La première chose qui apparaît avec évidence c’est qu’il est composé, dans sa variété et sa diversité, des natures raisonnables plus proches du divin et de différents corps, mais encore des animaux muets, bêtes sauvages, bestiaux, OISEAUX, de tout ce qui vit dans les eaux, ensuite de divers lieux, le ciel ou les cieux, la terre, l’eau, et encore l’air qui est entre ciel et terre, ou ce qu’on appelle l’éther, enfin de tout ce qui procède et naît de la terre. Puisqu’il y a une telle variété dans le monde et une telle diversité dans les êtres animés raisonnables eux-mêmes, qui semblent être le motif de toute la variété et la diversité qui existent chez les autres êtres, peut-on trouver une autre cause à l’existence du monde, surtout si nous considérons la fin qui restaurera tout dans l’état initial, selon les discussions du livre précédent ? Si tout cela a été dit avec logique, peut-on trouver une autre cause que la diversité et la variété des mouvements et des chutes de ceux qui tombèrent de l’unité et de la concorde initiales, état primitif de leur création par Dieu ? Eloignés de cette situation de bonté par leurs troubles et leurs déchirements, par les agitations des divers mouvements et désirs de leurs intelligences, ils divisèrent cette bonté unique et indistincte de leur nature dans les qualités diverses des intelligences par suite de la diversité de leurs inclinations. Livre II: Troisième traité (II, 1-3): « Le monde et les créatures qui s’y trouvent »
Maintenant la suite des idées demande de rechercher en général ce qu’est l’âme et de commencer par les êtres inférieurs pour monter aux supérieurs. Personne n’hésite à dire, je le crois, qu’il y a des âmes dans tous les êtres animés, même dans ceux qui vivent dans les eaux. C’est là l’opinion commune de tous et elle s’appuie sur l’Écriture sainte lorsqu’elle dit : Dieu fit les grands cétacés et toutes les âmes des animaux qui rampent, produits par les eaux selon leurs genres. Cela est confirmé à partir de la raison commune par ceux qui en donnent une définition en termes précis. En effet l’âme est définie comme une substance phantastikè et hormètikè (principe des imaginations et des impulsions), ce que l’on peut dire en latin, dans une traduction pas tout à fait exacte, sensibilis et mobilis (principe de sensibilité et de mouvement). Cette définition convient parfaitement à tous les animaux, y compris les aquatiques ; et elle s’adapte convenablement aux OISEAUX. L’Écriture y ajoute l’autorité d’une autre proposition : Vous ne mangerez pas le sang, parce que le sang est l’âme de toute chair et vous ne mangerez pas l’âme avec les chairs. Là elle désigne en toute évidence le sang des animaux comme leur âme. Mais si quelqu’un demande, puisqu’elle a dit que l’âme de toute chair est son sang, ce qu’il en est des abeilles, guêpes et fourmis, des huîtres et des coquillages qui sont dans les eaux, et de tout autre être qui manque de sang, mais est de façon tout à fait manifeste un être animé, il faut répondre que le rôle qu’a chez les autres animaux la force du sang rouge est rempli chez eux par le liquide qui est en eux, bien qu’il soit d’une autre couleur; peu importe la couleur, pourvu qu’il y ait substance vitale. Des bêtes de somme et des bestiaux, il n’y a pas de doute dans l’opinion commune sur leur caractère d’êtres animés. Cela est clair aussi à partir du témoignage de l’Écriture divine puisque Dieu dit : Que la terre produise l’âme vivante selon son genre, les quadrupèdes, reptiles et bêtes de la terre selon leurs genres. En ce qui concerne l’homme il n’y a aucun doute et personne ne se pose de question ; cependant l’Écriture divine l’affirme en ces termes : Dieu insuffla sur son visage un souffle de vie et l’homme fut fait en âme vivante. Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section
Maintenant nous appelons monde tout ce qui est soit au-dessus des cieux, soit dans les cieux, soit sur la terre, soit dans ce qu’on nomme l’Hadès, soit tous les lieux absolument qui existent et ceux qu’on dit habiter dans ces lieux : on appelle donc monde l’univers. Dans ce monde il y a des êtres dits supracélestes, habitant des demeures d’une béatitude plus grande et revêtus de corps plus célestes et plus lumineux ; parmi eux on trouve beaucoup de degrés, comme, par exemple, ce qu’a dit l’Apôtre : Autre est la gloire du soleil, autre celle de la lune, autre celle des étoiles, car une étoile diffère d’une autre en gloire. Il y a aussi des êtres terrestres, très différents les uns des autres, parmi les hommes eux-mêmes : il y a des barbares, des Grecs, et parmi les barbares les uns sont plus cruels et féroces, les autres plus doux. Certains obéissent à des lois excellentes, d’autres à des lois méprisables et dures, d’autres suivent des coutumes inhumaines et sauvages plutôt que des lois. Certains vivent dans l’humiliation dès leur naissance, sont soumis à d’autres et élevés en esclaves, ou sont placés sous le pouvoir de maîtres, de princes ou de tyrans, mais d’autres reçoivent une éducation plus libérale et plus raisonnable ; certains possèdent la santé du corps, d’autres sont malades dès leur jeune âge, privés de la vue, de l’ouïe ou de la parole, soit qu’ils soient nés ainsi, soit qu’ils aient perdu ces sens sitôt après la naissance ou qu’ils aient souffert quelque chose de semblable étant déjà à l’âge adulte. Vaut-il la peine de développer et d’énumérer toutes les calamités des misères humaines dont les uns sont exempts et les autres atteints, puisque chacun peut, et encore en lui-même, les considérer et les évaluer une par une. H y a aussi des puissances invisibles à qui est confié le gouvernement de ce qui est sur terre ; et on peut croire que même chez elles on trouve des différences non négligeables, aussi bien que chez les hommes. Certes l’apôtre Paul parle aussi d’êtres infernaux et on peut chercher sans aucun doute chez eux la cause d’une diversité semblable. Il paraît superflu d’étendre cette recherche aux animaux sans parole, aux OISEAUX et à ceux qui habitent dans les eaux, puisqu’il est certain qu’on ne doit pas les considérer comme des êtres premiers, mais comme des êtres d’origine seconde. Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section
Puisqu’il y a des hérétiques qui croient être fort instruits et fort sages, nous leur demanderons si tout corps possède une apparence extérieure, c’est-à-dire s’il est formé suivant un certain état. S’ils disent qu’il y a un corps qui n’est pas formé suivant un certain état, ils paraîtront les plus ignorants et ineptes des hommes. Personne ne niera cela, à moins d’être étranger à toute instruction. S’ils disent, selon le bon sens, que tout corps est formé suivant un certain état, nous leur deman-derons s’ils peuvent montrer et décrire l’état d’un corps spirituel : ils ne peuvent certes pas le faire. Et nous leur demanderons alors quelles sont les différences qui dis-tinguent ceux qui ressuscitent. Comment montreront-ils la vérité de cette parole : Autre est la chair des OISEAUX, autre celle des poissons; il y a des corps célestes et des corps terrestres; autre est la gloire des célestes, autre celle des terrestres; autre est la gloire du soleil, autre celle de la lune, autre celle des étoiles; car une étoile diffère d’une autre en gloire; ainsi en sera-t-il de la résurrection des morts ? En relation avec ces corps célestes, qu’ils nous montrent les différences de gloire de ceux qui ressuscitent, et s’ils se sont efforcés d’une certaine manière de trouver quelque raison aux différences qui existent entre les corps célestes, nous leur demanderons d’indiquer aussi, par comparaison avec les corps terrestres, les différences qui se trouvent dans la résurrection. Nous, de notre côté, nous comprenons que l’Apôtre pour décrire les différences entre ceux qui ressuscitent pour la gloire, c’est-à-dire entre les saints, a utilisé la comparaison des corps célestes en ces termes : Autre est la gloire du soleil, autre celle de la lune, autre celle des étoiles. Et ensuite pour nous instruire des différences qui existent entre ceux qui arrivent à la résurrection sans purification, c’est-à-dire entre les pécheurs, il prend un exemple terrestre en disant : Autre est la chair des OISEAUX, autre celle des poissons. Il est digne de comparer les êtres célestes aux saints, les êtres terrestres aux pécheurs. Que tout cela soit dit pour s’opposer à ceux qui nient la résur-rection des morts c’est-à-dire la résurrection des corps. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Première section
Tel était le désir, je pense, qu’exprimait comme sien celui qui disait : Je suis pris dans une alternative, ayant le désir de mourir pour être avec le Christ, ce qui serait de beaucoup préférable. Il savait qu’alors, quand il serait retourné au Christ, il connaîtrait les raisons de tout ce qui se passe sur la terre, concernant l’homme, son âme et son intelligence, les éléments dont l’homme est composé, la nature de l’esprit principal, de l’esprit qui opère, de l’esprit vital, de la grâce du Saint Esprit donnée aux fidèles. Alors il comprendra la signification d’Israël, de la diversité des nations, des douze tribus en Israël et de chaque clan dans chaque tribu. Il comprendra encore alors la raison des prêtres, des lévites et des différentes classes sacerdotales, il verra ce qui était symbolisé dans Moïse, il saura même quelle est auprès de Dieu la vérité des jubilés et les semaines d’années. Il verra aussi la raison des jours de fêtes et des fériés, les causes des sacrifices et des purifications. Il constatera la raison de la purification de la lèpre et de la lèpre colorée, et la purification de ceux qui souffrent de pertes séminales. Il connaîtra l’identité, la quantité et la nature des puissances bonnes et des puissances contraires, l’affection des premières pour les hommes, la jalousie combattante des secondes. Il verra encore la nature des âmes, la diversité des êtres animés, que ce soit les animaux aquatiques, les OISEAUX ou les bêtes sauvages, la cause qui divise chaque genre en des espèces si nombreuses, le but du créateur, la signification cachée que sa sagesse donne à tous ces êtres. Il connaîtra aussi la raison qui attache certaines vertus à des racines et à des herbes et qui les refuse au contraire à d’autres herbes ou racines; de même la raison des anges apostats et la cause pour laquelle, par ceux qui ne les méprisent pas de toute leur foi, ils peuvent être flattés d’une certaine façon et être pour eux cause d’égarement et de tromperie. Il apprendra les jugements de la divine providence sur chacun de ces êtres, sur les accidents qui se produisent chez les hommes et ne sont pas l’effet du sort ou du hasard, mais d’une raison si bien pesée et si difficile qu’elle ne perd pas de vue même le nombre des cheveux, non seulement des saints, mais encore de tous les hommes : cette raison de la providence s’étend jusqu’aux deux passereaux qui sont vendus pour un denier, que l’on entende ces deux passereaux au sens spirituel ou même selon la lettre. Maintenant on se pose encore des questions à ces sujets, mais alors là-haut on en aura la vision claire. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section