Car ce n’est pas dans une partie de la nature que se trouve l’image, pas plus que la beauté ne réside dans une qualité particulière d’un être, mais c’est sur toute la RACE que s’étend également cette propriété de l’image. La preuve, c’est que l’esprit habite semblablement chez tous et que tous peuvent exercer leur pensée, leurs décisions ou ces autres activités par lesquelles la nature divine est représentée chez celui qui est à son image. Il n’y a pas de différence entre l’homme qui est apparu lors du premier établissement du monde et celui qui naîtra lors de l’achèvement du tout : tous portent également l’image divine . XVI
Avant d’explorer l’objet de ce chapitre, peut-être vaut-il mieux chercher la solution d’une difficulté de nos adversaires. Ils disent qu’avant la faute, le récit ne parle ni d’enfantement, ni des douleurs qui l’accompagnent, ni d’instinct de procréation. Quand Dieu chasse Adam et Ève du paradis après leur faute et que la femme est condamnée aux douleurs de l’enfantement, alors seulement Adam vient connaître sa compagne en mariage et la première procréation a lieu. Si donc dans le Paradis il n’y avait ni mariage ni douleurs ni enfantement, il est, à leur avis, nécessaire d’en conclure que la multiplication de la vie humaine ne se serait pas faite, si le bienfait de l’immortalité ne nous avait été enlevé pour nous faire mortels et si le mariage, grâce aux naissances, n’avait préservé la nature, en amenant à la vie de nouveaux êtres à la place des disparus. Si bien que d’une certaine façon la faute qui s’introduit dans la vie humaine eut son utilité : sans elle, la RACE humaine en serait restée au couple primitif, puisque la crainte de la mort n’aurait pas été là pour pousser la nature à se reproduire. XVII
Comme Dieu vit dans l’ouvrage que nous étions notre inclination vers le mal et comme il vit que, par notre déchéance spontanée de la dignité que nous partagions avec les anges, nous chercherions à nous unir avec ce qui était au-dessous de nous, pour ce motif il mêla à sa propre image quelque chose de l’irrationnel. Car ce n’est pas à la nature divine et bienheureuse que peut appartenir la division en mâle et femelle. Dieu applique à l’homme un caractère du règne animal, refusant à notre RACE le mode de propagation en rapport avec la grandeur de notre création. Ce n’est pas en effet lorsqu’il créa l’homme à son image qu’il y adjoignit le pouvoir de se développer et de se multiplier, mais lorsqu’il divisa l’homme en mâle et en femelle. Alors il dit : « Croissez et multipliez-vous et remplissez la terre. » Ce genre d’accroissement n’est pas un caractère de la nature divine, mais de l’animal, comme le fait entendre le récit qui prête d’abord ces paroles à Dieu quand il s’agit des animaux. Car si, avant la division en mâle et femelle, il avait prononcé ces mots pour donner à l’homme le pouvoir de se multiplier, nous n’aurions pas besoin de ce mode de reproduction qui est celui des animaux. XXII
Alors que la plénitude de l’humanité avait été préméditée par l’ « activité presciente » de Dieu et que cette plénitude devait se réaliser par ce genre de naissance animale, Dieu dont le gouvernement ordonne et délimite exactement toutes choses, puisque ce mode de génération était rendu nécessaire pour nous par ce glissement vers en bas qu’il avait prévu, lui qui voit le futur comme le présent, Dieu établit à l’avance le temps nécessaire à la constitution de l’humanité, en sorte que la venue des âmes dans leur nombre fixe règle la durée et que le courant du temps s’arrêtera, lorsqu’il ne sera plus utile à la venue de la RACE humaine . XXII