Mais passons à la parole de l’Évangile : Dieu est esprit (souffle), et montrons comment il faut la comprendre d’après ce que nous avons dit. Demandons-nous quand le Sauveur l’a prononcée, et près de qui, et ce qu’il cherchait. Nous trouvons sans aucun doute qu’il parlait à une Samaritaine, celle qui pensait qu’il fallait adorer Dieu sur le mont Garizim selon l’avis des Samaritains ; c’est alors qu’il dit : Dieu est esprit. La Samaritaine, pensant qu’il était un Juif ordinaire, lui demandait s’il fallait adorer Dieu à Jérusalem ou sur cette montagne : Tous nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites que c’est à Jérusalem qu’il faut adorer. A cette opinion de la Samaritaine, pensant à un privilège possédé par des lieux corporels, suivant lequel on adore Dieu à tort ou à raison si on le fait avec les JUIFS à Jérusalem ou avec les Samaritains sur le mont Garizim, le Sauveur répondit qu’il ne faut pas se préoccuper de lieux corporels pour suivre Dieu : L’heure vient où ce n’est pas à Jérusalem ni sur cette montagne que les vrais adorateurs adoreront le Père. Dieu est esprit et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité. Constatons le rapport qu’il a mis entre vérité et esprit : il a opposé l’esprit aux corps, la vérité à l’ombre et à l’image. Ceux qui adoraient à Jérusalem adoraient Dieu en se consacrant à l’ombre et à l’image des réalités célestes, mais non à la vérité ni à l’esprit; pareillement ceux qui adoraient sur le mont Garizim. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section
Que faut-il dire aussi du fait que le Christ ait été prophétisé ? Alors, ceux qu’on appelle des princes venant de Juda feront défaut, et les chefs sortis de sa race, quand viendra celui à qui est réservé, évidemment le royaume, et qu’arrivera l’attente des nations. Car l’histoire et tout ce qu’on voit aujourd’hui montrent clairement que depuis le temps de Jésus il n’y a plus eu de roi des JUIFS qui ait pris ce titre, puisque toutes les réalités qui étaient l’orgueil des JUIFS, je veux dire ce qui avait rapport au temple, à l’autel, au culte qui s’y célébrait et aux vêtements du grand-prêtre ont été détruites. Car fut accomplie la prophétie : Pendant de nombreux jours les fils d’Israël siégeront sans roi ni prince, sans victime ni autel ni sacerdoce ni oracles. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section
Après avoir indiqué succinctement que les Écritures divines sont inspirées par Dieu, il faut discourir sur la manière de les lire et de les comprendre, car beaucoup de faux pas sont commis parce que beaucoup n’ont pas trouvé la voie par laquelle il faut parcourir les divines lectures. Ceux de la circoncision à cause de leur dureté de coeur et de leur peu de compréhension n’ont pas cru en notre Sauveur, parce qu’ils pensent qu’il faut suivre la lettre des prophéties le concernant et qu’ils ne le voient pas de façon sensible prêcher aux prisonniers la rémission, ni bâtir celle qu’ils croient être vraiment la ville de Dieu, ni détruire les chars d’Éphraïm et les chevaux de Jérusalem, ni manger le beurre et le miel et avant de connaître et de choisir le mal élire le bien. Ils ont pensé encore que, selon la prophétie, un loup, l’animal quadrupède, devait paître avec un agneau, et une panthère se reposer avec un chevreau, qu’un veau, un taureau et un lion devaient paître ensemble et être menés par un petit enfant, qu’une vache et une ourse devaient paître ensemble et leurs petits être élevés les uns avec les autres, qu’un lion mangerait de la paille comme un boeuf et, n’ayant vu rien de cela se réaliser sensiblement à la venue de celui que nous croyons le Christ, ils n’ont pas accepté notre Seigneur Jésus, mais ils l’ont crucifié parce qu’il affirmait qu’il était le Christ, contrairement à la loi. Quant aux hérétiques, quand ils lisent : Un feu est allumé par ma colère ; je suis un Dieu jaloux, punissant les péchés des pères sur les fils jusqu’à la troisième et quatrième génération; je me suis repenti d’avoir oint Saul comme roi ; Je suis un Dieu qui fais la paix et qui produis le mal ; et ailleurs : Il n’y a pas dans la ville de mal que le Seigneur n’ait pas produit; et encore : Le mal descendit d’auprès du Seigneur sur les portes de Jérusalem ; Un esprit mauvais venant de Dieu étouffait Saul; et bien d’autres choses semblables, n’ont pas osé cependant ne pas croire que les Écritures étaient d’un Dieu, mais ils ont cru qu’elles étaient du créateur adoré par les JUIFS et ils ont pensé que, puisque ce créateur était imparfait et non bon, le Sauveur était venu annoncer un Dieu plus parfait, qu’ils disent différent du créateur, ayant des sentiments divers à son égard. Une fois qu’ils se sont éloignés du créateur, qui est le seul Dieu inengendré, ils se sont adonnés à des inventions, fabriquant eux-mêmes des suppositions mythiques sur la création des réalités visibles et sur celle d’autres non visibles que leur âme a représentées en figures. Mais, certes, les plus simples aussi de ceux qui sont fiers d’appartenir à l’Église n’ont pas accepté d’autre Dieu plus grand que le Créateur, agissant en cela sainement ; cependant ils acceptent à son sujet ce qu’ils ne supporteraient pas du plus cruel et du plus injuste des hommes. Pour tous ceux dont nous venons de parler, la cause de ces fausses opinions, de ces impiétés et de ces paroles stupides au sujet de Dieu ne semble pas être autre chose que le fait de ne pas comprendre l’Écriture dans son sens spirituel, mais de l’interpréter selon la lettre seule. C’est pourquoi, à ceux qui sont persuadés que les livres saints ne sont pas des écrits d’hommes, mais qu’ils ont été rédigés par l’inspiration de l’Esprit Saint d’après la volonté du Père de l’univers par le moyen de Jésus Christ et qu’ainsi ils sont venus jusqu’à nous, il faut montrer ce qui nous paraît la méthode convenable pour les comprendre, pour ceux qui tiennent à la règle de l’Église céleste de Jésus-Christ transmise par la succession des apôtres. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Mais comme certaines Écritures n’ont pas du tout de sens corporel, ainsi que nous le montrerons dans la suite, il y a des cas où il faut chercher seulement, pour ainsi dire, l’âme et l’esprit de l’Écriture. Et c’est peut-être pour cela que les urnes qui sont dites servir à la purification des JUIFS, comme nous le lisons dans l’Évangile selon Jean, contiennent deux ou trois métrètes : la Parole insinue par là, à propos de ceux que l’Apôtre appelle les JUIFS dans le secret, que ceux-ci sont purifiés par la parole des Écritures, contenant tantôt deux métrètes, c’est-à-dire le sens psychique et le sens spirituel, tantôt trois, puisque certaines possèdent, outre ceux que nous avons indiqués, le sens corporel qui peut édifier. Les six urnes s’appliquent à bon droit à ceux qui sont purifiés étant en ce monde, car le monde a été fait en six jours, chiffre parfait. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
L’interprétation spirituelle est pour celui qui peut montrer quelles sont les réalités célestes dont on trouve les symboles et les ombres dans le culte des JUIFS selon la chair et quels sont les biens à venir dont la loi possède l’ombre. Bref, en toutes choses, selon le commandement apostolique, il faut chercher la sagesse cachée dans le mystère, celle que Dieu a prédestinée avant tous les siècles à la gloire des justes, celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue. L’Apôtre dit quelque part, en se servant de certains textes de l’Exode et des Nombres, que : Cela leur est arrivé comme des figures, mais fut écrit pour nous, pour qui survient la fin des siècles. Et il donne l’occasion de comprendre de quoi ces événements étaient des figures lorsqu’il dit : Ils buvaient du rocher spirituel qui les accompagnait, ce rocher était le Christ. Et pour esquisser ce qui concerne le tabernacle, dans une autre épître il a utilisé la phrase : Tu feras tout selon le modèle qui t’a été montré sur la montagne. Certes, dans l’Épître aux Galates, comme pour blâmer ceux qui pensent lire la loi et ne la comprennent pas, jugeant qu’ils ne la comprennent pas parce qu’ils croient qu’il n’y a pas des allégories dans ces écrits, il leur dit : Dites-moi, vous qui voulez être sous la loi, n’entendez-vous pas la loi ? Il est écrit qu’Abraham eut deux fils, l’un de la servante, l’autre de la femme libre. Mais celui de l’esclave est né selon la chair, celui de la femme libre selon la promesse: ce sont des allégories. Ce sont en effet les deux Testaments, etc. Il faut observer chacune de ses paroles ; il dit en effet : Vous qui voulez être sous la loi – non : vous qui êtes sous la loi – et : N’entendez-vous pas la loi ? Il pense en effet qu’entendre signifie comprendre et connaître. Dans l’Epître aux Colossiens, il résume en peu de mots la volonté de toute la législation : Que personne ne vous juge sur la nourriture ou la boisson, sur les fêtes, néoménies ou sabbats, avec leur caractère partiel, car ce sont l’ombre des réalités futures. Ecrivant aussi aux Hébreux et discutant de ceux de la circoncision, il écrit : Ceux qui adorent selon la figure et l’ombre des réalités célestes. Mais vraisemblablement, par là, ceux qui acceptent une bonne fois l’Apôtre comme un homme de Dieu ne pourraient douter des cinq livres attribués à Moïse ; mais en ce qui concerne le reste de l’histoire, ils veulent apprendre si celle-là aussi est arrivée comme des figures. Il faut remarquer ce passage de l’Épître aux Romains : Je me suis réservé sept mille hommes qui n’ont pas fléchi le genou devant Baal, qui se trouve dans le Troisième Livre des Rois : Paul l’a compris des Israélites selon l’élection, car il n’y a pas que les Gentils qui ont tiré profit de la venue du Christ, mais aussi quelques-uns de la race divine. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Qui sera assez sot pour penser que, comme un homme qui est agriculteur, Dieu a planté un jardin en Eden du côté de l’orient et a fait dans ce jardin un arbre de vie visible et sensible, de sorte que celui qui a goûté de son fruit avec des dents corporelles reçoive la vie? Et de même que quelqu’un participe au bien et au mal pour avoir mâché le fruit pris à cet arbre. Si Dieu est représenté se promenant le soir dans le jardin et Adam se cachant sous l’arbre, on ne peut douter, je pense, que tout cela, exprimé dans une histoire qui semble s’être passée, mais ne s’est pas passée corporellement, indique de façon figurée certains mystères. Quant à Caïn fuyant de devant la face de Dieu, selon l’avis clair des gens compétents, ce passage amènera celui qui réfléchit à se demander qu’est-ce que la face de Dieu et qu’est-ce que fuir de devant elle. Qu’y a-t-il à ajouter à cela ? Ceux dont l’intelligence n’est pas tout à fait obtuse peuvent recueillir bon nombre de choses semblables, qui sont représentées comme si elles s’étaient passées, alors qu’elles ne se sont pas passées littéralement. Mais les Évangiles aussi sont pleins d’expressions de cette espèce : le diable a porté Jésus sur une haute montagne pour lui montrer de là-haut les royaumes du monde entier et leur gloire. Quand on lit cela sans superficialité, ne blâmera-t-on pas ceux qui pensent qu’avec l’oeil du corps, qui a besoin d’une certaine hauteur pour apercevoir ce qui est placé plus bas, on peut voir les royaumes des Perses, des Scythes, des Indiens et des Parthes, et la gloire que leurs souverains reçoivent des hommes ? Celui qui cherche l’exactitude peut observer d’autres expressions semblables en très grand nombre dans les Évangiles et admettre que, dans les histoires qui se sont passées selon la lettre, sont tissées d’autres histoires qui ne se sont pas passées. Si nous en venons à la législation de Moise, nombreuses sont les lois, pour autant qu’on puisse l’observer par soi-même, qui manifestent des illogismes, ou même des impossibilités. Des commandements déraisonnables, lorsqu’il est interdit de manger des vautours, car même dans les plus grandes famines personne n’a été forcé par la pénurie d’en arriver à manger un tel animal. Lorsqu’il est ordonné d’exterminer de la race les enfants de huit jours qui n’ont pas été circoncis, il faudrait, s’il fallait qu’une telle législation ait été donnée au sens littéral, ordonner que leurs pères ou ceux qui les élèvent soient mis à mort. Or l’Écriture dit : Tout mâle incirconcis, qui n’a pas été circoncis le huitième jour, sera exterminé de la race. Si vous voulez voir des préceptes impossibles, remarquons que le tragélaphe est un animal qui ne peut pas exister, et cependant, puisqu’il est pur, Moïse ordonne de le prendre pour nourriture ; on ne dit pas que le griffon soit jamais tombé sous la main des hommes et cependant le législateur défend de le manger. A propos du sabbat dont on parle tant, si on réfléchit sur le précepte : Vous serez assis chacun dans sa maison; que personne ne quitte sa place le septième jour, il est impossible de l’observer selon la lettre, car aucun vivant ne peut rester assis toute la journée et demeurer sans mouvement après qu’il s’est assis. C’est pourquoi ceux qui appartiennent à la circoncision et tous ceux qui refusent de voir quelque chose de supérieur à la lettre n’ont jamais commencé à se poser des questions sur quelques points, comme en ce qui concerne le tragélaphe, le griffon et le vautour ; mais sur d’autres ils radotent, parlant beaucoup et inutilement, rapportant des traditions insipides, comme lorsqu’ils disent au sujet du sabbat que l’espace concédé à chacun pour ses déplacements est de deux mille coudées. D’autres, comme Dosithée le Samaritain, tout en blâmant de telles explications, pensent que l’on doit rester jusqu’au soir dans la position dans laquelle on a été surpris par le jour du sabbat. Mais il est impossible de ne pas lever de fardeau le jour du sabbat: c’est pourquoi les docteurs des JUIFS en sont venus à des bavardages interminables, disant que tel genre de soulier est un fardeau mais non pas tel autre, que la sandale à clous est un fardeau et non celle qui n’en a pas, que ce qui est porté sur une épaule est un fardeau et non ce qui l’est sur les deux. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Les paroles divines enseignent que Dieu a choisi sur terre une nation appelée de nombreux noms. Tantôt l’ensemble de cette nation est appelé Israël, tantôt aussi Jacob. Mais lorsqu’elle fut divisée aux temps de Jéroboam fils de Nabat, les dix tribus qui furent sous son autorité se nommèrent Israël, les deux autres et celle de Lévi, gouvernées par des rois de la race de David, Juda. Tout le pays qu’habitaient les gens de cette nation et qui leur avait été donné par Dieu s’appelle la Judée dont la métropole est Jérusalem, évidemment métropole de beaucoup de villes dont les noms sont dispersés en bien des endroits des Écritures, mais sont énumérés en une liste dans le livre de Jésus fils de Navé. Cela étant ainsi, l’Apôtre dit quelque part pour élever notre intelligence : Voyez l’Israël selon la chair, comme s’il y avait un Israël selon l’esprit. Et ailleurs il dit : Ce ne sont pas les enfants de la chair qui sont enfants de Dieu, et : Ni tous ceux qui sont d’Israël sont Israël. Et ce n’est pas non plus le cas du Juif à découvert ni de la circoncision à découvert dans la chair, mais du Juif dans le secret et de la circoncision du coeur dans l’esprit non dans la lettre. Mais si on juge du Juif dans le secret il faut comprendre que, de même qu’il y a une race de JUIFS corporels, de même il y a une nation de JUIFS dans le secret, l’âme possédant cette noblesse d’après certaines raisons ineffables. Mais de nombreuses prophéties concernent Israël et Juda, prédisant ce qui doit leur advenir. Et les si grandes promesses qui leur sont faites dans l’Écriture, elles qui selon la lettre sont basses et ne présentent aucune élévation digne de la promesse de Dieu, n’ont-elles pas besoin, assurément, d’une explication mystique ? S’il s’agit de promesses intelligibles faites par le moyen de réalités sensibles, ceux à qui ces promesses sont faites ne sont pas corporels. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section