Cette grande et précieuse chose qu’est l’homme n’avait pas encore trouvé place dans la création. Il n’était pas naturel que le chef fît son apparition avant ses sujets, mais ce n’était qu’après la préparation de son ROYAUME que devait logiquement être révélé le roi, lorsque le Créateur de l’univers eut pour ainsi dire préparé le trône de celui qui devait régner . Voici la terre, les îles, la mer et sur eux, la voûte du ciel comme un toit. Des richesses de toutes sortes avaient été placées dans ces palais : par richesses, j’entends toute la création, tout ce que la terre produit et fait germer, tout le monde sensible, vivant et animé et aussi (s’il faut compter dans ces richesses ces matières que leur beauté rend précieuses aux yeux des hommes, tel que l’or, l’argent et ces pierres tant convoitées) tous ces biens que Dieu cache en abondance dans le sein de la terre comme en des celliers royaux. Alors Dieu fait paraître l’homme en ce monde, pour être des merveilles de l’univers et le contemplateur et le maître : il veut que leur jouissance lui donne l’intelligence de celui qui les lui fournit, tandis que la grandiose beauté de ce qu’il voit le met sur les traces de la puissance ineffable et inexprimable du Créateur . II
Malgré tout, quelqu’un rougit peut-être de la nécessité où nous sommes de manger comme les animaux pour entretenir notre vie et il en conclut qu’il est indigne de croire l’homme à l’image de Dieu. Eh bien ! qu’il espère que cette charge sera un jour enlevée à la nature dans la vie que nous attendons : « Le ROYAUME de Dieu, comme dit l’Apôtre, n’est pas manger et boire » et le Seigneur a affirmé que l’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole sortant de la bouche de Dieu . La résurrection fera paraître en nous une vie semblable à celle des anges. Or pour les anges, il n’est pas question de manger. Nous avons donc tout ce qu’il faut pour croire qu’un jour l’homme sera débarrassé de cette charge, lui qui vivra comme les anges. XVIII
Selon les astronomes, en ce monde tout rempli de lumière, l’ombre est formée par l’interposition du corps de la terre. Mais l’ombre, d’après la forme sphérique de celle-ci, est enfermée sur la partie arrière par les rayons du soleil et prend la forme d’un cône. Le soleil, lui, plusieurs fois plus grand que la terre, l’encercle de toutes parts de ses rayons et, à la limite du cône, réunit entre eux les points d’attache de la lumière. Supposons maintenant que l’on puisse franchir la limite de la zone obscure ; l’on se trouvera dans une lumière jamais interrompue par les ténèbres . De la même façon, lorsqu’ayant franchi la limite du vice, nous serons parvenus au sommet de l’ombre formée par le péché, de nouveau nous établirons notre vie dans la lumière, car la nature du bien comparée à l’étendue du vice déborde infiniment toutes limites. De nouveau, nous connaîtrons le paradis, de nouveau nous connaîtrons cet arbre, qui est l’arbre de vie. De nouveau, la beauté de l’image et notre première dignité . Ici je n’entends parler d’aucun de ces biens, dont Dieu a fait aux hommes un besoin pour leur vie, mais de l’espérance d’un autre ROYAUME, dont la description demeure impossible. XXI