intempérance

Mais si, lorsque cela se produit, nous accusons les incitations du dehors et nous nous tenons quittes de tout grief, en nous prétendant semblables au bois et aux pierres qui sont mus par des forces s’exerçant du dehors, ce n’est ni vrai ni noble ; la raison de qui veut qu’il en soit ainsi est la suivante : falsifier la notion du libre arbitre. Si nous lui demandions ce qu’est le libre arbitre, il répondrait (qu’on le constate) lorsque rien du dehors ne se présente pour me pousser dans la direction opposée à celle que j’ai décidée. De même accuser seulement notre constitution naturelle est contraire à l’évidence, car l’enseignement et l’éducation prennent en charge les plus intempérants et les plus sauvages et les transforment, pourvu qu’ils obéissent à leurs exhortations : tellement ont d’effet l’exhortation et la conversion que souvent les plus incontinents deviennent meilleurs que ceux qui ne paraissaient pas auparavant incontinents de nature, et que les plus sauvages en arrivent à ce point de douceur que ceux qui n’ont jamais paru aussi sauvages semblent l’être si on les compare à l’un de ceux qui se sont convertis à la douceur. Et nous en voyons d’autres très équilibrés et respectables déchoir par leur perversion de cet équilibre et de cette respectabilité pour mener une conduite mauvaise et se convertir à l’INTEMPÉRANCE : c’est souvent à l’âge mûr qu’ils se mettent à vivre dans l’INTEMPÉRANCE et se jettent dans le dérèglement, lorsqu’est passé le temps de la jeunesse qui est par nature le plus instable. La raison montre donc que les événements du dehors ne dépendent pas de notre libre arbitre, mais qu’il nous appartient de nous en servir de telle ou telle façon en prenant la raison comme juge pour examiner comment il convient de faire face à tel événement extérieur. Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Mais, lorsque nous en examinons plus attentivement la raison, nous ne pensons pas que cela soit vrai, en considérant tout ce qui vient clairement en nous d’une nécessité corporelle. Faut-il penser que c’est le diable qui est en nous la cause de la faim et de la soif ? Personne, à mon avis, n’oserait affirmer cela. S’il n’est pas pour nous la cause de la faim et de la soif, qu’en est-il quand chacun, avançant en âge, parvient au temps de la virilité et est livré aux stimulations qu’excité l’ardeur de la nature ? Il est logique sans aucun doute de dire que, de même que le diable n’est pas la cause de la faim et de la soif, il ne l’est pas non plus des impulsions qu’apporté naturellement l’âge adulte, c’est-à-dire du désir de rechercher l’union sexuelle. Il est certain assurément que ce n’est pas toujours le diable qui soulève une telle cause : autrement on pourrait penser que si le diable n’existait pas, les corps n’éprouveraient pas le désir d’une telle union. Si, comme cela a été montré plus haut, l’appétit de nourriture qu’ont les hommes ne vient pas du diable mais d’une tendance naturelle, poussons notre réflexion plus loin : pourrait-il se faire, si le diable n’existait pas, que l’expérience humaine s’imposerait en ce qui concerne la nourriture assez de discipline pour ne jamais dépasser du tout la mesure, c’est-à-dire pour ne pas en prendre autrement que la situation ne le demande, ni davantage que la raison ne le permet, et pour qu’il n’arrive jamais aux hommes de pécher en ce qui concerne la quantité et la mesure de nourriture qui est à garder ? Quant à moi je ne pense pas que, même s’il n’y avait pas d’incitation du diable pour provoquer l’homme, elles puissent être si bien gardées qu’en prenant de la nourriture personne ne dépasse la mesure et la discipline, avant de l’avoir appris d’une longue habitude et d’une grande expérience. Qu’en est-il donc ? En matière de nourriture et de boisson, il nous serait possible de pécher même sans y être incités par le diable, simplement parce que nous serions insuffisamment tempérants et attentifs ; dans le désir de l’union sexuelle et le gouvernement des tendances de la nature faut-il penser que nous ne subirions rien de semblable ? Je crois que l’on peut appliquer le même raisonnement à tous les autres mouvements naturels, qu’il s’agisse de la cupidité, de la colère ou de la tristesse, et absolument de tout ce qui, par le vice de l’INTEMPÉRANCE, dépasse la proportion et la mesure qu’imposé la nature. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

La raison en est claire : en ce qui concerne le bien, le propos humain à lui tout seul est insuffisant pour l’accomplir – c’est l’aide divine qui mène toute chose à sa perfection – ; de même, en ce qui concerne son opposé, nous recevons le début et pour ainsi dire la semence du péché de ce que nous utilisons naturellement. Si nous nous y complaisons plus qu’il ne faut et si nous ne résistons pas aux premiers mouvements d’INTEMPÉRANCE, alors la puissance ennemie, prenant occasion de ce premier manquement, nous excite et nous presse, s’efforçant de toute manière de multiplier à profusion les péchés : c’est nous, les hommes, qui fournissons les occasions et les débuts des péchés, mais ce sont les puissances ennemies qui les propagent en long et en large et, si cela peut se faire, sans aucune limite. Ainsi on tombe dans l’avarice parce que d’abord on désire un peu d’argent, puis avec l’accroissement du vice la cupidité augmente. Et même ensuite, lorsque la passion a produit l’aveuglement de l’intelligence, sous la suggestion et la pression des puissances ennemies, on ne se contente pas de désirer l’argent, mais on le vole, on l’acquiert par violence et même en répandant le sang humain. Pour nous assurer avec plus de certitude que ces vices sans mesure viennent des démons, il est facile d’observer que ceux qu’accablent des amours immodérées, des colères intempérantes, des tristesses excessives, ne souffrent rien de moins que ceux qui sont possédés dans leurs corps par des dénions. Car quelques histoires rapportent que certains sont tombés dans la folie à partir de l’amour, d’autres à partir de la colère, d’autres à partir de la tristesse ou d’une joie excessive. A mon avis, cela se produit parce que ces puissances contraires, c’est-à-dire les démons, ayant occupé dans leurs intelligences la place que leur a faite auparavant l’INTEMPÉRANCE, ont possédé complètement leur intellect, surtout lorsque la vertu n’a jamais eu pour eux le prestige qui les aurait poussés à résister. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section