Après son attaque, que j’ai parée de mon mieux, il nous interpelle : Comme vous auriez mieux fait, puisque vous teniez tant à innover, de vous attacher à un autre homme parmi ceux dont la mort fut héroïque et qui ont pu mériter de devenir l’objet d’un mythe divin ! Par exemple, si Héraclès, Asclépios, les anciens héros tenus en honneur ne vous plaisent pas, vous aviez Orphée, homme à l’esprit pieux comme tous en conviennent, victime lui aussi de mort violente. Mais peut-être d’autres l’avaient-ils déjà choisi ? Vous aviez du moins Anaxarque qui, jeté dans un mortier, broyé de la manière la plus inique, exprima son parfait mépris pour la torture : « Broie, broie le sac qui enveloppe Anaxarque, car lui-même tu ne peux le broyer. » Parole d’un esprit véritablement divin. Mais ici encore, certains philosophes naturalistes vous ont devancés en le prenant pour maître. Eh bien, n’aviez-vous pas Epictète? Comme son maître lui tordait la jambe, lui, souriant, disait sans émotion : « Tu vas la casser » ; et quand la jambe fut cassée, il ajouta: « Ne te disais-je pas que tu allais la casser ?» Qu’est-ce que votre Dieu a dit de pareil dans son supplice? Vous aviez du moins la Sibylle que certains d’entre vous utilisent : c’est avec plus de raison que vous l’auriez proposée comme enfant de Dieu. Mais vous ne pouvez qu’interpoler au hasard dans ses vers maints blasphèmes, et vous présentez comme Dieu celui dont la vie fut très infâme et la mort très lamentable. Combien vous auraient mieux convenu JONAS sous le ricin, ou Daniel échappé aux fauves, ou d’autres aux actions encore plus prodigieuses ! LIVRE VI
Ensuite, comme s’il visait à gonfler son livre, il a voulu nous faire croire à la divinité de JONAS plutôt qu’à celle de Jésus ; il préféra JONAS, qui a prêché la pénitence à la seule ville de Ninive, à Jésus, qui l’a prêchée au monde entier avec plus de succès. Il a voulu nous faire proclamer la divinité de celui qui accomplit l’extraordinaire prodige de passer trois jours et trois nuits dans le ventre de la baleine. Mais celui qui avait accepté de mourir pour les hommes, auquel Dieu avait rendu témoignage par les prophètes, Celse n’a point admis qu’il méritât la seconde place d’honneur après le Dieu de l’univers, pour les belles actions qu’il accomplit au ciel et sur la terre. JONAS, pour avoir refusé de prêcher ce que Dieu lui avait enjoint, fut englouti par la baleine. Mais Jésus, lui, pour avoir enseigné ce que Dieu voulait, a accepté de mourir pour les hommes. LIVRE VI
Il dit ensuite que Daniel, qui échappa aux lions, devrait être adoré par nous plutôt que Jésus, qui foula aux pieds la férocité de toute puissance adverse et nous donna « le pouvoir de marcher sur les serpents et les scorpions et sur toute la puissance de l’ennemi ». Puis, n’ayant plus d’exemples, il ajoute : ou d’autres aux actions encore plus prodigieuses, afin d’insulter en même temps JONAS et Daniel ; car chez Celse, l’esprit n’a pas appris à dire du bien des justes. LIVRE VI