La stature de l’homme est droite, tendue vers le ciel et regardant en haut. Cette attitude le rend apte au commandement et signifie son pouvoir royal. Si seul parmi les êtres l’homme est ainsi fait, tandis que le corps de tous les autres animaux est penché vers le sol, c’est pour indiquer clairement la différence de dignité qu’il y a entre les êtres courbés sous le pouvoir de l’homme et cette puissance placée au-dessus d’eux. Chez les autres, en effet, les membres antérieurs du corps sont des pieds, parce que l’inclination de leur corps demandait un appui en avant ; dans la constitution de l’homme, ces membres sont devenus des MAINS. Pour une stature droite, un seul appui suffisait qui, grâce aux deux pieds, permet de se tenir solidement . VIII
En particulier, les MAINS lui sont, pour les besoins du langage, d’une aide particulière. Quelqu’un qui verrait dans l’usage des MAINS le propre d’une nature rationnelle ne se tromperait pas du tout, non seulement pour cette raison couramment admise et facile à comprendre qu’elles nous permettent de représenter nos paroles par des lettres (c’est bien en effet une des marques de la présence de la raison de s’exprimer par les lettres et d’une certaine façon de converser avec les MAINS, en donnant par les caractères écrits de la persistance aux sons), mais pour ma part j’ai en vue autre chose lorsque je parle de l’utilité des MAINS pour la formation de la parole. VIII
A cette fin les MAINS ont été articulées au corps. Sans doute peut-on dénombrer par milliers les besoins de la vie où la finesse de ces instruments qui suffisent à tout a servi l’homme dans la paix comme dans la guerre ; pourtant c’est avant tout pour le langage que la nature a ajouté les MAINS à notre corps. Si l’homme en était dépourvu, les parties du visage auraient été formées chez lui, comme celles des quadrupèdes, pour lui permettre de se nourrir : son visage aurait une forme allongée, amincie dans la région des narines, avec des lèvres proéminentes, calleuses, dures et épaisses, afin d’arracher l’herbe ; il aurait entre les dents une langue toute autre que celle qu’il a, forte en chair, résistante et rude, afin de malaxer en même temps que les dents les aliments ; elle serait humide, capable de faire passer ces aliments sur les côtés, comme celle des chiens ou des autres carnivores, qui font couler les leurs au milieu des interstices des dents. Si le corps n’avait pas de MAINS, comment la voix articulée se formerait-elle en lui ? La constitution des parties entourant la bouche ne serait pas conforme aux besoins du langage. L’homme, dans ce cas, aurait dû bêler, pousser des cris, aboyer, hennir, crier comme les boeufs ou les ânes ou faire entendre des mugissements comme les bêtes sauvages. Mais puisque la main a été donnée au corps, la bouche peut sans difficultés s’occuper de servir à la parole. Aussi les MAINS sont bien la caractéristique évidente de la nature rationnelle : le modeleur de notre nature nous rend par elles le langage facile. VIII
Ainsi c’est grâce à cette organisation que l’esprit, comme un musicien, produit en nous le langage et que nous devenons capables de parler. Ce privilège, jamais sans doute nous ne l’aurions, si nos lèvres devaient assurer, pour les besoins du corps, la charge pesante et pénible de la nourriture. Mais les MAINS ont pris sur elles cette charge et ont libéré la bouche pour le service de la parole. X
Je reprends ce que j’ai dit au début : « Faisons l’homme, dit Dieu, à notre image et ressemblance. Et Dieu fit l’homme ; à l’image de Dieu, Il le fit. » Cette image de Dieu, qui réside en la nature humaine prise dans son ensemble, a atteint sa perfection. Adam, à ce moment, n’existait pas encore. En effet, étymologiquement, d’après ceux qui savent l’hébreu, Adam signifie « ce qui est formé de terre ». Aussi l’Apôtre, qui connaît bien sa langue maternelle, appelle l’homme fait de la terre « le terreux » , traduisant en grec le nom d’Adam. Donc l’homme a été fait selon l’image, c’est-à-dire la nature du tout, la créature semblable à Dieu. La toute-puissance de sa sagesse n’a pas produit une partie seulement de ce tout, mais en bloc tout le « plérôme » de notre nature. Il savait bien, lui qui a en ses MAINS les limites de toutes choses, selon le mot de l’Écriture : « En sa main, sont les limites de la terre » , il savait, lui qui connaît chaque être avant même son apparition, et il tenait dans sa pensée le nombre exact de tous les individus composant l’humanité. XXII
Quatre jours s’étaient écoulés depuis l’événement ; les rites habituels avaient été accomplis pour le mort et le corps était déposé dans le tombeau. Sans doute le cadavre se gonflait déjà ; il commençait à se corrompre et à se dissoudre dans les profondeurs de la terre, selon les lois normales. C’était un objet à fuir, lorsque la nature se vit contrainte de rendre de nouveau à la vie ce qui déjà se dissolvait et était d’une odeur repoussante. Alors l’oeuvre de la résurrection universelle est amenée à l’évidence par une merveille que tous peuvent constater. Il ne s’agit pas ici d’un homme qui se relève d’une maladie grave ou qui, près du dernier soupir, est ramené à la vie ; il ne s’agit pas de faire revivre un enfant qui vient de mourir ou de délivrer du cercueil un jeune homme que l’on portait en terre. Il s’agit d’un homme âgé qui est mort et dont le cadavre, déjà flétri et gonflé, tombe en dissolution au point que ses proches ne supportent pas de faire approcher le Seigneur du tombeau, à cause de la mauvaise odeur du corps qui y est déposé. Or cet homme, par une seule parole, est rendu à la vie et ainsi est fondée l’assurance de la Résurrection : ce que nous attendons pour le tout, nous l’avons concrètement réalisé sur une partie. De même, en effet, que dans la rénovation de l’univers, comme dit l’Apôtre, le Christ lui-même descendra en un clin d’oeil, à la voix de l’Archange, et par la trompette fera lever les morts pour l’immortalité , de la même façon maintenant celui qui, au commandement donné, secoue dans le tombeau la mort comme on secoue un songe et qui laisse tomber la corruption des cadavres qui l’atteignait déjà, bondit du tombeau dans son intégrité et en pleine santé, sans que les bandelettes qui entourent ses pieds et ses MAINS l’empêchent de sortir. XXV
Est-ce là peu de chose pour fonder notre foi en la Résurrection des morts ? Cherchez-vous encore d’autres témoignages pour confirmer votre jugement sur ce point ? Eh bien ! Ce n’est pas sans raison, je crois, que le Seigneur, voulant traduire la pensée des hommes à son sujet, dit ces mots aux Capharnaïtes : « Sans doute, m’appliquerez-vous ce proverbe : « Médecin, guéris-toi toi-même. » Celui qui sur les corps des autres a habitué les hommes à la merveille de la Résurrection devait affermir sur lui-même la foi en sa parole. Vous voyez qu’un appel de lui produit son effet chez les autres : des hommes sur le point de mourir, l’enfant qui vient à peine d’expirer, le jeune homme porté au tombeau, le mort déjà corrompu, tous, à un seul commandement, sont rappelés également à la vie. Vous demandez où sont ceux qui sont morts dans des blessures et dans le sang, afin que la défaillance en ce point de sa puissance vivifiante n’amène pas le doute sur ses bienfaits : voyez celui dont les MAINS ont été transpercées par les clous, voyez celui dont le côté a été traversé par la lance. Portez vos doigts à l’endroit des clous. Avancez votre main dans la blessure faite par la lance. Vous pourrez constater de combien la pointe de celle-ci a dû s’enfoncer à l’intérieur, en calculant sa pénétration par la largeur de la blessure. La plaie laisse la place à une main d’homme ! Vous pouvez supposer combien le fer est allé profond. Si cet homme est ressuscité, on peut bien conclure en redisant le mot de l’Apôtre : « Comment certains disent-ils qu’il n’y a pas de Résurrection des morts ? » XXV
La nature fit donc porter tout le poids du corps sur cette ossature solide, qui ressemble à des colonnes soutenant un édifice ; mais elle eut soin de la répartir sur l’ensemble du corps. L’homme ne pourrait se remuer ni agir, s’il était bâti comme un arbre fixé au même endroit, sans que la succession régulière de ses jambes lui assurât le mouvement en avant et sans que le secours des MAINS lui soit accordé pour vivre. La nature par ce procédé permet à l’organisme de se déplacer et d’agir, sous l’action de l’esprit qui se communique librement aux nerfs : dans cette fin, elle pousse le corps au mouvement et lui en donne la faculté. De là l’aide multiple apportée par les MAINS, qui vont en tous sens et sont aptes à exécuter tout dessein de l’esprit. De là les rotations du cou, les inclinations et les relèvements de la tête, l’activité de la mâchoire, l’élargissement des paupières accompagnant les mouvements de tête, les autres mouvements des membres, produits comme dans une machine par la tension ou le relâchement de certains nerfs. Cette force qui se répand dans les membres dépend de notre détermination et elle agit dans chacun d’eux sous l’action de la liberté, selon la disposition de la nature. On a vu que la racine et le principe de ces mouvements nerveux sont dans la membrane nerveuse qui entoure le cerveau. Il n’est pas nécessaire, je pense, de nous étendre davantage sur les parties vivantes ; nous avons suffisamment indiqué l’origine du mouvement qui est en nous. XXX