Mais c’est en voulant montrer en nous les bienfaits divins qui nous viennent par le Père, le Fils et l’Esprit Saint, Trinité qui est la source de toute sainteté, que nous avons dit cela comme par digression et que nous avons cru pouvoir toucher, quoique sommairement, la question de l’âme parce qu’elle s’était présentée, en traitant d’un sujet proche, à savoir de la nature raisonnable. Nous en discuterons cependant plus opportunément quand nous parlerons de toutes les NATURES RAISONNABLES et de leurs trois genres et espèces, si Dieu, par Jésus-Christ et le Saint Esprit, nous l’accorde. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Après avoir discuté brièvement, dans la mesure de nos forces, du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, il convient de parler ensuite un peu des NATURES RAISONNABLES et de leurs espèces, des différents ordres et offices des puissances saintes et des puissances mauvaises, et aussi de ceux qui sont en quelque sorte intermédiaires entre les bonnes et les mauvaises puissances et se trouvent encore en situation de lutte et de combat. Nous lisons dans les saintes Écritures de nombreux noms pour désigner certains ordres et offices, tant des puissances saintes que des puissances contraires : nous les énumérerons et nous chercherons dans la mesure du possible à discuter leur signification. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section
En ce contexte où nous discutons des NATURES RAISONNABLES, il ne convient pas de nous taire sur nous, les hommes, qui assurément sommes dits nous aussi des vivants raisonnables : et il ne faut pas passer sous silence que divers ordres sont nommés parmi nous, les hommes, lorsqu’il est parlé de portion du Seigneur, de son peuple Jacob, de la part de son héritage, Israël, et que les autres nations sont appelées la part des anges, car lorsque le Très-Haut divisait les nations et dispersait les fils d’Adam, il fixa les frontières des nations selon le nombre des anges de Dieu. Et c’est pourquoi, de même que pour les autres NATURES RAISONNABLES, il faut examiner ce qu’est l’âme humaine. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section
Ce dont nous avons disserté plus haut a été exposé sous la forme d’un développement de caractère général : nous avons traité et discuté des NATURES RAISONNABLES davantage par compréhension d’ordre logique que par définition dogmatique, après avoir parlé, dans la mesure de nos forces, du Père, du Fils et de l’Esprit Saint. Voyons maintenant ce qu’il convient de traiter ensuite selon notre doctrine, c’est-à-dire selon la foi de l’Église. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section
Toutes les âmes, toutes les NATURES RAISONNABLES, ont été faites ou créées, qu’elles soient saintes ou mauvaises. Toutes, de leur nature propre, sont incorporelles : bien qu’elles soient telles, elles n’en ont pas moins été créées. En effet tout a été fait par Dieu par le moyen du Christ, comme Jean l’enseigne dans son évangile de la manière la plus générale : Dans le Principe était la Parole et la Parole était auprès de Dieu et la Parole était Dieu. Elle était dans le Principe auprès de Dieu. Tout a été fait par elle et sans elle rien n’a été fait. Décrivant tout ce qui a été fait suivant les espèces, les nombres et les ordres, l’apôtre Paul s’exprime ainsi pour montrer que tout a été fait par le moyen du Christ : Et tout a été créé en lui, ce qui est au ciel et ce qui est sur la terre, le visible et l’invisible, que ce soit les Trônes, les Dominations, les Principautés et les Puissances, tout a été créé par son intermédiaire et en lui, et il est lui-même avant tous, il est lui-même la tête. Il affirme donc clairement que tout a été fait et créé dans le Christ et par le moyen du Christ, que ce soit le visible qui est le corporel, que ce soit l’invisible, c’est-à-dire à mon avis les puissances incorporelles et substantielles. Ensuite, à ce qu’il me semble, il énumère les espèces des êtres qu’il avait déclarés en général corporels ou incorporels, c’est-à-dire les Trônes, Dominations, Principautés, Puissances, Vertus. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section
La première chose qui apparaît avec évidence c’est qu’il est composé, dans sa variété et sa diversité, des NATURES RAISONNABLES plus proches du divin et de différents corps, mais encore des animaux muets, bêtes sauvages, bestiaux, oiseaux, de tout ce qui vit dans les eaux, ensuite de divers lieux, le ciel ou les cieux, la terre, l’eau, et encore l’air qui est entre ciel et terre, ou ce qu’on appelle l’éther, enfin de tout ce qui procède et naît de la terre. Puisqu’il y a une telle variété dans le monde et une telle diversité dans les êtres animés raisonnables eux-mêmes, qui semblent être le motif de toute la variété et la diversité qui existent chez les autres êtres, peut-on trouver une autre cause à l’existence du monde, surtout si nous considérons la fin qui restaurera tout dans l’état initial, selon les discussions du livre précédent ? Si tout cela a été dit avec logique, peut-on trouver une autre cause que la diversité et la variété des mouvements et des chutes de ceux qui tombèrent de l’unité et de la concorde initiales, état primitif de leur création par Dieu ? Eloignés de cette situation de bonté par leurs troubles et leurs déchirements, par les agitations des divers mouvements et désirs de leurs intelligences, ils divisèrent cette bonté unique et indistincte de leur nature dans les qualités diverses des intelligences par suite de la diversité de leurs inclinations. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): « Le monde et les créatures qui s’y trouvent »
Sur ce point certains se demandent souvent si, de même que le Père engendre le Fils et profère l’Esprit Saint, non comme s’ils étaient des êtres qui n’existaient pas auparavant, mais en tant que le Père est l’origine et la source du Fils et du Saint Esprit, puisqu’on ne peut penser qu’il y a en eux un avant ou un après, on ne pourrait pas entendre de même l’association et la parenté qui existent entre les NATURES RAISONNABLES et la matière corporelle. Pour faire une recherche plus complète et plus soigneuse, ils passent à un autre problème dès le début de la discussion et se demandent si cette même nature corporelle qui sert de support à la vie des intelligences spirituelles et raisonnables, et rend possibles leurs mouvements, perdure de la même éternité qu’eux, ou au contraire si elle périra et sera complètement détruite. Pour saisir la question avec plus de minutie, il faut rechercher d’abord, semble-t-il, s’il est possible que les NATURES RAISONNABLES restent tout à fait incorporelles, lorsqu’elles parviennent au sommet de la sainteté et de la béatitude, ce qui me semble très difficile et presque impossible ; ou s’il est nécessaire qu’elles soient toujours unies à des corps. Si on pouvait montrer la raison qui fonde la possibilité pour ces âmes d’être complètement dépourvues de corps, il paraîtrait logique de penser que la nature corporelle a été créée à partir du néant par intervalles ; de même qu’elle a été faite alors qu’elle n’existait pas, de même elle cesserait d’être lorsque son office ne serait plus utile. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): L’éternité de la nature corporelle
S’il est vraiment impossible de faire une telle affirmation, c’est-à-dire de soutenir qu’une nature pourrait vivre sans corps, une nature autre que celle du Père, du Fils et du Saint Esprit, la logique et la raison obligent nécessairement à comprendre que les NATURES RAISONNABLES ont été créées comme ce qui est principal, mais que la substance matérielle semble être distinguée d’elles seulement par l’opinion ou par la pensée, qu’elle a été faite pour elles ou après elles, et que cependant les NATURES RAISONNABLES, autrefois comme maintenant, ne vivent jamais sans substance matérielle : car la vie incorporelle est, semble-t-il, le privilège de la Trinité seule. Comme nous l’avons dit plus haut cette substance matérielle a une nature apte à se transformer de tout en tout : lorsqu’elle est employée pour les êtres inférieurs, elle prend la forme d’un corps plus épais et plus solide, et par là sont distinguées les espèces visibles et variées du monde ; mais quand elle est utilisée par les êtres parfaits et bienheureux, elle brille dans la splendeur des corps célestes, et orne du vêtement du corpcorps spirituel les anges de Dieu et les fils de la Résurrection : c’est avec tous ces derniers que parvient à sa perfection l’état divers et varié du monde unique. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): L’éternité de la nature corporelle
Mais voyons les difficultés qui se présentent à ceux qui raisonnent ainsi. Si la nature corporelle est complètement détruite, il paraîtra nécessaire de la restaurer et de la créer une seconde fois, car il semble possible que les NATURES RAISONNABLES, à qui n’est jamais ôtée la faculté du libre arbitre, puissent de nouveau être soumises à quelques mouvements, et Dieu peut le permettre de peur que, s’ils restaient toujours dans un état d’immobilité, ils perdent de vue que leur maintien dans l’état final de béatitude vient de la grâce de Dieu et non de leur vertu. Ces mouvements entraîneraient de nouveau sans aucun doute la variété et la diversité des corps, qui ornent toujours le monde, car jamais un monde ne pourra être composé d’autre chose que de variété et de diversité : cela ne peut se faire en aucune façon sans la matière corporelle. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): Le commencement de ce monde et ses causes
Nous avons esquissé comme nous avons pu les comprendre ces trois opinions sur la fin de toutes choses et la béatitude suprême : que chaque lecteur juge en lui-même avec diligence et minutie, s’il veut en approuver et en choisir une. Il est dit qu’on pense pouvoir mener une vie incorporelle quand tout aura été soumis au Christ et par le Christ à Dieu le Père, lorsque Dieu sera tout en tous ; ou bien cependant que lorsque tout sera soumis au Christ et par le Christ à Dieu, avec qui les NATURES RAISONNABLES formeront un seul esprit, puisqu’elles sont des esprits, la substance corporelle elle-même associée à des esprits excellents et très purs brillera, changée dans un état éthéré selon la qualité ou les mérites de ceux qui l’assument, d’après cette parole de l’Apôtre : Nous aussi nous serons changés ; ou encore que, lorsque la condition des choses qui se voient aura passé, toute corruptibilité ayant été rejetée et purifiée et tout l’état de ce monde, où l’on dit que se trouvent les sphères des planètes, ayant été dépassé et transcendé, c’est au-dessus de la sphère dite des étoiles fixes que la demeure des pieux et des bienheureux sera établie, comme dans la bonne terre, la terre des vivants, que recevront les paisibles et les doux. A cette terre correspond le ciel qui l’entoure et l’enferme comme dans une enceinte plus magnifique, le ciel au sens strict et premier. Dans ce ciel et dans cette terre trouveront place l’achèvement et la perfection de toutes choses d’une manière stable, sûre et très durable. C’est là que ceux qui auront été corrigés par les peines subies pour être purifiés de leurs péchés, lorsque tout aura été accompli et payé, mériteront d’habiter cette terre, et ceux qui ont obéi à la Parole de Dieu, se sont montrés capables de recevoir sa Sagesse et l’ont suivie, mériteront, selon l’Écriture, les royaumes de ce ciel ou de ces cieux. Ainsi s’accompliront ces paroles : Bienheureux les doux car ils recevront en héritage la terre. Bienheureux les pauvres par l’esprit car ils auront l’héritage du royaume des cieux, et ce que dit le Psaume : Il t’élèvera pour que tu hérites la terre. Pour cette terre-ci on emploie l’expression descendre, pour cette terre-là, qui est en haut, celle d’être élevé. Il semble ainsi que soit ouvert par les progrès des saints comme un chemin de cette terre-là à ces cieux-là : ils ne paraissent pas tant devoir rester dans cette terre que l’habiter, pour passer ensuite, lorsqu’ils auront fait quelque progrès, à l’héritage du royaume des cieux. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): Le commencement de ce monde et ses causes
Mais puisque ces NATURES RAISONNABLES, qui au début ont été faites, comme nous l’avons dit plus haut, ont été créées alors qu’elles n’existaient pas auparavant, elles sont, puisqu’elles n’existaient pas et qu’elles ont commencé à être, nécessairement convertibles et changeantes : en effet la puissance qui était en elle et en faisait des êtres substantiels, elles ne la possédaient pas par nature, mais par un bienfait du créateur. Ce qu’elles sont n’est pas en elles propre et éternellement durable, mais donné par Dieu : il n’a pas toujours été et ce qui a été donné peut être enlevé ou régresser. La cause de cette régression sera en lui, si les mouvements des intelligences ne sont pas dirigés de manière convenable et louable. Car le créateur a accordé aux intelligences créées par lui des mouvements volontaires et libres, afin que certainement le bien devienne leur propriété lorsqu’elles le conservent par leur volonté propre; mais la paresse, le dégoût de la peine à prendre pour conserver le bien, l’aversion et la négligence à l’égard des valeurs supérieures a été le début d’un éloignement du bien. Or s’éloigner du bien n’est pas autre chose que de tomber dans le mal. En effet il est certain que le mal est la privation du bien. Il arrive donc que, dans la mesure où l’on se détourne du bien, on en vient au mal dans la même proportion. Par conséquent chaque intelligence en négligeant le bien selon ses mou-vements, soit gravement soit de façon plus restreinte, était attirée dans le contraire du bien qui est sans aucun doute le mal. Il semble donc que le créateur de l’univers ait ainsi accepté comme des semences et des causes de variété et de diversité pour créer un monde divers et varié selon la diversité des intelligences, c’est-à-dire des créatures raisonnables, diversité que, je pense, elles ont produite pour la cause signalée plus haut. Quand nous parlons d’un monde divers et varié, c’est proprement ce que nous voulons indiquer. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section
Lorsque nous disons que ce monde avec toute sa diversité, telle que nous l’avons exposée plus haut, a été fait par le Dieu que nous affirmons bon, juste et très équitable, beaucoup nous font des objections et demandent d’ordinaire – surtout ceux qui viennent des écoles de Marcion, Valentin et Basilide et tiennent que les natures des âmes sont différentes – comment il peut convenir à la justice de Dieu créant le monde de donner aux uns une demeure dans les cieux, et non seulement une demeure meilleure, mais un degré d’existence plus élevé et plus glorieux, d’accorder à d’autres le principal, d’attribuer à d’autres puissances et dominations, d’offrir à d’autres les trônes éminents des tribunaux célestes, que d’autres luisent d’une façon plus éclatante et brillent de l’éclat des astres, qu’autre soit la gloire du soleil, autre la gloire de la lune, autre la gloire des étoiles, et qu’une étoile diffère d’une autre en gloire. Pour parler de façon brève et ramassée, si au Dieu créateur ne manquent ni la volonté ni la possi-bilité d’accomplir une oeuvre très grande et très bonne, qu’est-ce qui a pu l’amener dans la création des NATURES RAISONNABLES, c’est-à-dire de ceux pour qui il a été la cause de l’existence, de mettre les uns dans une condition supérieure et d’en créer d’autres au second ou au troisième degré ou même dans une condition bien inférieure ? Ces hérétiques nous opposent ensuite, au sujet des êtres terrestres, que certains reçoivent en naissant un sort plus heureux : l’un par exemple est engendré par Abraham et naît selon la promesse, un autre d’Isaac et de Rébecca; ce dernier encore dans le sein de sa mère supplante son frère et on dit qu’avant de naître il est aimé de Dieu. Ils nous objectent encore que l’un naît chez les Hébreux où il est éduqué par la loi divine, un autre chez les Grecs, hommes savants et de science non négligeable, un autre chez les Ethiopiens qui ont coutume de se nourrir de chair humaine, un autre chez les Scythes où le parricide est presque érigé en loi, ou chez les Tauriens qui immolent les étrangers. Ils nous disent : s’il y a une telle diversité de situations, si on naît dans des conditions si variées et si diverses, sans que la faculté du libre arbitre n’y intervienne – car personne ne choisit lui-même où, chez qui et dans quelle condition il naîtra -, si donc, reprennent-ils, cela n’est pas causé par la diversité des natures d’âmes, c’est-à-dire par le fait qu’une âme de nature mauvaise reçoit en partage une nation mauvaise, une âme de nature bonne une nation bonne, que reste-t-il alors, sinon d’impu-ter tout cela au hasard ? Si on accepte cette solution, le monde n’a pas été fait par Dieu et il ne faut pas croire qu’il soit régi par sa providence; en conséquence, il n’y a pas à attendre, semble-t-il, de jugement de Dieu pour les faits et gestes de chacun. Quelle est exactement la vérité dans un tel sujet ? Seul peut le savoir celui qui scrute toutes choses, même les profondeurs de Dieu. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section
9, 6. Mais nous, simples hommes, pour ne pas alimenter par notre silence l’arrogance des hérétiques, nous ferons à leurs objections les réponses qui se présentent à nous dans la mesure de nos forces. Nous avons montré fréquemment plus haut, par les affirmations que nous avons pu tirer des divines Écritures, que le Dieu créateur de l’univers est bon, juste et tout-puissant. Lorsqu’il a créé dans le principe ce qu’il a voulu créer, les NATURES RAISONNABLES, il ne les a pas créées pour une autre cause que pour lui-même, c’est-à-dire pour sa bonté. Puisqu’il a été lui-même la cause de ce qu’il allait créer et qu’il n’y avait en lui ni diversité, ni changement, ni impuissance, il les a faites toutes égales et semblables, puisqu’il n’y avait en lui aucune cause de variété et de diversité. Mais puisque les créatures raisonnables elles-mêmes, comme nous l’avons fréquemment montré et comme nous le montrerons cependant en son lieu, ont été gratifiées de la faculté du libre arbitre, la liberté de sa volonté a invité chacune à progresser par l’imitation de Dieu ou l’a entraînée dans la décadence par suite de sa négligence. Et cela a été, comme nous l’avons déjà dit auparavant, cause de diversité parmi les créatures raisonnables, sans que cela soit venu de la volonté ou du jugement du créateur, mais de la décision de la liberté propre. Mais Dieu, à qui il paraissait juste de gouverner sa créature selon son mérite, a tiré de la diversité des intelligences l’harmonie d’un monde unique, qu’il a organisé comme une seule maison où l’on doit trouver non seulement des vases d’or et d’argent, mais encore des vases de bois et de terre, les uns pour un usage honorable, les autres pour un usage méprisable, en utilisant ces divers vases que sont les âmes ou les intelligences. Et de là, à mon avis, viennent les causes de la diversité du monde, puisque la divine providence gouverne chacun suivant la variété de ses mouvements, de son entendement et de son propos. Ainsi le créateur ne peut paraître injuste, puisqu’il a disposé chacun selon son mérite d’après des causes antécédentes : on ne peut penser que le bonheur ou le malheur ou n’importe quelle condition possible à la naissance soit le fait du hasard et il n’y a pas à croire à divers créateurs créant les natures différentes des âmes. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Deuxième section
Je pense que cette expression attribuée à Dieu être tout en tout signifie aussi qu’il sera tout en chaque être. Il sera tout en chaque être en ce sens que tout ce qu’une intelligence raisonnable, purifiée de toutes les ordures des vices et nettoyée complètement de tous les nuages de la malice, peut sentir, comprendre et croire, tout cela sera Dieu, et elle ne fera rien d’autre que sentir Dieu, penser Dieu, voir Dieu, tenir Dieu, Dieu sera tous ses mouvements : et c’est ainsi que Dieu lui sera tout. Il n’y aura plus de discernement du mal et du bien, car il n’y aura plus de mal – Dieu en effet lui est tout, lui en qui il n’y a pas de mal – et celui-là ne désirera plus manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal qui est toujours dans le bien et à qui Dieu est tout. Si donc la fin restituée selon la condition initiale et la consommation des choses rapportée à leur début restaureront l’état qu’avait alors la nature raisonnable, quand elle n’avait pas besoin de manger de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, après avoir écarté tout sentiment de malice, l’avoir nettoyé pour parvenir à la propreté et à la pureté, celui-là seul qui est l’unique Dieu bon lui deviendra tout et il sera tout, non seulement en quelques-uns, ni en beaucoup, mais en tous, quand il n’y aura plus de mort, plus d’aiguillon de la mort, et absolument plus de mal : alors Dieu sera vraiment tout en tous. Mais cette perfection et cette béatitude des NATURES RAISONNABLES, certains pensent qu’elle perdurera dans l’état dont nous avons parlé, c’est-à-dire celui où tous les êtres possèdent Dieu et où Dieu est pour eux tout, si leur union avec la nature corporelle ne les en éloigne pas du tout. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section
Il faut penser que toute notre substance corporelle que voici sera menée à cet état, lorsque tout sera restauré pour être un et lorsque Dieu sera tout en tous. Il ne faut pas comprendre que tout cela s’accomplira d’un seul coup, mais peu à peu et par parties, à travers une succession de siècles sans fin et sans mesure, lorsque insensiblement et point par point l’amendement et la correction seront accomplis : les uns viendront en tête et tendront vers la perfection dans une course plus rapide, d’autres les suivront à une courte distance, d’autres enfin seront beaucoup plus loin ; ainsi à travers quantité de degrés innombrables constitués par ceux qui progressent et se réconcilient avec Dieu, d’ennemis qu’ils étaient auparavant, on parvient au dernier ennemi appelé mort et à sa destruction, pour qu’il ne soit plus ennemi. Lorsque toutes les âmes raisonnables auront été rétablies en cet état, alors la nature de notre corps que voici sera elle aussi menée à la gloire du corps spirituel. De même que, selon ce que nous voyons, parmi les NATURES RAISONNABLES, celles qui ont vécu de façon indigne à cause de leurs péchés ne sont pas différentes de celles qui ont été invitées à la béatitude à cause de leurs mérites, mais nous voyons les âmes qui étaient auparavant pécheresses, à la suite de leur conversion et de leur réconciliation avec Dieu, appelées de nouveau à la béatitude, de même faut-il penser au sujet de la nature du corps : le corps dont nous nous servons maintenant avec sa grossièreté, sa corruption et son infirmité n’est pas autre que celui dont nous nous servirons alors dans l’incorruption, la force et la gloire, mais ce sera le même qui aura rejeté les infirmités dont il souffre maintenant et se sera changé en gloire, devenu spirituel, de sorte que ce qui avait été un vase d’indignité deviendra par sa purification un vase d’honneur et une demeure de béatitude. Il faut croire qu’il subsistera toujours et immuablement dans cet état par la volonté du créateur ; nous en voyons la garantie dans cette phrase de l’apôtre Paul : Nous avons une maison non faite de main d’homme, éternelle dans les deux. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section
Toute créature donc est distinguée auprès de Dieu comme comprise dans un nombre ou mesure déterminés, c’est-à-dire le nombre pour les êtres raisonnables, la mesure pour la matière corporelle ; il était nécessaire que la nature intellectuelle se servît de corps, car on la conçoit comme muable et convertible par le fait même de sa création – ce qui en effet n’était pas et a commencé à être, par ce fait même est manifesté comme ayant une nature muable et c’est pourquoi sa vertu et sa malice ne sont pas substantielles, mais accidentelles – ; à cause de cette mutabilité et convertibilité de la nature raisonnable déjà mentionnée, elle devait se servir selon ses mérites d’un vêtement corporel de nature diverse, ayant telle ou telle qualité. Pour toutes ces raisons, nécessairement, Dieu, qui connaissait d’avance les variations futures des âmes ou des puissances spirituelles, a créé la nature corporelle capable de se transformer selon la volonté du créateur, par les mutations de ses qualités, en tous les états que demanderait la situation. Il faut qu’elle subsiste tout le temps que subsistent les êtres qui ont besoin d’elle comme vêtement. Or il y aura toujours des NATURES RAISONNABLES qui auront besoin de vêtement corporel : par conséquent il y aura toujours une nature corporelle dont les créatures raisonnables devront se servir comme vêtement ; à moins que l’on puisse montrer avec preuves que la nature raisonnable puisse vivre sans aucun corps. Nous avons montré plus haut, en le discutant en détail, combien cela est difficile et presque impossible à notre intelligence. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Je pense, certes, qu’il ne paraît pas contraire à notre travail de revenir encore, le plus brièvement possible, sur l’immortalité des NATURES RAISONNABLES. Tout être qui participe à quelque réalité est sans aucun doute d’une seule substance et d’une seule nature avec tout autre être participant à la même réalité. Ainsi tous les yeux participent à la lumière, et c’est pourquoi tous les yeux qui participent à la lumière sont d’une seule nature ; mais, bien que tout oeil participe à la lumière, cependant l’un voit de façon plus aiguë, l’autre de manière plus floue, et donc tout oeil ne participe pas également à la lumière. Pareillement, toute ouïe perçoit la voix ou le son, et c’est pourquoi toute ouïe est d’une seule nature ; mais, selon sa qualité de pureté et de bon état, chaque ouïe entend plus vite ou plus lentement. Passons donc de ces exemples pris aux sens à une réflexion sur les êtres intellectuels. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section