Pour ma part, je trouve la solution de ces difficultés dans le recours à cette parole de Dieu : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance ». L’image n’est vraiment image que dans la mesure où elle possède tous les attributs de son modèle ; dans la mesure où elle déchoit de la ressemblance avec son PROTOTYPE, par ce côté-là elle n’est plus image. Comme l’une des propriétés de la nature divine est son caractère insaisissable, en cela aussi l’image doit ressembler à son modèle. Si la nature de l’image pouvait être « saisie », tandis que le modèle est au-dessus de notre « prise », cette diversité d’attributions prouverait l’échec de l’image. Mais puisque nous n’arrivons pas à connaître la nature de notre esprit, qui est à l’image de son Créateur, c’est qu’il possède en lui l’exacte ressemblance avec Celui qui le domine et qu’il porte l’empreinte de la nature « insaisissable » par le mystère qui est en lui . XI
Sur ce point nous pouvons faire une remarque qui est plutôt, semble-t-il, du domaine de la « Physique » et qui est une manière de voir assez délicate à saisir. La voici : la Divinité est le Bien Suprême, vers qui tendent tous les êtres possédés du désir du Bien, C’est pourquoi notre esprit, étant à l’image du Bien parfait, tandis qu’il conserve, autant qu’il est en lui, la ressemblance avec son modèle, se maintient lui-même dans le bien ; mais s’en écarte-t-il, il est dépouillé de sa beauté première. Et comme nous disons que l’esprit tire sa perfection de sa ressemblance avec la beauté PROTOTYPE de toutes les autres, comme un miroir recevant une forme par l’impression de l’objet qui y paraît, par un raisonnement semblable nous disons que la nature, administrée par l’esprit, s’attache à lui et de cette beauté placée près d’elle, reçoit elle-même son ornement, comme si elle était miroir de miroir ; à son tour, elle gouverne et soutient la partie matérielle de l’être existant à qui elle appartient. XII
Examinons soigneusement les expressions. Nous découvrirons ceci : autre chose est ce qui est à l’image, autre chose ce que nous voyons maintenant dans le malheur. « Dieu fit l’homme », dit l’Écriture. « Il le fit à l’image de Dieu. » La création de celui qui est selon l’image a dès lors atteint sa perfection. Puis l’Écriture reprend le récit de la création et dit : « Dieu les fit mâle et femelle ». Tous savent, je pense, que cet aspect est exclu du PROTOTYPE : « Dans le Christ Jésus, en effet, comme dit l’Apôtre, il n’y a ni mâle ni femelle. » Et pourtant l’Écriture affirme que l’homme a été divisé selon le sexe. Donc double est en quelque sorte la création de notre nature : celle qui nous rend semblable à la Divinité, celle qui établit la division des sexes. C’est bien une pareille interprétation que suggère l’ordre même du récit : l’Écriture dit en premier lieu : « Dieu fit l’homme ; à l’image de Dieu, Il le fit. » Dans la suite seulement, elle ajoute : « Il les fit mâle et femelle », division étrangère aux attributs divins . XVI
L’image porte en tout l’impression de la beauté PROTOTYPE ; mais si elle n’avait aucune différence avec elle, elle ne serait plus du tout un objet à la ressemblance d’un autre, mais exactement semblable au modèle dont rien absolument ne la séparerait. Quelle différence y a-t-il donc entre la Divinité et celui qui est à sa ressemblance ? Ceci exactement : l’une est sans création, l’autre reçoit l’existence par une création . XVI
Aussi, de toute évidence, si vous y regardez de près, vous trouverez que l’embryon tiré d’un corps vivant et déposé dans l’atelier de la nature pour la production d’un être n’est pas mort et sans âme. Les graines et les bourgeons, nous ne les plantons pas en terre s’ils ont perdu la force vitale qu’ils tiennent de la nature ; nous ne plantons que ceux qui conservent, cachées sans doute, mais bien réelles, les propriétés du PROTOTYPE. Cette force intérieure, ce n’est pas la terre environnante qui la leur donne en la leur communiquant du dehors ; la terre ne fait que mettre au jour la force intérieure du germe, en le nourrissant de ses sucs et en l’amenant à devenir racine, écorce, tronc, bourgeons. Cette transformation ne pourrait se faire, si dans le germe il n’y avait aucune force naturelle capable de tirer à soi, dans le milieu qui l’entoure, la nourriture qui lui convient, pour devenir arbuste, grand arbre, épine ou toute autre broussaille que vous voudrez . XXIX