Voici tout ce qui est transmis clairement par la prédication apostolique. D’abord il y a un seul Dieu qui a tout créé et établi, qui, alors que rien n’était, a fait être l’univers. Il est Dieu dès le début de la création et formation du monde, le Dieu de tous les justes, d’Adam, Abel, Seth, Énos, Enoch, Noé, Sem, Abraham, Isaac, Jacob, des douze patriarches, de Moïse et des prophètes. Et ce Dieu dans les derniers temps, comme il l’avait promis auparavant par ses prophètes, a envoyé notre Seigneur Jésus-Christ, pour appeler d’abord Israël, puis les nations après l’infidélité du peuple d’Israël. Ce Dieu juste et bon, père de notre Seigneur Jésus-Christ, a donné lui-même la loi, les prophètes et les évangiles : il est le Dieu des apôtres, celui de l’Ancien et du Nouveau Testament. Préface
En outre les Écritures ont été rédigées par l’action de l’Esprit de Dieu et n’ont pas seulement pour sens celui qui apparaît clairement, mais un autre aussi qui échappe à la plupart. Ce qui y est décrit est la figure de certains mystères et l’image des réalités divines. A ce sujet toute l’Église est unanime : Toute la loi est spirituelle, cependant ce que signifie spirituellement la loi n’est pas connu de tous, mais de ceux-là qui ont reçu la grâce du Saint Esprit dans la parole de sagesse et de connaissance. Préface
Quant à ceux qui, parce que Dieu est appelé souffle (esprit), jugent qu’il est corps, il faut leur répondre ainsi : L’Écriture sainte a l’habitude, lorsqu’elle veut désigner quelque chose de contraire à ce corps que voici plus épais et plus solide, de le nommer esprit (souffle). Elle dit ainsi : La lettre tue, mais l’esprit vivifie. Sans aucun doute, la lettre désigne les réalités corporelles, l’esprit les intellectuelles, que nous disons aussi spirituelles. L’Apôtre écrit en outre : Jusqu’à aujourd’hui, lorsqu’ils lisent Moïse, un voile est posé sur leur coeur; mais lorsqu’on se sera tourné vers le Seigneur, le voile sera ôté ; là où est l’Esprit du Seigneur se trouve la liberté. Tant qu’on ne se convertit pas à l’intelligence spirituelle, un voile est posé sur le coeur : par ce voile, c’est-à-dire par une intelligence plus grossière, l’Écriture, selon ce que l’on dit et pense, est elle-même voilée ; tel était le voile posé sur le visage de Moïse lorsqu’il parlait au peuple, c’est-à-dire lorsque la loi est lue à la foule. Si nous nous tournons vers le Seigneur, là où est aussi la Parole de Dieu, là où l’Esprit Saint révèle la science spirituelle, alors le voile est ôté, et alors, la face dévoilée, nous contemplons dans les Écritures saintes la gloire du Seigneur. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section
Maintenant, continuant notre exposé, recherchons brièvement ce que nous pouvons dire de l’Esprit Saint. Tous ceux qui croient de quelque façon qu’il y a une providence, confessent un Dieu inengendré qui a créé et qui gouverne l’univers et reconnaissent qu’il est le père de l’univers. Qu’il ait un Fils, nous ne sommes pas les seuls à l’affirmer, bien que cela paraisse assez étrange et incroyable à ceux que, chez les Grecs et les barbares, on considère comme des philosophes : cependant cette opinion semble tenue par quelques-uns d’entre eux, lorsqu’ils confessent que tout a été créé par la Parole ou la Raison de Dieu. Mais nous, faisant foi à sa doctrine que nous tenons avec certitude pour divinement inspirée, nous croyons qu’il n’est possible de parler du Fils de Dieu d’une manière plus éminente et plus divine et d’en donner la connaissance aux hommes que par le moyen de son Écriture, inspirée par l’Esprit Saint, c’est-à-dire de l’Évangile et des écrits apostoliques, de la loi et des prophètes, comme le Christ lui-même l’a affirmé. Quant à l’être substantiel qu’est l’Esprit Saint, personne n’a pu en avoir le moindre soupçon, si ce n’est ceux qui connaissent la loi et les prophètes ou qui professent la foi dans le Christ. Car si personne ne peut parler dignement de Dieu le Père, il est cependant possible d’en acquérir quelque compréhension à l’occasion des créatures visibles et de ce que l’intelligence humaine perçoit naturellement : en outre tout cela peut être confirmé par le témoignage des Écritures saintes. Et quant au Fils de Dieu, bien que personne ne connaisse le Fils si ce n’est le Père, l’intelligence humaine apprend cependant des divines Écritures ce qu’il faut penser de lui : il ne s’agit pas alors seulement du Nouveau Testament, mais encore de l’Ancien, en rapportant de façon figurée au Christ les actions des saints, qui nous font connaître la nature divine et aussi la nature humaine qu’il a assumée. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Pour faire apparaître avec plus de clarté si la matière corporelle subsiste seulement par intervalles et si, de même qu’elle n’existait pas avant d’être, de même elle sera dissoute et ne sera plus, voyons d’abord s’il peut se faire que quelqu’un vive sans corps. En effet si quelqu’un peut vivre sans corps, tous les êtres le peuvent, car le traité précédent a montré que tous tendent vers une seule fin. Si donc tous les êtres peuvent être dépourvus de corps, sans aucun doute il n’existera plus de substance corporelle, car elle n’aura plus d’utilité. Et comment entendrons-nous ce que dit l’Apôtre, dans ce passage où il discute de la résurrection des morts : Il faut que ce qui est corruptible revête l’incorruption et que ce qui est mortel revête l’immortalité. Lorsque ce qui est corruptible aura revêtu l’incorruption et ce qui est mortel l’immortalité, alors s’accomplira cette parole de l’Écriture : La mort a été absorbée dans la victoire. Où est, mort, ta victoire ? Où est, mort, ton aiguillon ? En effet l’aiguillon de la mort c’est le péché, la force du péché c’est la loi. L’Apôtre donc semble suggérer une signification semblable. En effet ces expressions : ce qui est corruptible, et : ce qui est mortel, prononcées comme avec le sentiment de celui qui touche et qui montre, à quoi peuvent-elles s’appliquer sinon à la matière corporelle ? Donc cette matière du corps, maintenant corruptible, revêtira l’incorruption, lorsque l’âme parfaite, instruite des doctrines de l’incorruption, aura commencé à l’utiliser. Livre II: Troisième traité (II, 1-3): Le commencement de ce monde et ses causes
Maintenant que nous avons traité ces sujets selon l’ordre requis et le plus brièvement possible, il nous reste, conformément à notre propos initial, à réfuter ceux qui pensent que le Père de notre Seigneur Jésus-Christ est un autre Dieu que celui qui répondait à Moïse à propos de la loi et envoyait les prophètes, le Dieu des patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Il faut d’abord nous raffermir dans cette doctrine de foi. Considérons donc ce qui est dit souvent dans l’Évangile et rapporté en liaison avec chacun des actes de notre Seigneur et Sauveur : Pour que soit accompli ce qui est dit par le prophète, par tel ou tel prophète, puisqu’il est évident qu’ils sont les prophètes du Dieu qui a fait le monde. En bonne logique, on conclut que celui qui a envoyé les prophètes a lui-même prédit ce qu’il fallait prédire du Christ. Il n’est pas douteux que cela n’a pas été prédit par un Dieu qui lui aurait été étranger, mais par son propre père. Et le fait que, fréquemment, le Sauveur et ses apôtres prennent des exemples dans l’Ancien Testament n’indique pas autre chose que l’autorité attachée aux anciens par le Sauveur et ses disciples. Cette phrase du Sauveur exhortant ses disciples à la bonté : Soyez parfaits comme votre Père céleste est parfait, lui qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants et pleuvoir sur les justes et les injustes, suggère à tout homme, même d’intelligence médiocre, comme une vérité très évidente, qu’il ne propose pas à l’imitation de ses disciples un autre Dieu que le créateur du ciel, celui qui dispense les pluies. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Quand il dit que nous devons prier ainsi : Notre Père qui es aux deux, que semble-t-il montrer d’autre, si ce n’est Dieu à chercher dans les parties supérieures du monde, c’est-à-dire de sa création ? Et lorsqu’il a donné d’excellents préceptes sur les serments et qu’il a dit qu’il ne fallait jurer ni par le ciel, parce qu’il est le trône de Dieu, ni par la terre parce qu’elle est l’escabeau de ses pieds, n’est-il pas très clairement en accord avec les paroles prophétiques : Le ciel est mon trône et la terre l’escabeau de mes pieds ? Quand il chasse du temple les vendeurs de boeufs, de brebis et de colombes, jetant aussi à terre les tables des changeurs, en disant : ôtez de là tout cela et ne faites pas de la maison de mon Père une maison de commerce, il appelait sans aucun doute Père le Dieu au nom duquel Salomon avait construit le magnifique temple. De même ces paroles : N’avez-vous pas lu ce que Dieu a dit à Moïse: Je suis le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob ? Il n’est pas en effet le Dieu des morts, mais des vivants, nous enseignent d’une façon tout à fait explicite que le Dieu des patriarches, parce qu’ils étaient saints et vivaient saintement, Jésus l’appelait le Dieu des vivants, ce Dieu qui avait dit dans les prophètes : Je suis Dieu et il n’y a pas d’autre Dieu que moi. Car le Sauveur, sachant que le Dieu d’Abraham est celui dont parle la loi et qu’il est le même que celui qui dit : Je suis Dieu et il n’y a pas d’autre Dieu que moi, en reconnaissant comme son Père celui qui ignore qu’il y a un autre Dieu au-dessus de lui selon l’opinion des hérétiques, dit alors une absurdité, en déclarant son Père celui qui ignore ce Dieu supérieur. Si vraiment il ne l’ignore pas, mais s’il trompe en disant qu’il n’y a pas d’autre Dieu que lui, c’est une absurdité encore plus grande de voir le Christ reconnaître pour Père un menteur. De tout cela la pensée parvient à ce résultat que Jésus ne connaît d’autre Père que le Dieu qui a fait et créé l’univers. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Il serait trop long d’extraire et de rassembler de tous les passages de l’Évangile des témoignages enseignant que le Dieu de la loi et le Dieu des évangiles sont un seul et même Dieu. Invoquons cependant brièvement ce passage des Actes des Apôtres qui montre Étienne et les apôtres dirigeant leurs prières vers le Dieu qui a fait le ciel et la terre et qui a parlé par la bouche de ses saints prophètes, l’appelant le Dieu d’Abraham, d’Isaac et de Jacob, le Dieu qui a tiré son peuple de la terre d’Egypte. Ces paroles dirigent sans aucun doute notre pensée vers la foi au Créateur et le font aimer de ceux qui ont appris tout cela à son sujet avec piété et fidélité. Le Sauveur lui-même, à qui on demandait quel était le commandement suprême de la loi, répondit ainsi : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ton intelligence. Le second commandement lui est semblable: Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Et il ajouta : De ces deux préceptes dépendent toute la loi et les prophètes. Comment donc, à celui qu’il instruisait et qu’il invitait à être son disciple, recommande-t-il ce précepte avant tous les autres, ce précepte qui sans aucun doute demande d’aimer le Dieu de la loi, puisque tout cela fut dit par la loi dans les mêmes termes ? Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Supposons cependant, malgré ces preuves tout à fait évidentes, que c’est de je ne sais quel autre Dieu que le Sauveur a dit : Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, et tous les autres textes que nous avons invoqués. Si la loi et les prophètes sont l’oeuvre du créateur, à ce que disent les hérétiques, c’est-à-dire d’un autre Dieu que celui qu’ils présentent comme le Dieu bon, comment concilier avec cela ce que le Christ ajoute, que la loi et les prophètes dépendent de ces deux commandements ? Comment ce qui est étranger et éloigné de Dieu dépendra-t-il de Dieu ? Lorsque Paul déclare : Je rends grâce à mon Dieu que je sers comme l’ont fait mes ancêtres avec une conscience pure, il montre clairement qu’il n’est pas venu au Christ pour aller à un Dieu nouveau. Ces ancêtres de Paul faut-il les comprendre autres que ceux dont il dit : Ils sont Hébreux, moi aussi; ils sont Israélites, moi aussi. Mais la préface même de son Epître aux Romains ne montre-t-elle pas avec soin, à ceux qui savent comprendre les lettres de Paul, quel est ce Dieu que prêche Paul ? Il dit en effet : Paul, serviteur de Jésus-Christ, appelé apôtre, mis à part pour l’évangile de Dieu, que Dieu a promis dans les saintes Écritures au sujet de son Fils, ce Fils qu’il a fait chair à partir de la semence de David, qu’il a prédestiné comme Fils de Dieu dans sa puissance selon l’Esprit de sanctification en ressuscitant des morts Jésus-Christ notre Seigneur, et cetera. On peut aussi citer cette parole : Tu ne musèleras pas le boeuf qui foule l’aire; mais Dieu se soucie-t-il des boeufs ? Ou le dit-il assurément pour nous ? Pour nous en effet cela est écrit, car celui qui laboure doit labourer avec l’espérance et celui qui foule l’aire avec l’espoir de récolter. Par là, Paul montre avec évidence que le Dieu qui donne la loi a dit pour nous, c’est-à-dire pour ses apôtres : Tu ne musèleras pas le boeuf qui foule l’aire, car il ne se souciait pas des boeufs, mais des apôtres qui prêchaient l’évangile du Christ. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Ailleurs aussi considérant la promesse faite par la loi, Paul lui-même dit : Honore ton père et ta mère – c’est le premier commandement dans la promesse – afin que tout aille bien pour toi et que tu aies une longue vie sur la terre, la bonne terre, que le Seigneur ton Dieu te donnera. Par là, il déclare sans aucun doute qu’il approuve la loi, ainsi que le Dieu de la loi et ses promesses. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section
Mais puisque certains sont troublés de ce que les chefs de cette hérésie paraissent avoir séparé le juste du bon, déclarant que le juste est une chose et le bon une autre, et ont appliqué cette distinction à la divinité, affirmant que le Dieu Père de notre Seigneur Jésus-Christ est bon et non juste et que le Dieu de la loi et des prophètes est juste et non bon, je juge nécessaire de répondre à cette question le plus brièvement possible. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section
Ensuite si celui qu’ils disent bon est bon pour tous, sans aucun doute il l’est pour ceux qui sont destinés à perdition ; comment alors ne les sauve-t-il pas ? S’il ne le veut pas, il ne sera pas bon; s’il le veut et ne le peut pas, il ne sera pas tout-puissant. Qu’ils entendent plutôt, dans les Évangiles, le Père de notre Seigneur Jésus-Christ préparant le feu pour le diable et ses anges. Comment une action aussi punitive et pénible selon le sens qu’ils lui donnent pourra paraître l’oeuvre du Dieu bon ? Mais le Sauveur lui-même, fils du Dieu bon, déclare dans les Évangiles : Si ces signes et ces prodiges avaient été accomplis à Tyr et à Sidon, depuis longtemps elles auraient fait pénitence dans le sac et la cendre. Et lorsqu’il s’est approché de ces villes et qu’il a pénétré sur leur territoire, pourquoi, je vous le demande, a-t-il refusé d’entrer dans ces cités et de leur manifester en abondance les signes et les prodiges, puisqu’il était certain que devant cela elles auraient fait pénitence dans le sac et la cendre ? Puisque assurément il ne l’a pas fait, il a abandonné sans aucun doute à la perdition ces cités, qui n’étaient pas cependant d’une nature mauvaise et perdue d’après la parole même de l’Évangile, puisqu’il est dit qu’elles pouvaient se repentir. Et on trouve aussi dans une parabole évangélique : Le roi, pénétrant dans la salle pour voir les convives, qui avaient été invités, vit quelqu’un qui n’était pas vêtu de la tenue des noces et il lui dit: Ami, comment es-tu entré ici sans la tenue des noces ? Alors il dit aux serviteurs: Liez-lui mains et pieds et jetez-le dehors dans les ténèbres extérieures, là où il y aura pleurs et grincements de dents. Qu’ils nous disent quel est ce roi qui entre pour voir les convives et qui, trouvant parmi eux quelqu’un revêtu d’habits sales, ordonna à ses serviteurs de l’enchaîner et de le repousser dans les ténèbres extérieures : est-ce celui qu’ils appellent le Dieu juste ? Comment avait-il ordonné d’inviter des bons et des méchants sans avoir fait faire par ses serviteurs une enquête sur leurs mérites ? Par là ne sont pas seulement marqués les sentiments d’un juste, comme ils disent, et de quelqu’un qui rétribue selon le mérite, mais une bienveillance qui ne fait pas de distinction entre tous. S’il est vraiment nécessaire de comprendre ce passage du Dieu bon, c’est-à-dire du Christ ou de son Père, qu’a-t-il fait d’autre que ce qu’ils objectent au Dieu juste; bien plus, que reprochent-ils d’autre au Dieu de la loi que ce qu’a fait celui-là, qui, après avoir invité cet homme, par l’intermédiaire des serviteurs qu’il avait envoyés appeler les bons et les méchants, ordonne, à cause de vêtements trop sales, de lui lier les mains et les pieds et de le précipiter dans les ténèbres extérieures ? Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section
Qu’ils disent alors, en examinant les Écritures divines, ce qu’est chaque vertu, et qu’ils ne cherchent pas à s’esquiver en disant que le Dieu qui rétribue chacun selon ses mérites, leur rend le mal pour le mal par haine des méchants et que ce n’est pas parce que ceux qui ont péché ont besoin d’être soignés par des remèdes plus pénibles qu’il leur applique un traitement qui, en vue de leur amendement, semble présentement les faire souffrir. Il ne lisent pas ce qui est écrit de l’espérance de ceux qui ont péri par le déluge, espérance dont Pierre dit dans sa Première Épître : Le Christ est mort selon la chair, mais a été vivifié selon l’esprit. Dans cet esprit il est allé prêcher aux esprits maintenus en prison, ceux qui avaient été autrefois incrédules, lorsque Dieu attendait avec patience quand Noé construisait l’arche; dans l’arche un petit nombre, c’est-à-dire huit personnes, ont été sauvées par le moyen de l’eau; vous aussi, de façon semblable, il vous sauve aujourd’hui par le baptême. Au sujet de Sodome et de Gomorrhe, qu’ils nous disent s’ils croient que les paroles prophétiques viennent du Dieu dont on rapporte qu’il fit pleuvoir sur eux une pluie de feu et de soufre! Que dit de ces villes le prophète Ézéchiel ? Sodome sera restaurée dans son état ancien. En punissant ceux qui méritaient le châtiment, ne l’a-t-il pas fait pour leur bien ? Il a dit à la Chaldée : Tu as des charbons de feu, assieds-toi dessus et ils te seront utiles. A propos de ceux qui sont tombés dans le désert, que les hérétiques écoutent ce qui est rapporté dans le Psaume 77, attribué par son titre à Asaph : Lorsqu’il les tuait, alors ils le cherchaient. Il n’a pas dit que, les uns étant tués, les autres le recherchaient, mais que ceux qui étaient tués l’étaient de telle sorte que, mis à mort, ils recherchaient Dieu. Tout cela montre que le Dieu juste et bon, le Dieu de la loi et des Évangiles, est un seul et même Dieu, qu’il fait le bien avec justice et punit avec bonté, puisque ni la bonté sans la justice, ni la justice sans la bonté, ne sont le signe de la dignité de la nature divine. Ajoutons encore ce qui suit, forcés par leurs artifices. Si la justice est autre chose que le bien, puisque le mal est contraire au bien et l’injuste au juste, sans aucun doute l’injuste sera autre que le mal ; et puisque, selon vous, celui qui est juste n’est pas bon, celui qui est injuste ne sera pas mauvais ; de même, puisque celui qui est bon n’est pas juste, celui qui est mauvais ne sera pas injuste. Ne sera-t-il pas absurde, à ce qu’il semble, que celui qui est mauvais soit le contraire du Dieu bon, mais que personne ne soit le contraire du Dieu juste qu’ils présentent comme inférieur au bon ? A Satan qui est appelé le Malin ne correspond donc pas quelqu’un autre qui serait dit l’Injuste. Qu’en est-il donc ? Remontons au point d’où nous sommes descendus. Ils ne pourront pas dire que le mauvais n’est pas en même temps injuste, ni l’injuste mauvais. Mais si, dans ces contraires, il y a une liaison indissociable entre l’injustice et le mal et entre le mal et l’injustice, le bon sera certainement indissociable du juste et le juste du bon : de même que nous disons que la malice et l’injustice sont un seul et même mal, de même nous tenons que la bonté et la justice sont une seule et même vertu. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section
Mais de nouveau ils nous ramènent aux paroles de l’Écriture en posant leur fameuse question. Il est écrit, disent-ils, qu’un arbre bon ne peut pas produire de mauvais fruits ni un arbre mauvais de bons fruits : par son fruit on reconnaît l’arbre. Qu’en est-il donc, disent-ils ? De quelle nature est l’arbre de la loi, cela est manifesté par ses fruits, c’est-à-dire par les paroles de ses préceptes. Si on trouve la loi bonne, sans aucun doute on peut croire que celui qui l’a donnée est aussi le Dieu bon ; mais si elle est plus juste que bonne, on pensera que son Dieu est un législateur juste. L’apôtre Paul n’a employé aucune circonlocution pour dire : Donc la loi est bonne, le commandement saint, juste et bon. De là il est clair que Paul ne s’était pas instruit dans les écrits de ceux qui séparent le juste du bon, mais avait été enseigné par ce Dieu et illuminé par l’Esprit de ce Dieu qui est à la fois saint, bon et juste : parlant par son Esprit, il disait que le commandement de la loi est saint, juste et bon. Pour montrer avec plus d’évidence qu’il y a dans le commandement plus de bonté encore que de sainteté et de justice, il répète sa parole en parlant seulement de la bonté au lieu des trois : Ce qui est donc bon serait mort pour moi ? Qu’il n’en soit pas ainsi. Parce qu’il savait que, parmi les vertus, la bonté représente le genre, la justice et la sainteté les espèces du genre, voilà pourquoi, alors que plus haut il avait nommé le genre et les espèces, en redisant cette parole il a répété seulement le genre. Mais dans ce qui suit il dit : Le péché, par le bien, a opéré en moi la mort. Là il conclut par le genre ce qu’il avait exposé auparavant par les espèces. Il faut comprendre aussi de la même manière ces paroles : L’homme bon, du bon trésor de son coeur, profère le bien et l’homme mauvais, de son mauvais trésor, le mal. Ici aussi l’auteur a pris le genre, bien ou mal, montrant sans aucun doute qu’il y a dans l’homme bon la justice, la tempérance, la prudence, la piété (ou miséricorde) et tout ce qui peut être dit ou compris bon. Pareillement il a parlé de l’homme mauvais, qui serait certainement injuste, impur, impie et tout ce qui forme l’homme mauvais dans ses divers éléments. De même que sans ces malices on ne peut penser qu’un homme est mauvais et qu’il ne peut être mauvais, de même sans ces vertus il est certain que personne ne peut être jugé bon. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section
6, 7. Je pense, certes, que c’est en comprenant quelle est dans le Christ la nature de la Sagesse de Dieu et quelle est aussi celle qu’il avait assumée pour le salut du monde que le prophète Jérémie a écrit : L’esprit (le souffle) de notre face, le Christ Seigneur, dont nous avons dit : à son ombre nous vivrons parmi les nations. L’ombre de notre corps est inséparable de notre corps, elle reçoit et reproduit sans déviation les mouvements et les gestes du corps : c’est pourquoi, je pense, pour désigner ainsi les actions et mouvements de cette âme qui adhérait au Christ sans séparation possible et faisait tout en suivant son impulsion et sa volonté, le prophète l’a appelée ombre du Christ Seigneur sous laquelle nous avons à vivre parmi les nations. Car dans le mystère de son assomption vivent les nations, quand, imitant cette âme, elles parviennent par la foi au salut. En disant : Souviens-toi de mon opprobre, Seigneur, de l’opprobre qu’ils m’ont fait à la place de ton Christ, David me semble exprimer la même chose. Paul pense-t-il différemment lorsqu’il dit : Noire vie est cachée avec le Christ en Dieu! Et ailleurs : Cherchez-vous une preuve de celui qui parle en moi, le Christ! Et maintenant il dit que le Christ est caché en Dieu. Si le sens de cela n’indique pas autre chose que ce qui est signifié chez le prophète par l’ombre du Christ, comme nous l’avons dit plus haut, il dépasse peut-être la compréhension de l’intelligence humaine. Mais on trouve dans les Écritures divines bien d’autres textes significatifs à propos de l’ombre, comme ce que dit Gabriel à Marie dans l’Évangile selon Luc : L’Esprit du Seigneur viendra sur toi et la Puissance du Très-Haut t’ombragera. L’apôtre dit que ceux qui ont la circoncision charnelle servent selon la ressemblance et l’ombre des réalités célestes. Et ailleurs il est dit : Notre vie sur terre n’est-elle pas une ombre! Si donc la loi donnée sur terre est ombre, si toute notre vie qui se passe sur terre est ombre, et si nous vivrons parmi les nations à l’ombre du Christ, il faut voir si la vérité de toutes ces ombres ne sera pas connue dans la grande révélation, lorsque tous les saints mériteront de contempler la gloire de Dieu, les causes et la vérité des choses, non plus à travers un miroir, en énigme, mais face à face. Ayant déjà reçu par l’Esprit Saint un gage de cette vérité, l’Apôtre disait : Même si nous avons jamais connu le Christ selon la chair, maintenant nous ne le connaissons plus ainsi. Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section
Après les exposés que nous avons faits au début du livre sur le Père, le Fils et le Saint Esprit, selon que le demandait le sujet, il nous a paru bon de revenir sur ces points et de montrer que le même Dieu est le créateur et artisan du monde et le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire que le Dieu de la loi et des prophètes et celui des l’Évangiles sont un seul et même Dieu ; ensuite il a fallu indiquer au sujet du Christ que celui qui avait été désigné plus haut comme la Parole et la Sagesse de Dieu a été fait dans la suite comme un homme ; il nous reste à revenir, le plus brièvement possible, sur le Saint Esprit. Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
Nous, de notre côté, nous pensons que toute créature raisonnable peut participer à lui comme à la Sagesse de Dieu et à la Parole de Dieu, sans qu’on puisse faire de différence. Je vois cependant que la principale descente du Saint Esprit sur les hommes s’est produite, selon l’Écriture, plutôt après l’ascension du Christ au ciel qu’avant la venue de ce dernier. Auparavant, l’Esprit Saint était donné aux seuls prophètes et au petit nombre de ceux du peuple saint qui l’avaient mérité. Après la venue du Sauveur fut accompli selon l’Écriture ce qui avait été dit par le prophète Joël : Il arrivera dans les derniers jours que je répandrai de mon Esprit sur toute chair et qu’ils prophétiseront; dans le même sens il est écrit : Toutes les nations le serviront. Donc par la grâce de l’Esprit Saint, avec bien d’autres vérités très nombreuses, on a vu se manifester de la façon la plus magnifique le fait suivant : ce qui est écrit dans les prophètes et dans la loi de Moïse, autrefois un petit nombre, les prophètes eux-mêmes et à peine quelques personnages de tout le peuple, pouvaient en dépasser la compréhension corporelle et en percevoir une signification plus haute, c’est-à-dire comprendre un peu spirituellement la loi et les prophètes ; mais maintenant il y a des foules innombrables de croyants qui, sans pouvoir cependant tous expliquer de façon ordonnée et claire la logique de la compréhension spirituelle, sont cependant tous à peu près persuadés qu’on ne doit pas prendre au sens corporel la circoncision, ni le repos du sabbat, ni l’effusion du sang des bestiaux, et que ce n’est pas à ce sujet que Dieu a répondu à Moïse. Il n’est pas douteux que ce sens est suggéré à tous par la puissance du Saint-Esprit. Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
Lorsque nous disons que ce monde avec toute sa diversité, telle que nous l’avons exposée plus haut, a été fait par le Dieu que nous affirmons bon, juste et très équitable, beaucoup nous font des objections et demandent d’ordinaire – surtout ceux qui viennent des écoles de Marcion, Valentin et Basilide et tiennent que les natures des âmes sont différentes – comment il peut convenir à la justice de Dieu créant le monde de donner aux uns une demeure dans les cieux, et non seulement une demeure meilleure, mais un degré d’existence plus élevé et plus glorieux, d’accorder à d’autres le principal, d’attribuer à d’autres puissances et dominations, d’offrir à d’autres les trônes éminents des tribunaux célestes, que d’autres luisent d’une façon plus éclatante et brillent de l’éclat des astres, qu’autre soit la gloire du soleil, autre la gloire de la lune, autre la gloire des étoiles, et qu’une étoile diffère d’une autre en gloire. Pour parler de façon brève et ramassée, si au Dieu créateur ne manquent ni la volonté ni la possi-bilité d’accomplir une oeuvre très grande et très bonne, qu’est-ce qui a pu l’amener dans la création des natures raisonnables, c’est-à-dire de ceux pour qui il a été la cause de l’existence, de mettre les uns dans une condition supérieure et d’en créer d’autres au second ou au troisième degré ou même dans une condition bien inférieure ? Ces hérétiques nous opposent ensuite, au sujet des êtres terrestres, que certains reçoivent en naissant un sort plus heureux : l’un par exemple est engendré par Abraham et naît selon la promesse, un autre d’Isaac et de Rébecca; ce dernier encore dans le sein de sa mère supplante son frère et on dit qu’avant de naître il est aimé de Dieu. Ils nous objectent encore que l’un naît chez les Hébreux où il est éduqué par la loi divine, un autre chez les Grecs, hommes savants et de science non négligeable, un autre chez les Ethiopiens qui ont coutume de se nourrir de chair humaine, un autre chez les Scythes où le parricide est presque érigé en loi, ou chez les Tauriens qui immolent les étrangers. Ils nous disent : s’il y a une telle diversité de situations, si on naît dans des conditions si variées et si diverses, sans que la faculté du libre arbitre n’y intervienne – car personne ne choisit lui-même où, chez qui et dans quelle condition il naîtra -, si donc, reprennent-ils, cela n’est pas causé par la diversité des natures d’âmes, c’est-à-dire par le fait qu’une âme de nature mauvaise reçoit en partage une nation mauvaise, une âme de nature bonne une nation bonne, que reste-t-il alors, sinon d’impu-ter tout cela au hasard ? Si on accepte cette solution, le monde n’a pas été fait par Dieu et il ne faut pas croire qu’il soit régi par sa providence; en conséquence, il n’y a pas à attendre, semble-t-il, de jugement de Dieu pour les faits et gestes de chacun. Quelle est exactement la vérité dans un tel sujet ? Seul peut le savoir celui qui scrute toutes choses, même les profondeurs de Dieu. Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section
Certains, refusant en quelque sorte le travail de l’intelligence, s’ap-pliquant de façon superficielle au sens littéral de la loi, se complaisant d’une certaine manière dans ce qui les délecte et leur cause du plaisir, disciples de la lettre seule, pensent qu’il nous faut attendre l’accomplissement futur des promesses dans la volupté et la sensualité corporelles. Et c’est pourquoi ils désirent retrouver à la résurrection un corps charnel qui leur laisse pour toujours la possibilité de manger, de boire, et d’accomplir tous les actes qui relèvent de la chair et du sang : ils ne suivent pas l’opinion de l’apôtre Paul sur la résurrection du corps spirituel. A cela ils ajoutent logiquement la faculté de contracter mariage et de procréer des enfants même après la résurrection ; ils imaginent Jérusalem comme une ville terrestre qui sera réédifiée sur des pierres précieuses mises dans ses fondements, avec des murs bâtis en jaspe, des retranchements ornés de cristal et une enceinte de pierres choisies et diverses, jaspe, saphir, chalcédoine, émeraude, sardoine, onyx, chrysolithe, chrysoprase, hyacinthe et améthyste. Ils pensent qu’ils auront là comme ministres de leurs plaisirs des étrangers, servant de laboureurs ou de vignerons, et des maçons pour reconstruire leur cité démolie et écroulée ; ils jugent qu’ils y recevront pour nourriture les biens des nations et qu’ils seront maîtres de leurs richesses, de sorte que même les chameaux de Madian et d’Épha viendront leur apporter l’or, l’encens et les pierres précieuses. Ils s’efforcent de confirmer cela par l’autorité des prophètes lorsqu’ils parlent des promesses faites à Jérusalem : car il y est dit que ceux qui servent Dieu mangeront et boiront, que les pécheurs auront faim et soif, que les justes seront dans la joie et les impies dans la honte. Du Nouveau Testament, ils invoquent la parole du Sauveur promettant aux disciples de trouver la joie dans le vin : Je ne boirai plus de cela désormais jusqu’à ce que je le boive avec vous nouveau dans le royaume de mon Père. Ils ajoutent encore que le Sauveur proclame bienheureux ceux qui maintenant ont faim et soif, leur promettant d’être rassasiés; et ils apportent beaucoup d’autres textes des Écritures, sans voir qu’il faut les comprendre de façon figurée et spirituelle. Alors ils estiment qu’ils seront rois et princes, comme ceux d’ici-bas, comprenant cela selon les conditions de cette vie, selon les dignités et les classes instituées en ce monde ou selon les degrés d’autorité, assurément à cause de cette parole évangélique : Tu auras autorité sur cinq villes. Bref, ils veulent que tout ce qu’ils attendent de l’accomplissement des promesses soit exactement semblable à la manière de vivre ici-bas, c’est-à-dire que le monde actuel recommence à être. Telles sont les pensées de gens qui croient, certes, au Christ, mais comprenant à la juive les Écritures divines, n’y soupçonnent rien qui soit digne des promesses divines. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section
Discutons d’abord l’opinion, habituelle chez certains, qu’il y a en nous une âme bonne et céleste et une autre plus basse et terrestre, et que la meilleure est mise en nous venant du ciel, comme celle qui donna à Jacob luttant contre Ésaü encore dans le sein maternel la palme de la victoire sur son frère qu’il supplantait ainsi, comme celle qui dans Jérémie fut sanctifiée dès la matrice, et celle qui fut remplie de l’Esprit Saint dans Jean dès le sein de sa mère. L’âme qu’ils appellent inférieure, ils affirment qu’elle a été semée avec le corps à partir de la semence corporelle et ils nient en conséquence qu’elle puisse vivre et subsister sans le corps : c’est pourquoi fréquemment ils l’appellent la chair. Cette phrase de l’Écriture : La chair convoite contre l’esprit, ils ne l’entendent pas de la chair proprement dite, mais de l’âme qui est à proprement parler l’âme de la chair. Mais ils essaient cependant de confirmer cela par ce passage du Lévitique: L’âme de toute chair c’est le sang. Puisque c’est le sang répandu dans toute la chair qui lui fournit la vie, ils disent que cette âme, qui est appelée l’âme de toute chair, se trouve dans le sang. Par eux ces paroles : La chair combat contre l’esprit et l’esprit contre la chair, et : L’âme de toute chair c’est son sang, désignent en d’autres termes la sagesse de la chair, une sorte d’esprit matériel, qui n’est pas soumis à la loi de Dieu et ne peut lui être soumis, parce qu’il possède des volontés terrestres et des désirs corporels. Ils pensent que l’Apôtre a parlé de cela dans ces termes : Je vois une autre loi dans mes membres, qui combat la loi de mon intelligence et me rend captif de la loi du péché, qui est dans mes membres. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section
Quand on dit que la chair combat contre l’esprit, les partisans de cette dernière explication comprennent par là que l’usage, les besoins ou le plaisir de la chair, quand ils excitent l’homme, le distraient et le détournent des réalités divines et spirituelles. Lorsque nous sommes attirés par les besoins du corps, nous n’avons plus le moyen de vaquer aux réalités divines qui nous seront utiles pour l’éternité, et en revanche l’âme qui s’adonne au divin et est unie à l’Esprit de Dieu combat la chair, comme on dit, car elle ne la laisse pas s’amollir dans les délices et nager dans les plaisirs qui sont sa délectation naturelle. Ceux dont nous rapportons l’opinion expliqueront l’affirmation : La sagesse de la chair est ennemie de Dieu, sans penser que la chair ait vraiment une âme ou une sagesse propre, mais par une signification impropre, comme lorsque nous disons couramment que la terre a soif ou qu’elle veut boire de l’eau – le mot vouloir, nous ne l’employons pas au sens propre mais au sens large, comme lorsque nous disons de même qu’une maison veut être restaurée et d’autres expressions semblables – ; c’est donc ainsi qu’il faut entendre la sagesse de la chair et l’expression : La chair convoite contre l’esprit. Ils y ajoutent d’ordinaire cette expression : La voix du sang de ion frère crie vers moi de la terre. Ce qui crie vers Dieu, ce n’est pas à proprement parler le sang répandu, mais on dit au sens large que le sang crie, car il est demandé à Dieu de tirer vengeance de celui qui a répandu le sang. La phrase de l’Apôtre : Je vois une autre loi dans mes membres, ils l’entendent ainsi : celui qui veut vaquer à la parole de Dieu est distrait, dissipé et gêné par les besoins et l’usage du corps, présents en lui comme une sorte de loi : il ne peut s’adonner à la sagesse de Dieu et contempler les mystères divins. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section
Mais parmi les oeuvres de la chair l’Apôtre cite aussi les divergences d’opinions, les envies, les disputes, etc., et ils les comprennent ainsi : l’âme, lorsqu’elle a acquis une sensibilité plus grossière, parce qu’elle se soumet aux passions du corps, est opprimée sous la masse des vices et elle ne sent plus rien de subtil et de spirituel ; on dit alors qu’elle est devenue chair et elle tire son nom de cette chair qui est davantage l’objet de son zèle et de sa volonté. Ceux qui se posent ces questions ajoutent : Peut-on trouver un créateur de ces pensées mauvaises qui sont dites la pensée de la chair ou peut-on appeler quelqu’un ainsi ? En effet ils soutiendront qu’il faut croire qu’il n’y a pas d’autre créateur de l’âme et de la chair que Dieu. Si nous disons que c’est le Dieu bon qui, dans sa création elle-même, a créé quelque chose qui lui soit ennemi, cela paraîtra tout à fait absurde. Si donc il est écrit : La sagesse de la chair est ennemie de Dieu et si on dit que cela s’est fait à partir de la création, il semblera que Dieu ait créé une nature qui lui soit ennemie, qui ne puisse être soumise ni à lui ni à sa loi, car on se sera représenté comme un être doué d’âme cette chair dont on parle. Si on accepte cette opinion, en quoi paraît-elle différer de la doctrine de ceux qui se prononcent pour la création de natures différentes d’âmes, destinées par leur nature au salut ou à la perdition? Seuls des hérétiques pensent ainsi et, parce qu’ils n’arrivent pas à soutenir par des raisonnements conformes à la piété la justice de Dieu, ils inventent des imaginations aussi impies. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section
Il faut se demander, certes, si alors, quand Dieu sera tout en tous, dans la consommation de toutes choses, toute la nature des corps aura une seule forme et toute la qualité des corps sera seulement de briller dans la gloire inénarrable qui sera attribuée, il faut le penser, au corps spirituel. Si nous comprenons bien ce qu’au début de son livre a écrit Moïse : Au début Dieu a fait le ciel et la terre, c’est là le début de toute la création, début auquel doit revenir la fin et la consommation de toutes choses, c’est-à-dire que ce ciel-là et cette terre-là soient la demeure et le repos des pieux, de sorte que d’abord les saints et les doux hériteront de cette terre, puisque l’enseignent la loi, les prophètes et l’évangile. Dans cette terre, je pense que se trouveront les modèles vrais et vivants des observances que Moïse enseignait par l’ombre de la loi. C’est pourquoi il est dit que ceux qui servaient sous la loi, servaient l’image et l’ombre des réalités célestes. A ce même Moïse, il a été dit : Prends garde à tout faire selon le modèle et à la ressemblance de ce qui t’a été montré sur la montagne. C’est pourquoi il me semble que, de même que sur cette terre la loi fut un pédagogue pour ceux qui, par elle, devaient être menés au Christ, à cause de l’enseignement et de l’instruction qu’elle leur donnait, afin qu’ils puissent plus aisément, après avoir été instruits par la loi, recevoir toute la science plus parfaite du Christ, de même cette terre qui reçoit les saints les imprègne et les forme d’abord en leur enseignant la loi éternelle, pour qu’ils puissent plus facilement recevoir l’instruction parfaite du ciel, à laquelle rien ne peut être ajouté. Ils y trouveront ce qui est appelé l’Évangile éternel et le Testament toujours nouveau qui jamais ne vieillira. Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section
Il y a eu certes beaucoup de législateurs chez les Grecs et les barbares, beaucoup de maîtres qui prêchaient des doctrines promettant la vérité ; nous ne connaissons cependant aucun législateur qui ait pu faire naître dans les autres nations le désir de recevoir ses paroles ; et alors que ceux qui promettaient de philosopher au sujet de la vérité y apportaient tout un appareil probatoire avec des démonstrations qui paraissaient raisonnables, aucun n’a pu répandre ce qu’il croyait la vérité dans des nations différentes ou même dans un nombre suffisant de gens appartenant à une seule nation. Et cependant les législateurs auraient bien voulu que les lois qui leur paraissaient bonnes aient autorité, si c’était possible, sur toute la race humaine, et les maîtres que ce qu’ils s’imaginaient être la vérité se soit répandu partout sur la terre. Mais comme ils ne pouvaient pas exhorter ceux qui parlaient d’autres dialectes ou appartenaient à de nombreuses nations à observer leurs lois et à recevoir leurs enseignements, ils n’ont même pas essayé de commencer à le faire, car, non sans raison, ils constataient qu’il leur était impossible d’y parvenir. En revanche, tout pays du monde, qu’il soit grec ou barbare, a des myriades de nos fidèles qui ont abandonné les lois paternelles et ceux qu’on croit être des dieux, pour observer les lois de Moïse et pour suivre en disciples les paroles de Jésus-Christ ; et cependant ceux qui se sont livrés à la loi de Moïse sont haïs de ceux qui adorent les statues, et ceux qui ont reçu la parole de Jésus-Christ risquent en outre, par suite de cette haine, une sentence de mort. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section
En montrant succinctement ce qui regarde la divinité de Jésus, en nous servant des paroles prophétiques qui le concernent, nous montrons que les Écritures qui ont prophétisé à son sujet étaient inspirées par Dieu, ainsi que les écrits qui ont annoncé sa venue, qui ont rapporté un enseignement donné avec puissance et autorité et qui pour cela a dominé sur ceux qui ont été élus parmi les nations. Il faut dire que l’inspiration divine des paroles prophétiques et le caractère spirituel de la loi de Moïse apparurent d’une manière éclatante avec la venue de Jésus. Il n’était pas très possible de présenter des exemples clairs de l’inspiration divine des anciennes Écritures avant la venue du Christ ; mais la venue de Jésus a mené ceux qui pouvaient supposer que la loi et les prophètes n’étaient pas divins à constater avec évidence qu’ils avaient été écrits à l’aide d’une grâce céleste. Celui qui étudie avec soin et attention les écrits prophétiques ressentira à leur lecture une trace d’enthousiasme et ce sentiment le persuadera que ce que nous croyons être les paroles de Dieu ne sont pas des écrits d’hommes. Et la lumière que contient la loi de Moïse, cachée auparavant sous le voile, a brillé avec la venue de Jésus qui a écarté le voile et a fait connaître peu à peu les biens dont la lettre possédait l’ombre. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section
Après avoir indiqué succinctement que les Écritures divines sont inspirées par Dieu, il faut discourir sur la manière de les lire et de les comprendre, car beaucoup de faux pas sont commis parce que beaucoup n’ont pas trouvé la voie par laquelle il faut parcourir les divines lectures. Ceux de la circoncision à cause de leur dureté de coeur et de leur peu de compréhension n’ont pas cru en notre Sauveur, parce qu’ils pensent qu’il faut suivre la lettre des prophéties le concernant et qu’ils ne le voient pas de façon sensible prêcher aux prisonniers la rémission, ni bâtir celle qu’ils croient être vraiment la ville de Dieu, ni détruire les chars d’Éphraïm et les chevaux de Jérusalem, ni manger le beurre et le miel et avant de connaître et de choisir le mal élire le bien. Ils ont pensé encore que, selon la prophétie, un loup, l’animal quadrupède, devait paître avec un agneau, et une panthère se reposer avec un chevreau, qu’un veau, un taureau et un lion devaient paître ensemble et être menés par un petit enfant, qu’une vache et une ourse devaient paître ensemble et leurs petits être élevés les uns avec les autres, qu’un lion mangerait de la paille comme un boeuf et, n’ayant vu rien de cela se réaliser sensiblement à la venue de celui que nous croyons le Christ, ils n’ont pas accepté notre Seigneur Jésus, mais ils l’ont crucifié parce qu’il affirmait qu’il était le Christ, contrairement à la loi. Quant aux hérétiques, quand ils lisent : Un feu est allumé par ma colère ; je suis un Dieu jaloux, punissant les péchés des pères sur les fils jusqu’à la troisième et quatrième génération; je me suis repenti d’avoir oint Saul comme roi ; Je suis un Dieu qui fais la paix et qui produis le mal ; et ailleurs : Il n’y a pas dans la ville de mal que le Seigneur n’ait pas produit; et encore : Le mal descendit d’auprès du Seigneur sur les portes de Jérusalem ; Un esprit mauvais venant de Dieu étouffait Saul; et bien d’autres choses semblables, n’ont pas osé cependant ne pas croire que les Écritures étaient d’un Dieu, mais ils ont cru qu’elles étaient du créateur adoré par les Juifs et ils ont pensé que, puisque ce créateur était imparfait et non bon, le Sauveur était venu annoncer un Dieu plus parfait, qu’ils disent différent du créateur, ayant des sentiments divers à son égard. Une fois qu’ils se sont éloignés du créateur, qui est le seul Dieu inengendré, ils se sont adonnés à des inventions, fabriquant eux-mêmes des suppositions mythiques sur la création des réalités visibles et sur celle d’autres non visibles que leur âme a représentées en figures. Mais, certes, les plus simples aussi de ceux qui sont fiers d’appartenir à l’Église n’ont pas accepté d’autre Dieu plus grand que le Créateur, agissant en cela sainement ; cependant ils acceptent à son sujet ce qu’ils ne supporteraient pas du plus cruel et du plus injuste des hommes. Pour tous ceux dont nous venons de parler, la cause de ces fausses opinions, de ces impiétés et de ces paroles stupides au sujet de Dieu ne semble pas être autre chose que le fait de ne pas comprendre l’Écriture dans son sens spirituel, mais de l’interpréter selon la lettre seule. C’est pourquoi, à ceux qui sont persuadés que les livres saints ne sont pas des écrits d’hommes, mais qu’ils ont été rédigés par l’inspiration de l’Esprit Saint d’après la volonté du Père de l’univers par le moyen de Jésus Christ et qu’ainsi ils sont venus jusqu’à nous, il faut montrer ce qui nous paraît la méthode convenable pour les comprendre, pour ceux qui tiennent à la règle de l’Église céleste de Jésus-Christ transmise par la succession des apôtres. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Qu’il y a des économies mystérieuses, montrées par les divines Écritures, tous, même les plus simples, parmi ceux qui viennent à notre doctrine, le croient ; que sont-elles en revanche, ceux qui sont sages et sans orgueil avouent qu’ils ne le savent pas. Si quelqu’un est embarrassé au sujet de l’union de Lot avec ses filles, des deux épouses d’Abraham, des deux soeurs mariées à Jacob et des Jeux servantes qui ont enfanté par lui, ils diront seulement qu’il y a là des mystères que nous ne comprenons pas. Et lorsqu’ils lisent la manière dont le tabernacle fut construit, persuadés que ce qui est écrit est symbole, ils cherchent à qui on pourra appliquer chacun des détails indiqués à propos du tabernacle : ils ne se trompent pas quand ils sont persuadés que le tabernacle est symbole de quelque chose, mais parfois ils s’égarent lorsqu’ils veulent appliquer la parole de façon digne de l’Écriture à telle réalité dont le tabernacle est symbole. Et tout récit qu’on croit raconter des noces, des enfantements, des guerres ou n’importe quoi qui serait compris par la foule comme des histoires, ils affirment qu’il y a là des symboles. Quant à savoir de quoi, tantôt à cause de capacités insuffisamment exercées, tantôt par précipitation, parfois aussi malgré l’exercice et la réflexion, à cause de la difficulté sans mesure qu’ont les hommes pour trouver les réalités, on n’arrive pas à éclaircir le sens de chaque chose. Et que dire des prophéties que nous savons tous pleines d’énigmes et de paroles obscures ? Et si nous en venons aux évangiles, leur sens exact, puisqu’il est la pensée du Christ, exige pour être compris la grâce qui a été donnée à celui qui a dit : Nous, nous avons la pensée du Christ pour que nous sachions ce que Dieu nous a accordé : ce que nous disons, nous ne le disons pas dans des paroles apprises de la sagesse humaine, mais dans des paroles apprises de l’Esprit. Quant à ce qui a été révélé à Jean, quel lecteur ne serait pas frappé de constater qu’y sont cachés des mystères ineffables, dont la présence apparaît même à celui qui ne comprend pas ce qui est écrit ? A qui, parmi ceux qui savent examiner les textes, les épîtres des apôtres sembleraient claires et faciles à comprendre, alors que d’innombrables passages donnent l’occasion d’entrevoir, là aussi, comme à travers une ouverture, des pensées très sublimes et très nombreuses ? C’est pourquoi, les choses étant ainsi et de nombreuses personnes s’y trompant, il n’est pas sans danger, quand on lit l’Écriture, de déclarer facilement qu’on comprend, ce qui exige qu’on soit en possession de la clef de la connaissance qui, d’après le Seigneur, se trouve chez les docteurs de la loi. Qu’ils nous disent, ceux qui ne veulent pas accepter qu’avant la venue du Christ la vérité se trouvait chez les docteurs de la loi, comment il se fait que notre Seigneur Jésus-Christ nous déclare que la clef de la connaissance est chez eux, alors que, d’après nos contradicteurs, ils n’ont pas de livres contenant les mystères secrets et parfaits de la connaissance. Le texte en effet est le suivant : Malheur à vous, docteurs de la loi, car vous avez ôté la clef de la connaissance; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes et vous avez empêché les autres d’entrer. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
La méthode qui nous paraît s’imposer pour l’étude des Écritures et la compréhension de leur sens est la suivante ; elle est déjà indiquée par ces écrits eux-mêmes. Dans les Proverbes de Salomon nous trouvons cette directive concernant les doctrines des divines Écritures : Et toi, inscris trois fois ces choses dans ta réflexion et dans ta connaissance, afin de répondre avec des paroles de vérité aux questions qui te sont posées. Il faut donc inscrire trois fois dans sa propre âme les pensées des saintes Écritures : afin que le plus simple soit édifié par ce qui est comme la chair de l’Écriture – nous appelons ainsi l’acception immédiate – ; que celui qui est un peu monté le soit par ce qui est comme son âme ; mais que le parfait, semblable à ceux dont l’Apôtre dit : Nous parlons de la sagesse parmi les parfaits, non de celle de ce siècle ni des princes de ce siècle qui sont détruits, mais nous parlons de la sagesse de Dieu cachée dans le mystère, que Dieu a prédestinée avant tous les siècles à notre gloire, le soit de la loi spirituelle qui contient une ombre des biens à venir. De même que l’homme est composé de corps, d’âme et d’esprit, de même l’Écriture que Dieu a donnée dans sa providence pour le salut des hommes. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Le grand nombre de ceux qui croient authentiquement et de la manière la plus simple témoigne qu’il est possible de tirer profit de cette première signification, qui pour cela est utile. Comme exemple d’une interprétation rapportée à l’âme, on peut citer le passage de Paul dans la Première aux Corinthiens : Il est écrit : Tu ne muselleras pas le boeuf qui bat le grain. Ensuite, pour expliquer cette loi, il ajoute : Dieu se préoccupe-t-il des boeufs ? Ou dit-il cela entièrement pour nous ? Pour nous cela fut écrit, parce que celui qui laboure doit labourer avec l’espérance et celui qui bat le grain avec l’espérance d’en prendre sa part. Bien d’autres interprétations courantes, qui sont adaptées à la foule et qui édifient ceux qui ne peuvent pas comprendre des explications plus élevées, ont à peu près le même caractère. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
L’interprétation spirituelle est pour celui qui peut montrer quelles sont les réalités célestes dont on trouve les symboles et les ombres dans le culte des Juifs selon la chair et quels sont les biens à venir dont la loi possède l’ombre. Bref, en toutes choses, selon le commandement apostolique, il faut chercher la sagesse cachée dans le mystère, celle que Dieu a prédestinée avant tous les siècles à la gloire des justes, celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue. L’Apôtre dit quelque part, en se servant de certains textes de l’Exode et des Nombres, que : Cela leur est arrivé comme des figures, mais fut écrit pour nous, pour qui survient la fin des siècles. Et il donne l’occasion de comprendre de quoi ces événements étaient des figures lorsqu’il dit : Ils buvaient du rocher spirituel qui les accompagnait, ce rocher était le Christ. Et pour esquisser ce qui concerne le tabernacle, dans une autre épître il a utilisé la phrase : Tu feras tout selon le modèle qui t’a été montré sur la montagne. Certes, dans l’Épître aux Galates, comme pour blâmer ceux qui pensent lire la loi et ne la comprennent pas, jugeant qu’ils ne la comprennent pas parce qu’ils croient qu’il n’y a pas des allégories dans ces écrits, il leur dit : Dites-moi, vous qui voulez être sous la loi, n’entendez-vous pas la loi ? Il est écrit qu’Abraham eut deux fils, l’un de la servante, l’autre de la femme libre. Mais celui de l’esclave est né selon la chair, celui de la femme libre selon la promesse: ce sont des allégories. Ce sont en effet les deux Testaments, etc. Il faut observer chacune de ses paroles ; il dit en effet : Vous qui voulez être sous la loi – non : vous qui êtes sous la loi – et : N’entendez-vous pas la loi ? Il pense en effet qu’entendre signifie comprendre et connaître. Dans l’Epître aux Colossiens, il résume en peu de mots la volonté de toute la législation : Que personne ne vous juge sur la nourriture ou la boisson, sur les fêtes, néoménies ou sabbats, avec leur caractère partiel, car ce sont l’ombre des réalités futures. Ecrivant aussi aux Hébreux et discutant de ceux de la circoncision, il écrit : Ceux qui adorent selon la figure et l’ombre des réalités célestes. Mais vraisemblablement, par là, ceux qui acceptent une bonne fois l’Apôtre comme un homme de Dieu ne pourraient douter des cinq livres attribués à Moïse ; mais en ce qui concerne le reste de l’histoire, ils veulent apprendre si celle-là aussi est arrivée comme des figures. Il faut remarquer ce passage de l’Épître aux Romains : Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal, qui se trouve dans le Troisième Livre des Rois : Paul l’a compris des Israélites selon l’élection, car il n’y a pas que les Gentils qui ont tiré profit de la venue du Christ, mais aussi quelques-uns de la race divine. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Mais si l’utilité de cette législation apparaissait d’elle-même clairement dans tous les passa-ges, ainsi que la logique et l’habileté du récit historique, nous ne croirions pas qu’on puisse comprendre dans les Écritures quelque chose d’autre que le sens obvie. C’est pourquoi la Parole de Dieu a fait en sorte d’insérer au milieu de la loi et du récit comme des pierres d’achoppement, des passages choquants et des impossibilités, de peur que, complètement entraînés par le charme sans défaut du texte, soit nous ne nous écartions finalement des doctrines comme n’y apprenant rien qui soit digne de Dieu, soit ne trouvant aucune incitation dans la lettre, nous n’apprenions rien de plus divin. Il faut savoir aussi que, puisque le but principal est de présenter la logique qui est dans les réalités spirituelles à travers les événements qui se sont produits et les actions qu’on doit faire, là où la Parole a trouvé que les faits historiques pouvaient s’harmoniser aux réalités mystiques, elle s’en est servi pour cacher à la plupart le sens plus profond. Là où, pour l’exposition de la logique des réalités intelligibles, l’action de tel ou de tel, décrite auparavant, ne s’accordait pas avec elle à cause des significations plus mystiques, l’Écriture a tissé dans le récit ce qui ne s’est pas passé, tantôt parce que cela ne pouvait pas se passer, tantôt parce que cela pouvait se passer, mais ne s’est pas passé. Parfois il y a peu de phrases qui sont ainsi ajoutées bien qu’elles ne soient pas vraies selon le sens corporel, parfois il y en a davantage. Il faut traiter de façon semblable la législation : on y trouve fréquemment des préceptes qui d’eux-mêmes sont utiles et adaptés de façon opportune à la législation, mais parfois cette utilité n’apparaît pas. D’autres fois même, ce sont des choses impossibles qui sont prescrites, à cause de ceux qui sont le plus diligents et aiment le plus la recherche, pour qu’ils s’adonnent à l’étude et à la recherche de ce qui est écrit et qu’ils deviennent suffisamment persuadés de la nécessité de chercher là un sens digne de Dieu. Ce n’est pas seulement pour les livres antérieurs à la venue du Christ que l’Esprit s’est ainsi comporté, mais, comme il est le même Esprit et provient d’un même Dieu, il a agi de même pour les Évangiles et les apôtres : car chez eux aussi le récit est quelquefois mêlé d’ajouts qui y ont été tissés selon le sens corporel, mais qui ne correspondent pas à des événements réels, et pareillement la législation et les préceptes ne manifestent pas toujours des exigences raisonnables. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Mais voici un point que je ne pense pas sans mystère : quelques-uns possédant beaucoup de bestiaux et d’animaux précèdent les autres et s’emparent de lieux propres aux pâturages et à la nourriture des bêtes, le premier territoire que l’armée israélite avait revendiqué par la guerre. Ils le demandent à Moïse et ainsi ils se séparent de l’autre côté des flots du Jourdain et s’excluent de la possession de la Terre sainte. Ce Jourdain peut être considéré, en tant que symbole des réalités célestes, comme celui qui arrose et inonde les âmes assoiffées et les intelligences qui sont proches de lui. A cet endroit ne paraît pas être sans raison le fait que Moïse a entendu de Dieu ce qui est raconté dans la loi du Lévitique, mais que le peuple dans le Deutéronome est devenu auditeur de Moïse et a appris de lui ce qu’il n’a pu entendre de Dieu. C’est pourquoi le Deutéronome a reçu le nom de seconde loi ; certains penseront que lorsque a cessé la première, donnée par l’intermédiaire de Moïse, une seconde législation semble s’être formée, qui a été confiée spécialement par Moïse à Jésus (Josué) son successeur : ce dernier symbolise, à ce qu’on croit, notre Sauveur, dont la seconde loi, c’est-à-dire les préceptes de l’Évangile, conduit toutes choses à leur perfection. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Il faut voir si par là n’est pas indiqué ce qui suit : de même que le Deutéronome promulgue une législation plus nette et plus claire que celle qui avait d’abord été rédigée, de même, par rapport à la venue du Sauveur, celle qu’il a accomplie dans l’humilité lorsqu’il a pris la forme de l’esclave, une seconde venue plus éclatante et plus glorieuse, dans la gloire du Père, est indiquée, et alors sera réalisée l’image que donne le Deutéronome, quand tous les saints vivront dans le royaume des cieux selon les lois de cet Évangile éternel. De même que dans sa venue d’ici-bas il a accompli la loi qui possédait l’ombre des biens futurs, de même dans cette venue glorieuse il réalisera et mènera à sa perfection l’ombre de cette venue. C’est ainsi que le prophète parle de lui : Le souffle de notre visage, le Christ Seigneur, dont nous avons dit : A son ombre nous vivrons parmi les nations, puisqu’il transférera tous les saints d’une manière plus digne de l’Évangile temporel à l’Évangile éternel, selon le nom que lui donne Jean dans l’Apocalypse. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section