérer. Il ne s’agirait plus ensuite que d’appuyer avec quelque soin sur ces différences pour en apercevoir le vrai caractère, et pour classer l’homme dans son véritable rang en le comparant à une ligne droite à côté de laquelle se peuvent décrire et se décrivent en effet journellement une infinité de courbes, mais dont l’exclusive rectitude ne peut sans un grossier aveuglement se confondre avec ces courbes qui ne sauraient jamais lui ressembler ; ou si l’on veut, en le comparant à la durée inarrêtable qui conserve silencieusement son imperturbable existence au milieu de toutes les révolutions des êtres. Nouvel Homme 3
Ces fruits même ne paraissent plus avoir de bornes dès que le principe, après avoir été mis en activité, se transmet dans la même mesure, et sans altération, parce qu’il agit toujours par la même loi, et toujours sur la même espèce de désordre qui n’est autre chose qu’une subdivision ; aussi c’est le même esprit qui, au physique et au moral, fait par l’imposition des mains que l’aveugle voit, que le sourd entend, que le boiteux marche, que le malade est guéri, que le mort ressuscite, et que l’esclave est remis en liberté. Nouvel Homme 5
La jeunesse, l’âge viril ne vont être qu’un développement successif de tous ces germes. Un régime physique, presque toujours contraire à la nature va continuer de presser à contre sens le principe de sa vie. Un régime moral destructif de toute morale va nuire encore plus à son être intérieur, et le dévier tellement hors de sa ligne, qu’il ne croira plus même qu’il en existe une pour lui ; des doctrines de tout genre vont repousser son esprit par leur contrariété, ou ne l’asservir qu’en le trompant ; des occupations illusoires vont absorber tous ses moments, et lui voiler sans cesse sa véritable occupation. Nouvel Homme 9