Mnémosyne (Orígenes)

Ensuite, Celse prétend que sous “la conduite de Moïse leur chef, des gardeurs de chèvres et de moutons, l’esprit abusé d’illusions grossières, ont cru qu’il n’y a qu’un seul Dieu”. Qu’il nous montre alors comment, si des gardeurs de chèvres et de moutons, sans motif raisonnable, d’après lui, se sont détournés du culte des dieux, il peut lui-même justifier la multitude des dieux honorés chez les Grecs et les autres peuples barbares. Qu’il montre alors l’existence et la réalité de Mnémosyne rendue par l’action de Zeus mère des Muses, et celle de Thémis, mère des Heures. Qu’il établisse que les Grâces peuvent réellement avoir existé toujours nues. Mais il ne pourra montrer par les faits que les fictions des Grecs, qui semblent bien être des personnifications, sont des dieux. En quoi la mythologie religieuse des Grecs est-elle plus vraie, par exemple, que celle des Egyptiens qui ne connaissent dans leur langue ni Mnémosyne mère des neuf Muses, ni Thémis mère des Heures, ni Eurynome mère des Grâces, ni le nom des autres ? Combien plus efficace et supérieure à toutes ces fantaisies est la persuasion, par ce qui est visible, du bon ordre du monde et l’adoration de l’artisan unique d’un monde qui est un, en harmonie avec la réalité totale ; qui ne peut, en conséquence, avoir été l’oeuvre de plusieurs démiurges, ni être maintenu par plusieurs âmes mouvant l’ensemble du ciel. Une seule, en effet, suffît, portant tout le firmament du levant au couchant, contenant en elle-même tout ce qui est nécessaire au monde mais n’a pas sa fin en soi. Toutes choses sont parties du monde, mais Dieu n’est point partie du tout ; car Dieu ne doit pas être imparfait comme la partie est imparfaite. Mais sans doute un raisonnement plus profond montrerait-il que, en rigueur de termes, Dieu n’est pas plus un tout qu’il n’est une partie, puisque le tout est fait de parties. Et la raison ne permet pas d’admettre que le Dieu suprême soit fait de parties dont chacune ne peut faire ce que peuvent les autres. LIVRE I