Père

Ensuite Jésus-Christ, celui qui est venu, est né du PÈRE avant toute création. De même qu’il a aidé le PÈRE dans la création de toutes choses, car tout a été fait par lui, de même dans les derniers temps, s’anéantissant lui-même, il s’est fait homme, il s’est incarné, alors qu’il était Dieu, et devenu homme, il est resté ce qu’il était, Dieu. Il a pris un corps semblable à notre corps, avec cette seule différence qu’il est né d’une vierge et de l’Esprit Saint. Traité des Principes: Préface

Premier traité: « Sur le PÈRE, le Fils (le Christ) et l’Esprit Saint» Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4):

Je sais que certains essaieront de dire que Dieu est un corps, et même en invoquant les Écritures, car ils lisent chez Moïse : Notre Dieu est un feu qui consume, et dans l’évangile de Jean : Dieu est souffle (esprit) et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit (souffle) et en vérité. Le feu et le souffle (esprit), ils ne les prennent que comme des corps. Je veux leur demander ce qu’ils disent de cette affirmation scripturaire : Dieu est lumière. En effet Jean écrit dans son épître : Dieu est lumière et il n’y a pas en lui de ténèbres. C’est assurément cette lumière qui illumine toute l’intelligence de ceux qui peuvent saisir la vérité, comme le dit le Psaume 35 : Dans ta lumière nous verrons la lumière. Que faut-il appeler lumière de Dieu, dans laquelle on voit la lumière, sinon la Puissance de Dieu qui fait voir à celui qu’elle illumine la vérité de toutes choses ou lui fait connaître Dieu lui-même, qui est nommé Vérité ? C’est cela que signifie la phrase : Dans ta lumière nous verrons la lumière ; c’est-à-dire dans ta Parole et ta Sagesse, à savoir dans ton Fils, nous te verrons, toi, le PÈRE. Faut-il, puisqu’il est appelé Lumière, le juger semblable à la lumière de ce soleil-ci ? Et comment nous en sera-t-il donné quelque intelligence, même faible, pour concevoir, à partir de cette lumière corporelle, la cause de la connaissance, et trouver la compréhension de la vérité ? Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Mais passons à la parole de l’Évangile : Dieu est esprit (souffle), et montrons comment il faut la comprendre d’après ce que nous avons dit. Demandons-nous quand le Sauveur l’a prononcée, et près de qui, et ce qu’il cherchait. Nous trouvons sans aucun doute qu’il parlait à une Samaritaine, celle qui pensait qu’il fallait adorer Dieu sur le mont Garizim selon l’avis des Samaritains ; c’est alors qu’il dit : Dieu est esprit. La Samaritaine, pensant qu’il était un Juif ordinaire, lui demandait s’il fallait adorer Dieu à Jérusalem ou sur cette montagne : Tous nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites que c’est à Jérusalem qu’il faut adorer. A cette opinion de la Samaritaine, pensant à un privilège possédé par des lieux corporels, suivant lequel on adore Dieu à tort ou à raison si on le fait avec les Juifs à Jérusalem ou avec les Samaritains sur le mont Garizim, le Sauveur répondit qu’il ne faut pas se préoccuper de lieux corporels pour suivre Dieu : L’heure vient où ce n’est pas à Jérusalem ni sur cette montagne que les vrais adorateurs adoreront le PÈRE. Dieu est esprit et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité. Constatons le rapport qu’il a mis entre vérité et esprit : il a opposé l’esprit aux corps, la vérité à l’ombre et à l’image. Ceux qui adoraient à Jérusalem adoraient Dieu en se consacrant à l’ombre et à l’image des réalités célestes, mais non à la vérité ni à l’esprit; pareillement ceux qui adoraient sur le mont Garizim. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Si tu me demandes ma pensée au sujet du Fils unique, désirant savoir si même à lui la nature divine n’est pas visible, elle qui est naturellement invisible, que ceci ne te paraisse pas aussitôt impie ou absurde : nous allons en donner de suite la raison. Autre chose est de voir, autre chose de connaître. Voir et être vu sont le propre des corps ; connaître et être connu, de la nature intellectuelle. Tout ce qui est le propre des corps, on ne peut l’attribuer au PÈRE ni au Fils; ce qui appartient à la nature de la divinité est commun au PÈRE et au Fils. C’est pourquoi ce dernier n’a pas dit dans son Évangile : personne ne voit le PÈRE si ce n’est le Fils, ni le Fils si ce n’est le PÈRE, mais : Personne ne connaît le Fils si ce n’est le PÈRE, ni le PÈRE si ce n’est le Fils. On voit par là clairement qu’aux mots « voir » et « être vu » parmi les natures corporelles correspondent, en ce qui concerne le PÈRE et le Fils, les mots « connaître » et « être connu », ce qui se fait par la force de la connaissance et non par la faiblesse de la visibilité. Puisqu’on ne peut attribuer en propre à la nature incorporelle et invisible les termes « voir » et « être vu », l’Évangile ne dit pas que le PÈRE est vu par le Fils et le Fils par le PÈRE, mais qu’ils sont connus l’un par l’autre. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Ne pensons pas cependant qu’en appelant le Christ Sagesse de Dieu nous le traitons comme un être sans substance : comme si, pour prendre un exemple, nous n’en faisions pas un être animé sage, mais une sorte de chose qui rendrait sage, en se présentant et en pénétrant dans les intelligences de ceux qui sont devenus capables de recevoir les facultés et la compréhension qu’elle donne. S’il est admis une fois pour toutes que le Fils unique de Dieu est sa Sagesse subsistant de manière substantielle, je ne crois pas que notre pensée pourra désormais s’égarer à soupçonner que son hypostase, c’est-à-dire sa substance, ait quelque chose de corporel, puisque tout ce qui est corporel est déterminé par sa forme, sa couleur et sa grandeur. Qui rechercherait dans la Sagesse, à moins d’être fou, par le fait même qu’elle est sagesse, forme, couleur ou dimensions mesurables ? Comment peut-on penser et croire, si on veut savoir et penser pieusement de Dieu, que Dieu le PÈRE ait jamais été, même un petit moment, sans engendrer cette Sagesse ? Ou l’on dira que Dieu n’a pas pu engendrer cette Sagesse avant qu’il l’ait engendrée, de sorte qu’il a mis au monde ensuite ce qui n’existait pas auparavant, ou bien qu’il pouvait, certes, l’engendrer, mais, supposition qu’on ne doit pas faire, qu’il ne le voulait pas. Car l’une et l’autre hypothèses sont absurdes et impies, cela est clair, qu’on imagine qu’il ait progressé de l’impuissance à la puissance, ou que, pouvant le faire, il ait négligé et différé d’engendrer la Sagesse. C’est pourquoi nous savons que Dieu est toujours le PÈRE de son Fils unique, né de lui, tenant de lui ce qu’il est, sans aucun commencement cependant, qu’il s’agisse d’un commencement temporel, et même d’un commencement de raison, que l’intelligence seule peut considérer en elle-même et examiner dans sa compréhension nue, pour ainsi dire, et dans sa pensée. Il faut donc croire que la Sagesse a été engendrée sans aucun commencement qu’on puisse affirmer ou penser. Dans cet être subsistant de la Sagesse était virtuellement présente et formée toute la création future, que ce soit les êtres qui existent en premier lieu, que ce soit les réalités accidentelles et accessoires, tout cela préformé et disposé en vertu de la prescience. A cause de ces créatures qui étaient en elle comme dessinées et préfigurées, la Sagesse dit par la bouche de Salomon qu’elle a été créée comme principe de ses voies, car elle contient en elle-même les principes, les raisons et les espèces de toute la création. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Nous avons donc compris comment la Sagesse est le principe des voies de Dieu et comment elle est dite créée, en tant qu’elle préforme et contient en elle les espèces et les raisons de toute la création. Il faut comprendre de même qu’elle est la Parole de Dieu par le fait qu’elle ouvre à tous les autres êtres, c’est-à-dire à toute la création, la raison des mystères et des secrets, tous contenus sans exception dans la Sagesse de Dieu : et par là elle est appelée Parole, car elle est comme l’interprète des secrets de l’intelligence. C’est ainsi que me paraît juste ce mot que l’on trouve dans les Actes de Paul : Il est la Parole, un être animé et vivant. Mais Jean, d’une manière supérieure et bien plus belle, proclame au début de son évangile, en définissant à proprement parler que la Parole est Dieu : Et la Parole était Dieu et elle était au début auprès de Dieu. Celui qui attribue un commencement à la Parole de Dieu et à la Sagesse de Dieu, ne bafoue-t-il pas davantage encore de façon impie le PÈRE inengendré, en lui refusant d’avoir toujours été père, d’avoir engendré une Parole et eu une Sagesse dans tous les temps et siècles antérieurs, de quelque façon qu’on puisse les nommer ? Ce Fils est aussi de tous les êtres la Vérité et la Vie : à juste titre. Car comment vivraient ceux qui ont été faits, sinon par le moyen de la Vie ? Comment seraient-ils fondés dans la vérité ceux qui sont, s’ils ne dérivaient pas de la Vérité ? Comment pourrait-il y avoir des êtres raisonnables si la Parole-Raison ne les précédait pas ? Comment pourrait-il y avoir des sages sans la Sagesse ? Mais puisqu’il devait arriver que quelques-uns s’écartent de la Vie et se donnent à eux-mêmes la mort par le fait même de s’écarter de la Vie – car mourir n’est pas autre chose que s’éloigner de la vie – et comme il n’était pas du tout normal que ce qui avait été une fois créé par Dieu pour vivre soit totalement perdu, il a fallu qu’existé, avant la mort, une puissance capable de détruire la mort à venir et d’être la Résurrection, qui s’est formée dans notre Seigneur et Sauveur : cette Résurrection existe dans la Sagesse de Dieu elle-même, sa Parole et sa Vie. Et ensuite, puisqu’il devait se faire que quelques-uns des êtres créés, possédant le bien non par nature, c’est-à-dire par substance, mais par accident, et n’ayant pas la force de rester inconvertibles et immuables et de persévérer toujours dans les mêmes biens avec équilibre et mesure, changent de condition et s’écartent de leur état, la Parole et Sagesse de Dieu s’est faite Voie : elle est appelée Voie parce qu’elle conduit au PÈRE ceux qui la suivent. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Tout ce que nous avons dit de la Sagesse de Dieu s’applique et s’entend aussi quand nous disons que le Fils de Dieu est Vie, Parole, Vérité, Voie, Résurrection : tous ces termes concernent ses oeuvres et ses puissances, et aucun d’eux ne permet de comprendre, même de façon fugitive, quelque chose de corporel, comme le seraient la grandeur, la forme ou la couleur. Certes, chez nous, les enfants des hommes ou les petits des autres animaux correspondent à la semence des pères qui les ont engendrés et des mères qui les ont formés et nourris dans leurs entrailles, tenant d’eux tout ce qu’ils possèdent en venant au jour et tout ce qu’ils emportent dans leur croissance. Cependant il n’est pas admissible de comparer Dieu le PÈRE dans la génération de son Fils unique, quand il lui donne l’être, à un homme ou à un animal qui engendre. Mais il faut que cela ait lieu autrement, de manière digne de Dieu, car absolument rien ne peut lui être comparé, non seulement dans la réalité, mais même en pensée, afin que l’homme puisse concevoir comment le Dieu inengendré devient père du Fils unique. Cette génération éternelle et perpétuelle est comme celle du rayonnement engendré par la lumière. En effet le Fils ne devient pas tel du dehors, par l’adoption de l’Esprit, mais il est Fils par nature. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

A la seconde comparaison peut correspondre l’image qu’est le Fils de Dieu dont nous parlons maintenant, même en tant qu’il est invisible comme image du Dieu invisible. L’histoire dit pareillement que l’image d’Adam fut son fils Seth : en effet il est écrit : Adam engendra Seth selon son image et selon sa forme. Cette image implique l’unité de nature et de substance du PÈRE et du Fils. En effet si tout ce que le PÈRE fait, le Fils le fait pareillement, puisque le Fils fait tout comme le PÈRE, l’image du PÈRE est formée dans le Fils qui assurément est né de lui comme une volonté de lui, procédant de l’intelligence. C’est pourquoi je pense que la volonté du PÈRE doit suffire à faire subsister ce que veut le PÈRE. Dans son vouloir, il n’utilise pas une autre voie que la volonté qu’il émet dans son conseil. C’est ainsi que l’être subsistant du Fils est engendré par lui. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Cela doit être nécessairement accepté par ceux qui ne reconnaissent rien d’inengendré, c’est-à-dire qui ne soit pas né, si ce n’est Dieu le PÈRE seul. Il faut le remarquer en effet, de peur de tomber dans les fables absurdes de ceux qui s’imaginent des prolations en mettant en morceaux la nature divine et en divisant Dieu le PÈRE dans son essence, alors qu’avoir de cela le moindre soupçon en ce qui concerne la nature incorporelle est non seulement d’une extrême impiété, mais encore de la dernière sottise, et qu’il est absolument illogique de concevoir la possibilité d’une division de substance dans la nature incorporelle. C’est plutôt comme la volonté qui procède de l’intelligence sans en retrancher une partie, sans se séparer ni s’isoler d’elle : c’est de cette manière, il faut le penser, que le PÈRE a engendré le Fils, à savoir son image, et comme il est invisible par nature, il a engendré de même une image invisible. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Le Fils en effet est la Parole, et pour cela il ne faut rien entendre de sensible en lui ; il est la Sagesse, et dans la Sagesse il n’y a rien de corporel à soupçonner; il est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde, mais il n’a rien de commun avec la lumière de notre soleil. Notre Sauveur est donc l’image du Dieu invisible, le PÈRE : en relation avec le PÈRE il est Vérité ; en relation à nous, à qui il révèle le PÈRE, il est l’image par laquelle nous connaissons le PÈRE que personne d’autre ne connaît si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. Il révèle par le fait d’être lui-même compris. Dès qu’il est lui-même compris, le PÈRE est en conséquence compris lui aussi, selon ce que le Christ a dit : Qui m’a vu a vu aussi le PÈRE. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Mais puisqu’il n’est pas dit seulement par l’Apôtre le rayonnement de sa gloire, mais aussi la figure et expression de sa substance ou de sa subsistance, il ne paraît pas vain de tourner l’attention sur la question suivante : comment autre chose que la substance de Dieu, qu’on l’appelle substance ou subsistance, peut être dit figure de sa substance ? Voyons si on ne peut pas dire que le Fils de Dieu, appelé aussi sa Parole et sa Sagesse, lui qui seul connaît le PÈRE et le révèle à ceux qu’il veut, c’est-à-dire à ceux qui sont devenus capables de recevoir sa Parole et sa Sagesse, par le fait même qu’il fait comprendre et connaître Dieu, est dit exprimer la figure de sa substance ou subsistance : ainsi, puisque la Sagesse reproduit en elle-même ce qu’elle veut révéler aux autres, pour qu’à partir de cela ils connaissent et comprennent Dieu, elle est dite la figure et expression de la substance de Dieu. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Pour comprendre plus pleinement comment le Sauveur est une figure de la substance ou subsistance de Dieu, prenons un exemple qui, sans exprimer complètement ni proprement ce dont il s’agit, est choisi cependant parce que le Fils qui était sous la forme de Dieu s’est dépouillé de lui-même et, par ce dépouillement, a cherché à nous montrer la plénitude de la divinité. Supposons qu’on ait fait une statue tellement grande qu’elle contiendrait par sa grandeur le monde entier et qu’elle ne pourrait être vue de personne à cause de son immensité, et qu’on ait fait aussi une seconde statue, en tout semblable à l’autre par la configuration des membres et les traits du visage, par la forme et la matière, sans être cependant aussi grande : ceux qui ne pourraient pas examiner et contempler la première à cause de son immensité pourraient du moins, en voyant la petite, croire qu’ils ont vu la grande, puisqu’elles seraient absolument semblables par le dessin des membres et du visage, par la forme et la matière. Pareillement le Fils, se dépouillant de son égalité avec le PÈRE pour nous montrer le chemin de la connaissance, devient la figure et expression de sa substance : ainsi, nous qui ne pouvons regarder la gloire de la pure lumière qui se trouve dans la grandeur de sa divinité, par le fait qu’il en devient pour nous le rayonnement, nous recevons le moyen de voir la lumière divine en contemplant son rayonnement. Cette comparaison des deux statues, appliquée à des objets matériels, ne doit avoir de sens que le suivant : le Fils de Dieu, inséré dans la forme minuscule d’un corps humain, indiquait en lui-même, par suite de la similitude de ses oeuvres et de sa puissance, la grandeur infinie et invisible de Dieu le PÈRE présent en lui et c’est pourquoi il disait à ses disciples : Qui m’a vu a vu le PÈRE, et : Le PÈRE et moi nous sommes un. Dans le même sens il faut comprendre : Le PÈRE est en moi et moi dans le PÈRE. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Si quelqu’un voulait affirmer qu’elle n’existait pas auparavant, mais qu’ensuite elle est venue à l’être, qu’il dise pourquoi le PÈRE qui lui a donné l’être ne l’a pas fait auparavant. Et s’il lui a donné à un certain moment un commencement où ce souffle a procédé de la puissance de Dieu, nous demanderons de nouveau pourquoi cela ne s’est pas produit avant ce commencement dont on parle ; et ainsi, en recherchant toujours ce qui s’est passé auparavant et en poussant toujours plus haut nos interrogations, nous parviendrons à comprendre que, puisque toujours Dieu pouvait et voulait, il n’y a jamais eu de raison ni de motif pour que Dieu n’ait pas toujours eu le bien qu’il voulait. Cela montre que ce souffle de la puissance de Dieu a toujours été et n’a jamais eu de commencement, si ce n’est Dieu lui-même. Il ne convenait pas d’ailleurs qu’il ait eu un autre commencement que Dieu lui-même dont il tenait l’être et la naissance. Et selon cette parole de l’Apôtre : Le Christ, Puissance de Dieu, il ne faut pas seulement l’appeler le souffle de la puissance de Dieu, mais la Puissance procédant de la puissance. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Voyons maintenant ce que veut dire : Elle est une émanation très pure de la gloire du Tout-Puissant. Considérons d’abord ce qu’est la gloire du Tout-Puissant et nous verrons ensuite ce qu’est son émanation. Il ne peut y avoir de père sans fils, de maître sans possession ou sans serviteur : de même il ne peut y avoir de Dieu Tout-Puissant sans sujets sur lesquels s’exerce sa domination; c’est pourquoi, pour montrer Dieu Tout-Puissant il faut que tout subsiste. Car si quelqu’un veut que se soient passés des siècles ou des espaces de temps, quel que soit le nom qu’on leur donne, lorsque ce qui a été fait n’était pas encore fait, il montrera sans aucun doute que dans ces siècles ou ces espaces de temps Dieu n’était pas tout-puissant et qu’ensuite il est devenu tout-puissant lorsqu’il a commencé à avoir des sujets sur qui exercer sa domination. Et il semblera ainsi que Dieu ait progressé, qu’il soit passé du moins au plus, si toutefois on juge préférable pour lui d’être tout-puissant que de ne pas l’être. Ne paraît-il pas absurde de supposer que Dieu n’avait pas ce qu’il lui convenait d’avoir et qu’ensuite il ait progressé jusqu’à l’avoir ? S’il n’y eut jamais de temps où il n’était pas tout-puissant, il faut nécessairement qu’ait subsisté tout ce qui le fait dire tout-puissant et qu’il ait eu toujours des sujets sur lesquels exercer sa domination, des sujets qu’il ait gouvernés comme un roi ou un prince : nous parlerons de cela plus abondamment dans les passages où nous discuterons de ses créatures. Mais maintenant, puisqu’il s’agit ici de la Sagesse, je crois nécessaire de remarquer, bien que succinctement, de quelle façon la Sagesse est une émanation très pure de la gloire du Tout-Puissant, de peur que l’appellation Tout-Puissant ne paraisse antérieure en Dieu à la naissance de la Sagesse, qui lui fait donner le nom de père, puisque la Sagesse, c’est-à-dire le Fils de Dieu, est cette émanation très pure de la gloire du Tout-Puissant. Celui qui voudrait le supposer, qu’il entende ce que l’Écriture dit clairement : Tu as tout fait dans ta Sagesse, et ce qu’enseigne l’Évangile : Tout a été fait par lui et sans lui rien n’a été fait. Qu’il comprenne en conséquence que l’appellation de Tout-Puissant ne peut être en Dieu antérieure à celle de PÈRE : c’est en effet par son Fils que le PÈRE est tout-puissant. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Mais puisque l’Écriture dit qu’il y a une gloire du Tout-Puissant, dont la Sagesse est une émanation, il faut comprendre que la Sagesse est aussi associée à la gloire de la toute-puissance, puisque c’est par elle que Dieu est dit tout-puissant. Par la Sagesse, le Christ, Dieu possède la domination de toutes choses, non seulement par son autorité de dominateur, mais encore par la soumission spontanée de ses sujets. Le PÈRE et le Fils ont une seule et même toute-puissance, de même que le Seigneur lui-même est un seul et même Dieu avec le PÈRE ; c’est ce qu’exprimé Jean dans l’Apocalypse : Voici ce que dit le Seigneur Dieu, qui est, qui était et qui viendra, le Tout-Puissant. Celui qui viendra peut-il être un autre que le Christ ? De même que personne ne doit se choquer, puisque le PÈRE est Dieu, de ce que le Sauveur aussi soit Dieu ; de même, puisque le PÈRE est dit tout-puissant, personne ne doit se choquer de ce que le Fils de Dieu soit dit tout-puissant. Sera vrai pareillement ce qu’il dit lui-même au PÈRE : Tout ce qui est à moi est à toi, et tout ce qui est à toi est à moi, et je suis glorifié en eux. Si vraiment tout ce qui est du PÈRE est du Christ, parmi ce qu’est le PÈRE se trouve aussi la toute-puissance : sans aucun doute le Fils unique lui-même doit être tout-puissant pour que tout ce qu’a le PÈRE, le Fils l’ait pareillement. Et je suis glorifié en eux, dit-il. En effet, au nom de Jésus tout genou fléchira, parmi les êtres célestes, terrestres et infernaux et toute langue confessera que Jésus est Seigneur dans la gloire de DieuDieu le PÈRE. Donc la Sagesse de Dieu elle-même est une émanation pure et limpide de la gloire de Dieu en tant qu’il est tout-puissant, elle est glorifiée comme émanation de sa toute-puissance ou de sa gloire. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Pour comprendre plus clairement ce qu’est la gloire de la toute-puissance, ajoutons encore ce qui suit. Dieu le PÈRE est tout-puissant en ce qu’il possède la domination de tout, le ciel et la terre, le soleil, la lune et les étoiles et tout ce qu’ils contiennent. Il exerce cette domination par sa Parole, puisque, au nom de Jésus, tout genou fléchit des êtres célestes, terrestres et infernaux. Et si tout genou fléchit devant Jésus, sans aucun doute c’est à Jésus que tout est soumis, c’est lui qui exerce la domination sur tout et par qui tout est soumis au PÈRE : tout est soumis par le moyen de la Sagesse, c’est-à-dire par la Parole et la Raison et non par force et nécessité. C’est pourquoi sa gloire est dans le fait même qu’il tient toutes choses : la gloire très pure et très limpide de la toute-puissance, c’est quand par raison et sagesse, non par force et nécessité, tout est soumis. On nomme, avec à-propos, très pure et très limpide la gloire de la Sagesse pour la distinguer de celle qui n’est pas appelée purement ni franchement gloire. Toute nature convertible et muable en effet, même si elle est glorifiée par les oeuvres de la justice et de la sagesse, par le fait même qu’elle possède la justice et la sagesse de manière accidentelle et que ce qui est accidentel peut aussi déchoir, ne peut avoir une gloire franche et limpide. Mais la Sagesse de Dieu, son Fils unique, en toutes choses inconvertible et immuable, possédant tout bien de façon substantielle, sans possibilité de mutation ou de changement, peut pour ces raisons se voir attribuer une gloire pure et franche. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Mais la Sagesse est encore appelée le miroir sans tache de l’activité de Dieu. Il faut donc comprendre d’abord ce qu’est cette activité de la puissance de Dieu. C’est la vigueur, pour ainsi dire, avec laquelle agit le PÈRE lorsqu’il crée, qu’il pourvoie à tout, qu’il juge, qu’il dispose et gouverne chaque chose en son temps. De même que tous les mouvements et les actions de celui qui regarde dans un miroir produisent une image qui se meut et qui agit des mêmes mouvements et des mêmes actions, sans absolument aucune différence, de même selon sa propre volonté il faut comprendre la Sagesse, quand elle est appelée le miroir immaculé de la puissance et de l’activité paternelle. Ainsi le Seigneur Jésus-Christ, Sagesse de Dieu, parle-t-il de lui-même, lorsqu’il dit : Les oeuvres que fait le PÈRE, le Fils les fait pareillement. Et il ajoute : Le Fils ne peut rien faire de lui-même, s’il ne voit le PÈRE le faisant. Puisque le Fils ne se distingue ni ne diffère en rien du PÈRE par la puissance de ses oeuvres, que l’ouvrage du Fils n’est pas autre que celui du PÈRE, mais qu’un seul et même mouvement, pour ainsi dire, est dans les deux, le Fils est appelé un miroir immaculé pour faire comprendre qu’il n’y a aucune dissemblance entre Fils et PÈRE. Certains parlent de similitude, d’imitation du maître par le disciple, ou ils disent que le Fils a exécuté dans la matière corporelle ce que le PÈRE avait déjà formé dans les substances spirituelles : comment cela pourrait-il convenir, puisque l’Évangile ne dit pas que le Fils fait des oeuvres semblables, mais qu’il fait semblablement les mêmes oeuvres ? Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Il reste à chercher ce qu’est l’image de sa bonté : il convient de lui donner, à mon avis, le même sens que nous avons exprimé plus haut à propos de l’image qui se forme dans le miroir. Le PÈRE est sans aucun doute la bonté dans son principe : d’elle est né le Fils qui est en toutes choses l’image du PÈRE ; il convient donc certainement de l’appeler l’image de sa bonté. Il n’y a pas en effet dans le Fils une autre bonté que celle qui est dans le PÈRE. C’est pourquoi le Sauveur dit avec raison dans l’Évangile : Personne n’est bon si ce n’est un seul, Dieu le PÈRE. Il faut comprendre par là que le Fils n’a pas une autre bonté, mais celle-là seule qui est dans le PÈRE. Et il est appelé à bon droit son image, parce qu’il ne vient pas d’ailleurs que de cette bonté qui est le principe, pour qu’on ne voie pas dans le Fils une autre bonté que celle qui est dans le PÈRE, ni une bonté dissemblable ou différente. C’est pourquoi il ne faut pas prendre comme une sorte de blasphème la phrase : Personne n’est bon si ce n’est un seul, Dieu le PÈRE, comme si on y voyait une négation de la bonté du Christ ou de l’Esprit Saint : mais, comme on l’a dit plus haut, il faut placer dans le PÈRE la bonté dans son principe ; le Fils qui en naît ou l’Esprit Saint qui en procède reproduisent en eux, sans aucun doute, la nature de cette bonté qui est dans la source d’où le Fils est né et d’où l’Esprit Saint procède. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Maintenant, continuant notre exposé, recherchons brièvement ce que nous pouvons dire de l’Esprit Saint. Tous ceux qui croient de quelque façon qu’il y a une providence, confessent un Dieu inengendré qui a créé et qui gouverne l’univers et reconnaissent qu’il est le père de l’univers. Qu’il ait un Fils, nous ne sommes pas les seuls à l’affirmer, bien que cela paraisse assez étrange et incroyable à ceux que, chez les Grecs et les barbares, on considère comme des philosophes : cependant cette opinion semble tenue par quelques-uns d’entre eux, lorsqu’ils confessent que tout a été créé par la Parole ou la Raison de Dieu. Mais nous, faisant foi à sa doctrine que nous tenons avec certitude pour divinement inspirée, nous croyons qu’il n’est possible de parler du Fils de Dieu d’une manière plus éminente et plus divine et d’en donner la connaissance aux hommes que par le moyen de son Écriture, inspirée par l’Esprit Saint, c’est-à-dire de l’Évangile et des écrits apostoliques, de la loi et des prophètes, comme le Christ lui-même l’a affirmé. Quant à l’être substantiel qu’est l’Esprit Saint, personne n’a pu en avoir le moindre soupçon, si ce n’est ceux qui connaissent la loi et les prophètes ou qui professent la foi dans le Christ. Car si personne ne peut parler dignement de Dieu le PÈRE, il est cependant possible d’en acquérir quelque compréhension à l’occasion des créatures visibles et de ce que l’intelligence humaine perçoit naturellement : en outre tout cela peut être confirmé par le témoignage des Écritures saintes. Et quant au Fils de Dieu, bien que personne ne connaisse le Fils si ce n’est le PÈRE, l’intelligence humaine apprend cependant des divines Écritures ce qu’il faut penser de lui : il ne s’agit pas alors seulement du Nouveau Testament, mais encore de l’Ancien, en rapportant de façon figurée au Christ les actions des saints, qui nous font connaître la nature divine et aussi la nature humaine qu’il a assumée. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Quelques-uns de nos prédécesseurs ont observé à propos du Nouveau Testament que partout où l’esprit est nommé sans un adjectif désignant quel est cet esprit, il faut entendre l’Esprit Saint. Ainsi : Le fruit de l’Esprit est la charité, la joie, la paix, etc. De même : Alors que vous avez commencé dans l’Esprit, vous achevez maintenant dans la chair. Nous pensons que cette distinction peut être aussi appliquée à l’Ancien Testament. Par exemple : Celui qui donne l’Esprit au peuple qui est sur terre et l’Esprit à ceux qui la foulent. Sans aucun doute celui qui foule aux pieds la terre, c’est-à-dire le terrestre et le corporel, participe à l’Esprit Saint, le recevant de Dieu. Un savant hébreu disait qu’il fallait entendre du Fils unique et de l’Esprit Saint les deux Séraphins qu’Isaïe décrit avec six ailes et qui se crient l’un à l’autre : Saint, Saint, Saint, le Seigneur Sabaoth. Nous pensons qu’il faut de même appliquer au Christ et à l’Esprit Saint ce qui est dit dans le cantique d’Habacuc : Au milieu des deux vivants – ou des deux vies -, lu seras connu. Toute la science venant du PÈRE, par la révélation du Fils, est connue dans l’Esprit Saint, de sorte que l’un et l’autre, appelés par le prophète des vivants ou des vies, sont causes de la science de DieuDieu le PÈRE. Comme il est dit du Fils que personne ne connaît le PÈRE si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler, l’Apôtre parle de même du Saint Esprit : Dieu nous a révélé par son Esprit : car l’Esprit scrute tout, même les profondeurs de Dieu. Mais de même dans l’Évangile, le Sauveur, mentionnant les doctrines divines les plus profondes que ne pouvaient encore saisir ses disciples, dit aux apôtres : J’ai encore beaucoup à vous dire mais vous ne pouvez pas encore le comprendre; lorsque sera venu le Paraclet, l’Esprit Saint, qui procède du PÈRE, il vous enseignera toutes choses et vous rappellera tout ce que je vous ai dit. Il faut donc penser que comme le Fils, qui seul connaît le PÈRE, le révèle à qui il veut, le Saint Esprit, qui est seul à scruter jusqu’aux profondeurs de Dieu, révèle Dieu à qui il veut. Car l’Esprit souffle où il veut. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Il ne faut pas penser que l’Esprit connaît lorsque le Fils lui révèle. En effet si l’Esprit Saint connaît le PÈRE lorsque le Fils le lui révèle, il passe donc de l’ignorance à la connaissance : cela est en vérité impie et sot, de le reconnaître Esprit Saint et de lui attribuer l’ignorance. Il ne faut pas penser qu’il était auparavant autre chose que Saint Esprit et qu’il a progressé jusqu’à devenir Saint Esprit. C’est comme si l’on osait dire qu’alors, quand il n’était pas Saint Esprit, il ignorait le PÈRE et qu’après qu’il en eut reçu la connaissance il est devenu Saint Esprit. Si cela était, jamais ce Saint Esprit n’aurait été compris dans l’unité de la Trinité avec Dieu le PÈRE immuable et avec son Fils : c’est donc qu’il a toujours été Saint Esprit. Nous employons ces termes « toujours » ou « était » ou tout autre terme à signification temporelle, mais il faut les prendre tout simplement et avec indulgence, car leurs sens sont temporels, mais ce dont nous parlons, bien qu’il faille l’exprimer de façon temporelle dans la rédaction du discours, dépasse par sa nature toute compréhension d’un sens temporel. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Que personne ne pense qu’en disant que l’Esprit Saint n’est donné qu’aux saints, tandis que les bienfaits et l’action du PÈRE et du Fils parviennent aux bons et aux mauvais, aux justes et aux injustes, nous mettons le Saint Esprit au-dessus du PÈRE et du Fils et nous lui attribuons une plus grande dignité : cela manquerait tout à fait de conséquence. Car nous avons décrit le caractère propre de sa grâce et de son action. Cependant il n’est pas question de plus ou de moins dans la Trinité, puisque une unique source de divinité gouverne l’univers par sa Parole et sa Raison et sanctifie par l’Esprit (le souffle) de sa bouche tout ce qui est digne de sanctification, comme il est écrit dans le Psaume : Par la Parole du Seigneur les deux ont été affermis et par l’Esprit (le souffle) de sa bouche toute leur puissance. C’est en effet une opération principale de Dieu le PÈRE en plus de celle par laquelle il donne à tous les êtres d’exister selon leur nature. Il y a aussi un ministère principal du Seigneur Jésus-Christ à l’égard de ceux à qui il confère d’être raisonnables par nature, ministère par lequel il leur accorde en outre de bien l’être. Il y a encore une autre grâce de l’Esprit Saint attribuée à ceux qui en sont dignes, par le ministère du Christ, par l’opération du PÈRE, d’après le mérite de ceux qui en sont faits capables. C’est ce qu’indiqué très clairement l’apôtre Paul, montrant qu’il y a une seule et même puissance de la Trinité quand il dit : Les dons sont différents, mais l’Esprit est le même; les ministères sont différents, mais le Seigneur est le même; les actions sont différentes, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. A chacun il est donné de manifester l’Esprit selon ce qui convient. Il explique par là très clairement qu’il n’y a dans la Trinité aucune séparation, mais que ce qui est appelé don de l’Esprit, vient du ministère du Fils et est opéré par Dieu le PÈRE : Tout est l’oeuvre d’un seul et même Esprit, répartissant à chacun comme il veut. Après ces mises au point sur l’unité du PÈRE, du Fils et du Saint Esprit, revenons à ce que nous avons commencé de discuter. Dieu le PÈRE donne à tous les êtres l’existence, mais la participation du Christ selon qu’il est Parole – ou Raison – les rend raisonnables. Ils s’ensuit qu’ils sont dignes de louange ou d’accusation parce qu’ils sont capables de vertu ou de malice. En conséquence la grâce de l’Esprit Saint est en eux pour rendre saints par sa participation ceux qui ne le sont pas par leur substance. Puisqu’ils ont reçu d’abord de Dieu le PÈRE l’être, ensuite de la Parole la rationalité, en troisième lieu du Saint Esprit la sainteté, ils deviennent en revanche capables de recevoir le Christ en tant qu’il est la Justice de Dieu, ceux qui ont été déjà auparavant sanctifiés par l’Esprit Saint; et ceux qui ont mérité de parvenir à ce degré par la sanctification reçue de l’Esprit Saint, obtiennent néanmoins le don de sagesse par la vertu de l’action de l’Esprit de Dieu. C’est, je pense, ce que dit Paul lorsqu’il écrit qu’à certains est donnée la parole de sagesse, à d’autres la parole de connaissance selon le même Esprit. Et désignant chaque sorte de dons, il rapporte toutes choses à la source de l’univers par ces mots : Les opérations sont différentes, mais c’est un seul Dieu qui opère tout en tous. Par là, l’action du PÈRE qui donne l’existence à tous apparaît plus brillante et plus magnifique, lorsque chacun, en participant au Christ en tant que Sagesse, Connaissance et Sanctification, se perfectionne et monte dans son progrès à des degrés supérieurs. Sanctifié par la participation au Saint Esprit, on devient ainsi de plus en plus pur, on reçoit plus dignement la grâce de la sagesse et de la connaissance, et en rejetant toutes les taches de la souillure et de l’ignorance et en s’en nettoyant, on en arrive à un tel progrès de pureté, qu’ayant reçu de Dieu l’existence, on parvient à être digne de Dieu, qui donne d’être d’une manière pure et parfaite : tellement que la créature devient aussi digne que l’est celui qui l’a créée. Ainsi celui qui est tel que l’a voulu son créateur comprendra par l’action de Dieu que sa puissance existe toujours et demeure éternellement. Pour que cela se produise et pour que les créatures adhèrent sans fin et sans séparation possible à celui qui est, c’est l’oeuvre de la Sagesse de les enseigner et de les conduire à la perfection par l’Esprit Saint qui les affermit et les sanctifie continuellement, condition qui seule rend possible la réception de Dieu. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Ainsi l’action continuelle sur nous du PÈRE, du Fils et du Saint Esprit s’exerce à chacun des degrés du progrès : cependant c’est à grand peine, si cela est possible, que nous pouvons envisager la vie sainte et bienheureuse dans laquelle, quand nous y sommes parvenus après beaucoup de luttes, nous devons rester sans être jamais saisi par la satiété de ce bien ; mais plus nous percevons de cette béatitude, plus le désir de la posséder s’étend et s’augmente en nous, dans la mesure où plus ardemment et avec plus de capacité nous recevons et possédons le PÈRE, le Fils et l’Esprit Saint. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Mais c’est en voulant montrer en nous les bienfaits divins qui nous viennent par le PÈRE, le Fils et l’Esprit Saint, Trinité qui est la source de toute sainteté, que nous avons dit cela comme par digression et que nous avons cru pouvoir toucher, quoique sommairement, la question de l’âme parce qu’elle s’était présentée, en traitant d’un sujet proche, à savoir de la nature raisonnable. Nous en discuterons cependant plus opportunément quand nous parlerons de toutes les natures raisonnables et de leurs trois genres et espèces, si Dieu, par Jésus-Christ et le Saint Esprit, nous l’accorde. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Appendice: (Le PÈRE créateur de toute éternité du Monde Intelligible contenu en son Fils) (I, 4, 3-5) Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Appendice

Cette puissance bienheureuse et souveraine, c’est-à-dire qui domine toutes choses, nous l’appelons Trinité. C’est le Dieu bon et le PÈRE bienveillant de l’univers, et la puissance bienfaisante et démiurgique, c’est-à-dire celle de faire le bien, de créer et de pourvoir. Il est à la fois absurde et impie de penser que même un instant ces puissances de Dieu soient restées oisives. Car il n’est pas permis de se demander, même en passant, si ces puissances, qui permettent avant tout de comprendre Dieu dignement, ont cessé un moment de produire des oeuvres dignes de lui et sont restées immobiles. On ne peut penser en effet qu’étant en Dieu, bien mieux, qu’étant Dieu, elles aient été empêchées de l’extérieur, ni en revanche que, ne rencontrant pas d’obstacle, elles aient eu la paresse d’agir et de produire des oeuvres dignes d’elles ou aient négligé de le faire. Et c’est pourquoi on ne peut pas croire qu’il y ait eu absolument un seul moment où cette puissance bienfaisante n’ait pas fait le bien. Il s’ensuit qu’elle a toujours eu des bénéficiaires, par ses productions et ses créations, et que, dans sa bienfaisance, elle leur a dispensé ses bienfaits de façon ordonnée et suivant les mérites, en vertu de sa providence. Par conséquent il semble qu’il n’y a pas eu de moment où Dieu n’ait pas été créateur, bienfaisant et provident. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Appendice

Malgré le peu de portée de notre intelligence, cette solution se présente qu’il nous faut indiquer sans péril pour la piété : Dieu le PÈRE a toujours été, il a toujours eu un Fils unique qui est appelé en même temps Sagesse, selon ce que nous avons exposé plus haut. Cette Sagesse est celle qui faisait toujours la joie de Dieu quand il eut achevé le monde, pour que nous comprenions par là que Dieu toujours se réjouit. Dans cette Sagesse donc, qui était toujours avec le PÈRE, la création était toujours présente en tant que décrite et formée et il n’y a jamais eu de moment où la préfiguration de ce qui allait être ne se trouvait pas dans la Sagesse. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Appendice

Nous voyons ce qu’est la fin, lorsque tous les ennemis seront soumis au Christ, lorsque le dernier ennemi sera détruit, la mort, et lorsque la royauté sera transmise à Dieu le PÈRE par le Christ à qui tout a été soumis : à partir de cette fin, dis-je, examinons les commencements des choses. La fin est en effet toujours semblable au commencement : et c’est pourquoi, de même que la fin de toutes choses est l’unité, de même il faut comprendre que le commencement de tout est l’unité. Comme cette fin unique est celle de nombreux êtres, ainsi à partir d’un commencement unique, il y a beaucoup de différences et de variétés qui de nouveau, par la bonté de Dieu, la soumission du Christ et l’unité de l’Esprit Saint, sont ramenées à une seule fin semblable au début. Il s’agit de tous ceux qui, fléchissant le genou devant Jésus, donnent par là témoignage de leur soumission, parmi les êtres célestes, terrestres et infernaux : ces trois catégories désignent tout l’univers, c’est-à-dire ceux qui, à partir d’un commencement unique, se comportant de façon variée chacun de son propre mouvement, ont été répartis en divers ordres selon leur mérite ; car la bonté n’était pas en eux de façon substantielle, comme en Dieu, dans son Christ et dans le Saint Esprit. Dans cette Trinité seule, qui est l’auteur de tout, la bonté est présente de façon substantielle : tous les autres êtres ont une bonté accidentelle et qui peut défaillir ; ils sont donc dans la béatitude quand ils participent à la sainteté, à la sagesse et à la divinité elles-mêmes. Si cependant ils négligent cette participation et ne s’en occupent pas, alors par la faute de leur propre paresse, l’un plus tôt, l’autre plus tard, un troisième plus ou moins profondément, chacun devient pour lui-même cause de sa chute et de sa déchéance. Et puisque, comme nous l’avons dit, cette chute ou cette déchéance, qui éloigne chacun de son état, se produit avec une très grande diversité selon les mouvements de l’intelligence et de la volonté qui font pencher vers le bas, l’un plus légèrement, l’autre plus lourdement, en cela le jugement de la providence de Dieu est juste, car il atteint chacun selon la diversité de ses mouvements dans la mesure de son éloignement et de son agitation. Certes, parmi ceux qui sont restés dans l’état initial, que nous avons décrit semblable à la fin à venir, les uns obtiennent par eux-mêmes dans l’ordonnance et le gouvernement de l’univers le rang des anges, d’autres celui des Vertus, d’autres celui des Principautés, d’autres celui des Puissances – par là évidemment ils exercent leur puissance sur ceux qui ont besoin d’avoir la puissance sur leur tête -, d’autres l’ordre des Trônes, ayant la charge de juger et de diriger ceux qui en ont besoin, d’autres la Domination, sans aucun doute sur des serviteurs : tout cela leur est accordé par la divine providence selon un jugement équitable et juste, d’après leur mérite et leurs progrès, qui les ont fait croître dans la participation et l’imitation de Dieu. Mais ceux qui se sont écartés de l’état de béatitude première, non cependant de façon irrémédiable, sont soumis aux ordres saints et bienheureux que nous avons décrits plus haut, pour être gouvernés et dirigés, afin que, s’ils usent de leur aide, s’ils se réforment d’après leurs instructions et leurs doctrines salutaires, ils puissent revenir à leur état bienheureux et y être rétablis. C’est avec ceux-ci, autant que je puisse le penser, qu’a été constitué cet ordre du genre humain, qui assurément dans le siècle futur ou dans les siècles qui surviendront, lorsqu’il y aura selon Isaïe un ciel nouveau et une terre nouvelle, sera rétabli dans cette unité que promet le Seigneur Jésus lorsqu’il dit à Dieu le PÈRE au sujet de ses disciples : Ce n’est pas pour eux seuls que je te prie, mais pour tous ceux qui croiront par leur parole en moi, afin que tous soient un, comme moi je suis en toi, PÈRE, et toi en moi, afin que ceux-ci soient un en nous. Il ajoute : Afin qu’ils soient un, comme nous, nous sommes un, moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient eux-mêmes consommés en un. L’apôtre Paul lui aussi le confirme : Jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi pour former l’homme parfait, dans la mesure de la pleine maturité du Christ. Et de même cet apôtre nous exhorte, alors que nous sommes encore dans la vie présente, dans l’Église, où se trouve assurément la figure du royaume à venir, à une unité semblable à celle-là : Afin que vous disiez tous les mêmes choses et qu’il n’y ait pas parmi vous de dissensions, afin que vous soyez parfaits dans une seule et même pensée, dans une seule et même opinion. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section

Sur ce point certains se demandent souvent si, de même que le PÈRE engendre le Fils et profère l’Esprit Saint, non comme s’ils étaient des êtres qui n’existaient pas auparavant, mais en tant que le PÈRE est l’origine et la source du Fils et du Saint Esprit, puisqu’on ne peut penser qu’il y a en eux un avant ou un après, on ne pourrait pas entendre de même l’association et la parenté qui existent entre les natures raisonnables et la matière corporelle. Pour faire une recherche plus complète et plus soigneuse, ils passent à un autre problème dès le début de la discussion et se demandent si cette même nature corporelle qui sert de support à la vie des intelligences spirituelles et raisonnables, et rend possibles leurs mouvements, perdure de la même éternité qu’eux, ou au contraire si elle périra et sera complètement détruite. Pour saisir la question avec plus de minutie, il faut rechercher d’abord, semble-t-il, s’il est possible que les natures raisonnables restent tout à fait incorporelles, lorsqu’elles parviennent au sommet de la sainteté et de la béatitude, ce qui me semble très difficile et presque impossible ; ou s’il est nécessaire qu’elles soient toujours unies à des corps. Si on pouvait montrer la raison qui fonde la possibilité pour ces âmes d’être complètement dépourvues de corps, il paraîtrait logique de penser que la nature corporelle a été créée à partir du néant par intervalles ; de même qu’elle a été faite alors qu’elle n’existait pas, de même elle cesserait d’être lorsque son office ne serait plus utile. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): L’éternité de la nature corporelle

Cependant ceux qui pensent que les créatures raisonnables peuvent vivre sans corps peuvent ici faire quelques difficultés. S’il est vrai que ce qui est corruptible revêtira l’incorruption et ce qui est mortel l’immortalité, et que la mort sera absorbée à la fin, cela ne veut pas dire autre chose que la destruction complète de la nature matérielle, sur laquelle la mort pouvait avoir une certaine action, puisque l’acuité intellectuelle de ceux qui sont dans le corps semble émoussée par la nature de la matière corporelle. S’ils sont dépouillés du corps, ils échapperont aux embarras causés par ce genre de troubles. Mais parce qu’ils ne peuvent pas être débarrassés d’un seul coup de tout revêtement corporel, on pense qu’ils doivent d’abord demeurer dans des corps plus subtils et plus purs, qui ne peuvent plus désormais être vaincus par la mort ni blessés par l’aiguillon de la mort : ainsi, la nature matérielle s’amenuisant progressivement, la mort sera absorbée et finalement détruite et son aiguillon sera complètement émoussé par la grâce divine dont l’âme est devenue capable, méritant d’obtenir l’incorruption et l’immortalité. Et alors tous diront avec raison : Où est, mort, ta victoire ? Où est, mort, ton aiguillon ? Car l’aiguillon de la mort est le péché. Si tout cela paraît bien raisonné, il nous reste à croire qu’un jour nous serons dans un état incorporel. Si cela est accepté et s’il est dit que tous seront soumis au Christ, il faut que cette assertion soit appliquée à tous ceux à qui s’étend la soumission au Christ, parce que tous ceux qui sont soumis au Christ seront aussi soumis à la fin à Dieu le PÈRE, à qui, selon l’Écriture, le Christ transmettra le royaume, et il paraît ainsi que cessera alors l’usage des corps. S’il cesse, il revient dans le néant où il était auparavant. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): Le commencement de ce monde et ses causes

Nous avons esquissé comme nous avons pu les comprendre ces trois opinions sur la fin de toutes choses et la béatitude suprême : que chaque lecteur juge en lui-même avec diligence et minutie, s’il veut en approuver et en choisir une. Il est dit qu’on pense pouvoir mener une vie incorporelle quand tout aura été soumis au Christ et par le Christ à Dieu le PÈRE, lorsque Dieu sera tout en tous ; ou bien cependant que lorsque tout sera soumis au Christ et par le Christ à Dieu, avec qui les natures raisonnables formeront un seul esprit, puisqu’elles sont des esprits, la substance corporelle elle-même associée à des esprits excellents et très purs brillera, changée dans un état éthéré selon la qualité ou les mérites de ceux qui l’assument, d’après cette parole de l’Apôtre : Nous aussi nous serons changés ; ou encore que, lorsque la condition des choses qui se voient aura passé, toute corruptibilité ayant été rejetée et purifiée et tout l’état de ce monde, où l’on dit que se trouvent les sphères des planètes, ayant été dépassé et transcendé, c’est au-dessus de la sphère dite des étoiles fixes que la demeure des pieux et des bienheureux sera établie, comme dans la bonne terre, la terre des vivants, que recevront les paisibles et les doux. A cette terre correspond le ciel qui l’entoure et l’enferme comme dans une enceinte plus magnifique, le ciel au sens strict et premier. Dans ce ciel et dans cette terre trouveront place l’achèvement et la perfection de toutes choses d’une manière stable, sûre et très durable. C’est là que ceux qui auront été corrigés par les peines subies pour être purifiés de leurs péchés, lorsque tout aura été accompli et payé, mériteront d’habiter cette terre, et ceux qui ont obéi à la Parole de Dieu, se sont montrés capables de recevoir sa Sagesse et l’ont suivie, mériteront, selon l’Écriture, les royaumes de ce ciel ou de ces cieux. Ainsi s’accompliront ces paroles : Bienheureux les doux car ils recevront en héritage la terre. Bienheureux les pauvres par l’esprit car ils auront l’héritage du royaume des cieux, et ce que dit le Psaume : Il t’élèvera pour que tu hérites la terre. Pour cette terre-ci on emploie l’expression descendre, pour cette terre-là, qui est en haut, celle d’être élevé. Il semble ainsi que soit ouvert par les progrès des saints comme un chemin de cette terre-là à ces cieux-là : ils ne paraissent pas tant devoir rester dans cette terre que l’habiter, pour passer ensuite, lorsqu’ils auront fait quelque progrès, à l’héritage du royaume des cieux. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): Le commencement de ce monde et ses causes

Maintenant que nous avons traité ces sujets selon l’ordre requis et le plus brièvement possible, il nous reste, conformément à notre propos initial, à réfuter ceux qui pensent que le PÈRE de notre Seigneur Jésus-Christ est un autre Dieu que celui qui répondait à Moïse à propos de la loi et envoyait les prophètes, le Dieu des patriarches Abraham, Isaac et Jacob. Il faut d’abord nous raffermir dans cette doctrine de foi. Considérons donc ce qui est dit souvent dans l’Évangile et rapporté en liaison avec chacun des actes de notre Seigneur et Sauveur : Pour que soit accompli ce qui est dit par le prophète, par tel ou tel prophète, puisqu’il est évident qu’ils sont les prophètes du Dieu qui a fait le monde. En bonne logique, on conclut que celui qui a envoyé les prophètes a lui-même prédit ce qu’il fallait prédire du Christ. Il n’est pas douteux que cela n’a pas été prédit par un Dieu qui lui aurait été étranger, mais par son propre père. Et le fait que, fréquemment, le Sauveur et ses apôtres prennent des exemples dans l’Ancien Testament n’indique pas autre chose que l’autorité attachée aux anciens par le Sauveur et ses disciples. Cette phrase du Sauveur exhortant ses disciples à la bonté : Soyez parfaits comme votre PÈRE céleste est parfait, lui qui fait lever son soleil sur les bons et les méchants et pleuvoir sur les justes et les injustes, suggère à tout homme, même d’intelligence médiocre, comme une vérité très évidente, qu’il ne propose pas à l’imitation de ses disciples un autre Dieu que le créateur du ciel, celui qui dispense les pluies. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Mais ils diront : Dieu est invisible. Que ferez-vous alors ? Si vous le dites invisible par nature, il ne sera même pas visible pour le Sauveur. Bien plus, le Dieu PÈRE du Christ est vu selon l’Écriture puisque : qui a vu le Fils a vu aussi le PÈRE. Cette parole, qui vous gêne fortement, est comprise par nous plus justement non de la vision mais de la compréhension. Celui qui a compris le Fils a compris aussi le PÈRE. C’est ainsi qu’on pense que Moïse a vu Dieu, non pas en le regardant avec les yeux charnels, mais en le comprenant par la vue du coeur et le sens de l’intelligence, et cela seulement en partie. Il est dit en effet clairement par celui qui répondait à Moïse : Tu ne verras pas ma face, mais mon dos. Tout cela est assurément à comprendre selon le mystère habituel aux paroles divines, en rejetant certes et en méprisant ces fables de bonne femme, oeuvres d’ignorants, qui imaginent en Dieu une face et un dos. Que personne ne nous attribue une pensée impie lorsque nous disons que Dieu n’est même pas visible pour le Sauveur, mais qu’il considère les distinctions que nous devons utiliser pour traiter avec les hérétiques. Nous avons dit en effet qu’autre chose est voir et être vu, autre chose connaître et être connu. Voir et être vu sont donc le propre des corps et ne peuvent être appliqués aux relations réciproques du PÈRE, du Fils et de l’Esprit Saint. Car la nature de la Trinité excède les capacités de la vue, tout en accordant à tous les êtres corporels, c’est-à-dire à tous les autres êtres, les créatures, la possibilité de voir dans leurs relations réciproques, mais à une nature incorporelle, et surtout à une nature intellectuelle, ne conviennent que connaître et être connu, selon cette parole du Sauveur : Personne ne connaît le Fils sinon le PÈRE, ni le PÈRE sinon le Fils, et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. Il a dit fort clairement, non : Personne ne voit sinon le Fils, mais : Personne ne connaît sinon le Fils. Mais si, à cause de ce qui est dit dans l’Ancien Testament sur Dieu qui s’irrite, se repent, ou éprouve toute autre passion humaine, les hérétiques pensent avoir de quoi nous réfuter, puisqu’ils affirment qu’on doit se représenter Dieu comme absolument impassible et exempt de tout sentiment de cette sorte, il faut leur montrer que même dans les paraboles évangéliques on trouve des expressions semblables : par exemple celui qui planta une vigne, la loua à des agriculteurs qui tuèrent les serviteurs qu’il leur envoya et à la fin mirent à mort même son fils qu’il leur avait député, est dit s’être mis en colère, leur avoir enlevé la vigne, avoir fait périr ces mauvais agriculteurs et avoir confié la vigne à d’autres disposés à lui remettre les fruits au moment voulu. On peut citer aussi ces concitoyens qui, après que le père de famille fut parti pour recevoir la royauté, dépêchèrent à sa suite des envoyés pour dire : Nous ne voulons pas qu’il règne sur nous ; et quand il revint, ayant obtenu la royauté, le père de famille irrité les fit tuer en sa présence et détruire leur ville par le feu. Mais nous, lorsque nous voyons l’Ancien ou le Nouveau Testament parler de la colère de Dieu, nous ne prenons pas à la lettre ce qui y est dit, mais nous y cherchons une compréhension spirituelle, pour penser selon une intelligence digne de Dieu. Lorsque nous avons commenté ce verset du Psaume 2 : Alors il leur parlera dans sa colère et les épouvantera dans sa fureur, nous avons montré comment il fallait entendre cela, comme nous l’avons pu, avec les faibles ressources de notre intelligence. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Ils pensent en effet que la bonté est un sentiment qui désire pour tous le bien, même si le bénéficiaire en est indigne et ne mérite pas d’obtenir le bien ; à ce qu’il me semble, ils n’ont pas utilisé correctement une telle définition, pensant que celui à qui arrive quelque chose de pénible et de triste ne reçoit pas le bien. Ils ont considéré la justice comme un sentiment qui veut rendre à chacun selon son mérite. Mais là aussi, ils n’interprètent pas correctement le sens de leur définition. Ils pensent en effet qu’il est juste de faire le mal aux mauvais, le bien aux bons, c’est-à-dire que, selon leur signification, le juste ne paraîtrait pas vouloir le bien aux mauvais, mais être animé d’une certaine façon de haine à leur égard : et ils recueillent ainsi tout ce qu’ils trouvent comme récits dans les écrits de l’Ancien Testament, par exemple le châtiment du déluge et de ceux qui y furent noyés, la dévastation de Sodome et de Gomorrhe par une pluie de feu et de soufre, la mort dans le désert à cause de leurs péchés de tous ceux qui avaient quitté l’Egypte, de telle sorte qu’aucun ne put entrer dans la terre des promesses sinon Josué et Caleb. Du Nouveau Testament ils rassemblent les paroles de miséricorde et de pitié que le Sauveur a dites à ses disciples pour les former, celles qui semblent déclarer que Personne n’est bon si ce n’est un seul, Dieu le PÈRE; et ainsi ils ont osé, tout en proclamant bon le Dieu PÈRE du Sauveur Jésus-Christ, dire que le Dieu du monde est autre et l’appeler juste, mais non bon. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section

Ensuite si celui qu’ils disent bon est bon pour tous, sans aucun doute il l’est pour ceux qui sont destinés à perdition ; comment alors ne les sauve-t-il pas ? S’il ne le veut pas, il ne sera pas bon; s’il le veut et ne le peut pas, il ne sera pas tout-puissant. Qu’ils entendent plutôt, dans les Évangiles, le PÈRE de notre Seigneur Jésus-Christ préparant le feu pour le diable et ses anges. Comment une action aussi punitive et pénible selon le sens qu’ils lui donnent pourra paraître l’oeuvre du Dieu bon ? Mais le Sauveur lui-même, fils du Dieu bon, déclare dans les Évangiles : Si ces signes et ces prodiges avaient été accomplis à Tyr et à Sidon, depuis longtemps elles auraient fait pénitence dans le sac et la cendre. Et lorsqu’il s’est approché de ces villes et qu’il a pénétré sur leur territoire, pourquoi, je vous le demande, a-t-il refusé d’entrer dans ces cités et de leur manifester en abondance les signes et les prodiges, puisqu’il était certain que devant cela elles auraient fait pénitence dans le sac et la cendre ? Puisque assurément il ne l’a pas fait, il a abandonné sans aucun doute à la perdition ces cités, qui n’étaient pas cependant d’une nature mauvaise et perdue d’après la parole même de l’Évangile, puisqu’il est dit qu’elles pouvaient se repentir. Et on trouve aussi dans une parabole évangélique : Le roi, pénétrant dans la salle pour voir les convives, qui avaient été invités, vit quelqu’un qui n’était pas vêtu de la tenue des noces et il lui dit: Ami, comment es-tu entré ici sans la tenue des noces ? Alors il dit aux serviteurs: Liez-lui mains et pieds et jetez-le dehors dans les ténèbres extérieures, là où il y aura pleurs et grincements de dents. Qu’ils nous disent quel est ce roi qui entre pour voir les convives et qui, trouvant parmi eux quelqu’un revêtu d’habits sales, ordonna à ses serviteurs de l’enchaîner et de le repousser dans les ténèbres extérieures : est-ce celui qu’ils appellent le Dieu juste ? Comment avait-il ordonné d’inviter des bons et des méchants sans avoir fait faire par ses serviteurs une enquête sur leurs mérites ? Par là ne sont pas seulement marqués les sentiments d’un juste, comme ils disent, et de quelqu’un qui rétribue selon le mérite, mais une bienveillance qui ne fait pas de distinction entre tous. S’il est vraiment nécessaire de comprendre ce passage du Dieu bon, c’est-à-dire du Christ ou de son PÈRE, qu’a-t-il fait d’autre que ce qu’ils objectent au Dieu juste; bien plus, que reprochent-ils d’autre au Dieu de la loi que ce qu’a fait celui-là, qui, après avoir invité cet homme, par l’intermédiaire des serviteurs qu’il avait envoyés appeler les bons et les méchants, ordonne, à cause de vêtements trop sales, de lui lier les mains et les pieds et de le précipiter dans les ténèbres extérieures ? Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section

Il leur reste encore cette phrase que prononce le Seigneur dans les Évangiles et qu’ils pensent leur avoir été donnée en propre comme un bouclier pour les défendre : Personne n’est bon si ce n’est Dieu le PÈRE. Ils disent qu’il y a là le vocable propre au PÈRE du Christ, différent du Dieu créateur de l’univers, qu’on n’a jamais appelé bon. Voyons donc si dans l’Ancien Testament le Dieu des prophètes, le créateur du monde, le législateur, n’est pas nommé bon. Que disent les psaumes ? Qu’il est bon, le Dieu d’Israël, pour les coeurs droits ! Et : Qu’Israël dise maintenant qu’il est bon, que sa miséricorde dure des siècles. Dans les Lamentations de Jérémie il est écrit : Bon est le Seigneur pour qui le garde, pour l’âme qui le cherche. De même que Dieu est fréquemment appelé bon dans l’Ancien Testament, de même dans les Évangiles le PÈRE de notre Seigneur Jésus-Christ est aussi nommé juste. En effet, dans l’Évangile selon Jean, notre Seigneur lui-même prie le PÈRE en ces termes : PÈRE juste, le monde lui-même ne t’a pas connu. Et s’ils disent qu’il appelait PÈRE le créateur du monde à cause de son incarnation et que c’est lui qu’il nommait juste, cette affirmation est exclue par ce qui suit : le monde lui-même ne t’a pas connu. Car selon eux c’est le Dieu bon seul que le monde ignore; car il reconnaît avec pleine vérité son créateur, selon ces paroles du Seigneur lui-même : Le monde aime ce qui est sien. Il est donc manifeste que celui qu’ils croient le Dieu bon est appelé juste dans les Évangiles. Quand on en aura le loisir on pourra rassembler plusieurs témoignages, montrant que dans le Nouveau Testament le PÈRE de notre Seigneur Jésus-Christ est nommé juste et que dans l’Ancien Testament le créateur du ciel et de la terre est dit bon, pour convaincre et confondre une bonne fois les hérétiques par leur nombre. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section

Après avoir traité ces sujets, il est temps de revenir à l’incarnation de notre Seigneur et Sauveur pour voir comment il s’est fait homme et il a vécu parmi les hommes. Selon nos faibles forces, nous avons donc considéré la nature divine par l’examen plutôt de ses oeuvres que de notre intelligence, nous avons néanmoins regardé ses créatures visibles et contemplé par la foi les invisibles, puisque la fragilité humaine nous empêche de tout voir de nos yeux ou de tout embrasser par la raison : en effet de tous les êtres raisonnables nous sommes, nous hommes, l’être animé le plus faible et le plus fragile, dépassé par ceux qui se trouvent dans le ciel ou au-dessus du ciel. Il nous reste à chercher l’intermédiaire, c’est-à-dire le médiateur, entre toutes ces créatures et Dieu, celui que l’apôtre Paul appelle le premier-né de toute créature. Nous voyons en effet ce que les Écritures saintes nous rapportent de sa grandeur, qu’il est appelé Image du Dieu invisible et premier-né de toute créature, que, en lui, toutes choses ont été créées, visibles et invisibles, Trônes, Dominations, Principautés, Puissances: tout a été créé par lui et en lui; il est lui-même avant toutes choses et tout subsiste en lui, qui est la Tête de tous, étant le seul à avoir pour Tête Dieu le PÈRE selon ce qui est écrit : La Tête du Christ est Dieu. Nous voyons en outre ce qui est écrit : Personne ne connaît le PÈRE si ce n’est le Fils, et personne ne connaît le Fils si ce n’est le PÈRE. Qui peut en effet connaître ce qu’est la Sagesse si ce n’est celui qui l’a engendrée ? Qui peut savoir clairement ce qu’est la Vérité si ce n’est le PÈRE de la Vérité ? Qui a pu scruter toute la nature de sa Parole et de ce Dieu lui-même, nature qui vient de Dieu, si ce n’est Dieu seul, auprès duquel était la Parole ? Nous devons accepter en toute certitude que cette Parole – qu’on doit aussi appeler Raison -, que cette Sagesse, que cette Vérité, personne d’autre que le PÈRE ne la connaît, elle dont il est écrit : Je pense que le monde lui-même ne contiendrait pas les livres qui seraient écrits, évidemment sur la gloire et la majesté du Fils de Dieu. Car il est impossible de mettre par écrit ce qui concerne la gloire du Sauveur. Traité des Principes: Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section

Après tant de si grandes considérations sur la nature du Fils de Dieu, nous sommes saisis d’une stupéfaction extrême en voyant que cette nature qui dépasse toutes les autres, se vidant de sa condition de majesté, s’est faite homme et a vécu parmi les hommes, comme l’atteste la grâce répandue sur ses lèvres, comme en rend témoignage le PÈRE céleste et comme l’ont confirmé les signes, prodiges et miracles divers qu’elle a opérés. Avant d’être présent à nous comme il l’a montré par son corps, il a envoyé les prophètes, précurseurs et annonciateurs de sa venue ; après son ascension dans les cieux, il a fait circuler par toute la terre les saints apôtres remplis de la puissance de sa divinité, hommes inexpérimentés et ignorants venus du milieu des publicains ou des pêcheurs, pour rassembler de toutes les nations et de toutes les populations un peuple d’hommes pieux croyant en lui. Traité des Principes: Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section

Mais après toutes ces merveilles et magnificences, la capacité d’étonnement de l’intelligence humaine est complètement dépassée et la fragilité d’un entendement mortel ne voit pas comment elle pourrait penser et comprendre que cette Puissance si grande de la majesté divine, cette Parole du PÈRE lui-même, cette Sagesse de Dieu dans laquelle ont été créés tout le visible et tout l’invisible, ait pu, comme il faut le croire, exister dans les étroites limites d’un homme qui s’est montré en Judée, et bien mieux que la Sagesse de Dieu ait pénétré dans la matrice d’une femme, soit née comme un petit enfant, ait émis des vagissements à la manière des nourrissons qui pleurent; et ensuite qu’elle ait été troublée par sa mort, comme on le rapporte et comme Jésus le reconnaît lui-même : Mon âme est triste jusqu’à la mort; et enfin qu’elle ait été conduite à la mort que les hommes jugent la plus indigne, bien qu’elle soit ressuscitée le troisième jour après. Tantôt nous voyons en lui certains traits humains qui paraissent ne différer en rien de la fragilité commune des mortels, tantôt des traits si divins qu’ils ne conviennent à personne d’autre qu’à la nature première et ineffable de la divinité : aussi l’entendement humain reste immobile par suite de son étroitesse et frappé d’une telle stupéfaction qu’il ignore où aller, que tenir, vers où se tourner. Pense-t-il le Dieu, il voit le mortel. Pense-t-il l’homme, il l’aperçoit, ayant vaincu le règne de la mort, revenir des morts avec ses dépouilles. C’est pourquoi ce mystère doit être contemplé en toute crainte et révérence pour montrer en un seul et même être la vérité de chaque nature, afin de ne rien penser d’indigne et d’indécent sur cet être substantiel divin et ineffable, ni juger au contraire que ce qu’il a fait soit l’illusion d’une imagination fausse. Exposer cela à des oreilles humaines et l’expliquer par des paroles excède de beaucoup les possibilités de notre mérite, de notre talent et de notre discours. Je juge que cela dépasse même la mesure des saints apôtres : bien mieux l’explication de ce mystère est peut-être au-dessus des puissances célestes de toute la création. Ce n’est pas cependant par témérité, mais parce que la suite du développement le demande, que nous exposerons en peu de mots, plutôt ce que notre foi contient que ce que les assertions de la raison humaine pourraient revendiquer, en présentant davantage ce que nous supposons que des affirmations manifestes. Donc le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, le visible et l’invisible, comme nous l’a appris plus haut cette discussion, a fait toute chose, selon l’attestation de l’Écriture, et aime tout ce qu’il a fait. Car, alors que du Dieu invisible il est lui-même l’image invisible, il a donné à toutes les créatures raisonnables de participer à lui de telle sorte que chaque créature adhère à lui par le sentiment de l’amour dans la mesure où elle participe davantage à lui. Mais puisque la faculté du libre arbitre a mis une variété et une diversité parmi les intelligences, les unes ayant un amour plus ardent envers leur créateur, les autres un amour plus faible et plus chétif, cette âme, dont Jésus dit : Personne ne m’ôte mon âme, adhérant à lui depuis sa création et dans la suite d’une manière inséparable et indissociable, comme à la Sagesse et à la Parole de Dieu, à la Vérité et à la Vraie Lumière, le recevant tout entier en elle tout entière et se changeant en sa lumière et en sa splendeur, est devenue avec lui dans son principe un seul esprit, de même que l’apôtre a promis à ceux qui devaient imiter cette âme que : Celui qui se joint au Seigneur est un seul esprit avec lui. De cette substance de l’âme servant d’intermédiaire entre un Dieu et la chair – car il n’était pas possible que la nature d’un Dieu se mêlât à la chair sans médiateur – naît, comme nous l’avons dit, le Dieu-Homme : cette substance était l’intermédiaire, car il n’était pas contre nature pour elle d’assumer un corps. Et de même il n’était pas contre nature que cette âme, substance raisonnable, puisse contenir Dieu, puisque, nous l’avons dit plus haut, elle s’était déjà toute changée en lui, comme en la Parole, la Sagesse et la Vérité. C’est pourquoi, à bon droit, parce qu’elle était tout entière dans le Fils de Dieu ou qu’elle contenait tout entier en elle le Fils de Dieu, elle est appelée elle-même, avec la chair qu’elle a assumée, Fils de Dieu et Puissance de Dieu, Christ et Sagesse de Dieu ; et réciproquement, le Fils de Dieu par qui tout a été créé est nommé Jésus-Christ et Fils de l’homme. Car on dit que le Fils de Dieu est mort, à savoir à cause de cette nature qui pouvait parfaitement recevoir la mort ; et il est appelé Fils de l’homme, celui que l’on prêche comme devant venir dans la gloire de DieuDieu le PÈRE avec les saints anges. Pour cette raison, dans toute l’Écriture la divine nature est appelée par des vocables humains et la nature humaine est ornée des titres réservés à Dieu. Dans ce cas plus que dans tout autre, on peut dire ce qui est écrit : Ils seront les deux dans une chair une: désormais ils ne sont plus deux, mais une chair une. Car la Parole de Dieu est bien plus avec son âme dans une chair une que ce que l’on pense du mari avec son épouse. Mais à qui convient-il mieux d’être un seul esprit avec Dieu qu’à cette âme qui s’est si bien jointe à Dieu par l’amour qu’elle peut être dite à bon droit un seul esprit avec lui. La perfection de l’amour et la sincérité d’une affection pure ont fait l’unité inséparable de cette âme avec un Dieu, tellement que l’assomption de cette âme n’est pas le produit du hasard ni le résultat d’une partialité envers une personne, mais vient du mérite de ses vertus. C’est ce que dit le prophète s’adressant à elle : Tu as aimé la justice et haï l’iniquité: c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a ointe de l’huile de joie plus que tes participants. A cause du mérite de son amour elle est ointe de l’huile de joie, c’est-à-dire l’âme avec la Parole de Dieu devient le Christ. Etre oint de l’huile de joie ne veut pas dire autre chose qu’être rempli de l’Esprit Saint. Ce qui est dit : plus que tes participants, indique que la grâce de l’Esprit ne lui a pas été donnée comme aux prophètes, mais qu’elle avait en elle la plénitude substantielle de la Parole de Dieu, selon l’Apôtre : En qui habite corporellement la plénitude de la divinité. Et enfin il n’est pas dit seulement : Tu as aimé la justice, mais : Et tu as haï l’iniquité. Haïr l’iniquité revient à ce que l’Écriture dit du Christ : Il n’a pas commis de péché et on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche, et : Il a été éprouvé en tout de manière semblable sans péché. Mais le Seigneur lui-même dit : Qui de vous me convainc de péché ? De nouveau il dit de lui-même : Voici que vient le prince de ce monde et en moi il ne trouve rien. Tout cela montre qu’il n’y a en lui aucune pensée de péché. Le prophète exprime avec plus de clarté encore que jamais aucune pensée d’iniquité n’est entrée en lui quand il dit : Avant que l’enfant ait su appeler son père ou sa mère, il s’est détourné de l’iniquité. Traité des Principes: Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section

Après les exposés que nous avons faits au début du livre sur le PÈRE, le Fils et le Saint Esprit, selon que le demandait le sujet, il nous a paru bon de revenir sur ces points et de montrer que le même Dieu est le créateur et artisan du monde et le PÈRE de notre Seigneur Jésus-Christ, c’est-à-dire que le Dieu de la loi et des prophètes et celui des l’Évangiles sont un seul et même Dieu ; ensuite il a fallu indiquer au sujet du Christ que celui qui avait été désigné plus haut comme la Parole et la Sagesse de Dieu a été fait dans la suite comme un homme ; il nous reste à revenir, le plus brièvement possible, sur le Saint Esprit. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique

L’Évangile dit des intendants déshonnêtes qu’ils seront coupés en deux et qu’une partie d’eux sera mise parmi les infidèles, comme si cette partie qui ne leur serait pas propre serait à mettre ailleurs : il indique sans aucun doute la manière dont sont châtiés ceux dont, à ce qu’il me semble, l’esprit est représenté comme devant être séparé de l’âme. Si cet esprit est à comprendre comme étant de nature divine, c’est-à-dire l’Esprit Saint, nous penserons que cela est dit du don de l’Esprit Saint : donné soit par le baptême, soit par la grâce de l’Esprit – puisqu’à quelqu’un est donnée la parole de sagesse ou la parole de connaissance ou d’un autre don quel qu’il soit -, s’il n’a pas été bien administré, qu’il ait été enfoui dans la terre ou enfermé dans un mouchoir, le don de l’Esprit sera assurément ôté à l’âme, et la partie qui restera, c’est-à-dire la substance de l’âme, est mise avec les infidèles, coupée et séparée de cet esprit avec lequel elle aurait dû se joindre au Seigneur pour être un seul esprit avec lui. Si cela n’est pas à entendre de l’Esprit de Dieu, mais de la nature de l’âme elle-même, ce qui est dit sa partie supérieure est ce qui a été fait à l’image de Dieu et à sa ressemblance, et l’autre partie est celle qu’elle a assumée dans la suite à cause de la chute du libre arbitre, contrairement à la nature de sa création première et de sa pureté première : c’est cette partie en tant qu’elle est amie de la matière corporelle et aimée d’elle qui sera punie en recevant le sort des infidèles. On peut enfin comprendre en un troisième sens cette division : chacun des fidèles, même le plus petit dans l’Église, est assisté par un ange selon l’Écriture, et le Sauveur rapporte que cet ange voit toujours la face de Dieu le PÈRE; cet ange, qui ne faisait en quelque sorte qu’un avec celui qu’il gouvernait, lui est ôté par Dieu d’après ce qui est dit, si son pupille s’en rend indigne par sa désobéissance; et alors la partie, c’est-à-dire la partie de nature humaine, arrachée de sa partie divine, est envoyée avec les infidèles, parce qu’elle n’a pas gardé fidèlement les avertissements de l’ange qui lui avait été attribué par Dieu. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Seconde section

Mais, je ne sais comment, des hérétiques, sans comprendre la signification que l’Apôtre met dans ces paroles, calomnient ce terme soumission en ce qui concerne le Fils : si on cherche la signification du mot, on pourra la trouver facilement en partant de son contraire. Car si la soumission n’est pas un bien, il s’ensuit que son contraire, l’insoumission, est un bien. La parole de l’Apôtre : Lorsque tout lui sera soumis, alors le Fils lui-même sera soumis à celui qui lui a soumis toutes choses, paraît montrer, selon la signification que ces hérétiques lui donnent, que celui qui maintenant n’est pas soumis à son PÈRE, lui sera soumis lorsque auparavant le PÈRE lui aura soumis toutes choses. Mais je m’étonne qu’on puisse comprendre cela ainsi : si, tant que tout ne lui est pas soumis, il n’est pas lui-même soumis, alors, lorsque tout lui sera soumis, lorsqu’il sera devenu roi de tout et qu’il aura pouvoir sur l’univers, il se soumettra, selon ce qu’ils pensent, alors qu’il ne l’a pas fait auparavant. Ils ne comprennent pas que la soumission du Christ à son PÈRE montre la béatitude qui viendra de notre perfection et exprime l’achèvement victorieux de l’oeuvre qu’il a entreprise, lorsqu’il offre à son PÈRE non seulement le plus haut degré de l’art de gouverner et de régner, qu’il a purifié dans toute la création, mais encore les règles de conduite de l’obéissance et de la soumission, corrigées et restaurées dans tout le genre humain. Si donc on comprend comme bonne et salutaire la soumission par laquelle le Fils est, selon ce qui est dit, soumis à son PÈRE, il s’ensuit de façon très logique et cohérente qu’il faut entendre comme salutaire et utile ce qui est appelé la soumission des ennemis au Fils de Dieu : dans ce qu’on appelle la soumission du Fils au PÈRE est affirmée la restauration parfaite de toute la création ; pareillement dans la soumission des ennemis au Fils de Dieu, on comprend le salut en lui de ceux qui sont soumis et le rétablissement de ceux qui sont perdus. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Première section

Là-dessus certains se demandent si l’essence de la nature corporelle, bien que complètement purifiée et devenue totalement spirituelle, ne fera pas alors obstacle, à ce qu’il semble, à la dignité de la similitude et à l’unité au sens propre, puisque, comme la nature divine est certes principalement incorporelle, celle qui est dans un corps ne paraît pas pouvoir lui être dite semblable, ni être déclarée une avec elle, surtout lorsque la vérité de notre foi enseigne qu’il faut rapporter l’unité du Fils avec le PÈRE à leur nature propre. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Puisque nous trouvons chez l’apôtre Paul une mention du corps spirituel, recherchons, comme nous le pouvons, ce qu’il faut penser à ce sujet. Autant que notre intelligence peut le comprendre, nous pensons que la qualité d’un corps spirituel doit permettre non seulement aux âmes saintes et parfaites de l’habiter, mais encore à toutes ces créatures qui seront libérées de la servitude de la corruption. De ce corps l’Apôtre dit aussi que nous avons une maison non faite de main d’homme, éternelle dans les deux, c’est-à-dire dans les demeures des bienheureux. De cela nous pouvons conjecturer la pureté, la subtilité et la gloire qui seront les qualités de ce corps, si nous le comparons à ceux qui maintenant, bien qu’ils soient des corps célestes et très resplendissants, sont cependant faits par la main et visibles. Au contraire il est dit de celui-là qu’il est une maison non faite de main d’homme, mais éternelle dans les deux. Puisque donc le visible est temporel, l’invisible éternel, tous ces corps que nous voyons soit sur terre soit dans les cieux, qui peuvent être vus, qui sont faits par la main et ne sont pas éternels, sont dépassés de très loin par celui-là qui n’est pas visible ni fait de main d’homme, mais est éternel. A partir de cette comparaison, on peut soupçonner la beauté, la splendeur et l’éclat du corps spirituel ; il est vrai, comme c’est écrit, que l’oeil n’a pas vu ni l’oreille entendu, qu’il n’est pas encore monté jusqu’au coeur de l’homme ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. Il n’est pas douteux que la nature de ce corps qui est nôtre, par la volonté de Dieu qui l’a créée ainsi, pourra parvenir par l’action du Créateur à cette qualité de corps très subtil, très pur et très resplendissant, selon que l’état des choses l’exigera et que les mérites de la nature raisonnable le demanderont. En fait, lorsque le monde a eu besoin de variété et de diversité, la matière s’est livrée en toute disponibilité dans les différents aspects et espèces des choses à celui qui l’a faite, puisqu’il est son seigneur et son créateur, pour qu’il puisse tirer d’elle les formes diverses des êtres célestes et terrestres. Mais lorsque tous les êtres commenceront à se hâter à devenir tous un comme le PÈRE est un avec le Fils, il faut comprendre logiquement que là où tous seront un, il n’y aura plus de diversité. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Pour ne pas nous attarder plus longtemps à parler du Juif dans le secret et de l’homme intérieur Israélite, tout cela suffisant pour ceux qui ne sont pas sans acuité, nous continuons selon notre propos et nous disons que Jacob fut le père des douze patriarches, ceux-ci des chefs de clans et ces derniers des Israélites qui leur ont succédé. Ainsi les Israélites corporels remontent aux chefs de clans, les chefs de clans aux patriarches, les patriarches à Jacob et à ses ancêtres ; mais les Israélites intelligibles, dont les corporels étaient des figures, ne viennent-ils pas des clans, les clans provenant de tribus et les tribus d’un seul homme qui n’a pas eu une naissance corporelle habituelle mais une meilleure, car il a été engendré par Isaac, qui descendait d’Abraham, tous remontant à Adam, que l’Apôtre dit être le Christ ? Le début de chacune des lignées de ceux qui sont les descendants du Dieu de l’univers, remonte au Christ qui, après le Dieu et PÈRE de l’univers, est ainsi le père de tous les hommes, comme Adam est le père de tous les hommes. Si Eve a été prise par Paul comme une allégorie de l’Église, il n’y a rien d’étonnant, puisque Caïn est né d’Eve et que toute sa postérité remonte à Eve, à y voir des images de l’Église, car tous proviennent de l’Église en premier lieu. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Viennent cependant au premier rang dans ce recensement sacré ceux qui sont prêts à soutenir les guerres d’Israël, qui peuvent combattre contre ces forces hostiles et ennemies que le PÈRE a soumises au Fils siégeant à sa droite pour qu’il détruise toute principauté et puissance ; ainsi, par ces formations de soldats qui sont siens et, militant pour Dieu, ne se mêlent pas des affaires séculières, il bouleverse les royaumes de l’adversaire. Ils portent autour d’eux les boucliers de la foi, brandissant les traits de la sagesse ; sur eux brillent le casque de l’espérance dans le salut et la cuirasse de la charité protège leur poitrine pleine de Dieu. Tels sont les soldats qui me semblent ainsi indiqués, et ainsi sont préparés à ce genre de guerre ceux qui reçoivent l’ordre de se faire recenser dans les livres saints. Mais parmi eux sont désignés comme beaucoup plus insignes et parfaits ceux dont il est dit que même les cheveux de leur tête sont comptés. Quant à ceux qui ont été punis pour leurs péchés et dont les corps sont tombés dans le désert, ils paraissent symboliser ceux qui ont accompli des progrès appréciables sans pouvoir aller jusqu’au bout dans la perfection pour diverses causes : pour avoir murmuré, vénéré des idoles, forniqué, comme le dit l’Écriture, ou pour autre chose qu’il n’est pas permis à l’intelligence de concevoir. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Récapitulation sur le PÈRE, le Fils l’Esprit Saint et les autres points qui ont été traités plus haut: Le moment est venu, après avoir parcouru selon nos forces tout ce qui a été dit plus haut, de récapituler en guise de rappel chacun des points que nous avons traités séparément et d’abord de revenir sur le PÈRE, le Fils et l’Esprit Saint. Puisque Dieu le PÈRE est invisible et inséparable de son Fils, il n’a pas engendré le Fils par prolation comme certains le pensent. En effet si le Fils est une prolation du PÈRE, comme ce mot de prolation exprime une génération semblable au mode ordinaire de reproduction des animaux ou des hommes, il faut nécessairement que celui qui a mis au jour et celui qui a été mis au jour soient corps. Nous ne disons donc pas, comme le pensent les hérétiques, qu’une partie de la substance de Dieu se soit changée en fils ou que le Fils a été procréé par le PÈRE à partir de rien, c’est-à-dire en dehors de sa substance, de telle sorte qu’il fut un moment où il n’était pas, mais nous disons, en supprimant toute signification corporelle, que la Parole et Sagesse est née du PÈRE invisible et incorporel, sans que rien ne se produise corporellement, comme la volonté procède de l’intelligence. Il ne paraîtra pas absurde, puisqu’il est appelé fils de la charité, de penser qu’il est pareillement fils de la volonté. Mais Jean indique aussi que Dieu est lumière, et Paul montre que le Fils est le rayonnement de la lumière éternelle. De même que jamais la lumière n’a pu exister sans son rayonnement, de même le Fils ne peut être compris sans le PÈRE, lui qui est appelé l’empreinte et l’expression de sa substance, sa Parole et sa Sagesse. Comment peut-il être dit qu’il fut un moment où le Fils n’aurait pas été ? Cela revient à dire qu’il fut un moment où la Vérité n’aurait pas été, où la Sagesse n’aurait pas été, où la Vie n’aurait pas été, alors que dans tous ces aspects est dénombrée parfaitement la substance du PÈRE. Ils ne peuvent pas être séparés de lui et ne peuvent jamais être séparés de sa substance. Bien qu’on dise qu’ils sont multiples sous le regard de l’intelligence, ils sont un par leur substance et en eux se trouve la plénitude de la divinité. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Nous avons ensuite montré, comme nous l’avons pu, dans les pages précédentes, que tout ce qui est a été fait par Dieu et que rien n’existe qui n’ait été fait excepté la nature du PÈRE, du Fils et de l’Esprit Saint ; en outre que Dieu, qui est bon par nature, voulant avoir des êtres à qui manifester ses bienfaits, des êtres qui se réjouiraient de les avoir reçus, a fait des créatures dignes de lui, c’est-à-dire qui puissent le comprendre dignement : il dit d’elles qu’il a engendré des fils. Il a fait ainsi toutes choses avec nombre et mesure : rien en effet n’est pour Dieu sans limite et sans mesure. Par sa puissance, Dieu comprend toutes choses et lui-même n’est compris par aucune intelligence créée. Sa nature est connue de lui seul. Seul en effet le PÈRE connaît le Fils et seul le Fils connaît le PÈRE et seul le Saint Esprit scrute même les profondeurs de Dieu. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section