L’oeuvre de Clément d’Alexandrie

La large philosophie de Clément et d’Origène m’entraîna. Certaines parties de leur enseignement magnifique étaient à mon oreille comme une musique. J.H.NEWMAN, Apologie

En enseignant, on apprend davantage, et en parlant on est souvent parmi ses propres auditeurs, car il n’y a qu’un Maître, Maître de l’orateur, comme de l’auditeur, c’est lui qui est la source de l’esprit et de la parole. CLÉMENT d’ALEXANDRIE, Stromates, 1,1,12

Nous sommes les élèves de Dieu, c’est son Fils qui nous donne une instruction vraiment sainte. Stromates, 1,20,98

La trilogie :

Le Protreptique (12 chapitres) est une Exhortation aux Grecs, un appel pressant à la conversion. L’œuvre est une sorte d’apologie rationnelle qui comprend une partie négative (critique du paganisme) et une partie positive et constructive (les prérogatives de la vraie religion).

Le Logos charme le monde par son chant nouveau (ch. 1). C’est l’appel de Dieu (ch. 9) qui nous parvient par cette voix du Logos qui est la Vérité (ch. 10). Il nous faut l’écouter.

Il me semble donc, puisque le Logos lui-même est venu du ciel à nous, que nous ne devons plus aller à aucune école humaine et ne plus nous soucier ni d’Athènes ni du reste de la Grèce, ni non plus de l’Ionie. Si, en effet, nous avons pour maître celui qui a rempli toutes choses des manifestations de sa sainte puissance, par la création, le salut et la bienfaisance, par ses lois, ses prophéties et ses enseignements, ce maître maintenant nous enseigne tout, et par le Logos le monde entier est devenu désormais une Athènes et une Grèce. Protr., 11,112

Le Pédagogue (3 livres) est la suite logique du Protreptique. L’oeuvre s’adresse à des baptisés. Le Christ est leur pédagogue : l’éducateur de leur formation morale.

Enfants que nous sommes, nous avons besoin d’un pédagogue, et l’humanité entière a besoin de Jésus… C’est lui le pédagogue des enfants. Pédagogue, 1,9,83-84

Le premier livre célèbre l’enfance spirituelle, la jeune nouveauté chrétienne. Les deux livres suivants contiennent des prescriptions détaillées pour la conduite du vrai chrétien. L’ouvrage se termine par l’hymne célèbre au Christ41.

On nous appelle enfants. Nous accueillons avec bonheur cette appellation. Les enfants, ce sont les âmes neuves au milieu de la vétusté folie, les nouvellement sages, celles qui sont issues du Testament nouveau.

Jeunes, elles sont un peuple autre que l’ancien, le peuple nouveau, formé à l’école des nouveaux biens. La fécondité de notre âge, c’est notre jeunesse, exempte de toute sénilité. Elle nous applique sans cesse avec force à connaître. Et nous sommes jeunes toujours, toujours enfants, toujours nouveaux. Sauraient-ils ne pas être nouveaux ceux-là qui participent au Verbe nouveau ? Quiconque est entré en participation de l’éternité devient avec joie incorruptible.

Ainsi, « enfants » veut dire que pour nous, toute la vie est un printemps. Elle l’est parce qu’en nous la Vérité ne connaît pas de vieillesse, et qu’en elle se meut notre existence entière. Sagesse toujours germinante, toujours égale et toujours constante, éternellement immuable ! « Leurs petits enfants » est-il écrit, « seront portés sur les épaules et consolés sur les genoux. Comme un fils que sa mère consolera, moi aussi je vous consolerai ». La mère attire dans ses bras ses petits enfants et nous nous recherchons notre mère, l’Église. (Pédagogue, 1,50,20-21)

Les Stromates (Les tapisseries) (8 livres)

Clément lui-même définit son oeuvre comme un « recueil de notes » (1, 14, 1), « des notes aide-mémoire » (1, 16, 1). Ces notes seront, dit-il, un trésor pour sa vieillesse, un remède contre l’oubli.

Il semble (voir Pédagogue, 1, 3, 3) que Clément ait projeté d’écrire, après Le Pédagogue, un ouvrage intitulé Le Maître (le Didascale). S’il en est bien ainsi, les Stromates seraient une maquette, une ébauche préparant le livre promis.

De toute façon, c’est dans ce livre « fourre-tout » que Clément rassemble tous ses matériaux concernant la gnose chrétienne.

Voici les trois notes qui caractérisent notre gnostique : d’abord la contemplation, puis l’accomplissement des préceptes, enfin l’instruction des hommes de bien. Lorsque ces qualités se rencontrent chez un homme, il est un gnostique accompli. Mais si l’une vient à manquer, sa gnose est boiteuse. Stromates, 2, 10,46

Établi déjà par l’amour dans les biens qu’il possédera, ayant devancé l’espérance par la gnose, il ne tend vers rien, ayant tout ce vers quoi il pourrait tendre. Il reste donc dans l’unique attitude immuable, aimant de façon gnostique, et il n’a pas à désirer d’être rendu semblable à la beauté, car il possède déjà la beauté par l’amour. Quel besoin y a-t-il encore de courage et de désir pour cet homme qui a conquis l’intimité aimante avec le Dieu sans passion et qui s’est inscrit lui-même parmi ses amis par l’amour ? Pour nous, il faut écarter le gnostique parfait de toute passion de l’âme. Car la gnose opère l’exercice, l’exercice donne l’habitude ou l’accoutumance, et cet apaisement aboutit à l’apatheia…. Stromates, 4, 9, 73-74

Il aime toujours Dieu vers qui seul il est tout entier tourné, et, à cause de cela, il ne hait aucune des créatures de Dieu. Il n’envie rien, car rien ne lui manque pour être assimilé à Celui qui est bon et beau. Il n’aime rien ni personne de l’amour commun, mais il chérit son Créateur par les créatures ; il n’est pas exposé au désir ou à l’appétit, il ne manque d’aucun des biens de l’âme, étant déjà uni par l’amour à l’Ami à qui il appartient selon son libre choix et s’approchant de plus en plus de lui par l’habitude de l’ascèse, étant heureux dans la possession de ses biens, il ne peut pas ne pas être semblable au Maître dans l’apatheia. Stromates, 6,9,71-72

En faisant croître ainsi les semences déposées en lui, selon l’agriculture que le Seigneur a ordonnée, il reste sans péché ; il est maître de lui et il vit par l’esprit avec ses pareils dans les choeurs des saints, même s’il est encore retenu sur la terre. Un tel homme qui agit et parle ainsi de jour et de nuit suivant les commandements du Seigneur arrive à la joie parfaite, non seulement à l’aurore quand il se lève et au milieu du jour, mais encore quand il se promène, quand il se couche, quand il s’habille et se déshabille. Il instruit son fils, si un fils lui est né ; il ne peut se séparer du commandement et de l’espérance ; il rend toujours grâces à Dieu, comme les êtres vivants qui glorifient le Seigneur dans l’allégorie d’isaïe ; il est patient à toute adversité. (Stromates, 7,12,80)

Le triptyque (Protreptique – Pédagogue – Stromates) est consacré à décrire, depuis la conversion jusqu’à la gnose ou vie parfaite, l’oeuvre du Verbe divin (le Logos) dans la vie du chrétien. Le Logos divinise l’homme et le monde.

Oeuvres moins importantes :

L’homélie «Quis dives salvetur ?» (Quel riche sera sauvé ?) sur Mc, 10,17-31.

Les Excerpta ex Theodoto (Gnostique valentinien) et les Eclogae propheticae sont des extraits d’écrits étrangers en vue d’écrits personnels.

Des fragments et des citations d’oeuvres perdues, dans divers auteurs (Eusèbe, etc.).