Vie

Jésus, quoiqu’il fût un, était pour l’esprit multiple d’aspects, et ceux qui le regardaient ne le voyaient pas tous de la même manière. Cette multiplicité d’aspects ressort des paroles « Je suis la Voie, la Vérité, la VIE », « Je suis le Pain », « Je suis la Porte » et autres sans nombre. Et la vue qu’il offrait n’était pas identique pour tous les spectateurs, mais dépendait de leur capacité. Ce sera clair si l’on examine la raison pour laquelle, devant se transfigurer sur la haute montagne, il prit avec lui, non pas tous les apôtres, mais seuls Pierre, Jacques et Jean, comme les seuls capables de contempler la gloire qu’il aurait alors, et aptes à percevoir Moïse et Élie apparus dans la gloire, à entendre leur conversation et la voix venue de la nuée céleste. Mais je crois que même avant de gravir la montagne, ou seuls les disciples s’approchèrent de lui et ou il leur enseigna la doctrine des béatitudes, lorsqu’au pied de la montagne, « le soir venu », il guérit ceux qui s’approchaient de lui, les délivrant de toute maladie et de toute infirmité, il n’apparaissait pas identique aux malades implorant leur guérison et à ceux qui ont pu, grâce à leur santé, gravir avec lui la montagne. Bien plus, il a explique en particulier à ses propres disciples les paraboles dites avec un sens cache aux foules de l’extérieur et de même que ceux qui entendaient l’explication des paraboles avaient une plus grande capacité d’entendre que ceux qui entendaient les paraboles sans explication, ainsi en était-il des capacités de vision, certainement de leur âme, mais je croîs aussi de leur corps. Autre preuve qu’il n’apparaissait pas toujours identique, Judas qui allait le trahir dit aux foules qui s’avançaient vers lui comme si elles ne le connaissaient pas « Celui que je baiserai, c’est lui ». C’est aussi, je pense, ce que veut montrer le Sauveur lui-même dans la parole « Chaque jour j’étais assis parmi vous dans le temple à enseigner et vous ne m’avez pas arrêté ». Dés lors, comme nous élevons Jésus si haut, non seulement dans sa divinité intérieure et cachée à la foule, mais aussi dans son corps, transfiguré quand il voulait pour ceux qu’il voulait, nous affirmons avant qu’il eût dépouillé les Principautés et les Puissances » et « fût mort au péché », tous avaient la capacité de le regarder, mais quand il eut dépouillé les Principautés et les Puissances et ne posséda plus ce qui pouvait être visible de la foule, tous ceux qui le virent auparavant ne pouvaient plus le regarder. C’est donc pour les ménager qu’il ne se montrait point à tous après sa résurrection d’entre les morts. Mais pourquoi dire à tous ? Aux apôtres eux-mêmes et aux disciples, il n’était pas sans cesse présent et sans cesse visible, parce qu’ils étaient incapables de soutenir sa contemplation sans relâche. Sa divinité était plus resplendissante après qu’il eut mené a terme l’oevre de l’Économie. Céphas, qui est Pierre, en tant que « prémices » des apôtres, put la voir, et après lui, les Douze, Matthias ayant été choisi a la place de Judas. Apres eux, il apparut à « cinq cents frères a la fois, puis à Jacques, puis à tous les apôtres » hormis les Douze, peut-être les soixante-dix , et, « dernier de tous », à Paul, comme à l’avorton, qui savait dans quel sens il disait : « A moi, le plus petit de tous les saints a été donnée cette grâce », et sans doute que « le plus petit » et « l’avorton » sont synonymes. Aussi bien on ne pourrait faire un grief raisonnable à Jésus de n’avoir point conduit avec lui sur la haute montagne tous les apôtres, mais les trois seuls nommés précédemment, lorsqu’il allait se transfigurer et montrer la splendeur de ses vêtements et la gloire de Moïse et d’Élie en conversation avec lui , on ne saurait non plus adresser des critiques fondées aux paroles des apôtres, de présenter Jésus après sa résurrection apparaissant non point à tous, mais à ceux dont il savait les yeux capables de voir sa résurrection. LIVRE II

En voilà assez, je pense, pour permettre d’établir que l’incrédulité des Juifs à l’égard de Jésus était en accord avec ce qu’on rapporte du peuple dès l’origine. Le Juif de Celse objecte : Quel Dieu, se présentant aux hommes, les trouve-t-il incrédules ? Surtout quand il apparaît à ceux qui espèrent sa venue ? Pourquoi enfin n’est-il pas reconnu de ceux qui l’attendent depuis si longtemps? A quoi je pourrais dire : Voulez-vous, braves gens, répondre à mes questions? Quels miracles, à votre avis, vous apparaissent plus grands ? Ceux de l’Egypte et du désert, ou ceux que Jésus, je le disais, accomplit parmi nous ? Si les premiers vous semblent plus grands que les derniers, n’est-ce point là une preuve flagrante qu’il est bien conforme au caractère de ceux qui ont été incrédules aux grands de mépriser les petits ? Je suppose que c’est votre opinion sur ceux que nous racontons de Jésus. Si l’on dit les miracles de Jésus égaux à ceux que l’Écriture rapporte de Moïse, qu’y a-t-il d’étonnant dans l’incrédulité de ce peuple à l’origine de l’une et l’autre alliances ? Car de Moïse date l’origine de la législation, dans laquelle sont rapportées vos fautes d’incrédulité ; et l’origine de la législation et de l’alliance nouvelles date, selon notre foi, du temps de Jésus. Et vous attestez, par votre incrédulité à Jésus, que vous êtes bien les fils de ceux qui, au désert, furent incrédules aux apparitions de Dieu. Et le reproche de notre Sauveur vaudra aussi contre vous qui n’avez pas cru en lui : « Ainsi vous êtes des témoins et vous approuvez les actes de vos pères » ; et en vous s’accomplit la prophétie : « Votre vie sera comme en suspens devant vos yeux, et vous ne croirez pas à votre vie », car vous n’avez pas cru à la VIE venue habiter parmi les hommes. LIVRE II

Mais ce qu’on a admis dans l’hypothèse n’a rien de comparable aux prophéties concernant Jésus. Les prophéties n’ont pas prédit que Dieu serait crucifié, elles qui disent de celui qui allait subir la mort : « Nous l’avons vu, il n’avait ni forme ni beauté, mais sa forme était méprisable, inférieure aux enfants des hommes ; homme plongé dans l’affliction et la peine, sachant porter l’infirmité. » Vois donc comme ils ont dit clairement que celui qui a enduré des souffrances humaines était un homme. Et Jésus lui-même, sachant avec précision que ce qui mourrait c’était l’homme, déclare à ceux qui complotent contre lui : « Or vous cherchez à me tuer, moi, un homme qui vous ai dit la vérité que j’ai entendue de Dieu. » S’il y avait quelque chose de divin dans l’homme que l’esprit discerne en lui, c’était le Fils unique de Dieu, le Premier-né de toute créature, celui qui dit : « Je suis la Vérité, je suis la VIE, je suis la Porte, je suis la Voie, je suis le Pain vivant descendu du ciel. » Le raisonnement sur cet être et son essence est tout autre que celui qui concerne l’homme que l’esprit discerne en Jésus. LIVRE VI

Aussi même les chrétiens d’une extrême simplicité, nullement rompus aux raisonnements dialectiques, refuseraient de dire que la Vérité, la VIE, la Voie, le Pain vivant descendu du ciel ou la Résurrection ait subi la mort. La personne qui s’affirme être la résurrection c’est celle qui, dans l’homme visible qu’était Jésus, a enseigné : « Je suis la Résurrection ». De plus, aucun d’entre nous n’est assez stupide pour dire que la VIE est morte ou que la Résurrection est morte. Or l’hypothèse de Celse ne serait de mise que si nous affirmions que les prophètes ont prédit la mort pour celui qui est le Dieu Logos, la Vérité, la VIE, la Résurrection ou l’un des autres titres que se donne le Fils de Dieu. LIVRE VI

Certains des justes donc sont de l’escarboucle, d’autres du saphir, d’autres du rubis, d’autres du cristal ; et ainsi les justes forment l’ensemble des pierres choisies et précieuses. Mais ce n’est pas ici le lieu d’expliquer la signification des pierres, la doctrine concernant leur nature, les catégories d’âmes auxquelles on peut attribuer le nom de chaque pierre précieuse. Il suffisait de rappeler brièvement le sens que nous donnons aux temples et celui de l’unique temple de Dieu fait de pierres précieuses. En effet, si les habitants de chaque cité se vantaient de leurs prétendus temples par comparaison avec les autres, dans leur fierté d’avoir des temples plus précieux, ils vanteraient l’excellence des leurs pour prouver l’infériorité des autres. Ainsi, pour répondre à ceux qui critiquent notre refus d’adorer la divinité dans des temples insensibles, nous opposons à ceux-ci les temples tels que nous les concevons ; et nous montrons, à ceux du moins qui ne sont pas insensibles et semblables à leurs dieux insensibles, qu’il n’y a aucune comparaison possible : ni entre nos statues et les statues des nations ; ni entre nos autels et les parfums, si l’on peut dire, qui montent de leurs autels et les graisses et le sang qui y sont offerts ; ni même entre les temples que nous avons indiqués et les temples des êtres insensibles qu’admirent des hommes insensibles qui n’ont pas la moindre idée du sens divin par lequel on atteint Dieu, ses statues, les temples et les autels qui conviennent à Dieu. Ce n’est donc point pour observer un mot d’ordre convenu de notre association secrète et mystérieuse que nous évitons d’édifier des autels, des statues et des temples ; mais parce que nous avons trouvé, grâce à l’enseignement de Jésus, la forme de la piété envers la divinité, nous évitons les attitudes qui sous l’apparence de la piété rendent impies ceux qui s’éloignent de la piété qui a pour médiateur Jésus-Christ : Lui seul est la voie de la piété, puisqu’il dit avec vérité : « Je suis la Voie, la Vérité, la VIE. » LIVRE VIII