Moïse (Orígenes)

Tous ceux qui croient en toute certitude que la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ, qui savent que le Christ est la Vérité puisqu’il a dit lui-même : Je suis la Vérité, ne reçoivent pas d’ailleurs que des paroles mêmes et de la doctrine du Christ la connaissance qui invite les hommes à une vie bonne et bienheureuse. Par paroles du Christ, nous n’entendons pas seulement ce qu’il a enseigné quand il s’est fait homme et quand il a vécu dans la chair : car auparavant le Christ, Parole de Dieu, se trouvait déjà en Moïse et dans les prophètes. En effet, sans la Parole de Dieu, comment auraient-ils pu prophétiser au sujet du Christ ? Il ne serait pas difficile de prouver cela en montrant à partir des divines Écritures comment Moïse et les prophètes ont parlé, ou ont accompli tout ce qu’ils ont fait, parce qu’ils étaient remplis de l’Esprit du Christ : mais notre propos est de traiter le sujet présent avec toute la brièveté possible. C’est pourquoi il suffira, je pense, d’utiliser seulement ce témoignage de Paul dans la lettre qu’il écrivit aux Hébreux : A cause de sa foi Moïse, devenu grand, refusa d’être dit le fils de la fille de Pharaon, préférant souffrir avec le peuple de Dieu que jouir quelque temps de la volupté du péché, estimant qu’il y a plus de richesse dans les outrages subis par le Christ que dans les trésors des Égyptiens. Et Paul indique en ces termes que Jésus a parlé en ses apôtres, même après son assomption dans le ciel : Cherchez-vous une preuve de celui qui parle en moi, le Christ ? Traité des Principes: Préface

Voici tout ce qui est transmis clairement par la prédication apostolique. D’abord il y a un seul Dieu qui a tout créé et établi, qui, alors que rien n’était, a fait être l’univers. Il est Dieu dès le début de la création et formation du monde, le Dieu de tous les justes, d’Adam, Abel, Seth, Énos, Enoch, Noé, Sem, Abraham, Isaac, Jacob, des douze patriarches, de Moïse et des prophètes. Et ce Dieu dans les derniers temps, comme il l’avait promis auparavant par ses prophètes, a envoyé notre Seigneur Jésus-Christ, pour appeler d’abord Israël, puis les nations après l’infidélité du peuple d’Israël. Ce Dieu juste et bon, père de notre Seigneur Jésus-Christ, a donné lui-même la loi, les prophètes et les évangiles : il est le Dieu des apôtres, celui de l’Ancien et du Nouveau Testament. Traité des Principes: Préface

Je sais que certains essaieront de dire que Dieu est un corps, et même en invoquant les Écritures, car ils lisent chez Moïse : Notre Dieu est un feu qui consume, et dans l’évangile de Jean : Dieu est souffle (esprit) et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit (souffle) et en vérité. Le feu et le souffle (esprit), ils ne les prennent que comme des corps. Je veux leur demander ce qu’ils disent de cette affirmation scripturaire : Dieu est lumière. En effet Jean écrit dans son épître : Dieu est lumière et il n’y a pas en lui de ténèbres. C’est assurément cette lumière qui illumine toute l’intelligence de ceux qui peuvent saisir la vérité, comme le dit le Psaume 35 : Dans ta lumière nous verrons la lumière. Que faut-il appeler lumière de Dieu, dans laquelle on voit la lumière, sinon la Puissance de Dieu qui fait voir à celui qu’elle illumine la vérité de toutes choses ou lui fait connaître Dieu lui-même, qui est nommé Vérité ? C’est cela que signifie la phrase : Dans ta lumière nous verrons la lumière ; c’est-à-dire dans ta Parole et ta Sagesse, à savoir dans ton Fils, nous te verrons, toi, le Père. Faut-il, puisqu’il est appelé Lumière, le juger semblable à la lumière de ce soleil-ci ? Et comment nous en sera-t-il donné quelque intelligence, même faible, pour concevoir, à partir de cette lumière corporelle, la cause de la connaissance, et trouver la compréhension de la vérité ? Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Quant à ceux qui, parce que Dieu est appelé souffle (esprit), jugent qu’il est corps, il faut leur répondre ainsi : L’Écriture sainte a l’habitude, lorsqu’elle veut désigner quelque chose de contraire à ce corps que voici plus épais et plus solide, de le nommer esprit (souffle). Elle dit ainsi : La lettre tue, mais l’esprit vivifie. Sans aucun doute, la lettre désigne les réalités corporelles, l’esprit les intellectuelles, que nous disons aussi spirituelles. L’Apôtre écrit en outre : Jusqu’à aujourd’hui, lorsqu’ils lisent Moïse, un voile est posé sur leur coeur; mais lorsqu’on se sera tourné vers le Seigneur, le voile sera ôté ; là où est l’Esprit du Seigneur se trouve la liberté. Tant qu’on ne se convertit pas à l’intelligence spirituelle, un voile est posé sur le coeur : par ce voile, c’est-à-dire par une intelligence plus grossière, l’Écriture, selon ce que l’on dit et pense, est elle-même voilée ; tel était le voile posé sur le visage de Moïse lorsqu’il parlait au peuple, c’est-à-dire lorsque la loi est lue à la foule. Si nous nous tournons vers le Seigneur, là où est aussi la Parole de Dieu, là où l’Esprit Saint révèle la science spirituelle, alors le voile est ôté, et alors, la face dévoilée, nous contemplons dans les Écritures saintes la gloire du Seigneur. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Puisque l’action du Père et du Fils s’exerce sur les saints et les pécheurs, elle se manifeste en ce que tous les êtres raisonnables participent à la Parole de Dieu, c’est-à-dire à la Raison, et pour cela portent en eux comme des semences de la Sagesse et de la Justice, ce qu’est le Christ. De celui qui est vraiment, qui a dit par Moïse : Je suis celui qui suis, tous les êtres tirent participation. Cette participation du Père parvient à tous, justes ou pécheurs, êtres raisonnables et déraisonnables, et absolument à tout ce qui est. L’apôtre Paul montre, certes, que tous ont la participation au Christ quand il dit : Ne dis pas dans ton coeur : Qui montera dans le ciel, c’est-à-dire pour en faire descendre le Christ ? Ou: Qui descendra dans l’abîme, c’est-à-dire pour rappeler le Christ des morts ? Mais que dit l’Écriture: La Parole est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur. Par là il signifie que le Christ est dans le coeur de tous, en tant que Parole ou Raison, dont la participation fait les êtres raisonnables. Ce texte de l’Évangile : Si je n’étais pas venu et si je ne leur avais pas parlé, ils n’auraient pas de péché; maintenant ils n’ont pas d’excuse pour leur péché est clair pour ceux qui savent expliquer jusqu’à quel moment l’homme n’a pas de péché et à quel âge il devient sujet au péché : on voit ainsi comment, à cause de leur participation à la Parole ou à la Raison, on dit que les hommes ont le péché, à savoir à partir du moment où ils sont devenus capables de compréhension et de connaissance, lorsque la raison, mise à l’intérieur d’eux-mêmes, leur aura apporté le discernement du bien et du mal. Lorsqu’ils ont commencé à savoir ce qu’est le mal, s’ils le font, ils deviennent coupables de péché. C’est ce que veut dire : Les hommes n’ont pas d’excuse pour leur péché : la parole ou raison divine a commencé à leur montrer dans le coeur le discernement du bien et du mal, pour qu’ils puissent ainsi échapper au mal et s’en garder; qui connaît le bien et ne le fait pas, est-il écrit, le péché est en lui. De même, aucun homme n’est hors de la communion de Dieu ; l’Évangile l’enseigne par la bouche du Sauveur : Le royaume de Dieu ne se laisse pas observer quand il vient et on ne dit pas : Le voici ici ou là. Mais le royaume de Dieu est au dedans de vous. Il faut voir aussi si on ne trouve pas la même signification dans cette parole de la Genèse : Et il souffla sur sa face un souffle de vie et l’homme fut fait comme une âme vivante. S’il faut comprendre que cela a été donné à tous les hommes en général, tous les hommes ont une participation à Dieu ; s’il faut entendre de l’Esprit de Dieu cette parole, puisque Adam lui-même, semble-t-il, a prophétisé sur plusieurs points, on ne peut l’appliquer de façon générale, mais seulement à quelques saints. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Quant à ceux qui affirment une succession de mondes qui seraient sans différences et tout à fait semblables, je ne sais sur quels arguments ils s’appuient. Si en effet on se représente un monde parfaitement semblable à un autre monde, il sera tel qu’Adam ou Eve y referont tout ce qu’ils ont fait, qu’il y aura un nouveau déluge, que le même Moïse fera sortir une autre fois d’Egypte une population de six cent mille personnes ; Judas lui-même trahira deux fois son maître, Paul gardera une seconde fois les habits de ceux qui lapidaient Étienne, et tout ce qui s’est passé dans cette vie se passera à nouveau. Je ne vois pas avec quelles raisons on pourrait soutenir de telles affirmations, si les âmes possèdent un libre arbitre et sont l’origine de leurs progrès ou de leurs régressions selon le pouvoir de leur volonté. Les âmes ne sont pas déterminées à faire ou à désirer ceci ou cela par un mouvement qui revient sur lui-même suivant les mêmes cercles après beaucoup de siècles, mais elles dirigent le cours de leurs actes là où tendent librement leurs dispositions. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): Le commencement de ce monde et ses causes

Maintenant que nous avons traité ces sujets selon l’ordre requis et le plus brièvement possible, il nous reste, conformément à notre propos initial, à réfuter ceux qui pensent que le Père de notre Seigneur Jésus-Christ est un autre Dieu que celui qui répondait à Moïse à propos de la loi et envoyait les prophètes, le Dieu des patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Il faut d’abord nous raffermir dans cette doctrine de foi. Considérons donc ce qui est dit souvent dans l’Évangile et rapporté en liaison avec chacun des actes de notre Seigneur et Sauveur : Pour que soit accompli ce qui est dit par le prophète, par tel ou tel prophète, puisqu’il est évident qu’ils sont les prophètes du Dieu qui a fait le monde. En bonne logique, on conclut que celui qui a envoyé les prophètes a lui-même prédit ce qu’il fallait prédire du Christ. Il n’est pas douteux que cela n’a pas été prédit par un Dieu qui lui aurait été étranger, mais par son propre père. Et le fait que, fréquemment, le Sauveur et ses apôtres prennent des exemples dans l’Ancien Testament n’indique pas autre chose que l’autorité attachée aux anciens par le Sauveur et ses disciples. Cette phrase du Sauveur exhortant ses disciples à la bonté : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait, lui qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants et pleuvoir sur les justes et les injustes, suggère à tout homme, même d’intelligence médiocre, comme une vérité très évidente, qu’il ne propose pas à l’imitation de ses disciples un autre Dieu que le créateur du ciel, celui qui dispense les pluies. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Quand il dit que nous devons prier ainsi : Notre Père qui es aux deux, que semble-t-il montrer d’autre, si ce n’est Dieu à chercher dans les parties supérieures du monde, c’est-à-dire de sa création ? Et lorsqu’il a donné d’excellents préceptes sur les serments et qu’il a dit qu’il ne fallait jurer ni par le ciel, parce qu’il est le trône de Dieu, ni par la terre parce qu’elle est l’escabeau de ses pieds, n’est-il pas très clairement en accord avec les paroles prophétiques : Le ciel est mon trône et la terre l’escabeau de mes pieds ? Quand il chasse du temple les vendeurs de boeufs, de brebis et de colombes, jetant aussi à terre les tables des changeurs, en disant : ôtez de là tout cela et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce, il appelait sans aucun doute Père le Dieu au nom duquel Salomon avait construit le magnifique temple. De même ces paroles : N’avez-vous pas lu ce que Dieu a dit à Moïse: Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Il n’est pas en effet le Dieu des morts, mais des vivants, nous enseignent d’une façon tout à fait explicite que le Dieu des patriarches, parce qu’ils étaient saints et vivaient saintement, Jésus l’appelait le Dieu des vivants, ce Dieu qui avait dit dans les prophètes : Je suis Dieu et il n’y a pas d’autre Dieu que moi. Car le Sauveur, sachant que le Dieu d’Abraham est celui dont parle la loi et qu’il est le même que celui qui dit : Je suis Dieu et il n’y a pas d’autre Dieu que moi, en reconnaissant comme son Père celui qui ignore qu’il y a un autre Dieu au-dessus de lui selon l’opinion des hérétiques, dit alors une absurdité, en déclarant son Père celui qui ignore ce Dieu supérieur. Si vraiment il ne l’ignore pas, mais s’il trompe en disant qu’il n’y a pas d’autre Dieu que lui, c’est une absurdité encore plus grande de voir le Christ reconnaître pour Père un menteur. De tout cela la pensée parvient à ce résultat que Jésus ne connaît d’autre Père que le Dieu qui a fait et créé l’univers. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Mais puisque parfois les défenseurs de cette hérésie ont coutume de tromper par des sophismes captieux les coeurs des plus simples, je ne crois pas absurde d’exposer leurs raisonnements habituels pour réfuter leurs tromperies et leurs mensonges. Ils disent donc : il est écrit : Dieu personne ne l’a vu. Or ce Dieu que Moïse a prêché, Moïse l’a vu, et avant lui les patriarches. Mais celui qu’annonce le Sauveur, personne absolument ne l’a vu. Demandons-leur donc si celui qu’ils reconnaissent Dieu et qu’ils disent autre que le Dieu créateur, ils le croient visible ou invisible. S’ils le disent visible, d’une part on leur reprochera de contredire l’affirmation de l’Écriture qui appelle le Sauveur l’image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature, d’autre part et surtout de tomber dans l’absurdité en disant Dieu corporel. Car rien ne peut être vu sinon par sa forme, grandeur et couleur qui sont le propre des corps. Et si on déclare que Dieu est corps, puisque tout corps est fait de matière, en conséquence Dieu est fait de matière ; s’il est fait de matière, puisque sans aucun doute la matière est corruptible, Dieu sera donc selon eux corruptible. Nous leur demanderons de nouveau : La matière a-t-elle été faite ou est-elle incréée, c’est-à-dire non faite ? S’ils disent qu’elle n’a pas été faite, c’est-à-dire qu’elle est incréée, nous leur poserons cette question : Dieu est-il une partie de la matière et le monde aussi une partie ? S’ils répondent que la matière a été faite, il s’ensuit sans aucun doute qu’ils reconnaissent comme fait celui qu’ils disent Dieu : ce qu’assurément n’admettent ni leur doctrine ni la nôtre. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Mais ils diront : Dieu est invisible. Que ferez-vous alors ? Si vous le dites invisible par nature, il ne sera même pas visible pour le Sauveur. Bien plus, le Dieu Père du Christ est vu selon l’Écriture puisque : qui a vu le Fils a vu aussi le Père. Cette parole, qui vous gêne fortement, est comprise par nous plus justement non de la vision mais de la compréhension. Celui qui a compris le Fils a compris aussi le Père. C’est ainsi qu’on pense que Moïse a vu Dieu, non pas en le regardant avec les yeux charnels, mais en le comprenant par la vue du coeur et le sens de l’intelligence, et cela seulement en partie. Il est dit en effet clairement par celui qui répondait à Moïse : Tu ne verras pas ma face, mais mon dos. Tout cela est assurément à comprendre selon le mystère habituel aux paroles divines, en rejetant certes et en méprisant ces fables de bonne femme, oeuvres d’ignorants, qui imaginent en Dieu une face et un dos. Que personne ne nous attribue une pensée impie lorsque nous disons que Dieu n’est même pas visible pour le Sauveur, mais qu’il considère les distinctions que nous devons utiliser pour traiter avec les hérétiques. Nous avons dit en effet qu’autre chose est voir et être vu, autre chose connaître et être connu. Voir et être vu sont donc le propre des corps et ne peuvent être appliqués aux relations réciproques du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Car la nature de la Trinité excède les capacités de la vue, tout en accordant à tous les êtres corporels, c’est-à-dire à tous les autres êtres, les créatures, la possibilité de voir dans leurs relations réciproques, mais à une nature incorporelle, et surtout à une nature intellectuelle, ne conviennent que connaître et être connu, selon cette parole du Sauveur : Personne ne connaît le Fils sinon le Père, ni le Père sinon le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. Il a dit fort clairement, non : Personne ne voit sinon le Fils, mais : Personne ne connaît sinon le Fils. Mais si, à cause de ce qui est dit dans l’Ancien Testament sur Dieu qui s’irrite, se repent, ou éprouve toute autre passion humaine, les hérétiques pensent avoir de quoi nous réfuter, puisqu’ils affirment qu’on doit se représenter Dieu comme absolument impassible et exempt de tout sentiment de cette sorte, il faut leur montrer que même dans les paraboles évangéliques on trouve des expressions semblables : par exemple celui qui planta une vigne, la loua à des agriculteurs qui tuèrent les serviteurs qu’il leur envoya et à la fin mirent à mort même son fils qu’il leur avait député, est dit s’être mis en colère, leur avoir enlevé la vigne, avoir fait périr ces mauvais agriculteurs et avoir confié la vigne à d’autres disposés à lui remettre les fruits au moment voulu. On peut citer aussi ces concitoyens qui, après que le père de famille fut parti pour recevoir la royauté, dépêchèrent à sa suite des envoyés pour dire : Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous ; et quand il revint, ayant obtenu la royauté, le père de famille irrité les fit tuer en sa présence et détruire leur ville par le feu. Mais nous, lorsque nous voyons l’Ancien ou le Nouveau Testament parler de la colère de Dieu, nous ne prenons pas à la lettre ce qui y est dit, mais nous y cherchons une compréhension spirituelle, pour penser selon une intelligence digne de Dieu. Lorsque nous avons commenté ce verset du Psaume 2 : Alors il leur parlera dans sa colère et les épouvantera dans sa fureur, nous avons montré comment il fallait entendre cela, comme nous l’avons pu, avec les faibles ressources de notre intelligence. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Troisième traité (II, 7) : Que le même esprit était en Moïse et dans les autres prophètes et dans les saints apôtres Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Deuxième section

Nous, de notre côté, nous pensons que toute créature raisonnable peut participer à lui comme à la Sagesse de Dieu et à la Parole de Dieu, sans qu’on puisse faire de différence. Je vois cependant que la principale descente du Saint Esprit sur les hommes s’est produite, selon l’Écriture, plutôt après l’ascension du Christ au ciel qu’avant la venue de ce dernier. Auparavant, l’Esprit Saint était donné aux seuls prophètes et au petit nombre de ceux du peuple saint qui l’avaient mérité. Après la venue du Sauveur fut accompli selon l’Écriture ce qui avait été dit par le prophète Joël : Il arrivera dans les derniers jours que je répandrai de mon Esprit sur toute chair et qu’ils prophétiseront; dans le même sens il est écrit : Toutes les nations le serviront. Donc par la grâce de l’Esprit Saint, avec bien d’autres vérités très nombreuses, on a vu se manifester de la façon la plus magnifique le fait suivant : ce qui est écrit dans les prophètes et dans la loi de Moïse, autrefois un petit nombre, les prophètes eux-mêmes et à peine quelques personnages de tout le peuple, pouvaient en dépasser la compréhension corporelle et en percevoir une signification plus haute, c’est-à-dire comprendre un peu spirituellement la loi et les prophètes ; mais maintenant il y a des foules innombrables de croyants qui, sans pouvoir cependant tous expliquer de façon ordonnée et claire la logique de la compréhension spirituelle, sont cependant tous à peu près persuadés qu’on ne doit pas prendre au sens corporel la circoncision, ni le repos du sabbat, ni l’effusion du sang des bestiaux, et que ce n’est pas à ce sujet que Dieu a répondu à Moïse. Il n’est pas douteux que ce sens est suggéré à tous par la puissance du Saint-Esprit. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique

Il faut penser que dans ce début Dieu a fait les créatures raisonnables ou intellectuelles, quel que soit le nom dont on puisse appeler ce que nous avons nommé plus haut les intelligences, suivant un nombre qu’il a estimé pouvoir suffire. Il est certain qu’il les a faites selon un nombre qu’il avait défini d’avance en lui-même; il ne faut pas penser, comme certains, que les créatures sont en nombre infini, car là où il n’y a pas de fin, il n’y a pas de possibilité de compréhension ni de détermination. S’il en était ainsi, ce qui a été fait ne pourrait être envisagé dans son ensemble ni être gouverné par Dieu. Car ce qui est infini par nature est incompréhensible. En outre, comme le dit l’Écriture, Dieu a créé toutes choses avec nombre et mesure, et c’est pourquoi le nombre s’adaptera bien aux créatures raisonnables ou intelligences, créées en quantité convenable pour pouvoir être gouvernées, régies et entourées par la providence de Dieu. En vérité la mesure s’appliquera bien à la matière corporelle : il faut croire en tout cas qu’elle a été créée par Dieu en quantité suffisante pour pouvoir suffire selon les plans divins à l’ordonnance du monde. Ainsi faut-il penser que tout cela a été créé par Dieu au début, c’est-à-dire avant toutes choses. Nous croyons que tout cela est indiqué dans le commencement, tel que Moïse le représente de façon plus couverte, quand il dit : Au début, Dieu a créé le ciel et la terre. Il est certain en effet qu’il ne parle pas du firmament ni de l’aride, mais de ce ciel et de cette terre auxquels les cieux et la terre que nous voyons ont dans la suite emprunté leurs noms. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section

Tel était le désir, je pense, qu’exprimait comme sien celui qui disait : Je suis pris dans une alternative, ayant le désir de mourir pour être avec le Christ, ce qui serait de beaucoup préférable. Il savait qu’alors, quand il serait retourné au Christ, il connaîtrait les raisons de tout ce qui se passe sur la terre, concernant l’homme, son âme et son intelligence, les éléments dont l’homme est composé, la nature de l’esprit principal, de l’esprit qui opère, de l’esprit vital, de la grâce du Saint Esprit donnée aux fidèles. Alors il comprendra la signification d’Israël, de la diversité des nations, des douze tribus en Israël et de chaque clan dans chaque tribu. Il comprendra encore alors la raison des prêtres, des lévites et des différentes classes sacerdotales, il verra ce qui était symbolisé dans Moïse, il saura même quelle est auprès de Dieu la vérité des jubilés et les semaines d’années. Il verra aussi la raison des jours de fêtes et des fériés, les causes des sacrifices et des purifications. Il constatera la raison de la purification de la lèpre et de la lèpre colorée, et la purification de ceux qui souffrent de pertes séminales. Il connaîtra l’identité, la quantité et la nature des puissances bonnes et des puissances contraires, l’affection des premières pour les hommes, la jalousie combattante des secondes. Il verra encore la nature des âmes, la diversité des êtres animés, que ce soit les animaux aquatiques, les oiseaux ou les bêtes sauvages, la cause qui divise chaque genre en des espèces si nombreuses, le but du créateur, la signification cachée que sa sagesse donne à tous ces êtres. Il connaîtra aussi la raison qui attache certaines vertus à des racines et à des herbes et qui les refuse au contraire à d’autres herbes ou racines; de même la raison des anges apostats et la cause pour laquelle, par ceux qui ne les méprisent pas de toute leur foi, ils peuvent être flattés d’une certaine façon et être pour eux cause d’égarement et de tromperie. Il apprendra les jugements de la divine providence sur chacun de ces êtres, sur les accidents qui se produisent chez les hommes et ne sont pas l’effet du sort ou du hasard, mais d’une raison si bien pesée et si difficile qu’elle ne perd pas de vue même le nombre des cheveux, non seulement des saints, mais encore de tous les hommes : cette raison de la providence s’étend jusqu’aux deux passereaux qui sont vendus pour un denier, que l’on entende ces deux passereaux au sens spirituel ou même selon la lettre. Maintenant on se pose encore des questions à ces sujets, mais alors là-haut on en aura la vision claire. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section

Que bien vivre soit notre oeuvre et que Dieu nous le demande, non comme étant son oeuvre à lui ni celle de quelqu’un d’autre ou, comme certains le pensent, du destin, mais comme notre oeuvre à nous, le prophète Michée en témoignera en ces termes : S’il t’a été annoncé, homme, ce qu’est le bien, ou ce que Dieu demande de toi, pas autre chose que de pratiquer le jugement, d’aimer la miséricorde et d’être prêt à aller avec le Seigneur ton Dieu. De même Moïse : J’ai mis devant toi la voie de la vie et la voie de la mort: choisis le bien et marche dans sa voie. Ou encore Isaïe : Si vous le voulez et si vous m’écoutez, vous mangerez les biens de la terre; si vous ne le voulez pas et ne m’écoutez pas, un glaive vous dévorera; car la bouche du Seigneur a parlé ainsi. Et dans les Psaumes: Si mon peuple m’écoulait et si Israël avait marché dans mes voies, j’aurais réduit au néant leurs ennemis [et j’aurais mis la main sur ceux qui les persécutent]. Cela suppose qu’écouter et marcher dans les voies de Dieu est au pouvoir du peuple. Et le Seigneur, quand il dit : Moi, je vous dis de ne pas résister au méchant. Et : Celui qui s’emporte contre son frère sera coupable du jugement. Et : Si quelqu’un regarde une femme pour la convoiter, il a déjà commis l’adultère dans son coeur. Et par tous les autres commandements qu’il donne, il affirme qu’il est en notre pouvoir d’observer les préceptes et que nous serons à bon droit condamnés au jugement si nous les transgressons. C’est pourquoi, dit-il, celui qui entend mes paroles et les accomplit sera comparé à un homme sensé qui a bâti sa maison sur la pierre, etc. Celui qui entend, mais n’accomplit pas, est semblable à un fou qui a bâti sa maison sur le sable, etc. Traité des Principes: Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Voici la première réponse à faire aux hérétiques pour renverser ce qu’ils supposent, que Pharaon était d’une nature perdue. Il faut leur dire la même chose au sujet de la parole de l’Apôtre. Qu’est-ce qu’endurcit Dieu ? Les perdus ? Mais qu’est-ce qui leur arriverait s’ils n’avaient pas été endurcis ? Ou bien alors, évidemment, seront-ils sauvés, comme n’étant pas d’une nature perdue ? De qui Dieu a-t-il pitié ? N’est-ce pas de ceux qui seront sauvés ? Et quel besoin y a-t-il pour eux d’une seconde miséricorde, puisqu’une fois pour toutes ils ont été créés comme devant être sauvés et devant être dans la béatitude complète à cause de leur nature ? S’il n’en est pas ainsi, puisqu’ils reçoivent la perdition s’ils ne sont pas l’objet de la miséricorde, Dieu a pitié d’eux, pour qu’ils ne reçoivent pas ce qui les attend, la perdition, mais qu’ils parviennent au lieu des sauvés. Voici donc ce que l’on peut leur répondre. On peut objecter à ceux qui pensent avoir compris le mot il a endurci ce qui suit : Qu’a fait selon eux Dieu pour endurcir le coeur et dans quel but a-t-il agi ainsi ? Qu’ils examinent donc la notion de Dieu, qui est selon la saine doctrine juste et bon, mais, s’ils ne l’acceptent pas, qu’on leur concède pour le moment qu’il est seulement juste. Qu’ils nous montrent comment celui qui est juste et bon, ou seulement juste, peut paraître avoir agi justement en endurcissant le coeur de celui qui périra parce qu’il est endurci, et comment celui qui est juste devient cause de perdition et de désobéissance en châtiant ceux qu’il a endurcis et contraints à la désobéissance ! Pourquoi blâme-t-il Pharaon en ces termes : Toi, tu ne veux pas laisser partir mon peuple, voici que je frappe tous les premiers-nés d’Egypte, ainsi que ton premier-né, et tout ce que selon l’Écriture Dieu dit à Pharaon par l’intermédiaire de Moïse ? Il faut que celui qui croit que les Écritures sont véridiques et que Dieu est juste, lutte, s’il est sage, pour montrer comment comprendre clairement que Dieu est juste en proférant de telles paroles. Traité des Principes: Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

C’est comme si le soleil prenait la parole et disait : Je liquéfie et je dessèche, alors qu’être liquéfié et être desséché sont des états contraires. Cependant il ne mentirait pas à cause du substrat, car la même chaleur liquéfie la cire et sèche la boue : ainsi la même action qui s’est produite par l’intermédiaire de Moïse a révélé l’endurcissement de Pharaon à cause de sa malice et la docilité des Égyptiens qui s’étaient mêlés aux Hébreux et partaient avec eux. Et ce qui est écrit, que peu à peu le coeur de Pharaon s’est assoupli jusqu’à dire : Mais vous n’irez pas loin, vous marcherez trois jours et vous laisserez vos femmes, et toutes les autres paroles qu’il a dites en s’abandonnant peu à peu aux prodiges, montrent que les miracles agissaient bien un peu sur lui, sans l’amener cependant à tout exécuter. Cela ne se serait pas produit si la phrase J’endurcirai le coeur de Pharaon était accomplie par lui, c’est-à-dire par Dieu, dans le sens que veulent la plupart. Il n’est pas déplacé d’expliquer de telles paroles à partir des habitudes de langage. Souvent de bons maîtres disent à des serviteurs, gâtés par leur bonté et leur patience : C’est moi qui t’ai rendu mauvais. Et : C’est moi qui suis la cause de telles fautes. Il faut d’abord comprendre la forme habituelle et le sens de ce qui est dit et ne pas calomnier par une mauvaise compréhension de ce que veut dire cette parole. En effet Paul, qui a examiné tout cela clairement, dit au pécheur : Méprises-tu la richesse de sa bonté, de sa patience et de sa longanimité, ignorant que la bonté de Dieu te mène à la pénitence ? Selon ta dureté et l’impénitence de ton coeur, tu thésaurises pour toi-même la colère au jour de la colère et de la révélation et du juste jugement de Dieu. Ce que dit l’Apôtre au pécheur, que cela soit dit à Pharaon : on peut penser que cela se rapporte à lui d’une manière tout à fait adaptée, car selon sa dureté et l’impénitence de son coeur il thésaurise pour lui-même la colère. Cette dureté n’aurait pas été révélée à ce point ni ne serait devenue aussi manifeste, si des miracles ne s’étaient pas produits, ou même, dans le cas où ils se seraient produits, s’ils n’avaient pas été si nombreux et si grands. Traité des Principes: Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

En même temps il est montré clairement que, en ce qui concerne la nature qui sert de substrat, de même que le potier a à sa disposition une seule sorte d’argile, pâte dont il va tirer les vases d’honneur et de déshonneur, Dieu a à sa disposition une unique nature qui est sous-jacente à toute âme et, pour ainsi dire, une seule pâte qui est celle des substances raisonnables, et ce sont des causes antécédentes qui ont destiné les uns à l’honneur, les autres au déshonneur. S’il faut voir une réprimande dans la parole de l’Apôtre : Effectivement, homme, qui es-tu pour répondre à Dieu ? elle nous enseigne peut-être que celui qui est en confiance avec Dieu, qui est croyant et vit bien, ne serait pas exposé à entendre : Qui es-tu pour répondre à Dieu ? Il serait comme était Moïse : Moïse parlait et Dieu lui répondait de sa propre voix. De même que Dieu répond à Moïse, de même le saint répond à Dieu. Celui qui n’a pas acquis une semblable confiance, soit parce qu’il l’a perdue, soit parce qu’il discute de ces choses non par désir d’apprendre, mais par amour de la contestation et qui dit ainsi : Que blâme-t-il encore ? Qui s’est opposé à sa volonté ? mériterait la réprimande : Effectivement, homme, qui es-tu pour répondre à Dieu ? Traité des Principes: Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Il faut voir maintenant selon les Écritures comment les puissances contraires et le diable lui-même combattent le genre humain, le provoquant et l’incitant au péché. D’abord le Livre de la Genèse rapporte que le serpent séduisit Eve ; dans l’Ascension de Moïse, livre que mentionne dans son épître l’apôtre Jude, l’archange Michel se disputant avec le diable au sujet du corps de Moïse dit que ce serpent, inspiré par le diable, fut cause de la prévarication d’Adam et d’Eve. Mais certains se demandent aussi quel est l’ange qui du ciel parle à Abraham en ces termes : Maintenant je sais que tu crains Dieu et que tu n’as pas épargné ton fils bien-aimé, que tu aimais, à cause de moi. Il est écrit clairement qu’il s’agit d’un ange, qui dit savoir alors qu’Abraham craignait Dieu et n’avait pas épargné son fils bien-aimé, comme l’Écriture le dit, mais il n’a pas déclaré (qu’Abraham avait fait cela) pour Dieu, mais pour lui, c’est-à-dire pour celui qui parlait ainsi. Il faut se demander aussi de qui parle l’Exode quand il est dit que ce personnage voulut tuer Moïse parce qu’il partait pour l’Egypte. Mais ensuite quel est l’ange dit exterminateur et celui qui est appelé dans le Lévitique apopompaeus, c’est-à-dire celui qui emporte, et dont l’Écriture dit : Un sort pour le Seigneur et un sort pour l’apopompaeus – c’est-à-dire pour celui qui emporte. Mais dans le premier Livre des Rois il est écrit qu’un esprit très mauvais suffoquait Saul. Dans le troisième Livre des Bois, le prophète Michée dit : J’ai vu le Dieu d’Israël siégeant sur son trône et toute la milice du ciel se tenait autour de lui à sa droite et à sa gauche. Et le Seigneur dit: Qui trompera Achab, roi d’Israël, pour qu’il monte et tombe à Ramot de Galaad. Et celui-ci parla ainsi et celui-là parla ainsi. Mais un esprit sortit (de la foule), se tint devant le Seigneur et dit: Je le tromperai. Et le Seigneur lui dit: Comment ? Il répondit: J’irai et je serai un esprit menteur dans la bouche de tous ses prophètes. Le Seigneur lui dit: Tu le tromperas, certainement tu le pourras ; va donc et agis ainsi. Et maintenant le Seigneur a mis un esprit menteur dans la bouche de tous tes prophètes ; et le Seigneur a appelé sur toi le mal. Cela montre clairement qu’un esprit a choisi avec toute sa volonté et son propos de tromper et d’opérer le mensonge, et que Dieu s’est servi de cet esprit pour la mort d’Achab qui méritait de souffrir tout cela. Dans le premier Livre des Paralipomènes : Le diable suscita un Satan en Israël et il poussa David à recenser le peuple. D’après les Psaumes, un ange malin écrase certaines personnes. Dans l’Ecclésiaste, Salomon dit : Si l’esprit de celui qui a le pouvoir monte sur toi, ne quitte pas ta place, parce que la guérison arrêtera des péchés nombreux. Nous lisons dans Zacharie que le diable se tenait à la droite de Jésus et lui résistait. Isaïe dit que le glaive de Dieu se lève sur le dragon, le serpent pervers. Que dirai-je d’Ézéchiel prophétisant très clairement dans sa seconde vision au prince de Tyr au sujet d’une puissance contraire, lui qui dit aussi que le dragon habite dans les fleuves d’Egypte ? Tout le livre qui parle de Job parle-t-il d’autre chose que du diable, demandant que lui soit donné pouvoir sur tout ce que possède Job, y compris ses fils, et même sur son corps. Et cependant, il est vaincu par la patience de Job. Dans ce livre, le Seigneur par ses réponses nous a instruits abondamment sur la puissance de ce dragon qui nous est hostile. Voici les textes de l’Ancien Testament qui ont pu pour le moment se présenter à notre mémoire : ils affirment que des puissances contraires sont mentionnées dans les Écritures, s’opposent au genre humain et seront finalement punies. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Cependant il ne faut pas penser que chaque homme ait à lutter contre tout cela. Il est impossible, à mon avis, qu’un homme, aussi saint qu’il soit, puisse mener le combat contre tout cela à la fois. Si cela arrivait en quelque façon – mais certainement cela ne peut arriver -, il est impossible que la nature humaine puisse le supporter directement sans se détruire presque complètement elle-même. Prenons un exemple : si cinquante soldats disent qu’ils vont lutter contre cinquante autres soldats, il ne faut pas comprendre que chacun d’entre eux soit sur le point de combattre les cinquante autres, mais chacun s’exprimera justement en disant : nous avons cinquante soldats à combattre, tous cependant contre tous. Il faut comprendre dans le même sens l’affirmation de l’Apôtre : tous les athlètes et soldats du Christ ont à lutter et à combattre contre toutes les puissances énumérées plus haut ; le combat aura lieu pour tous, mais cependant un contre un, et certainement comme le décidera le juste arbitre de cette lutte, Dieu. Je pense en effet que la nature humaine a des limites certaines, même s’il s’agit de Paul dont il est dit : Celui-ci est pour moi un vase d’élection, de Pierre contre qui ne l’emportent pas les portes de l’Hadès, ou de Moïse, l’ami de Dieu, car aucun d’eux ne pourrait supporter à la fois tout le bataillon des puissances adverses sans se ruiner lui-même en quelque façon, à moins que n’opère en lui la puissance de celui-là seul qui a dit : Confiance ! c’est moi qui ai vaincu le monde. C’est à cause de lui que Paul disait en toute confiance : Je puis tout en celui qui me fortifie, le Christ; et de même : J’ai travaillé plus qu’eux tous, non moi, mais la grâce de Dieu avec moi. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Sur la création du monde, quelle autre Écriture pourra nous renseigner, si ce n’est celle où Moïse a décrit son origine ? Bien qu’elle contienne des significations plus profondes que ce que semble montrer le récit des faits, bien qu’elle renferme presque partout une intelligence spirituelle et qu’elle se serve du voile de la lettre pour cacher des réalités mystiques et profondes, cependant la parole du narrateur affirme qu’à un certain moment tout le visible a été créé. Jacob parle le premier de la fin du monde, dont il témoigne devant ses fils en ces termes : Venez vers mol, fils de Jacob, que je vous annonce ce qui se passera dans les derniers jours, ou : après les derniers jours. S’il y a des derniers jours ou un après les derniers jours, il faut que cessent des jours qui ont commencé. David dit de même : Les deux périront, mais toi, tu demeureras, et tous s’useront comme un vêlement et comme une couverture tu les changeras, et ils seront changés ; mais toi, tu es le même et tes années ne cesseront pas. Lorsque notre Seigneur et Sauveur dit : Celui qui a créé au commencement les a fait mâle et femelle, il atteste lui-même pareillement que le monde a été fait. Et lorsqu’il dit : Le ciel et la terre passeront, mais mes paroles ne passeront pas, il le montre corruptible et allant vers une fin. L’Apôtre dit aussi : A la vanité en effet la création est soumise, sans qu’elle le veuille, mais à cause de celui qui l’a soumise, dans l’espoir, car la création elle-même sera libérée de la servitude de la corruption pour recevoir la liberté glorieuse des fils de Dieu : il affirme là clairement la fin du monde, et de même quand il dit : L’état de ce monde passera. Mais en disant : La création est soumise à la vanité, il montre aussi son commencement. Si en effet la création est soumise à la vanité à cause d’un espoir quelconque, elle est soumise par une cause, et ce qui est par une cause doit nécessairement avoir eu un commencement. Il n’était pas possible, sans un commencement, que la création soit soumise à la vanité et qu’elle espère être libérée de la servitude de la corruption, si elle n’avait pas commencé à être esclave de la corruption. Mais on peut trouver bien d’autres textes de ce genre dans les Écritures, si on recherche à loisir où il est dit que le monde a eu un commencement et espère une fin. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Première section

Nous avons déjà disserté plus haut, selon nos possibilités, de la fin et de la consommation du monde selon que le permet l’autorité des divines Écritures ; nous pensons que cela suffit à instruire, mais nous mentionnerons cependant quelques autres points, puisque la suite de l’argumentation nous ramène à ce sujet. Le bien suprême donc, vers lequel se hâte toute la nature raisonnable et qui est dit aussi la fin de toutes choses, a été exprimé pareillement par de très nombreux philosophes en ces termes : le bien suprême consiste à devenir semblable à Dieu dans la mesure du possible. Mais cela, je ne pense pas qu’ils l’aient trouvé eux-mêmes, ils l’ont emprunté aux livres divins. C’est en effet indiqué par Moïse avant tout autre quand il raconte la première création de l’homme : Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et ressemblance. Ensuite il ajoute : Et Dieu fit l’homme, à l’image de Dieu il le fit, mâle et femelle il les fit, et il les bénit. Il dit alors : A l’image de Dieu il le fit, et il se tut sur la ressemblance : cela indique seulement que l’homme a reçu la dignité de l’image dans sa première création, mais que la perfection de la ressemblance lui est réservée pour la consommation. C’est dire qu’il devait se la procurer lui-même par l’effort de son activité propre en imitant Dieu : la possibilité de cette perfection qui lui était donnée dès le début par la dignité de l’image, il devait à la fin, en accomplissant les oeuvres, la réaliser lui-même en ressemblance parfaite. L’apôtre Jean certifie avec plus de clarté et d’évidence qu’il en est ainsi lorsqu’il dit : Mes petits enfants, nous ne savons pas encore ce que nous serons; quand cela nous sera révélé, nous serons semblables à lui : il parle là sans aucun doute du Sauveur. Par là il indique avec une grande certitude et la fin de toutes choses – il dit qu’il l’ignore encore – et la ressemblance de Dieu à espérer, celle qui sera donnée selon la perfection des mérites. Le Seigneur lui-même dans l’Évangile la présente non seulement comme future, mais comme devant se produire par son intercession, puisqu’il daigne lui-même la demander à son Père pour ses disciples quand il dit : Père, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et : comme moi et toi nous sommes uns, ainsi qu’eux aussi soient un avec nous. Il semble par là que la ressemblance elle-même progressera, pour ainsi dire, et que de semblable on deviendra un, car sans aucun doute à la consommation ou fin Dieu est tout et en tous. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Il faut se demander, certes, si alors, quand Dieu sera tout en tous, dans la consommation de toutes choses, toute la nature des corps aura une seule forme et toute la qualité des corps sera seulement de briller dans la gloire inénarrable qui sera attribuée, il faut le penser, au corps spirituel. Si nous comprenons bien ce qu’au début de son livre a écrit Moïse : Au début Dieu a fait le ciel et la terre, c’est là le début de toute la création, début auquel doit revenir la fin et la consommation de toutes choses, c’est-à-dire que ce ciel-là et cette terre-là soient la demeure et le repos des pieux, de sorte que d’abord les saints et les doux hériteront de cette terre, puisque l’enseignent la loi, les prophètes et l’évangile. Dans cette terre, je pense que se trouveront les modèles vrais et vivants des observances que Moïse enseignait par l’ombre de la loi. C’est pourquoi il est dit que ceux qui servaient sous la loi, servaient l’image et l’ombre des réalités célestes. A ce même Moïse, il a été dit : Prends garde à tout faire selon le modèle et à la ressemblance de ce qui t’a été montré sur la montagne. C’est pourquoi il me semble que, de même que sur cette terre la loi fut un pédagogue pour ceux qui, par elle, devaient être menés au Christ, à cause de l’enseignement et de l’instruction qu’elle leur donnait, afin qu’ils puissent plus aisément, après avoir été instruits par la loi, recevoir toute la science plus parfaite du Christ, de même cette terre qui reçoit les saints les imprègne et les forme d’abord en leur enseignant la loi éternelle, pour qu’ils puissent plus facilement recevoir l’instruction parfaite du ciel, à laquelle rien ne peut être ajouté. Ils y trouveront ce qui est appelé l’Évangile éternel et le Testament toujours nouveau qui jamais ne vieillira. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Mais puisque, quand nous discutons de réalités si nombreuses et si importantes, il ne suffit pas de nous confier entièrement aux pensées humaines et aux conceptions communes et, pour ainsi dire, de nous prononcer de mais que nous prenons en outre pour faire la démonstration de ce que nous disons des témoignages venant des Écritures que nous croyons divines, celle qui est dite l’Ancien Testament et celle qui est appelée le Nouveau, nous tentons d’affermir notre foi par la raison et nous n’avons pas encore établi la divinité des Écritures. Permettez que nous nous expliquions un peu, comme en résumé, sur ce sujet, exposant pour cela ce qui nous pousse à considérer les Écritures comme divines. Et d’abord, avant d’utiliser les Écritures elles-mêmes et tout ce qui y est exprimé, il nous faut discuter de Moïse et de Jésus-Christ, du législateur des Hébreux et de l’auteur des doctrines salvatrices du Christianisme. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section

Il y a eu certes beaucoup de législateurs chez les Grecs et les barbares, beaucoup de maîtres qui prêchaient des doctrines promettant la vérité ; nous ne connaissons cependant aucun législateur qui ait pu faire naître dans les autres nations le désir de recevoir ses paroles ; et alors que ceux qui promettaient de philosopher au sujet de la vérité y apportaient tout un appareil probatoire avec des démonstrations qui paraissaient raisonnables, aucun n’a pu répandre ce qu’il croyait la vérité dans des nations différentes ou même dans un nombre suffisant de gens appartenant à une seule nation. Et cependant les législateurs auraient bien voulu que les lois qui leur paraissaient bonnes aient autorité, si c’était possible, sur toute la race humaine, et les maîtres que ce qu’ils s’imaginaient être la vérité se soit répandu partout sur la terre. Mais comme ils ne pouvaient pas exhorter ceux qui parlaient d’autres dialectes ou appartenaient à de nombreuses nations à observer leurs lois et à recevoir leurs enseignements, ils n’ont même pas essayé de commencer à le faire, car, non sans raison, ils constataient qu’il leur était impossible d’y parvenir. En revanche, tout pays du monde, qu’il soit grec ou barbare, a des myriades de nos fidèles qui ont abandonné les lois paternelles et ceux qu’on croit être des dieux, pour observer les lois de Moïse et pour suivre en disciples les paroles de Jésus-Christ ; et cependant ceux qui se sont livrés à la loi de Moïse sont haïs de ceux qui adorent les statues, et ceux qui ont reçu la parole de Jésus-Christ risquent en outre, par suite de cette haine, une sentence de mort. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section

En montrant succinctement ce qui regarde la divinité de Jésus, en nous servant des paroles prophétiques qui le concernent, nous montrons que les Écritures qui ont prophétisé à son sujet étaient inspirées par Dieu, ainsi que les écrits qui ont annoncé sa venue, qui ont rapporté un enseignement donné avec puissance et autorité et qui pour cela a dominé sur ceux qui ont été élus parmi les nations. Il faut dire que l’inspiration divine des paroles prophétiques et le caractère spirituel de la loi de Moïse apparurent d’une manière éclatante avec la venue de Jésus. Il n’était pas très possible de présenter des exemples clairs de l’inspiration divine des anciennes Écritures avant la venue du Christ ; mais la venue de Jésus a mené ceux qui pouvaient supposer que la loi et les prophètes n’étaient pas divins à constater avec évidence qu’ils avaient été écrits à l’aide d’une grâce céleste. Celui qui étudie avec soin et attention les écrits prophétiques ressentira à leur lecture une trace d’enthousiasme et ce sentiment le persuadera que ce que nous croyons être les paroles de Dieu ne sont pas des écrits d’hommes. Et la lumière que contient la loi de Moïse, cachée auparavant sous le voile, a brillé avec la venue de Jésus qui a écarté le voile et a fait connaître peu à peu les biens dont la lettre possédait l’ombre. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section

L’interprétation spirituelle est pour celui qui peut montrer quelles sont les réalités célestes dont on trouve les symboles et les ombres dans le culte des Juifs selon la chair et quels sont les biens à venir dont la loi possède l’ombre. Bref, en toutes choses, selon le commandement apostolique, il faut chercher la sagesse cachée dans le mystère, celle que Dieu a prédestinée avant tous les siècles à la gloire des justes, celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue. L’Apôtre dit quelque part, en se servant de certains textes de l’Exode et des Nombres, que : Cela leur est arrivé comme des figures, mais fut écrit pour nous, pour qui survient la fin des siècles. Et il donne l’occasion de comprendre de quoi ces événements étaient des figures lorsqu’il dit : Ils buvaient du rocher spirituel qui les accompagnait, ce rocher était le Christ. Et pour esquisser ce qui concerne le tabernacle, dans une autre épître il a utilisé la phrase : Tu feras tout selon le modèle qui t’a été montré sur la montagne. Certes, dans l’Épître aux Galates, comme pour blâmer ceux qui pensent lire la loi et ne la comprennent pas, jugeant qu’ils ne la comprennent pas parce qu’ils croient qu’il n’y a pas des allégories dans ces écrits, il leur dit : Dites-moi, vous qui voulez être sous la loi, n’entendez-vous pas la loi ? Il est écrit qu’Abraham eut deux fils, l’un de la servante, l’autre de la femme libre. Mais celui de l’esclave est né selon la chair, celui de la femme libre selon la promesse: ce sont des allégories. Ce sont en effet les deux Testaments, etc. Il faut observer chacune de ses paroles ; il dit en effet : Vous qui voulez être sous la loi – non : vous qui êtes sous la loi – et : N’entendez-vous pas la loi ? Il pense en effet qu’entendre signifie comprendre et connaître. Dans l’Epître aux Colossiens, il résume en peu de mots la volonté de toute la législation : Que personne ne vous juge sur la nourriture ou la boisson, sur les fêtes, néoménies ou sabbats, avec leur caractère partiel, car ce sont l’ombre des réalités futures. Ecrivant aussi aux Hébreux et discutant de ceux de la circoncision, il écrit : Ceux qui adorent selon la figure et l’ombre des réalités célestes. Mais vraisemblablement, par là, ceux qui acceptent une bonne fois l’Apôtre comme un homme de Dieu ne pourraient douter des cinq livres attribués à Moïse ; mais en ce qui concerne le reste de l’histoire, ils veulent apprendre si celle-là aussi est arrivée comme des figures. Il faut remarquer ce passage de l’Épître aux Romains : Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal, qui se trouve dans le Troisième Livre des Rois : Paul l’a compris des Israélites selon l’élection, car il n’y a pas que les Gentils qui ont tiré profit de la venue du Christ, mais aussi quelques-uns de la race divine. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Qui sera assez sot pour penser que, comme un homme qui est agriculteur, Dieu a planté un jardin en Eden du côté de l’orient et a fait dans ce jardin un arbre de vie visible et sensible, de sorte que celui qui a goûté de son fruit avec des dents corporelles reçoive la vie? Et de même que quelqu’un participe au bien et au mal pour avoir mâché le fruit pris à cet arbre. Si Dieu est représenté se promenant le soir dans le jardin et Adam se cachant sous l’arbre, on ne peut douter, je pense, que tout cela, exprimé dans une histoire qui semble s’être passée, mais ne s’est pas passée corporellement, indique de façon figurée certains mystères. Quant à Caïn fuyant de devant la face de Dieu, selon l’avis clair des gens compétents, ce passage amènera celui qui réfléchit à se demander qu’est-ce que la face de Dieu et qu’est-ce que fuir de devant elle. Qu’y a-t-il à ajouter à cela ? Ceux dont l’intelligence n’est pas tout à fait obtuse peuvent recueillir bon nombre de choses semblables, qui sont représentées comme si elles s’étaient passées, alors qu’elles ne se sont pas passées littéralement. Mais les Évangiles aussi sont pleins d’expressions de cette espèce : le diable a porté Jésus sur une haute montagne pour lui montrer de là-haut les royaumes du monde entier et leur gloire. Quand on lit cela sans superficialité, ne blâmera-t-on pas ceux qui pensent qu’avec l’oeil du corps, qui a besoin d’une certaine hauteur pour apercevoir ce qui est placé plus bas, on peut voir les royaumes des Perses, des Scythes, des Indiens et des Parthes, et la gloire que leurs souverains reçoivent des hommes ? Celui qui cherche l’exactitude peut observer d’autres expressions semblables en très grand nombre dans les Évangiles et admettre que, dans les histoires qui se sont passées selon la lettre, sont tissées d’autres histoires qui ne se sont pas passées. Si nous en venons à la législation de Moise, nombreuses sont les lois, pour autant qu’on puisse l’observer par soi-même, qui manifestent des illogismes, ou même des impossibilités. Des commandements déraisonnables, lorsqu’il est interdit de manger des vautours, car même dans les plus grandes famines personne n’a été forcé par la pénurie d’en arriver à manger un tel animal. Lorsqu’il est ordonné d’exterminer de la race les enfants de huit jours qui n’ont pas été circoncis, il faudrait, s’il fallait qu’une telle législation ait été donnée au sens littéral, ordonner que leurs pères ou ceux qui les élèvent soient mis à mort. Or l’Écriture dit : Tout mâle incirconcis, qui n’a pas été circoncis le huitième jour, sera exterminé de la race. Si vous voulez voir des préceptes impossibles, remarquons que le tragélaphe est un animal qui ne peut pas exister, et cependant, puisqu’il est pur, Moïse ordonne de le prendre pour nourriture ; on ne dit pas que le griffon soit jamais tombé sous la main des hommes et cependant le législateur défend de le manger. A propos du sabbat dont on parle tant, si on réfléchit sur le précepte : Vous serez assis chacun dans sa maison; que personne ne quitte sa place le septième jour, il est impossible de l’observer selon la lettre, car aucun vivant ne peut rester assis toute la journée et demeurer sans mouvement après qu’il s’est assis. C’est pourquoi ceux qui appartiennent à la circoncision et tous ceux qui refusent de voir quelque chose de supérieur à la lettre n’ont jamais commencé à se poser des questions sur quelques points, comme en ce qui concerne le tragélaphe, le griffon et le vautour ; mais sur d’autres ils radotent, parlant beaucoup et inutilement, rapportant des traditions insipides, comme lorsqu’ils disent au sujet du sabbat que l’espace concédé à chacun pour ses déplacements est de deux mille coudées. D’autres, comme Dosithée le Samaritain, tout en blâmant de telles explications, pensent que l’on doit rester jusqu’au soir dans la position dans laquelle on a été surpris par le jour du sabbat. Mais il est impossible de ne pas lever de fardeau le jour du sabbat: c’est pourquoi les docteurs des Juifs en sont venus à des bavardages interminables, disant que tel genre de soulier est un fardeau mais non pas tel autre, que la sandale à clous est un fardeau et non celle qui n’en a pas, que ce qui est porté sur une épaule est un fardeau et non ce qui l’est sur les deux. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Mais voici un point que je ne pense pas sans mystère : quelques-uns possédant beaucoup de bestiaux et d’animaux précèdent les autres et s’emparent de lieux propres aux pâturages et à la nourriture des bêtes, le premier territoire que l’armée israélite avait revendiqué par la guerre. Ils le demandent à Moïse et ainsi ils se séparent de l’autre côté des flots du Jourdain et s’excluent de la possession de la Terre sainte. Ce Jourdain peut être considéré, en tant que symbole des réalités célestes, comme celui qui arrose et inonde les âmes assoiffées et les intelligences qui sont proches de lui. A cet endroit ne paraît pas être sans raison le fait que Moïse a entendu de Dieu ce qui est raconté dans la loi du Lévitique, mais que le peuple dans le Deutéronome est devenu auditeur de Moïse et a appris de lui ce qu’il n’a pu entendre de Dieu. C’est pourquoi le Deutéronome a reçu le nom de seconde loi ; certains penseront que lorsque a cessé la première, donnée par l’intermédiaire de Moïse, une seconde législation semble s’être formée, qui a été confiée spécialement par Moïse à Jésus (Josué) son successeur : ce dernier symbolise, à ce qu’on croit, notre Sauveur, dont la seconde loi, c’est-à-dire les préceptes de l’Évangile, conduit toutes choses à leur perfection. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Il faut d’abord savoir que nous n’avons nulle part jusqu’à maintenant trouvé dans les Écritures canoniques ce mot de matière pour désigner la substance qu’on considère comme sous-jacente aux corps. Lorsque Isaïe dit : Et il mangera comme du foin l’hylè, c’est-à-dire la matière, il parle de ceux qui se trouvent dans les supplices et par matière désigne les péchés. Si on trouve dans un autre endroit le mot de matière, nulle part, à mon avis, on ne le voit signifier ce dont nous parlons, excepté seulement dans la Sagesse dite de Salomon, livre dont l’autorité n’est pas reconnue de tous. On y trouve donc ceci : Ta main toute-puissante qui avait créé le monde à partir de la matière informe n’était pas embarrassée pour leur envoyer une foule d’ours ou des lions féroces. Beaucoup pensent, certes, qu’il s’agit de la matière même des choses dans ce qui a été écrit par Moïse au début de la Genèse : Au début, Dieu fit le ciel et la terre ; la terre était invisible et sans ordre. Par cette terre invisible et sans ordre, Moïse n’a pas semblé indiquer autre chose que la matière informe. S’il s’agit vraiment là de la matière, il s’ensuit que les principes des corps ne sont pas immuables. Car ceux qui ont mis pour principes des choses corporelles les atomes, qu’il s’agisse de ce qui ne peut être divisé ou de ce qui peut l’être en parties égales, ou l’un des quatre éléments, n’ont pu placer parmi les principes le mot de matière, c’est-à-dire ce qui définit au premier chef la matière. Et lorsqu’ils font de la matière le substrat de tous les corps, comme une substance convertible, changeable et divisible de toute manière, ils ne pourront le faire selon sa nature propre en faisant abstraction des qualités. Nous acceptons ce qu’ils disent, nous qui refusons de toute manière de dire la matière incréée ou non faite, comme nous l’avons montré plus haut selon nos possibilités, lorsque nous avons signalé que les diverses sortes de fruits sont produits par les différentes espèces d’arbres à partir de l’eau et de la terre, de l’air et de la chaleur, et lorsque nous avons enseigné que le feu, l’air, l’eau et la terre se changent l’un dans l’autre, et que chaque élément se résout en un autre par suite d’une parenté réciproque ; pareillement, lorsque nous avons prouvé que chez les hommes et les animaux la substance de la chair tire son existence de la nourriture et que l’humeur de la semence naturelle se change en une chair solide et dans des os. Tout cela nous enseigne que la substance corporelle est transformable et qu’elle passe d’une qualité à l’autre. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section