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Pour confirmer encore et expliquer ce que nous avons dit de l’intelligence ou de l’âme, à savoir qu’elles dépassent toute la nature corporelle, nous pouvons ajouter ce qui suit. A chaque sens du corps correspond en propre une substance sensible vers laquelle ce sens est dirigé. Par exemple, à la vision correspondent les couleurs, les formes, la grandeur, à l’ouïe les voix et les sons, à l’odorat les odeurs, bonnes ou mauvaises, au goût les saveurs, au toucher le chaud et le froid, le dur et le mou, le rugueux et le lisse. Il est clair à tous que la sensibilité de l’intelligence est bien supérieure à tous ces sens dont nous venons de parler. Ne serait-il pas absurde que des substances correspondent aux sens qui sont de moindre valeur et qu’à la faculté qui leur est supérieure, au sens de l’intelligence, rien de substantiel ne réponde, mais que la faculté de la nature intellectuelle soit accidentelle dans les corps et en soit la conséquence ? Ceux qui parlent ainsi outragent sans aucun doute ce qu’il y a de meilleur en eux : bien mieux, l’injure rejaillit sur Dieu lui-même, lorsqu’ils pensent que par la nature corporelle on peut le comprendre et qu’il serait donc un corps, quelque chose que par le corps on pourrait comprendre et penser. Et ils ne veulent pas comprendre qu’il y a une certaine parenté entre l’intelligence et Dieu, dont l’intelligence elle-même est une IMAGE intellectuelle, et que par là elle peut saisir quelque chose de la nature divine, surtout si elle est davantage purifiée et séparée de la matière corporelle. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Ces affirmations pourraient avoir moins d’autorité auprès de ceux qui veulent recevoir des Écritures saintes leur instruction dans les choses divines et qui y cherchent la preuve de la suréminence de la nature divine sur celle des corps. Mais l’Apôtre ne parle-t-il pas de même lorsqu’il dit du Christ : Il est l’IMAGE du Dieu invisible, le premier-né de toute créature. Il ne faut pas croire, comme certains le pensent, que la nature de Dieu serait visible à l’un, invisible aux autres. L’Apôtre n’a pas dit : IMAGE de Dieu invisible pour les hommes, ou invisible pour les pécheurs, mais il exprime de façon absolue la nature même de Dieu quand il dit : IMAGE du Dieu invisible. Jean lui aussi dit dans son évangile : Dieu, personne ne l’a vu : par là il déclare clairement, à tous ceux qui peuvent comprendre, qu’il n’existe pas de nature à qui Dieu soit visible. Il ne faut pas comprendre qu’il serait visible de nature et échapperait à la vue de la créature trop faible, mais qu’il est naturellement impossible de le voir. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Voyons maintenant ce que signifie l’appellation d’IMAGE du Dieu invisible, pour voir comment Dieu peut être dit justement père de son Fils, et considérons d’abord ce que les hommes nomment habituellement des IMAGEs. Tantôt on appelle IMAGE ce qui est peint ou sculpté dans une matière comme le bois ou la pierre; tantôt on dit qu’un fils est l’IMAGE de son père quand la ressemblance des traits du géniteur se retrouvent sans erreur dans l’engendré. On peut, semble-t-il, appliquer le premier exemple à l’homme, fait à l’IMAGE et à la ressemblance de Dieu : nous en parlerons plus complètement, avec la grâce de Dieu, quand nous nous mettrons à expliquer ce passage dans la Genèse. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

A la seconde comparaison peut correspondre l’IMAGE qu’est le Fils de Dieu dont nous parlons maintenant, même en tant qu’il est invisible comme IMAGE du Dieu invisible. L’histoire dit pareillement que l’IMAGE d’Adam fut son fils Seth : en effet il est écrit : Adam engendra Seth selon son IMAGE et selon sa forme. Cette IMAGE implique l’unité de nature et de substance du Père et du Fils. En effet si tout ce que le Père fait, le Fils le fait pareillement, puisque le Fils fait tout comme le Père, l’IMAGE du Père est formée dans le Fils qui assurément est né de lui comme une volonté de lui, procédant de l’intelligence. C’est pourquoi je pense que la volonté du Père doit suffire à faire subsister ce que veut le Père. Dans son vouloir, il n’utilise pas une autre voie que la volonté qu’il émet dans son conseil. C’est ainsi que l’être subsistant du Fils est engendré par lui. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Cela doit être nécessairement accepté par ceux qui ne reconnaissent rien d’inengendré, c’est-à-dire qui ne soit pas né, si ce n’est Dieu le Père seul. Il faut le remarquer en effet, de peur de tomber dans les fables absurdes de ceux qui s’imaginent des prolations en mettant en morceaux la nature divine et en divisant Dieu le Père dans son essence, alors qu’avoir de cela le moindre soupçon en ce qui concerne la nature incorporelle est non seulement d’une extrême impiété, mais encore de la dernière sottise, et qu’il est absolument illogique de concevoir la possibilité d’une division de substance dans la nature incorporelle. C’est plutôt comme la volonté qui procède de l’intelligence sans en retrancher une partie, sans se séparer ni s’isoler d’elle : c’est de cette manière, il faut le penser, que le Père a engendré le Fils, à savoir son IMAGE, et comme il est invisible par nature, il a engendré de même une IMAGE invisible. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Mais la Sagesse est encore appelée le miroir sans tache de l’activité de Dieu. Il faut donc comprendre d’abord ce qu’est cette activité de la puissance de Dieu. C’est la vigueur, pour ainsi dire, avec laquelle agit le Père lorsqu’il crée, qu’il pourvoie à tout, qu’il juge, qu’il dispose et gouverne chaque chose en son temps. De même que tous les mouvements et les actions de celui qui regarde dans un miroir produisent une IMAGE qui se meut et qui agit des mêmes mouvements et des mêmes actions, sans absolument aucune différence, de même selon sa propre volonté il faut comprendre la Sagesse, quand elle est appelée le miroir immaculé de la puissance et de l’activité paternelle. Ainsi le Seigneur Jésus-Christ, Sagesse de Dieu, parle-t-il de lui-même, lorsqu’il dit : Les oeuvres que fait le Père, le Fils les fait pareillement. Et il ajoute : Le Fils ne peut rien faire de lui-même, s’il ne voit le Père le faisant. Puisque le Fils ne se distingue ni ne diffère en rien du Père par la puissance de ses oeuvres, que l’ouvrage du Fils n’est pas autre que celui du Père, mais qu’un seul et même mouvement, pour ainsi dire, est dans les deux, le Fils est appelé un miroir immaculé pour faire comprendre qu’il n’y a aucune dissemblance entre Fils et Père. Certains parlent de similitude, d’imitation du maître par le disciple, ou ils disent que le Fils a exécuté dans la matière corporelle ce que le Père avait déjà formé dans les substances spirituelles : comment cela pourrait-il convenir, puisque l’Évangile ne dit pas que le Fils fait des oeuvres semblables, mais qu’il fait semblablement les mêmes oeuvres ? LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Il reste à chercher ce qu’est l’IMAGE de sa bonté : il convient de lui donner, à mon avis, le même sens que nous avons exprimé plus haut à propos de l’IMAGE qui se forme dans le miroir. Le Père est sans aucun doute la bonté dans son principe : d’elle est né le Fils qui est en toutes choses l’IMAGE du Père ; il convient donc certainement de l’appeler l’IMAGE de sa bonté. Il n’y a pas en effet dans le Fils une autre bonté que celle qui est dans le Père. C’est pourquoi le Sauveur dit avec raison dans l’Évangile : Personne n’est bon si ce n’est un seul, Dieu le Père. Il faut comprendre par là que le Fils n’a pas une autre bonté, mais celle-là seule qui est dans le Père. Et il est appelé à bon droit son IMAGE, parce qu’il ne vient pas d’ailleurs que de cette bonté qui est le principe, pour qu’on ne voie pas dans le Fils une autre bonté que celle qui est dans le Père, ni une bonté dissemblable ou différente. C’est pourquoi il ne faut pas prendre comme une sorte de blasphème la phrase : Personne n’est bon si ce n’est un seul, Dieu le Père, comme si on y voyait une négation de la bonté du Christ ou de l’Esprit Saint : mais, comme on l’a dit plus haut, il faut placer dans le Père la bonté dans son principe ; le Fils qui en naît ou l’Esprit Saint qui en procède reproduisent en eux, sans aucun doute, la nature de cette bonté qui est dans la source d’où le Fils est né et d’où l’Esprit Saint procède. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Mais si ces promesses ne paraissent guère aptes à susciter dans les intelligences de ceux qui espèrent en elles un désir adéquat, demandons-nous, en nous répétant un peu, dans quelle mesure est naturel et inséré dans l’âme le désir de la réalité elle-même, pour décrire enfin en quelque sorte, par la voie de l’interprétation spirituelle, la forme de ce pain de vie, la qualité de ce vin et la caractéristique des Principautés. De même que dans les métiers manuels la pensée donne l’idée de l’oeuvre, indiquant ce qui est à faire, comment le faire et pour quels usages le faire, puis l’exécution a lieu par le moyen des mains, de même, en ce qui concerne les oeuvres de Dieu, qui ont été faites par lui, il faut penser que l’idée et la compréhension de ce qu’il a fait et que nous voyons restent cachées. Quand nous contemplons de nos yeux des objets fabriqués par un artisan, si l’un d’eux nous paraît particulièrement bien fait, aussitôt nous désirons ardemment apprendre de quelle façon, comment et pour quels usages il a été fait : bien plus et sans comparaison possible nous brûlons du désir ineffable de connaître la raison des oeuvres de Dieu que nous voyons. Ce désir, cet amour, nous croyons que sans aucun doute ils ont été mis en nous par Dieu. Comme l’oeil recherche par nature la lumière et la vision, comme notre corps désire par nature nourriture et boisson, de même notre intelligence porte en elle un désir qui lui est propre et naturel de connaître la vérité divine et les causes des choses. Ce désir nous ne l’avons pas reçu de Dieu pour qu’il ne doive ni ne puisse jamais recevoir de satisfaction : autrement c’est en vain que l’amour de la vérité semblerait avoir été mis dans notre intelligence par le Dieu créateur, s’il ne pouvait jamais obtenir ce qu’il désire. C’est pourquoi ceux qui, même en cette vie, se sont mis à étudier, au prix d’un grand labeur, la piété et la religion, ne comprennent, certes, que peu de choses des trésors nombreux et immenses de la connaissance divine, mais cependant, par le fait même d’occuper à cela leur entendement et leur intelligence et de progresser dans ce désir, ils en reçoivent beaucoup d’utilité, parce qu’ils se sont tournés vers le goût et l’amour de la recherche de la vérité et qu’ils se sont rendus plus disposés à recevoir l’instruction future. Ainsi, lorsqu’on veut peindre une IMAGE, avant de tracer les lignes de la forme à venir, on en dessine l’esquisse d’un trait léger et on prépare les indications aptes à recevoir les visages qui seront peints par-dessus : il est clair que la figure ébauchée par l’esquisse sera davantage susceptible de recevoir les vraies couleurs. Cela vaut aussi pour la connaissance de la vérité, si dans ce cas l’esquisse et l’ébauche elles-mêmes sont dessinées sur les tablettes de notre coeur par le stylet de notre Seigneur Jésus-Christ. Pour cela il est dit peut-être : A celui qui a on donnera et on ajoutera ?. Il est donc clair qu’à ceux qui ont déjà en cette vie une certaine ébauche de la vérité et de la connaissance, sera ajoutée dans le futur la beauté de l’IMAGE parfaite. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section

Nous avons déjà disserté plus haut, selon nos possibilités, de la fin et de la consommation du monde selon que le permet l’autorité des divines Écritures ; nous pensons que cela suffit à instruire, mais nous mentionnerons cependant quelques autres points, puisque la suite de l’argumentation nous ramène à ce sujet. Le bien suprême donc, vers lequel se hâte toute la nature raisonnable et qui est dit aussi la fin de toutes choses, a été exprimé pareillement par de très nombreux philosophes en ces termes : le bien suprême consiste à devenir semblable à Dieu dans la mesure du possible. Mais cela, je ne pense pas qu’ils l’aient trouvé eux-mêmes, ils l’ont emprunté aux livres divins. C’est en effet indiqué par Moïse avant tout autre quand il raconte la première création de l’homme : Dieu dit : Faisons l’homme à notre IMAGE et ressemblance. Ensuite il ajoute : Et Dieu fit l’homme, à l’IMAGE de Dieu il le fit, mâle et femelle il les fit, et il les bénit. Il dit alors : A l’IMAGE de Dieu il le fit, et il se tut sur la ressemblance : cela indique seulement que l’homme a reçu la dignité de l’IMAGE dans sa première création, mais que la perfection de la ressemblance lui est réservée pour la consommation. C’est dire qu’il devait se la procurer lui-même par l’effort de son activité propre en imitant Dieu : la possibilité de cette perfection qui lui était donnée dès le début par la dignité de l’IMAGE, il devait à la fin, en accomplissant les oeuvres, la réaliser lui-même en ressemblance parfaite. L’apôtre Jean certifie avec plus de clarté et d’évidence qu’il en est ainsi lorsqu’il dit : Mes petits enfants, nous ne savons pas encore ce que nous serons; quand cela nous sera révélé, nous serons semblables à lui : il parle là sans aucun doute du Sauveur. Par là il indique avec une grande certitude et la fin de toutes choses – il dit qu’il l’ignore encore – et la ressemblance de Dieu à espérer, celle qui sera donnée selon la perfection des mérites. Le Seigneur lui-même dans l’Évangile la présente non seulement comme future, mais comme devant se produire par son intercession, puisqu’il daigne lui-même la demander à son Père pour ses disciples quand il dit : Père, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et : comme moi et toi nous sommes uns, ainsi qu’eux aussi soient un avec nous. Il semble par là que la ressemblance elle-même progressera, pour ainsi dire, et que de semblable on deviendra un, car sans aucun doute à la consommation ou fin Dieu est tout et en tous. Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Si quelqu’un ose attribuer une corruption atteignant la substance même à celui qui a été fait à l’IMAGE et à la ressemblance de Dieu, il étend, à ce que je pense, le motif de son impiété jusqu’au Fils de Dieu lui-même : car le Fils est aussi appelé IMAGE de Dieu dans les Écritures. Ou certainement celui qui veut qu’il en soit ainsi, qu’il accuse l’autorité de l’Écriture qui dit que l’homme a été fait à l’IMAGE de Dieu. Il est clair que les signes de cette IMAGE divine en l’homme peuvent être reconnus, non dans la forme du corps qui se corrompt, mais dans la prudence de l’intelligence, dans la justice, la modération, le courage, la sagesse, l’instruction, bref dans tout le choeur des vertus, présentes en Dieu de façon substantielle, en l’homme par son activité et l’imitation de Dieu, selon ce que dit le Seigneur dans l’Évangile : Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux, et : Soyez parfaits comme votre Père est parfait. Cela montre avec évidence qu’en Dieu toutes ces vertus existent toujours, sans pouvoir progresser ni régresser, mais que dans les hommes chacune d’elle est acquise peu à peu. Par là les hommes semblent avoir une certaine parenté avec Dieu ; puisque Dieu connaît tout et qu’aucune réalité intellectuelle ne lui est cachée – en effet Dieu seul, Père, Fils Unique et Saint Esprit, non seulement connaît ce qu’il a créé, mais encore possède la connaissance de lui-même -, l’intelligence raisonnable peut cependant, en progressant du petit jusqu’au plus grand et du visible jusqu’à l’invisible, parvenir à une compréhension plus parfaite. Elle est en effet placée dans un corps et doit progresser des réalités sensibles qui sont corporelles à celles qui ne sont pas sensibles, mais incorporelles et intellectuelles. Mais de peur qu’il ne paraisse pas convenable d’appeler non sensibles les réalités intellectuelles, nous utiliserons comme exemple une affirmation de Salomon : Tu trouveras aussi une sensibilité divine. Cela montre que les réalités intellectuelles sont cherchées non avec un sens corporel, mais avec un autre sens appelé divin. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

En outre les Écritures ont été rédigées par l’action de l’Esprit de Dieu et n’ont pas seulement pour sens celui qui apparaît clairement, mais un autre aussi qui échappe à la plupart. Ce qui y est décrit est la figure de certains mystères et l’IMAGE des réalités divines. A ce sujet toute l’Église est unanime : Toute la loi est spirituelle, cependant ce que signifie spirituellement la loi n’est pas connu de tous, mais de ceux-là qui ont reçu la grâce du Saint Esprit dans la parole de sagesse et de connaissance. Préface

Mais passons à la parole de l’Évangile : Dieu est esprit (souffle), et montrons comment il faut la comprendre d’après ce que nous avons dit. Demandons-nous quand le Sauveur l’a prononcée, et près de qui, et ce qu’il cherchait. Nous trouvons sans aucun doute qu’il parlait à une Samaritaine, celle qui pensait qu’il fallait adorer Dieu sur le mont Garizim selon l’avis des Samaritains ; c’est alors qu’il dit : Dieu est esprit. La Samaritaine, pensant qu’il était un Juif ordinaire, lui demandait s’il fallait adorer Dieu à Jérusalem ou sur cette montagne : Tous nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites que c’est à Jérusalem qu’il faut adorer. A cette opinion de la Samaritaine, pensant à un privilège possédé par des lieux corporels, suivant lequel on adore Dieu à tort ou à raison si on le fait avec les Juifs à Jérusalem ou avec les Samaritains sur le mont Garizim, le Sauveur répondit qu’il ne faut pas se préoccuper de lieux corporels pour suivre Dieu : L’heure vient où ce n’est pas à Jérusalem ni sur cette montagne que les vrais adorateurs adoreront le Père. Dieu est esprit et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit et en vérité. Constatons le rapport qu’il a mis entre vérité et esprit : il a opposé l’esprit aux corps, la vérité à l’ombre et à l’IMAGE. Ceux qui adoraient à Jérusalem adoraient Dieu en se consacrant à l’ombre et à l’IMAGE des réalités célestes, mais non à la vérité ni à l’esprit; pareillement ceux qui adoraient sur le mont Garizim. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section

Voyons cependant comment nous pouvons appuyer ce que nous venons de dire sur l’autorité de la divine Écriture. L’apôtre Paul dit que le Fils unique est l’Image du Dieu invisible, le premier-né de toute créature; écrivant aux Hébreux, il l’appelle le rayonnement de sa gloire et la figure et expression de sa substance. Nous trouvons cependant même dans la Sagesse attribuée à Salomon une description de la Sagesse de Dieu en ces termes : Elle est un souffle de la puissance de Dieu et une émanation très pure de la gloire du Tout-Puissant. C’est pourquoi rien de souillé ne peut pénétrer en elle. Car elle est le rayonnement de la lumière éternelle, le miroir sans tache de l’activité de Dieu et l’IMAGE de sa bonté. Nous parlons, comme nous l’avons dit plus haut, de la Sagesse de Dieu, qui a reçu son être substantiel en celui-là seul qui est le principe de tout et dont elle est née. Et cette Sagesse, puisqu’elle est identique à celui qui seul est fils par nature, est appelée Fils unique. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Le Fils en effet est la Parole, et pour cela il ne faut rien entendre de sensible en lui ; il est la Sagesse, et dans la Sagesse il n’y a rien de corporel à soupçonner; il est la vraie lumière qui éclaire tout homme venant en ce monde, mais il n’a rien de commun avec la lumière de notre soleil. Notre Sauveur est donc l’IMAGE du Dieu invisible, le Père : en relation avec le Père il est Vérité ; en relation à nous, à qui il révèle le Père, il est l’IMAGE par laquelle nous connaissons le Père que personne d’autre ne connaît si ce n’est le Fils et celui à qui le Fils aura voulu le révéler. Il révèle par le fait d’être lui-même compris. Dès qu’il est lui-même compris, le Père est en conséquence compris lui aussi, selon ce que le Christ a dit : Qui m’a vu a vu aussi le Père. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Voyons encore ce qu’il faut penser de ce que nous lisons dans la Sagesse de Salomon au sujet de la Sagesse : elle est un souffle de la puissance de Dieu et une émanation très pure de la gloire du Tout-Puissant, le rayonnement de la lumière éternelle et le miroir sans tache de l’activité ou de la puissance de Dieu et l’IMAGE de sa bonté. Cet écrit donne donc de Dieu cinq désignations et par chacune il indique certains attributs de la Sagesse de Dieu : il nomme en effet la puissance de Dieu, la gloire, la lumière éternelle, l’activité et la bonté. Il appelle la Sagesse un souffle, mais non de la gloire du Tout-Puissant, ni de la lumière éternelle, ni de l’activité du Père, ni de sa bonté, car à aucun de ces termes il ne convenait d’attribuer le souffle : mais, en toute propriété de termes, il a dit que la Sagesse est un souffle de la puissance de Dieu. Il faut comprendre cette puissance de Dieu comme celle qui le rend vigoureux, qui lui permet d’établir, de contenir, de gouverner tout le visible et l’invisible, de suffire à tout ce dont il assume la providence : à tout cela cette puissance est unie et présente. Bien que de cette puissance si immense ce souffle et, pour ainsi dire, cette vigueur elle-même, devenue un être subsistant en propre, procède de cette même puissance comme la volonté de l’intelligence, en tant que volonté même de Dieu, elle devient néanmoins Puissance de Dieu. Elle est alors une autre puissance subsistant en propre et, comme le dit l’Écriture, un souffle de la puissance de Dieu première et inengendré, tirant d’elle tout ce qu’elle est : il n’y a pas eu en effet de moment où elle n’était pas. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Mais puisque parfois les défenseurs de cette hérésie ont coutume de tromper par des sophismes captieux les coeurs des plus simples, je ne crois pas absurde d’exposer leurs raisonnements habituels pour réfuter leurs tromperies et leurs mensonges. Ils disent donc : il est écrit : Dieu personne ne l’a vu. Or ce Dieu que Moïse a prêché, Moïse l’a vu, et avant lui les patriarches. Mais celui qu’annonce le Sauveur, personne absolument ne l’a vu. Demandons-leur donc si celui qu’ils reconnaissent Dieu et qu’ils disent autre que le Dieu créateur, ils le croient visible ou invisible. S’ils le disent visible, d’une part on leur reprochera de contredire l’affirmation de l’Écriture qui appelle le Sauveur l’IMAGE du Dieu invisible, le premier-né de toute créature, d’autre part et surtout de tomber dans l’absurdité en disant Dieu corporel. Car rien ne peut être vu sinon par sa forme, grandeur et couleur qui sont le propre des corps. Et si on déclare que Dieu est corps, puisque tout corps est fait de matière, en conséquence Dieu est fait de matière ; s’il est fait de matière, puisque sans aucun doute la matière est corruptible, Dieu sera donc selon eux corruptible. Nous leur demanderons de nouveau : La matière a-t-elle été faite ou est-elle incréée, c’est-à-dire non faite ? S’ils disent qu’elle n’a pas été faite, c’est-à-dire qu’elle est incréée, nous leur poserons cette question : Dieu est-il une partie de la matière et le monde aussi une partie ? S’ils répondent que la matière a été faite, il s’ensuit sans aucun doute qu’ils reconnaissent comme fait celui qu’ils disent Dieu : ce qu’assurément n’admettent ni leur doctrine ni la nôtre. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Première section

Mais après toutes ces merveilles et magnificences, la capacité d’étonnement de l’intelligence humaine est complètement dépassée et la fragilité d’un entendement mortel ne voit pas comment elle pourrait penser et comprendre que cette Puissance si grande de la majesté divine, cette Parole du Père lui-même, cette Sagesse de Dieu dans laquelle ont été créés tout le visible et tout l’invisible, ait pu, comme il faut le croire, exister dans les étroites limites d’un homme qui s’est montré en Judée, et bien mieux que la Sagesse de Dieu ait pénétré dans la matrice d’une femme, soit née comme un petit enfant, ait émis des vagissements à la manière des nourrissons qui pleurent; et ensuite qu’elle ait été troublée par sa mort, comme on le rapporte et comme Jésus le reconnaît lui-même : Mon âme est triste jusqu’à la mort; et enfin qu’elle ait été conduite à la mort que les hommes jugent la plus indigne, bien qu’elle soit ressuscitée le troisième jour après. Tantôt nous voyons en lui certains traits humains qui paraissent ne différer en rien de la fragilité commune des mortels, tantôt des traits si divins qu’ils ne conviennent à personne d’autre qu’à la nature première et ineffable de la divinité : aussi l’entendement humain reste immobile par suite de son étroitesse et frappé d’une telle stupéfaction qu’il ignore où aller, que tenir, vers où se tourner. Pense-t-il le Dieu, il voit le mortel. Pense-t-il l’homme, il l’aperçoit, ayant vaincu le règne de la mort, revenir des morts avec ses dépouilles. C’est pourquoi ce mystère doit être contemplé en toute crainte et révérence pour montrer en un seul et même être la vérité de chaque nature, afin de ne rien penser d’indigne et d’indécent sur cet être substantiel divin et ineffable, ni juger au contraire que ce qu’il a fait soit l’illusion d’une imagination fausse. Exposer cela à des oreilles humaines et l’expliquer par des paroles excède de beaucoup les possibilités de notre mérite, de notre talent et de notre discours. Je juge que cela dépasse même la mesure des saints apôtres : bien mieux l’explication de ce mystère est peut-être au-dessus des puissances célestes de toute la création. Ce n’est pas cependant par témérité, mais parce que la suite du développement le demande, que nous exposerons en peu de mots, plutôt ce que notre foi contient que ce que les assertions de la raison humaine pourraient revendiquer, en présentant davantage ce que nous supposons que des affirmations manifestes. Donc le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, le visible et l’invisible, comme nous l’a appris plus haut cette discussion, a fait toute chose, selon l’attestation de l’Écriture, et aime tout ce qu’il a fait. Car, alors que du Dieu invisible il est lui-même l’IMAGE invisible, il a donné à toutes les créatures raisonnables de participer à lui de telle sorte que chaque créature adhère à lui par le sentiment de l’amour dans la mesure où elle participe davantage à lui. Mais puisque la faculté du libre arbitre a mis une variété et une diversité parmi les intelligences, les unes ayant un amour plus ardent envers leur créateur, les autres un amour plus faible et plus chétif, cette âme, dont Jésus dit : Personne ne m’ôte mon âme, adhérant à lui depuis sa création et dans la suite d’une manière inséparable et indissociable, comme à la Sagesse et à la Parole de Dieu, à la Vérité et à la Vraie Lumière, le recevant tout entier en elle tout entière et se changeant en sa lumière et en sa splendeur, est devenue avec lui dans son principe un seul esprit, de même que l’apôtre a promis à ceux qui devaient imiter cette âme que : Celui qui se joint au Seigneur est un seul esprit avec lui. De cette substance de l’âme servant d’intermédiaire entre un Dieu et la chair – car il n’était pas possible que la nature d’un Dieu se mêlât à la chair sans médiateur – naît, comme nous l’avons dit, le Dieu-Homme : cette substance était l’intermédiaire, car il n’était pas contre nature pour elle d’assumer un corps. Et de même il n’était pas contre nature que cette âme, substance raisonnable, puisse contenir Dieu, puisque, nous l’avons dit plus haut, elle s’était déjà toute changée en lui, comme en la Parole, la Sagesse et la Vérité. C’est pourquoi, à bon droit, parce qu’elle était tout entière dans le Fils de Dieu ou qu’elle contenait tout entier en elle le Fils de Dieu, elle est appelée elle-même, avec la chair qu’elle a assumée, Fils de Dieu et Puissance de Dieu, Christ et Sagesse de Dieu ; et réciproquement, le Fils de Dieu par qui tout a été créé est nommé Jésus-Christ et Fils de l’homme. Car on dit que le Fils de Dieu est mort, à savoir à cause de cette nature qui pouvait parfaitement recevoir la mort ; et il est appelé Fils de l’homme, celui que l’on prêche comme devant venir dans la gloire de DieuDieu le Père avec les saints anges. Pour cette raison, dans toute l’Écriture la divine nature est appelée par des vocables humains et la nature humaine est ornée des titres réservés à Dieu. Dans ce cas plus que dans tout autre, on peut dire ce qui est écrit : Ils seront les deux dans une chair une: désormais ils ne sont plus deux, mais une chair une. Car la Parole de Dieu est bien plus avec son âme dans une chair une que ce que l’on pense du mari avec son épouse. Mais à qui convient-il mieux d’être un seul esprit avec Dieu qu’à cette âme qui s’est si bien jointe à Dieu par l’amour qu’elle peut être dite à bon droit un seul esprit avec lui. La perfection de l’amour et la sincérité d’une affection pure ont fait l’unité inséparable de cette âme avec un Dieu, tellement que l’assomption de cette âme n’est pas le produit du hasard ni le résultat d’une partialité envers une personne, mais vient du mérite de ses vertus. C’est ce que dit le prophète s’adressant à elle : Tu as aimé la justice et haï l’iniquité: c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a ointe de l’huile de joie plus que tes participants. A cause du mérite de son amour elle est ointe de l’huile de joie, c’est-à-dire l’âme avec la Parole de Dieu devient le Christ. Etre oint de l’huile de joie ne veut pas dire autre chose qu’être rempli de l’Esprit Saint. Ce qui est dit : plus que tes participants, indique que la grâce de l’Esprit ne lui a pas été donnée comme aux prophètes, mais qu’elle avait en elle la plénitude substantielle de la Parole de Dieu, selon l’Apôtre : En qui habite corporellement la plénitude de la divinité. Et enfin il n’est pas dit seulement : Tu as aimé la justice, mais : Et tu as haï l’iniquité. Haïr l’iniquité revient à ce que l’Écriture dit du Christ : Il n’a pas commis de péché et on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche, et : Il a été éprouvé en tout de manière semblable sans péché. Mais le Seigneur lui-même dit : Qui de vous me convainc de péché ? De nouveau il dit de lui-même : Voici que vient le prince de ce monde et en moi il ne trouve rien. Tout cela montre qu’il n’y a en lui aucune pensée de péché. Le prophète exprime avec plus de clarté encore que jamais aucune pensée d’iniquité n’est entrée en lui quand il dit : Avant que l’enfant ait su appeler son père ou sa mère, il s’est détourné de l’iniquité. Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section

L’Évangile dit des intendants déshonnêtes qu’ils seront coupés en deux et qu’une partie d’eux sera mise parmi les infidèles, comme si cette partie qui ne leur serait pas propre serait à mettre ailleurs : il indique sans aucun doute la manière dont sont châtiés ceux dont, à ce qu’il me semble, l’esprit est représenté comme devant être séparé de l’âme. Si cet esprit est à comprendre comme étant de nature divine, c’est-à-dire l’Esprit Saint, nous penserons que cela est dit du don de l’Esprit Saint : donné soit par le baptême, soit par la grâce de l’Esprit – puisqu’à quelqu’un est donnée la parole de sagesse ou la parole de connaissance ou d’un autre don quel qu’il soit -, s’il n’a pas été bien administré, qu’il ait été enfoui dans la terre ou enfermé dans un mouchoir, le don de l’Esprit sera assurément ôté à l’âme, et la partie qui restera, c’est-à-dire la substance de l’âme, est mise avec les infidèles, coupée et séparée de cet esprit avec lequel elle aurait dû se joindre au Seigneur pour être un seul esprit avec lui. Si cela n’est pas à entendre de l’Esprit de Dieu, mais de la nature de l’âme elle-même, ce qui est dit sa partie supérieure est ce qui a été fait à l’IMAGE de Dieu et à sa ressemblance, et l’autre partie est celle qu’elle a assumée dans la suite à cause de la chute du libre arbitre, contrairement à la nature de sa création première et de sa pureté première : c’est cette partie en tant qu’elle est amie de la matière corporelle et aimée d’elle qui sera punie en recevant le sort des infidèles. On peut enfin comprendre en un troisième sens cette division : chacun des fidèles, même le plus petit dans l’Église, est assisté par un ange selon l’Écriture, et le Sauveur rapporte que cet ange voit toujours la face de Dieu le Père; cet ange, qui ne faisait en quelque sorte qu’un avec celui qu’il gouvernait, lui est ôté par Dieu d’après ce qui est dit, si son pupille s’en rend indigne par sa désobéissance; et alors la partie, c’est-à-dire la partie de nature humaine, arrachée de sa partie divine, est envoyée avec les infidèles, parce qu’elle n’a pas gardé fidèlement les avertissements de l’ange qui lui avait été attribué par Dieu. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Seconde section

Mais ceux qui reçoivent l’interprétation des Écritures selon le sens des apôtres espèrent que ce que mangeront les saints, c’est le pain de vie qui nourrit l’âme des aliments de la vérité et de la sagesse, illumine l’intelligence et l’abreuve de la coupe de la Sagesse divine, selon ce que dit l’Écriture : La Sagesse a préparé sa table, immolé ses victimes, mélangé son vin dans le cratère et elle crie à grande voix: Venez chez moi, mangez les pains que je vous ai préparés et buvez le vin que j’ai mélangé pour vous. Nourrie de ces aliments de la Sagesse, l’intelligence est rétablie dans son intégrité et dans sa perfection, dans l’état où l’homme a été créé au début, à l’IMAGE de Dieu et à sa ressemblance. Et même celui qui aura quitté cette vie avec une connaissance insuffisante, mais en apportant des oeuvres dignes d’approbation, sera instruit dans cette Jérusalem, cité des saints, il recevra l’enseignement et la formation et il deviendra une pierre vive, une pierre précieuse et choisie, parce qu’il aura enduré avec courage et constance les luttes de cette vie et les combats pour la piété; et là-haut il connaîtra de manière plus vraie et plus claire ce qui lui a été dit déjà ici-bas, parce que : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Les princes et les chefs sont à entendre de ceux qui dirigent leurs inférieurs, les instruisent, les enseignent et les forment dans la connaissance des réalités divines. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section

Utilisons l’IMAGE qui suit prise à l’Évangile. Il est question d’une roche couverte d’un peu de terre superficielle : la semence qui y tombe fleurit rapidement, mais après, puisqu’elle n’a pas de racine, le soleil qui se lève la brûle et la dessèche. Cette roche c’est l’âme humaine, durcie par la négligence et pétrifiée par la malice : car à personne Dieu n’a créé un coeur de pierre, mais il devient tel par la malice. Si quelqu’un par exemple reprochait à un cultivateur de ne pas jeter plus vite les graines sur la terre pierreuse, en voyant qu’une autre terre pierreuse a déjà reçu les semences et a fleuri, ce dernier répondrait : J’ensemencerai plus tard cette terre, après avoir jeté ce qui pourra y fixer la graine, car il est préférable pour elle que j’agisse plus tardivement et plus sûrement comme le montre le cas de celle qui a reçu la semence de façon plus rapide et plus superficielle. Nous serions alors persuadés que le cultivateur a parlé raisonnablement et a agi avec compétence. De même le grand cultivateur de toute la nature diffère son aide quand il pense qu’elle serait prématurée, pour qu’elle n’agisse pas de façon superficielle. Mais vraisemblablement quelqu’un nous fera cette objection : Pourquoi alors une partie des semences tombe-t-elle sur cette âme, comparée à la pierre, qui est couverte superficiellement de terre ? Il faut répondre qu’il est alors préférable pour elle, parce qu’elle désire avec trop de fougue les réalités supérieures et ne se soucie pas de cheminer sur la route qui mène à elles, d’obtenir ce qu’elle désire : ainsi, ayant par là reconnu sa faute, elle attendra avec patience pour recevoir plus tard du cultivateur, après beaucoup de temps, des soins conformes à la nature. Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Il faut se demander, certes, si alors, quand Dieu sera tout en tous, dans la consommation de toutes choses, toute la nature des corps aura une seule forme et toute la qualité des corps sera seulement de briller dans la gloire inénarrable qui sera attribuée, il faut le penser, au corps spirituel. Si nous comprenons bien ce qu’au début de son livre a écrit Moïse : Au début Dieu a fait le ciel et la terre, c’est là le début de toute la création, début auquel doit revenir la fin et la consommation de toutes choses, c’est-à-dire que ce ciel-là et cette terre-là soient la demeure et le repos des pieux, de sorte que d’abord les saints et les doux hériteront de cette terre, puisque l’enseignent la loi, les prophètes et l’évangile. Dans cette terre, je pense que se trouveront les modèles vrais et vivants des observances que Moïse enseignait par l’ombre de la loi. C’est pourquoi il est dit que ceux qui servaient sous la loi, servaient l’IMAGE et l’ombre des réalités célestes. A ce même Moïse, il a été dit : Prends garde à tout faire selon le modèle et à la ressemblance de ce qui t’a été montré sur la montagne. C’est pourquoi il me semble que, de même que sur cette terre la loi fut un pédagogue pour ceux qui, par elle, devaient être menés au Christ, à cause de l’enseignement et de l’instruction qu’elle leur donnait, afin qu’ils puissent plus aisément, après avoir été instruits par la loi, recevoir toute la science plus parfaite du Christ, de même cette terre qui reçoit les saints les imprègne et les forme d’abord en leur enseignant la loi éternelle, pour qu’ils puissent plus facilement recevoir l’instruction parfaite du ciel, à laquelle rien ne peut être ajouté. Ils y trouveront ce qui est appelé l’Évangile éternel et le Testament toujours nouveau qui jamais ne vieillira. Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Il faut voir si par là n’est pas indiqué ce qui suit : de même que le Deutéronome promulgue une législation plus nette et plus claire que celle qui avait d’abord été rédigée, de même, par rapport à la venue du Sauveur, celle qu’il a accomplie dans l’humilité lorsqu’il a pris la forme de l’esclave, une seconde venue plus éclatante et plus glorieuse, dans la gloire du Père, est indiquée, et alors sera réalisée l’IMAGE que donne le Deutéronome, quand tous les saints vivront dans le royaume des cieux selon les lois de cet Évangile éternel. De même que dans sa venue d’ici-bas il a accompli la loi qui possédait l’ombre des biens futurs, de même dans cette venue glorieuse il réalisera et mènera à sa perfection l’ombre de cette venue. C’est ainsi que le prophète parle de lui : Le souffle de notre visage, le Christ Seigneur, dont nous avons dit : A son ombre nous vivrons parmi les nations, puisqu’il transférera tous les saints d’une manière plus digne de l’Évangile temporel à l’Évangile éternel, selon le nom que lui donne Jean dans l’Apocalypse. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Tout homme qui se soucie de vérité ne doit guère s’occuper des mots et des paroles, car dans chaque nation il y a des usages divers concernant les mots ; il doit porter plutôt son attention sur ce qui est signifié que sur les mots qui le signifient, surtout quand il s’agit de réalités si hautes et si difficiles. Par exemple, lorsqu’on se demande s’il existe une substance à laquelle on ne peut attribuer ni couleur ni forme ni toucher ni grandeur, une substance que seule l’intelligence peut percevoir et que chacun nomme comme il veut : car les Grecs l’ont appelée asômaton, c’est-à-dire incorporelle, tandis que les divines Écritures la disent invisible, puisque l’Apôtre affirme que Dieu est invisible : il dit en effet que le Christ est l’IMAGE du Dieu invisible. Mais il dit pareillement que par le moyen du Christ tout a été créé, le visible et l’invisible. Il affirme par là qu’il y a parmi les créatures des substances invisibles selon leur nature propre. Mais ces dernières, quoique non corporelles, se servent cependant de corps, bien qu’elles soient supérieures à la nature corporelle. Mais la substance de la Trinité, principe et cause de toutes choses, de laquelle et dans laquelle tout existe, il faut croire qu’elle n’est pas un corps, ni dans un corps, mais totalement incorporelle. Tout cela nous l’avons dit brièvement, comme par digression, menés par la suite logique du développement : cela suffît à montrer qu’il y a des réalités dont la signification ne peut être expliquée adéquatement par aucun mot d’un langage humain, mais qui sont affirmées plutôt par un acte plus simple de l’intelligence que par les expressions les plus exactes. Cette règle aussi doit guider la compréhension des divines Écritures, afin d’estimer ce qui est dit non d’après le peu de valeur du style, mais selon la divinité de l’Esprit Saint qui en a inspiré la rédaction. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

D’autre part, considérons s’il ne paraît pas impie de dire que l’intelligence, capable de comprendre Dieu, puisse recevoir la mort dans sa substance : comme si le fait qu’elle puisse comprendre et penser Dieu ne pouvait pas suffire à lui conférer la perpétuité. D’autant plus que, même si l’intelligence peut tomber par négligence au point de ne pouvoir recevoir Dieu en elle avec pureté et intégrité, elle possède cependant toujours en elle comme des semences qui lui permettent de restaurer et de retrouver une meilleure compréhension, puisque l’homme intérieur, dit aussi raisonnable, est renouvelé selon l’IMAGE et la ressemblance de Dieu qui l’a créé. C’est pourquoi le prophète dit : Tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui, et toutes les patries des nations l’adoreront en sa présence. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section