Avant d’explorer l’objet de ce chapitre, peut-être vaut-il mieux chercher la solution d’une difficulté de nos adversaires. Ils disent qu’avant la faute, le récit ne parle ni d’enfantement, ni des douleurs qui l’accompagnent, ni d’instinct de procréation. Quand Dieu chasse Adam et Ève du paradis après leur faute et que la femme est condamnée aux douleurs de l’enfantement, alors seulement Adam vient connaître sa compagne en MARIAGE et la première procréation a lieu. Si donc dans le Paradis il n’y avait ni MARIAGE ni douleurs ni enfantement, il est, à leur avis, nécessaire d’en conclure que la multiplication de la vie humaine ne se serait pas faite, si le bienfait de l’immortalité ne nous avait été enlevé pour nous faire mortels et si le MARIAGE, grâce aux naissances, n’avait préservé la nature, en amenant à la vie de nouveaux êtres à la place des disparus. Si bien que d’une certaine façon la faute qui s’introduit dans la vie humaine eut son utilité : sans elle, la race humaine en serait restée au couple primitif, puisque la crainte de la mort n’aurait pas été là pour pousser la nature à se reproduire. XVII
Si, une fois rétablie dans l’ordre, notre vie va de pair avec celle des Anges, c’est que la vie avant la faute était en quelque façon angélique . Aussi notre retour au premier état nous rend-il semblables aux Anges. Or, comme on sait, bien que le MARIAGE n’existe pas chez eux, leurs armées constituent des myriades infinies. Ainsi le décrit Daniel dans ses visions. Donc, comme eux, si le péché ne nous avait transformés et fait déchoir de l’état d’égalité où nous étions avec eux, nous n’aurions pas eu besoin du MARIAGE pour nous multiplier. XVII
Le mode de multiplication de la nature angélique peut être indicible et impensable aux conjectures humaines : ce qui est sûr, c’est qu’il y en a un. Ce mode de multiplication aurait été aussi celui des hommes dont la nature est si proche de celle des anges et il aurait porté l’humanité jusqu’au terme fixé par la volonté de son Créateur. Et si quelqu’un a du mal à concevoir ce mode de génération pour l’humanité, dans le cas où elle n’aurait pas eu besoin du concours du MARIAGE, à notre tour, nous le prierons de nous dire comment les anges existent et comment leurs myriades constituent une espèce unique et en même temps peuvent être dénombrées. A celui donc qui met en avant l’impossibilité pour l’homme d’être sans le MARIAGE, nous sommes fondés à donner cette réponse : l’homme serait sans le MARIAGE comme les anges eux-mêmes, puisque notre ressemblance avec les anges avant la chute nous est prouvée par le rétablissement des choses dans leur premier état. XVII