homme

Tout ce que nous avons dit de la Sagesse de Dieu s’applique et s’entend aussi quand nous disons que le Fils de Dieu est Vie, Parole, Vérité, Voie, Résurrection : tous ces termes concernent ses oeuvres et ses puissances, et aucun d’eux ne permet de comprendre, même de façon fugitive, quelque chose de corporel, comme le seraient la grandeur, la forme ou la couleur. Certes, chez nous, les enfants des HOMMEs ou les petits des autres animaux correspondent à la semence des pères qui les ont engendrés et des mères qui les ont formés et nourris dans leurs entrailles, tenant d’eux tout ce qu’ils possèdent en venant au jour et tout ce qu’ils emportent dans leur croissance. Cependant il n’est pas admissible de comparer Dieu le Père dans la génération de son Fils unique, quand il lui donne l’être, à un HOMME ou à un animal qui engendre. Mais il faut que cela ait lieu autrement, de manière digne de Dieu, car absolument rien ne peut lui être comparé, non seulement dans la réalité, mais même en pensée, afin que l’HOMME puisse concevoir comment le Dieu inengendré devient père du Fils unique. Cette génération éternelle et perpétuelle est comme celle du rayonnement engendré par la lumière. En effet le Fils ne devient pas tel du dehors, par l’adoption de l’Esprit, mais il est Fils par nature. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

Voyons maintenant ce que signifie l’appellation d’image du Dieu invisible, pour voir comment Dieu peut être dit justement père de son Fils, et considérons d’abord ce que les HOMMEs nomment habituellement des images. Tantôt on appelle image ce qui est peint ou sculpté dans une matière comme le bois ou la pierre; tantôt on dit qu’un fils est l’image de son père quand la ressemblance des traits du géniteur se retrouvent sans erreur dans l’engendré. On peut, semble-t-il, appliquer le premier exemple à l’HOMME, fait à l’image et à la ressemblance de Dieu : nous en parlerons plus complètement, avec la grâce de Dieu, quand nous nous mettrons à expliquer ce passage dans la Genèse. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section

De nombreux passages des Écritures nous apprennent qu’il y a un Saint Esprit. Ainsi David dans le Psaume 50 : Ne m’ôte pas ton Esprit Saint; et Daniel : L’Esprit Saint qui est en toi. D’abondants témoignages du Nouveau Testament nous l’enseignent, lorsqu’il rapporte que l’Esprit Saint descendit sur le Christ et lorsque le Sauveur souffla sur les apôtres après la Résurrection en leur disant : Recevez l’Esprit Saint. A Marie, l’ange a annoncé : L’Esprit Saint viendra sur toi. Paul enseigne : Personne ne peut dire Jésus Seigneur, si ce n’est dans l’Esprit Saint. Et dans les Actes des Apôtres, les apôtres par l’imposition des mains donnaient l’Esprit Saint dans le baptême. Tout cela nous révèle la grande autorité et dignité qu’a l’Esprit Saint en tant qu’être substantiel, telle que le baptême de salut ne peut être accompli que par l’autorité de la Trinité la plus excellente de toutes, par l’invocation du Père, du Fils et de l’Esprit Saint, et ainsi au Père inengendré et à son Fils unique est associé le nom du Saint Esprit. N’est-il pas stupéfiant de constater la majesté de l’Esprit Saint, quand on voit que celui qui parlera mal du Fils de l’HOMME pourra espérer le pardon, mais que celui qui aura blasphémé contre l’Esprit Saint n’aura de pardon ni dans le siècle présent ni dans le futur ? Tout a été créé par Dieu et il n’y a pas d’être qui n’ait reçu de lui l’existence : cela est affirmé par de nombreux passages de toute l’Écriture et permet de rejeter et de réfuter des fausses affirmations faites par certains, au sujet de la matière qui serait coéternelle à Dieu, au sujet des âmes qui seraient inengendrées, Dieu ayant mis en elles non tant l’existence que la qualité et l’ordonnance de la vie. Car dans le petit livre du Pasteur, l’Ange de la Pénitence, rédigé par Hermas, il est écrit : Crois avant tout qu’il y a un seul Dieu qui a tout créé et ordonné; qui, alors que rien n’était, a tout fait; qui contient toutes choses et n’est contenu par aucune. On trouve des affirmations semblables dans le Livre d’Enoch. Mais jusqu’à présent nous n’avons pu trouver dans les Écritures saintes aucune parole disant que le Saint Esprit ait été fait ou créé, même pas de la manière dont nous avons vu Salomon parler de la Sagesse, ou selon les explications que nous avons données de la Vie, de la Parole et des autres dénominations du Fils de Dieu. L’Esprit de Dieu qui se déplaçait sur les eaux, comme c’est écrit, au début de la crécréation du monde, je ne le crois pas autre que l’Esprit Saint, selon ce que je puis comprendre, comme nous l’avons montré en exposant ce passage, non selon l’histoire, mais selon la compréhension spirituelle. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Puisque l’action du Père et du Fils s’exerce sur les saints et les pécheurs, elle se manifeste en ce que tous les êtres raisonnables participent à la Parole de Dieu, c’est-à-dire à la Raison, et pour cela portent en eux comme des semences de la Sagesse et de la Justice, ce qu’est le Christ. De celui qui est vraiment, qui a dit par Moïse : Je suis celui qui suis, tous les êtres tirent participation. Cette participation du Père parvient à tous, justes ou pécheurs, êtres raisonnables et déraisonnables, et absolument à tout ce qui est. L’apôtre Paul montre, certes, que tous ont la participation au Christ quand il dit : Ne dis pas dans ton coeur : Qui montera dans le ciel, c’est-à-dire pour en faire descendre le Christ ? Ou: Qui descendra dans l’abîme, c’est-à-dire pour rappeler le Christ des morts ? Mais que dit l’Écriture: La Parole est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur. Par là il signifie que le Christ est dans le coeur de tous, en tant que Parole ou Raison, dont la participation fait les êtres raisonnables. Ce texte de l’Évangile : Si je n’étais pas venu et si je ne leur avais pas parlé, ils n’auraient pas de péché; maintenant ils n’ont pas d’excuse pour leur péché est clair pour ceux qui savent expliquer jusqu’à quel moment l’HOMME n’a pas de péché et à quel âge il devient sujet au péché : on voit ainsi comment, à cause de leur participation à la Parole ou à la Raison, on dit que les HOMMEs ont le péché, à savoir à partir du moment où ils sont devenus capables de compréhension et de connaissance, lorsque la raison, mise à l’intérieur d’eux-mêmes, leur aura apporté le discernement du bien et du mal. Lorsqu’ils ont commencé à savoir ce qu’est le mal, s’ils le font, ils deviennent coupables de péché. C’est ce que veut dire : Les HOMMEs n’ont pas d’excuse pour leur péché : la parole ou raison divine a commencé à leur montrer dans le coeur le discernement du bien et du mal, pour qu’ils puissent ainsi échapper au mal et s’en garder; qui connaît le bien et ne le fait pas, est-il écrit, le péché est en lui. De même, aucun HOMME n’est hors de la communion de Dieu ; l’Évangile l’enseigne par la bouche du Sauveur : Le royaume de Dieu ne se laisse pas observer quand il vient et on ne dit pas : Le voici ici ou là. Mais le royaume de Dieu est au dedans de vous. Il faut voir aussi si on ne trouve pas la même signification dans cette parole de la Genèse : Et il souffla sur sa face un souffle de vie et l’HOMME fut fait comme une âme vivante. S’il faut comprendre que cela a été donné à tous les HOMMEs en général, tous les HOMMEs ont une participation à Dieu ; s’il faut entendre de l’Esprit de Dieu cette parole, puisque Adam lui-même, semble-t-il, a prophétisé sur plusieurs points, on ne peut l’appliquer de façon générale, mais seulement à quelques saints. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Enfin, au temps du Déluge, lorsque tout être de chaire eut perverti la conduite fixée par Dieu, Dieu a dit, d’après l’Écriture, comme s’il parlait d’indignes et de pécheurs : Mon Esprit ne restera plus jamais dans ces HOMMEs, parce qu’ils sont pécheurs. Cela manifeste que de tous les indignes est enlevé l’Esprit de Dieu. Il est écrit aussi dans les Psaumes : Tu leur enlèveras ton Esprit et ils défailliront et reviendront dans leur terre. Tu leur enverras ton Esprit et ils seront créés et tu renouvelleras la face de la terre : cela s’applique clairement au Saint Esprit, afin que, lorsque sont ôtés et détruits les pécheurs et les indignes, il crée lui-même un peuple nouveau et renouvelle la face de la terre, quand avec la grâce de l’Esprit, ils auront déposé le vieil HOMME avec ses oeuvres et se conduiront désormais selon une vie nouvelle. C’est pourquoi on a raison de dire que l’Esprit Saint habite, non dans ceux qui sont chair, mais dans ceux dont la terre a été renouvelée. L’Esprit Saint était pour cette raison transmis par l’imposition des mains des apôtres, après la grâce et le renouvellement apportés par le baptême. Et le Sauveur lui-même après sa résurrection, lorsque les réalités anciennes eurent passé et que tout eut été fait neuf, puisqu’il était lui-même l’HOMME nouveau et le premier-né des morts, dit à ses apôtres, pareillement rénovés par l’évidence de sa résurrection : Recevez l’Esprit Saint. C’est assurément ce que notre Seigneur et Sauveur indiquait dans l’Évangile, lorsqu’il refusait de mettre le vin nouveau dans de vieilles outres, mais qu’il ordonnait à ces outres de devenir neuves, c’est-à-dire lorsqu’il prescrivait aux HOMMEs une conduite conforme à cette vie nouvelle, pour qu’ils puissent recevoir le vin nouveau, c’est-à-dire la nouveauté de la grâce de l’Esprit Saint. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

De cette manière l’action de la puissance de Dieu, Père et Fils, s’étend sans distinction sur toute créature, mais nous trouvons que seuls les saints possèdent la participation au Saint Esprit. C’est pourquoi il est dit : Personne ne peut dire: Jésus est Seigneur, sinon dans l’Esprit Saint. Et c’est à peine une fois que les apôtres ont mérité d’entendre : Vous recevrez la puissance de l’Esprit Saint venant sur vous. C’est ainsi que je pense logique que celui qui a péché contre le Fils de l’HOMME soit digne de pardon, parce que celui qui participe à la Parole – ou à la Raison -, s’il cesse de vivre de façon raisonnable, on jugera qu’il est tombé dans l’ignorance ou la sottise et qu’il peut donc mériter le pardon; mais celui qui a été digne de participer au Saint Esprit et est revenu en arrière, est considéré comme ayant, par le fait même et par son action, blasphémé contre l’Esprit Saint. LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section

Par ailleurs nous trouvons un même enseignement concernant une autre puissance contraire dans le prophète Isaïe : Comment est-il tombé du ciel, Lucifer, celui qui se levait à l’aurore ? Il a été brisé et abattu sur terre, celui qui attaquait toutes les nations. Tu as dit dans ton coeur: Je monterai au ciel, au-dessus des étoiles du ciel je placerai mon trône, je siégerai sur un mont plus haut que toutes les montagnes les plus élevées qui sont au nord, je monterai sur les nuées, je serai semblable au Très-Haut. Maintenant, au contraire, tu seras plongé dans l’Hadès et dans les profondeurs de la terre. Ceux qui t’auront vu seront dans la stupéfaction à ton sujet et diront: Voici l’HOMME qui irritait toute la terre, qui renversait les rois, qui a fait de toute la terre un désert, qui a détruit les villes et qui n’a pas libéré ceux qui se trouvaient en prison. Tous les rois des nations se sont endormis avec honneur, chacun dans sa maison; toi, tu seras jeté dans les montagnes comme un mort abominable, au milieu de nombreux morts qui ont été percés du glaive et sont descendus dans l’Hadès. Comme un vêtement durci et souillé par le sang ne sera pas pur, ainsi toi non plus tu ne seras pas pur, parce que tu as dévasté ma terre et tué mon peuple : tu ne demeureras pas éternellement, engeance très mauvaise. Prépare tes fils à être tués pour les péchés de leur père, pour qu’ils ne se relèvent plus, qu’ils ne possèdent plus le pays en héritage et qu’ils ne remplissent plus la terre de guerres. Je me lèverai contre eux, dit le Seigneur Sabaoth, et je ferai disparaître leur nom, leurs restes et leur semence. Cela montre très clairement qu’il est assurément tombé du ciel, celui qui était auparavant Lucifer et qui se levait à l’aurore. Si, comme certains le pensent, il était de la nature des ténèbres, comment l’appelle-t-on auparavant Lucifer ? Comment pouvait-il se lever à l’aurore, lui qui n’avait en lui rien de la lumière ? Mais le Seigneur lui-même nous enseigne ce qui suit du Diable : Voici que je vois Satan tombé du ciel comme la foudre. Il fut donc jadis lumière. Mais notre Seigneur, qui est la Vérité, a comparé cependant à la foudre la grandeur de sa venue glorieuse : Comme la foudre brille d’un sommet du ciel à un autre sommet du ciel, ainsi sera aussi la venue du Fils de l’HOMME. Et il compare malgré cela Satan à la foudre, et il dit qu’il est tombé du ciel pour montrer qu’il a été lui-même jadis dans le ciel, qu’il eut place parmi les saints, qu’il a participé à la lumière à laquelle tous les saints participent, cette lumière qui fait les anges de lumière et qui fait appeler les apôtres par le Seigneur lumière du monde. De la même manière, il était donc jadis lumière avant de prévariquer et de tomber en ce lieu, avant que sa gloire ne se change en poussière, ce qui est le propre des impies, comme le dit le prophète. Et c’est pourquoi il est appelé Prince de ce monde, c’est-à-dire de cette habitation terrestre; et il gouverne ceux qui l’ont suivi dans sa malice puisque ce monde tout entier – j’appelle maintenant monde ce lieu terrestre – est placé sous le pouvoir du Malin, c’est-à-dire de cet apostat. Il est donc un apostat – c’est-à-dire un transfuge -, et c’est le Seigneur qui le dit dans le Livre de Job : Tu prendras à l’hameçon le dragon apostat, c’est-à-dire transfuge. Il est certain en effet que ce dragon désigne le Diable. LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section

Nous voyons ce qu’est la fin, lorsque tous les ennemis seront soumis au Christ, lorsque le dernier ennemi sera détruit, la mort, et lorsque la royauté sera transmise à Dieu le Père par le Christ à qui tout a été soumis : à partir de cette fin, dis-je, examinons les commencements des choses. La fin est en effet toujours semblable au commencement : et c’est pourquoi, de même que la fin de toutes choses est l’unité, de même il faut comprendre que le commencement de tout est l’unité. Comme cette fin unique est celle de nombreux êtres, ainsi à partir d’un commencement unique, il y a beaucoup de différences et de variétés qui de nouveau, par la bonté de Dieu, la soumission du Christ et l’unité de l’Esprit Saint, sont ramenées à une seule fin semblable au début. Il s’agit de tous ceux qui, fléchissant le genou devant Jésus, donnent par là témoignage de leur soumission, parmi les êtres célestes, terrestres et infernaux : ces trois catégories désignent tout l’univers, c’est-à-dire ceux qui, à partir d’un commencement unique, se comportant de façon variée chacun de son propre mouvement, ont été répartis en divers ordres selon leur mérite ; car la bonté n’était pas en eux de façon substantielle, comme en Dieu, dans son Christ et dans le Saint Esprit. Dans cette Trinité seule, qui est l’auteur de tout, la bonté est présente de façon substantielle : tous les autres êtres ont une bonté accidentelle et qui peut défaillir ; ils sont donc dans la béatitude quand ils participent à la sainteté, à la sagesse et à la divinité elles-mêmes. Si cependant ils négligent cette participation et ne s’en occupent pas, alors par la faute de leur propre paresse, l’un plus tôt, l’autre plus tard, un troisième plus ou moins profondément, chacun devient pour lui-même cause de sa chute et de sa déchéance. Et puisque, comme nous l’avons dit, cette chute ou cette déchéance, qui éloigne chacun de son état, se produit avec une très grande diversité selon les mouvements de l’intelligence et de la volonté qui font pencher vers le bas, l’un plus légèrement, l’autre plus lourdement, en cela le jugement de la providence de Dieu est juste, car il atteint chacun selon la diversité de ses mouvements dans la mesure de son éloignement et de son agitation. Certes, parmi ceux qui sont restés dans l’état initial, que nous avons décrit semblable à la fin à venir, les uns obtiennent par eux-mêmes dans l’ordonnance et le gouvernement de l’univers le rang des anges, d’autres celui des Vertus, d’autres celui des Principautés, d’autres celui des Puissances – par là évidemment ils exercent leur puissance sur ceux qui ont besoin d’avoir la puissance sur leur tête -, d’autres l’ordre des Trônes, ayant la charge de juger et de diriger ceux qui en ont besoin, d’autres la Domination, sans aucun doute sur des serviteurs : tout cela leur est accordé par la divine providence selon un jugement équitable et juste, d’après leur mérite et leurs progrès, qui les ont fait croître dans la participation et l’imitation de Dieu. Mais ceux qui se sont écartés de l’état de béatitude première, non cependant de façon irrémédiable, sont soumis aux ordres saints et bienheureux que nous avons décrits plus haut, pour être gouvernés et dirigés, afin que, s’ils usent de leur aide, s’ils se réforment d’après leurs instructions et leurs doctrines salutaires, ils puissent revenir à leur état bienheureux et y être rétablis. C’est avec ceux-ci, autant que je puisse le penser, qu’a été constitué cet ordre du genre humain, qui assurément dans le siècle futur ou dans les siècles qui surviendront, lorsqu’il y aura selon Isaïe un ciel nouveau et une terre nouvelle, sera rétabli dans cette unité que promet le Seigneur Jésus lorsqu’il dit à Dieu le Père au sujet de ses disciples : Ce n’est pas pour eux seuls que je te prie, mais pour tous ceux qui croiront par leur parole en moi, afin que tous soient un, comme moi je suis en toi, Père, et toi en moi, afin que ceux-ci soient un en nous. Il ajoute : Afin qu’ils soient un, comme nous, nous sommes un, moi en eux et toi en moi, afin qu’ils soient eux-mêmes consommés en un. L’apôtre Paul lui aussi le confirme : Jusqu’à ce que nous parvenions tous à l’unité de la foi pour former l’HOMME parfait, dans la mesure de la pleine maturité du Christ. Et de même cet apôtre nous exhorte, alors que nous sommes encore dans la vie présente, dans l’Église, où se trouve assurément la figure du royaume à venir, à une unité semblable à celle-là : Afin que vous disiez tous les mêmes choses et qu’il n’y ait pas parmi vous de dissensions, afin que vous soyez parfaits dans une seule et même pensée, dans une seule et même opinion. LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section

Puisque la logique de cette discussion montre que les astres sont des êtres animés et raisonnables, il faut voir s’ils ont reçu leurs âmes en même temps que leurs corps, au moment que désigne l’Écriture : Dieu fit deux grands luminaires, un plus grand pour gouverner le jour et un plus petit pour gouverner la nuit, ainsi que des étoiles, ou si l’esprit a été inséré, non à la création même des corps, mais du dehors, une fois les corps créés. Quant à moi je présume que l’esprit a été inséré du dehors, mais il paraîtra important de montrer cela à partir des Écritures. Cela semblera facile à affirmer par manière de conjecture, mais assurément plus difficile par le témoignage des Écritures. Car il est possible de le montrer ainsi par manière de conjecture. S’il est prouvé que l’âme de l’HOMME, assurément inférieure à celle des astres, puisqu’elle est l’âme de l’HOMME, n’a pas été façonnée avec le corps, mais a été effectivement insérée de l’extérieur, à plus forte raison est-ce le cas des âmes de ces êtres animés qui sont appelés célestes. Car en ce qui regarde l’HOMME, comment paraîtra-t-elle façonnée avec le corps l’âme de celui qui dans le ventre maternel a supplanté son frère, c’est-à-dire Jacob ? Ou comment a-t-elle été façonnée ou modelée avec le corps l’âme de celui qui, encore dans le ventre de sa mère, a été rempli de l’Esprit Saint ? Je parle de Jean, transporté de joie dans le sein de sa mère et s’agitant, pris d’une grande exultation, parce que la voix de la salutation de Marie était parvenue aux oreilles d’Elisabeth sa mère. Comment a-t-elle été façonnée et modelée avec le corps l’âme de celui qui est dit connu par Dieu avant d’être formé dans le sein et sanctifié par lui avant de sortir de la matrice ? A moins que Dieu ne paraisse remplir certains de l’Esprit Saint sans jugement et sans considération de leurs mérites et les sanctifier sans raison. Comment alors échapperons-nous à cette parole : Y a-t-il injustice auprès de Dieu ? Loin de là ! Ou à cette autre : Y a-t-il acception de personnes auprès de Dieu ? C’est à une telle conclusion qu’aboutit cependant la défense de l’assertion qui fait exister les âmes la même longueur de temps que les corps. Ce qu’on peut conjecturer par comparaison avec la situation humaine paraît s’appliquer encore plus logiquement aux êtres célestes : la raison de l’HOMME elle-même et l’autorité de l’Écriture semblent le montrer. LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section

Mais de nouveau ils nous ramènent aux paroles de l’Écriture en posant leur fameuse question. Il est écrit, disent-ils, qu’un arbre bon ne peut pas produire de mauvais fruits ni un arbre mauvais de bons fruits : par son fruit on reconnaît l’arbre. Qu’en est-il donc, disent-ils ? De quelle nature est l’arbre de la loi, cela est manifesté par ses fruits, c’est-à-dire par les paroles de ses préceptes. Si on trouve la loi bonne, sans aucun doute on peut croire que celui qui l’a donnée est aussi le Dieu bon ; mais si elle est plus juste que bonne, on pensera que son Dieu est un législateur juste. L’apôtre Paul n’a employé aucune circonlocution pour dire : Donc la loi est bonne, le commandement saint, juste et bon. De là il est clair que Paul ne s’était pas instruit dans les écrits de ceux qui séparent le juste du bon, mais avait été enseigné par ce Dieu et illuminé par l’Esprit de ce Dieu qui est à la fois saint, bon et juste : parlant par son Esprit, il disait que le commandement de la loi est saint, juste et bon. Pour montrer avec plus d’évidence qu’il y a dans le commandement plus de bonté encore que de sainteté et de justice, il répète sa parole en parlant seulement de la bonté au lieu des trois : Ce qui est donc bon serait mort pour moi ? Qu’il n’en soit pas ainsi. Parce qu’il savait que, parmi les vertus, la bonté représente le genre, la justice et la sainteté les espèces du genre, voilà pourquoi, alors que plus haut il avait nommé le genre et les espèces, en redisant cette parole il a répété seulement le genre. Mais dans ce qui suit il dit : Le péché, par le bien, a opéré en moi la mort. Là il conclut par le genre ce qu’il avait exposé auparavant par les espèces. Il faut comprendre aussi de la même manière ces paroles : L’HOMME bon, du bon trésor de son coeur, profère le bien et l’HOMME mauvais, de son mauvais trésor, le mal. Ici aussi l’auteur a pris le genre, bien ou mal, montrant sans aucun doute qu’il y a dans l’HOMME bon la justice, la tempérance, la prudence, la piété (ou miséricorde) et tout ce qui peut être dit ou compris bon. Pareillement il a parlé de l’HOMME mauvais, qui serait certainement injuste, impur, impie et tout ce qui forme l’HOMME mauvais dans ses divers éléments. De même que sans ces malices on ne peut penser qu’un HOMME est mauvais et qu’il ne peut être mauvais, de même sans ces vertus il est certain que personne ne peut être jugé bon. Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section

Mais après toutes ces merveilles et magnificences, la capacité d’étonnement de l’intelligence humaine est complètement dépassée et la fragilité d’un entendement mortel ne voit pas comment elle pourrait penser et comprendre que cette Puissance si grande de la majesté divine, cette Parole du Père lui-même, cette Sagesse de Dieu dans laquelle ont été créés tout le visible et tout l’invisible, ait pu, comme il faut le croire, exister dans les étroites limites d’un HOMME qui s’est montré en Judée, et bien mieux que la Sagesse de Dieu ait pénétré dans la matrice d’une femme, soit née comme un petit enfant, ait émis des vagissements à la manière des nourrissons qui pleurent; et ensuite qu’elle ait été troublée par sa mort, comme on le rapporte et comme Jésus le reconnaît lui-même : Mon âme est triste jusqu’à la mort; et enfin qu’elle ait été conduite à la mort que les HOMMEs jugent la plus indigne, bien qu’elle soit ressuscitée le troisième jour après. Tantôt nous voyons en lui certains traits humains qui paraissent ne différer en rien de la fragilité commune des mortels, tantôt des traits si divins qu’ils ne conviennent à personne d’autre qu’à la nature première et ineffable de la divinité : aussi l’entendement humain reste immobile par suite de son étroitesse et frappé d’une telle stupéfaction qu’il ignore où aller, que tenir, vers où se tourner. Pense-t-il le Dieu, il voit le mortel. Pense-t-il l’HOMME, il l’aperçoit, ayant vaincu le règne de la mort, revenir des morts avec ses dépouilles. C’est pourquoi ce mystère doit être contemplé en toute crainte et révérence pour montrer en un seul et même être la vérité de chaque nature, afin de ne rien penser d’indigne et d’indécent sur cet être substantiel divin et ineffable, ni juger au contraire que ce qu’il a fait soit l’illusion d’une imagination fausse. Exposer cela à des oreilles humaines et l’expliquer par des paroles excède de beaucoup les possibilités de notre mérite, de notre talent et de notre discours. Je juge que cela dépasse même la mesure des saints apôtres : bien mieux l’explication de ce mystère est peut-être au-dessus des puissances célestes de toute la création. Ce n’est pas cependant par témérité, mais parce que la suite du développement le demande, que nous exposerons en peu de mots, plutôt ce que notre foi contient que ce que les assertions de la raison humaine pourraient revendiquer, en présentant davantage ce que nous supposons que des affirmations manifestes. Donc le Fils unique de Dieu, par qui tout a été fait, le visible et l’invisible, comme nous l’a appris plus haut cette discussion, a fait toute chose, selon l’attestation de l’Écriture, et aime tout ce qu’il a fait. Car, alors que du Dieu invisible il est lui-même l’image invisible, il a donné à toutes les créatures raisonnables de participer à lui de telle sorte que chaque créature adhère à lui par le sentiment de l’amour dans la mesure où elle participe davantage à lui. Mais puisque la faculté du libre arbitre a mis une variété et une diversité parmi les intelligences, les unes ayant un amour plus ardent envers leur créateur, les autres un amour plus faible et plus chétif, cette âme, dont Jésus dit : Personne ne m’ôte mon âme, adhérant à lui depuis sa création et dans la suite d’une manière inséparable et indissociable, comme à la Sagesse et à la Parole de Dieu, à la Vérité et à la Vraie Lumière, le recevant tout entier en elle tout entière et se changeant en sa lumière et en sa splendeur, est devenue avec lui dans son principe un seul esprit, de même que l’apôtre a promis à ceux qui devaient imiter cette âme que : Celui qui se joint au Seigneur est un seul esprit avec lui. De cette substance de l’âme servant d’intermédiaire entre un Dieu et la chair – car il n’était pas possible que la nature d’un Dieu se mêlât à la chair sans médiateur – naît, comme nous l’avons dit, le Dieu-Homme : cette substance était l’intermédiaire, car il n’était pas contre nature pour elle d’assumer un corps. Et de même il n’était pas contre nature que cette âme, substance raisonnable, puisse contenir Dieu, puisque, nous l’avons dit plus haut, elle s’était déjà toute changée en lui, comme en la Parole, la Sagesse et la Vérité. C’est pourquoi, à bon droit, parce qu’elle était tout entière dans le Fils de Dieu ou qu’elle contenait tout entier en elle le Fils de Dieu, elle est appelée elle-même, avec la chair qu’elle a assumée, Fils de Dieu et Puissance de Dieu, Christ et Sagesse de Dieu ; et réciproquement, le Fils de Dieu par qui tout a été créé est nommé Jésus-Christ et Fils de l’HOMME. Car on dit que le Fils de Dieu est mort, à savoir à cause de cette nature qui pouvait parfaitement recevoir la mort ; et il est appelé Fils de l’HOMME, celui que l’on prêche comme devant venir dans la gloire de DieuDieu le Père avec les saints anges. Pour cette raison, dans toute l’Écriture la divine nature est appelée par des vocables humains et la nature humaine est ornée des titres réservés à Dieu. Dans ce cas plus que dans tout autre, on peut dire ce qui est écrit : Ils seront les deux dans une chair une: désormais ils ne sont plus deux, mais une chair une. Car la Parole de Dieu est bien plus avec son âme dans une chair une que ce que l’on pense du mari avec son épouse. Mais à qui convient-il mieux d’être un seul esprit avec Dieu qu’à cette âme qui s’est si bien jointe à Dieu par l’amour qu’elle peut être dite à bon droit un seul esprit avec lui. La perfection de l’amour et la sincérité d’une affection pure ont fait l’unité inséparable de cette âme avec un Dieu, tellement que l’assomption de cette âme n’est pas le produit du hasard ni le résultat d’une partialité envers une personne, mais vient du mérite de ses vertus. C’est ce que dit le prophète s’adressant à elle : Tu as aimé la justice et haï l’iniquité: c’est pourquoi Dieu, ton Dieu, t’a ointe de l’huile de joie plus que tes participants. A cause du mérite de son amour elle est ointe de l’huile de joie, c’est-à-dire l’âme avec la Parole de Dieu devient le Christ. Etre oint de l’huile de joie ne veut pas dire autre chose qu’être rempli de l’Esprit Saint. Ce qui est dit : plus que tes participants, indique que la grâce de l’Esprit ne lui a pas été donnée comme aux prophètes, mais qu’elle avait en elle la plénitude substantielle de la Parole de Dieu, selon l’Apôtre : En qui habite corporellement la plénitude de la divinité. Et enfin il n’est pas dit seulement : Tu as aimé la justice, mais : Et tu as haï l’iniquité. Haïr l’iniquité revient à ce que l’Écriture dit du Christ : Il n’a pas commis de péché et on n’a pas trouvé de ruse dans sa bouche, et : Il a été éprouvé en tout de manière semblable sans péché. Mais le Seigneur lui-même dit : Qui de vous me convainc de péché ? De nouveau il dit de lui-même : Voici que vient le prince de ce monde et en moi il ne trouve rien. Tout cela montre qu’il n’y a en lui aucune pensée de péché. Le prophète exprime avec plus de clarté encore que jamais aucune pensée d’iniquité n’est entrée en lui quand il dit : Avant que l’enfant ait su appeler son père ou sa mère, il s’est détourné de l’iniquité. Livre II: Deuxième traité (II, 6): Deuxième section

Il nous faut donc savoir que l’Esprit Saint est Paraclet et qu’il enseigne des vérités trop grandes pour être exprimées, des vérités, pour ainsi dire, ineffables et qu’il n’est pas permis à l’HOMME de dire, c’est-à-dire qui ne peuvent être dévoilées par une parole humaine. Cette expression : il n’est pas permis, nous pensons qu’elle est employée par Paul au lieu de : il n’est pas possible, comme quand il dit : Tout est permis, mais tout ne convient pas; tout est permis, mais tout n’édifie pas. Ce dont nous avons la possibilité, parce que nous pouvons l’avoir, il dit que c’est permis. Le Paraclet, terme appliqué au Saint Esprit, vient du mot consolation – paraclèsis en effet se dit en latin consolatio – : celui en effet qui aura mérité de participer au Saint Esprit par la connaissance des mystères ineffables, reçoit sans aucun doute consolation et joie du coeur. Lorsqu’il aura connu en effet la nature de tout ce qui se fait, qu’il saura, sur l’indication de l’Esprit, pourquoi et comment cela se fait, son âme ne pourra absolument plus être troublée ni accueillir aucun sentiment de peine : il ne sera plus terrifié par rien, lorsque, adhérant à la Parole de Dieu et à sa Sagesse, il dit dans l’Esprit Saint que Jésus est Seigneur. Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique

Maintenant la suite des idées demande de rechercher en général ce qu’est l’âme et de commencer par les êtres inférieurs pour monter aux supérieurs. Personne n’hésite à dire, je le crois, qu’il y a des âmes dans tous les êtres animés, même dans ceux qui vivent dans les eaux. C’est là l’opinion commune de tous et elle s’appuie sur l’Écriture sainte lorsqu’elle dit : Dieu fit les grands cétacés et toutes les âmes des animaux qui rampent, produits par les eaux selon leurs genres. Cela est confirmé à partir de la raison commune par ceux qui en donnent une définition en termes précis. En effet l’âme est définie comme une substance phantastikè et hormètikè (principe des imaginations et des impulsions), ce que l’on peut dire en latin, dans une traduction pas tout à fait exacte, sensibilis et mobilis (principe de sensibilité et de mouvement). Cette définition convient parfaitement à tous les animaux, y compris les aquatiques ; et elle s’adapte convenablement aux oiseaux. L’Écriture y ajoute l’autorité d’une autre proposition : Vous ne mangerez pas le sang, parce que le sang est l’âme de toute chair et vous ne mangerez pas l’âme avec les chairs. Là elle désigne en toute évidence le sang des animaux comme leur âme. Mais si quelqu’un demande, puisqu’elle a dit que l’âme de toute chair est son sang, ce qu’il en est des abeilles, guêpes et fourmis, des huîtres et des coquillages qui sont dans les eaux, et de tout autre être qui manque de sang, mais est de façon tout à fait manifeste un être animé, il faut répondre que le rôle qu’a chez les autres animaux la force du sang rouge est rempli chez eux par le liquide qui est en eux, bien qu’il soit d’une autre couleur; peu importe la couleur, pourvu qu’il y ait substance vitale. Des bêtes de somme et des bestiaux, il n’y a pas de doute dans l’opinion commune sur leur caractère d’êtres animés. Cela est clair aussi à partir du témoignage de l’Écriture divine puisque Dieu dit : Que la terre produise l’âme vivante selon son genre, les quadrupèdes, reptiles et bêtes de la terre selon leurs genres. En ce qui concerne l’HOMME il n’y a aucun doute et personne ne se pose de question ; cependant l’Écriture divine l’affirme en ces termes : Dieu insuffla sur son visage un souffle de vie et l’HOMME fut fait en âme vivante. Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section

Mais à propos de l’âme du Christ, la nature de l’incarnation, quand on la considère, supprime tout problème. Car de même qu’il a eu vraiment un corps, il a eu vraiment une âme. Mais il est difficile de penser et d’exposer comment on doit comprendre le fait qu’il soit question d’une âme de Dieu dans les Écritures : en effet nous reconnaissons une fois pour toutes que sa nature est simple, sans mélange ni addition. Cependant, de quelque façon qu’il faille l’entendre, il semble qu’on parle parfois de l’âme de Dieu. A propos de l’âme du Christ, il n’y a pas de doute. Et c’est pourquoi il ne me paraît pas absurde de dire ou de penser de même des saints anges et des autres puissances célestes, si toutefois la définition de l’âme donnée plus haut semble leur convenir. Qui pourra nier qu’ils possèdent une sensibilité raisonnable et le mouvement ? Si donc cette définition qui fait de l’âme une substance dotée de sensibilité raisonnable et de mouvement paraît juste, il semble qu’elle s’applique aussi aux anges. Qu’y a-t-il d’autre en eux qu’une sensibilité raisonnable et du mouvement ? Les êtres à qui conviennent une définition unique sont sans aucun doute d’une même substance. Certes, l’apôtre Paul parle d’un HOMME animal qui, selon lui, ne peut percevoir ce qui concerne l’Esprit de Dieu et il dit de même que l’enseignement de l’Esprit Saint paraît à cet HOMME absurde et qu’il ne peut comprendre ce qui est l’objet d’un discernement spirituel. Mais dans un autre passage, selon lui, est semé un corps animal et ressuscite un corps spirituel : il montre ainsi que dans la résurrection des justes il n’y aura rien d’animal dans ceux qui mériteront la vie des bienheureux. Et c’est pourquoi nous recherchons s’il y aurait une substance qui serait imparfaite parce qu’elle est âme. Mais nous nous demanderons, quand nous nous mettrons à discuter cela dans le détail, si elle est imparfaite parce qu’elle est tombée de la perfection ou si elle a été faite ainsi par Dieu. Si en effet l’HOMME animal ne perçoit pas ce qui concerne l’Esprit de Dieu et si, parce qu’il est animal, il ne peut recevoir la compréhension d’une nature supérieure, c’est-à-dire divine, c’est pour cela que Paul, voulant nous enseigner plus clairement quelle est la faculté qui nous permet de comprendre les réalités de l’Esprit, les réalités spirituelles, unit et associe à un esprit saint plutôt l’intelligence que l’âme. A mon avis il le montre, lorsqu’il dit : Je prierai par l’esprit, je prierai aussi par l’intelligence; je psalmodierai par l’esprit, je psalmodierai aussi par l’intelligence. Il ne dit pas : je prierai par l’âme, mais : par l’esprit et l’intelligence ; et non plus : je psalmodierai par l’âme, mais : par l’esprit et l’intelligence. Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section

Il est certain que, de toute façon, aucun être animé ne peut rester oisif et immobile, mais a un vif désir de se remuer, d’agir toujours et de vouloir quelque chose, de quelque manière que ce soit : je pense que telle est la nature de tous les êtres animés. A plus forte raison l’animal raisonnable, l’HOMME, a toujours besoin de se remuer et d’agir. S’il ne se souvient pas de ce qu’il est et ignore ce qui lui convient, il prendra seulement pour but l’utilité du corps et recherchera dans tous ses mouvements les voluptés et les plaisirs corporels ; s’il cherche à s’occuper du bien commun et à y pourvoir, il travaillera à servir l’État, à obéir aux magistrats, à faire tout ce qui semble contribuer à l’utilité commune. Mais s’il est capable de comprendre ce qui est au-dessus des réalités corporelles et de s’occuper de la sagesse et de la connaissance, sans aucun doute il appliquera toute son activité à des études de ce genre, pour rechercher la vérité et connaître les causes et la nature des choses. De même que dans cette vie l’un prend comme bien suprême le plaisir du corps, l’autre le souci du bien commun, un troisième l’étude des réalités intellectuelles, de même nous recherchons si dans cette vie qui est la vraie vie, qui selon l’Écriture est cachée avec le Christ en Dieu, c’est-à-dire dans cette vie éternelle, notre manière et notre condition de vie seront en quelque sorte semblables à celles-là. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section

Mais ceux qui reçoivent l’interprétation des Écritures selon le sens des apôtres espèrent que ce que mangeront les saints, c’est le pain de vie qui nourrit l’âme des aliments de la vérité et de la sagesse, illumine l’intelligence et l’abreuve de la coupe de la Sagesse divine, selon ce que dit l’Écriture : La Sagesse a préparé sa table, immolé ses victimes, mélangé son vin dans le cratère et elle crie à grande voix: Venez chez moi, mangez les pains que je vous ai préparés et buvez le vin que j’ai mélangé pour vous. Nourrie de ces aliments de la Sagesse, l’intelligence est rétablie dans son intégrité et dans sa perfection, dans l’état où l’HOMME a été créé au début, à l’image de Dieu et à sa ressemblance. Et même celui qui aura quitté cette vie avec une connaissance insuffisante, mais en apportant des oeuvres dignes d’approbation, sera instruit dans cette Jérusalem, cité des saints, il recevra l’enseignement et la formation et il deviendra une pierre vive, une pierre précieuse et choisie, parce qu’il aura enduré avec courage et constance les luttes de cette vie et les combats pour la piété; et là-haut il connaîtra de manière plus vraie et plus claire ce qui lui a été dit déjà ici-bas, parce que : L’HOMME ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Les princes et les chefs sont à entendre de ceux qui dirigent leurs inférieurs, les instruisent, les enseignent et les forment dans la connaissance des réalités divines. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section

Tel était le désir, je pense, qu’exprimait comme sien celui qui disait : Je suis pris dans une alternative, ayant le désir de mourir pour être avec le Christ, ce qui serait de beaucoup préférable. Il savait qu’alors, quand il serait retourné au Christ, il connaîtrait les raisons de tout ce qui se passe sur la terre, concernant l’HOMME, son âme et son intelligence, les éléments dont l’HOMME est composé, la nature de l’esprit principal, de l’esprit qui opère, de l’esprit vital, de la grâce du Saint Esprit donnée aux fidèles. Alors il comprendra la signification d’Israël, de la diversité des nations, des douze tribus en Israël et de chaque clan dans chaque tribu. Il comprendra encore alors la raison des prêtres, des lévites et des différentes classes sacerdotales, il verra ce qui était symbolisé dans Moïse, il saura même quelle est auprès de Dieu la vérité des jubilés et les semaines d’années. Il verra aussi la raison des jours de fêtes et des fériés, les causes des sacrifices et des purifications. Il constatera la raison de la purification de la lèpre et de la lèpre colorée, et la purification de ceux qui souffrent de pertes séminales. Il connaîtra l’identité, la quantité et la nature des puissances bonnes et des puissances contraires, l’affection des premières pour les HOMMEs, la jalousie combattante des secondes. Il verra encore la nature des âmes, la diversité des êtres animés, que ce soit les animaux aquatiques, les oiseaux ou les bêtes sauvages, la cause qui divise chaque genre en des espèces si nombreuses, le but du créateur, la signification cachée que sa sagesse donne à tous ces êtres. Il connaîtra aussi la raison qui attache certaines vertus à des racines et à des herbes et qui les refuse au contraire à d’autres herbes ou racines; de même la raison des anges apostats et la cause pour laquelle, par ceux qui ne les méprisent pas de toute leur foi, ils peuvent être flattés d’une certaine façon et être pour eux cause d’égarement et de tromperie. Il apprendra les jugements de la divine providence sur chacun de ces êtres, sur les accidents qui se produisent chez les HOMMEs et ne sont pas l’effet du sort ou du hasard, mais d’une raison si bien pesée et si difficile qu’elle ne perd pas de vue même le nombre des cheveux, non seulement des saints, mais encore de tous les HOMMEs : cette raison de la providence s’étend jusqu’aux deux passereaux qui sont vendus pour un denier, que l’on entende ces deux passereaux au sens spirituel ou même selon la lettre. Maintenant on se pose encore des questions à ces sujets, mais alors là-haut on en aura la vision claire. Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section

Examinons aussi le passage évangélique où le Sauveur répond à ceux qui lui demandent pourquoi il parle à la foule en paraboles : pour que, dit-il, voyant, ils ne voient pas et entendant, ils entendent et ne comprennent pas, de peur qu’ils ne se convertissent et qu’il ne leur soit pardonné. On trouve de même chez Paul : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui a miséricorde. Et ailleurs : Le vouloir et l’agir viennent de Dieu. Ailleurs encore : Il a donc pitié de celui qu’il veut et il endurcit celui qu’il veut. Tu me diras donc: Que blâme-t-il encore ? Qui s’est opposé à sa volonté ? (Et : La persuasion vient de celui qui appelle, et non de nous). Effectivement, HOMME, qui es-tu pour répondre à Dieu ? Ce qui est façonné dira-t-il à celui qui l’a façonné: Pourquoi m’as-tu fait ainsi ? Est-ce que le potier qui travaille l’argile n’a pas le pouvoir de faire à partir de la même pâte tel vase pour un usage honorable, tel autre pour un usage sans honneur ? Ces textes par eux-mêmes peuvent troubler la foule et faire croire que l’HOMME n’a pas de libre arbitre, mais que Dieu sauve ou perd ceux qu’il veut. Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Je pense que nous pouvons donner la justification suivante à la phrase : Ce n’est donc pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. Salomon dit dans le livre des Psaumes – c’est de lui qu’est le Cantique des Montées, dont nous présentons ces paroles – : Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain ont travaillé ses bâtisseurs ; si le Seigneur ne garde la cité, en vain a veillé son gardien. Il ne nous détourne pas de construire et il ne nous apprend pas par là à ne pas veiller pour garder la cité qui se trouve en notre âme, mais il enseigne que ce qui est bâti sans Dieu et ce qui n’est pas sous sa garde est bâti en vain et gardé sans résultat, car c’est à bon droit que Dieu est décrit comme le maître de la construction et le Seigneur de l’univers comme le chef de ceux qui gardent la ville. C’est comme si nous disions : Cette construction n’est pas l’oeuvre du bâtisseur, mais de Dieu ; ou, si cette ville n’a rien souffert de ses ennemis, le succès n’est pas à attribuer à son gardien, mais au Dieu de l’univers. Nous n’aurions pas tort, si on sous-entend cependant que l’HOMME a fait quelque chose, mais que l’exploit doit être rapporté avec actions de grâces à Dieu qui a tout accompli. De même, puisque le vouloir humain ne suffit pas pour atteindre la fin, ni le fait de courir comme des athlètes pour obtenir le prix de l’appel céleste venant de Dieu dans le Christ Jésus – c’est en effet avec l’assistance de Dieu que cela s’accomplit -, il est écrit justement : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. On peut invoquer à ce sujet ce qui est écrit comme s’il s’agissait d’un travail agricole : C’est moi qui ai planté, Apollos qui a arrosé, mais Dieu qui a fait croître: de telle sorte que ni celui qui plante ni celui qui arrose ne sont quelque chose, mais celui qui fait croître, Dieu. Il serait impie, à notre avis, de dire que, si les fruits sont parvenus à leur plénitude, c’est l’oeuvre du cultivateur ou de celui qui arrose, alors que c’est l’oeuvre de Dieu. Pareillement en ce qui regarde notre perfection, on ne peut dire que nous n’ayons rien fait, cependant ce n’est pas nous qui l’avons accomplie, mais Dieu qui en a fait la plus grande part. Et pour qu’on croie avec plus de clarté à ce que nous disons, prenons en exemple l’art du pilote. Par comparaison à l’action des vents qui soufflent, à la sérénité de l’air, à l’éclat des astres, tout cela collaborant au salut des navigateurs, quelle importance a, dirait-on, pour retrouver le port, l’art du pilote ? Les pilotes eux-mêmes sont souvent assez circonspects pour ne pas se permettre de reconnaître qu’ils ont sauvé le navire, mais ils rapportent le tout à Dieu : cela ne veut pas dire qu’ils n’aient rien fait, mais que la part de la Providence est infiniment plus grande que celle de la technique. En ce qui concerne notre salut, la part de Dieu est infiniment plus grande que celle de notre libre arbitre. C’est pourquoi, à mon avis, il est dit : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde. S’il fallait comprendre comme le font nos objecteurs la phrase : Ce n’est pas l’oeuvre de celui qui veut ni de celui qui court, mais de Dieu qui fait miséricorde, les commandements seraient superflus et c’est en vain que Paul distribue le blâme à ceux qui sont tombés, la louange à ceux qui se conduisent bien, et légifère pour les Églises : en vain nous nous appliquons à vouloir les biens les meilleurs, en vain à courir. Mais non, ce n’est pas en vain que Paul conseille ceci, blâme les uns et approuve les autres, ce n’est pas en vain que nous nous consacrons à vouloir les biens les meilleurs et à nous hâter vers les biens supérieurs. Nos objecteurs donc n’ont pas bien compris ce qui concerne ce passage. Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:

Mais, lorsque nous en examinons plus attentivement la raison, nous ne pensons pas que cela soit vrai, en considérant tout ce qui vient clairement en nous d’une nécessité corporelle. Faut-il penser que c’est le diable qui est en nous la cause de la faim et de la soif ? Personne, à mon avis, n’oserait affirmer cela. S’il n’est pas pour nous la cause de la faim et de la soif, qu’en est-il quand chacun, avançant en âge, parvient au temps de la virilité et est livré aux stimulations qu’excité l’ardeur de la nature ? Il est logique sans aucun doute de dire que, de même que le diable n’est pas la cause de la faim et de la soif, il ne l’est pas non plus des impulsions qu’apporté naturellement l’âge adulte, c’est-à-dire du désir de rechercher l’union sexuelle. Il est certain assurément que ce n’est pas toujours le diable qui soulève une telle cause : autrement on pourrait penser que si le diable n’existait pas, les corps n’éprouveraient pas le désir d’une telle union. Si, comme cela a été montré plus haut, l’appétit de nourriture qu’ont les HOMMEs ne vient pas du diable mais d’une tendance naturelle, poussons notre réflexion plus loin : pourrait-il se faire, si le diable n’existait pas, que l’expérience humaine s’imposerait en ce qui concerne la nourriture assez de discipline pour ne jamais dépasser du tout la mesure, c’est-à-dire pour ne pas en prendre autrement que la situation ne le demande, ni davantage que la raison ne le permet, et pour qu’il n’arrive jamais aux HOMMEs de pécher en ce qui concerne la quantité et la mesure de nourriture qui est à garder ? Quant à moi je ne pense pas que, même s’il n’y avait pas d’incitation du diable pour provoquer l’HOMME, elles puissent être si bien gardées qu’en prenant de la nourriture personne ne dépasse la mesure et la discipline, avant de l’avoir appris d’une longue habitude et d’une grande expérience. Qu’en est-il donc ? En matière de nourriture et de boisson, il nous serait possible de pécher même sans y être incités par le diable, simplement parce que nous serions insuffisamment tempérants et attentifs ; dans le désir de l’union sexuelle et le gouvernement des tendances de la nature faut-il penser que nous ne subirions rien de semblable ? Je crois que l’on peut appliquer le même raisonnement à tous les autres mouvements naturels, qu’il s’agisse de la cupidité, de la colère ou de la tristesse, et absolument de tout ce qui, par le vice de l’intempérance, dépasse la proportion et la mesure qu’imposé la nature. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Les pensées qui viennent de notre coeur – la mémoire des actes passés ou la réflexion sur quelque chose ou cause que ce soit -, nous constatons que tantôt elles viennent de nous-mêmes, tantôt elles sont soulevées par les puissances adverses, parfois aussi elles sont mises en nous par Dieu et les saints anges. Mais tout cela paraîtra peut-être fabuleux, si ce n’est pas prouvé par des témoignages venant de la divine Écriture. Les pensées qui naissent de nous-mêmes, David les atteste quand il dit dans les Psaumes: La pensée de l’HOMME te louera et le reste de ses pensées célébrera pour toi un jour de fête. Celles qui viennent habituellement des puissances contraires, Salomon dans l’Ecclésiaste en témoigne ainsi : Si l’esprit de celui qui a le pouvoir monte sur toi, ne quitte pas ta place, parce que la guérison arrêtera des péchés nombreux. Et l’apôtre Paul lui aussi en donne témoignage en ces termes : Détruisant les pensées et tout orgueil qui se dresse contre la connaissance du Christ. Que cela vienne aussi de Dieu, David l’atteste pareillement dans les Psaumes : Bienheureux l’HOMME que tu t’attaches, Seigneur, il a des élévations dans son coeur. Et l’Apôtre dit que Dieu a mis dans le coeur de Tite. Que certaines pensées peuvent être suggérées aux coeurs des HOMMEs par des anges, bons ou mauvais, cela est indiqué par l’ange qui accompagne Tobie et par ces paroles du prophète : Et l’ange qui parlait en moi répondit. Le livre du Pasteur affirme de même que deux anges accompagnent chaque HOMME : lorsque de bonnes pensées montent dans notre coeur, elles sont suggérées selon lui par le bon ange, et si ce sont des pensées contraires, elles sont soulevées par l’ange mauvais. Barnabé enseigne la même doctrine dans son épître lorsqu’il parle de deux voies, celle de la lumière et celle des ténèbres, auxquelles certains anges sont préposés : à la voie de la lumière des anges de Dieu, à la voie des ténèbres des anges de Satan. Mais il ne faut pas penser que ce qu’ils suggèrent à nos coeurs, qu’il s’agisse des bonnes ou des mauvaises pensées, produise autre chose qu’un mouvement ou un stimulant qui nous pousse au bien ou au mal. Nous avons la possibilité, lorsqu’une puissance maligne s’est mise à nous provoquer au mal, de rejeter loin de nous ces suggestions mauvaises, de résister à leurs persuasions perverses et de ne faire absolument rien de coupable ; et en revanche aussi celle de ne pas suivre la puissance divine qui nous invite à agir mieux, car le pouvoir du libre arbitre reste sauf dans l’un et l’autre cas. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

C’est pourquoi je pense que jamais peut-être l’HOMME ne peut vaincre par lui-même une puissance contraire sans utiliser l’aide divine. C’est pourquoi on dit qu’un ange lutta avec Jacob. Ce n’est pas pareil de dire, d’après la compréhension que nous en avons, qu’un ange lutta avec Jacob et qu’un ange lutta contre Jacob ; mais cet ange qui était à ses côtés pour son salut, qui, connaissant ses progrès, lui donna aussi le nom d’Israël, lutte avec lui, c’est-à-dire : il est avec lui dans la lutte et il l’aide dans le combat, alors qu’il y en avait sans aucun doute un autre, contre lequel Jacob luttait, contre lequel il menait le combat. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section

Il est montré clairement et par de multiples indices que l’âme humaine, tant qu’elle se trouve dans le corps, peut être sujette à diverses actions ou opérations d’esprits divers, mauvais ou bons. Et les mauvais agissent de deux façons : ou bien en possédant complètement et entièrement l’intelligence, au point de ne pas laisser ceux qu’ils obsèdent comprendre ou penser quoi que ce soit, comme c’est le cas de ceux qu’on appelle vulgairement énergumènes et que nous voyons dans un état de démence et de folie, pareils à ceux qui d’après l’Évangile furent guéris par le Sauveur ; ou bien en dépravant par des suggestions hostiles, à l’aide d’idées diverses et de persuasions funestes, une intelligence qui pense et qui comprend, comme ce fut le cas de Judas, poussé au crime de trahison par l’action du diable, selon le témoignage de l’Écriture : Alors que le diable avait déjà mis dans le coeur de Judas l’Iscariote l’intention de le livrer. On reçoit l’action ou l’opération du bon esprit lorsqu’on est mû et poussé au bien et lorsque l’inspiration porte sur les réalités célestes et divines : comme les saints anges, Dieu lui-même a agi dans les prophètes, les invitant et les exhortant à progresser par de saintes suggestions, mais en laissant, certes, à l’HOMME la liberté de juger s’il consent ou non à suivre l’invitation qui l’attire vers les réalités célestes et divines. C’est pourquoi il est possible de distinguer clairement quand l’âme est mue par la présence d’un esprit meilleur : c’est le cas lorsque l’inspiration qui la presse ne lui fait subir absolument aucun trouble ni aliénation de l’intelligence et qu’elle ne perd pas le jugement de son libre arbitre ; tels étaient tous les prophètes et les apôtres qui collaboraient aux oracles divins sans aucun trouble de l’intelligence. Nous avons déjà enseigné plus haut par des exemples comment la mémoire de l’HOMME peut être invitée par les suggestions du bon esprit à se souvenir des biens meilleurs, quand nous avons mentionné Mardochée et Artaxerxès. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section

Tout cela est dit de ce qui paraît arriver à l’HOMME dès la naissance et même avant qu’il ne vienne à la lumière du jour. De tout ce qui est suggéré par des esprits divers à l’âme, c’est-à-dire aux pensées de l’HOMME, et le pousse au bien et au mal, il faut penser qu’il y a parfois des causes antécédentes à la naissance corporelle. Tantôt l’intelligence vigilante, rejetant d’elle le mal, s’attire l’aide des bons esprits ; ou au contraire, négligente et lâche, elle ne se tient guère sur ses gardes et donne place à ces esprits qui, comme des larrons machinant leurs embûches en cachette, s’arrangent pour faire irruption dans les intelligences humaines, lorsqu’ils voient que la paresse leur a fait place, comme le dit l’apôtre Pierre : Votre adversaire le diable tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer. C’est pourquoi il faut garder de toute façon notre coeur jour et nuit et ne pas donner place au diable, mais faire tout ce qu’il faut pour que les ministres de Dieu, à savoir ces esprits envoyés au service de ceux qui sont appelés à hériter du salut, trouvent en nous une place et se réjouissent d’entrer dans le gîte de notre âme : habitant chez nous, c’est-à-dire en notre coeur, ils nous dirigeront par des conseils meilleurs, si toutefois ils trouvent l’habitacle de notre coeur orné des parures de la vertu et de la sainteté. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section

souffrir ni subir en quoi que ce soit aucun malaise, qu’il vienne de l’abondance ou de la pénurie. Mais les partisans de la doctrine des deux âmes essaieront de résoudre cette objection et de la combattre en montrant qu’il y a en l’âme de nombreuses passions qui ne tirent nullement de la chair leur origine et que cependant l’esprit s’y oppose : ainsi l’ambition, l’avarice, la jalousie, l’envie, l’orgueil et tout ce qui leur est semblable. Voyant que l’intelligence ou l’esprit de l’HOMME ont à les combattre, ils n’assignent pas à tous ces maux d’autres causes que celle dont nous avons parlé plus haut, une âme corporelle engendrée par l’intermédiaire de la semence. Ils trouvent d’ordinaire une confirmation à cela dans ce témoignage de l’Apôtre : Il est facile de savoir ce que sont les oeuvres de la chair, la fornication, l’impureté, l’impudicité, l’idolâtrie, les sortilèges, les inimitiés, les disputes, les jalousies, les colères, les rixes, les dissensions, les divergences d’opinions, les envies, les ivrogneries, les orgies et tout ce qui leur est semblable. Pour eux ce ne sont pas tous ces maux, mais une partie d’entre eux, qui tirent leur origine de l’usage et de la délectation de la chair, de sorte qu’on puisse penser qu’ils existent à cause d’une substance que l’âme ne possède pas, c’est-à-dire la chair. Mais cette autre phrase de l’Apôtre : Voyez, frères, d’où vous avez été appelés, car il n’y a pas parmi vous beaucoup de sages selon la chair, semble tendre vers cette solution qu’il paraît y avoir à proprement parler une sagesse charnelle et matérielle, autre que la sagesse selon l’esprit, et l’on ne pourrait l’appeler sagesse s’il n’y avait pas une âme de la chair qui puisse être sage de cette sagesse dite de la chair. Ils ajoutent encore ceci : Si la chair combat contre l’esprit et l’esprit contre la chair, de telle sorte que nous ne faisions pas ce que nous voulons, qui sont ceux dont il est dit : de telle sorte que nous ne faisions pas ce que nous voulons ? Il est certain, disent-ils, qu’il ne s’agit pas de l’esprit, car ce n’est pas la volonté de l’esprit qui est empêchée ; ni de la chair, car si elle n’a pas une âme propre, sans aucun doute elle n’aura pas de volonté. Il ne reste qu’une solution, que cela soit dit de la volonté de cette âme, qui peut avoir une volonté propre s’opposant à la volonté de l’esprit. S’il en est ainsi il est clair que la volonté de cette âme est comme un intermédiaire entre la chair et l’esprit, servant sans aucun doute l’un des deux et obéissant à celui à qui elle a choisi d’obéir : et lorsque cette âme s’est soumise aux délectations de la chair elle rend les HOMMEs charnels ; mais lorsqu’elle s’est jointe à l’esprit, elle fait vivre l’HOMME dans l’esprit et pour cela il est appelé spirituel. L’Apôtre semble indiquer cela lorsqu’il dit : Mais vous, vous n’êtes pas dans la chair, mais dans l’esprit. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

Mais puisque nous en sommes venus à une discussion sur des réalités très profondes, il est nécessaire de toucher tous les points qui peuvent être soulevés de chaque côté. Voyons si on ne peut pas examiner à ce sujet si, de même qu’il vaut mieux pour l’âme suivre l’esprit quand l’esprit a vaincu la chair, de même, quoiqu’il paraisse pire de suivre la chair combattant contre l’esprit et voulant attirer l’âme à elle, cependant il pourrait paraître plus utile à l’âme d’être dominée par la chair que de s’en tenir à ses volontés propres. En effet, tant qu’elle reste dans ses volontés, elle n’est alors, selon ce qui est écrit, ni chaude ni froide, mais, puisqu’elle s’attarde dans une tiédeur indifférente, sa conversion risque d’être plus lente et assez difficile ; tandis que si elle adhère à la chair, parfois rassasiée et remplie de ces maux qu’elle subit par suite des vices de la chair, fatiguée de la luxure et de la volupté comme de fardeaux très pesants, elle peut plus aisément et rapidement se détourner des souillures de la matière pour se tourner vers le désir des réalités célestes et la grâce spirituelle. Je pense que c’est cela qu’a voulu dire l’Apôtre quand il montre l’esprit luttant contre la chair et la chair contre l’esprit, de sorte que nous ne faisons pas ce que nous voulons, désignant par là sans aucun doute ce qui est à la fois étranger à la volonté de l’esprit et à celle de la chair ; en d’autres termes, il vaut mieux pour l’HOMME être dans la vertu ou dans la malice que dans aucune des deux. Avant de se tourner vers l’esprit et de devenir avec lui une seule chose, l’âme en effet, tant qu’elle adhère au corps et a des pensées charnelles, ne semble être ni dans un bon état ni expressément dans un mauvais, mais elle est semblable, pour ainsi dire, à l’animal. Certes, il vaut mieux pour elle, si cela est possible, qu’elle adhère à l’esprit et devienne spirituelle ; mais si cela ne se peut, il est plus expédient qu’elle suive la malice de la chair, que de rester dans ses volontés propres et dans l’état d’un animal déraisonnable. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

Quand on dit que la chair combat contre l’esprit, les partisans de cette dernière explication comprennent par là que l’usage, les besoins ou le plaisir de la chair, quand ils excitent l’HOMME, le distraient et le détournent des réalités divines et spirituelles. Lorsque nous sommes attirés par les besoins du corps, nous n’avons plus le moyen de vaquer aux réalités divines qui nous seront utiles pour l’éternité, et en revanche l’âme qui s’adonne au divin et est unie à l’Esprit de Dieu combat la chair, comme on dit, car elle ne la laisse pas s’amollir dans les délices et nager dans les plaisirs qui sont sa délectation naturelle. Ceux dont nous rapportons l’opinion expliqueront l’affirmation : La sagesse de la chair est ennemie de Dieu, sans penser que la chair ait vraiment une âme ou une sagesse propre, mais par une signification impropre, comme lorsque nous disons couramment que la terre a soif ou qu’elle veut boire de l’eau – le mot vouloir, nous ne l’employons pas au sens propre mais au sens large, comme lorsque nous disons de même qu’une maison veut être restaurée et d’autres expressions semblables – ; c’est donc ainsi qu’il faut entendre la sagesse de la chair et l’expression : La chair convoite contre l’esprit. Ils y ajoutent d’ordinaire cette expression : La voix du sang de ion frère crie vers moi de la terre. Ce qui crie vers Dieu, ce n’est pas à proprement parler le sang répandu, mais on dit au sens large que le sang crie, car il est demandé à Dieu de tirer vengeance de celui qui a répandu le sang. La phrase de l’Apôtre : Je vois une autre loi dans mes membres, ils l’entendent ainsi : celui qui veut vaquer à la parole de Dieu est distrait, dissipé et gêné par les besoins et l’usage du corps, présents en lui comme une sorte de loi : il ne peut s’adonner à la sagesse de Dieu et contempler les mystères divins. Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section

Nous avons déjà disserté plus haut, selon nos possibilités, de la fin et de la consommation du monde selon que le permet l’autorité des divines Écritures ; nous pensons que cela suffit à instruire, mais nous mentionnerons cependant quelques autres points, puisque la suite de l’argumentation nous ramène à ce sujet. Le bien suprême donc, vers lequel se hâte toute la nature raisonnable et qui est dit aussi la fin de toutes choses, a été exprimé pareillement par de très nombreux philosophes en ces termes : le bien suprême consiste à devenir semblable à Dieu dans la mesure du possible. Mais cela, je ne pense pas qu’ils l’aient trouvé eux-mêmes, ils l’ont emprunté aux livres divins. C’est en effet indiqué par Moïse avant tout autre quand il raconte la première création de l’HOMME : Dieu dit : Faisons l’HOMME à notre image et ressemblance. Ensuite il ajoute : Et Dieu fit l’HOMME, à l’image de Dieu il le fit, mâle et femelle il les fit, et il les bénit. Il dit alors : A l’image de Dieu il le fit, et il se tut sur la ressemblance : cela indique seulement que l’HOMME a reçu la dignité de l’image dans sa première création, mais que la perfection de la ressemblance lui est réservée pour la consommation. C’est dire qu’il devait se la procurer lui-même par l’effort de son activité propre en imitant Dieu : la possibilité de cette perfection qui lui était donnée dès le début par la dignité de l’image, il devait à la fin, en accomplissant les oeuvres, la réaliser lui-même en ressemblance parfaite. L’apôtre Jean certifie avec plus de clarté et d’évidence qu’il en est ainsi lorsqu’il dit : Mes petits enfants, nous ne savons pas encore ce que nous serons; quand cela nous sera révélé, nous serons semblables à lui : il parle là sans aucun doute du Sauveur. Par là il indique avec une grande certitude et la fin de toutes choses – il dit qu’il l’ignore encore – et la ressemblance de Dieu à espérer, celle qui sera donnée selon la perfection des mérites. Le Seigneur lui-même dans l’Évangile la présente non seulement comme future, mais comme devant se produire par son intercession, puisqu’il daigne lui-même la demander à son Père pour ses disciples quand il dit : Père, je veux que là où je suis, eux aussi soient avec moi, et : comme moi et toi nous sommes uns, ainsi qu’eux aussi soient un avec nous. Il semble par là que la ressemblance elle-même progressera, pour ainsi dire, et que de semblable on deviendra un, car sans aucun doute à la consommation ou fin Dieu est tout et en tous. Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Puisque nous trouvons chez l’apôtre Paul une mention du corps spirituel, recherchons, comme nous le pouvons, ce qu’il faut penser à ce sujet. Autant que notre intelligence peut le comprendre, nous pensons que la qualité d’un corps spirituel doit permettre non seulement aux âmes saintes et parfaites de l’habiter, mais encore à toutes ces créatures qui seront libérées de la servitude de la corruption. De ce corps l’Apôtre dit aussi que nous avons une maison non faite de main d’HOMME, éternelle dans les deux, c’est-à-dire dans les demeures des bienheureux. De cela nous pouvons conjecturer la pureté, la subtilité et la gloire qui seront les qualités de ce corps, si nous le comparons à ceux qui maintenant, bien qu’ils soient des corps célestes et très resplendissants, sont cependant faits par la main et visibles. Au contraire il est dit de celui-là qu’il est une maison non faite de main d’HOMME, mais éternelle dans les deux. Puisque donc le visible est temporel, l’invisible éternel, tous ces corps que nous voyons soit sur terre soit dans les cieux, qui peuvent être vus, qui sont faits par la main et ne sont pas éternels, sont dépassés de très loin par celui-là qui n’est pas visible ni fait de main d’HOMME, mais est éternel. A partir de cette comparaison, on peut soupçonner la beauté, la splendeur et l’éclat du corps spirituel ; il est vrai, comme c’est écrit, que l’oeil n’a pas vu ni l’oreille entendu, qu’il n’est pas encore monté jusqu’au coeur de l’HOMME ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. Il n’est pas douteux que la nature de ce corps qui est nôtre, par la volonté de Dieu qui l’a créée ainsi, pourra parvenir par l’action du Créateur à cette qualité de corps très subtil, très pur et très resplendissant, selon que l’état des choses l’exigera et que les mérites de la nature raisonnable le demanderont. En fait, lorsque le monde a eu besoin de variété et de diversité, la matière s’est livrée en toute disponibilité dans les différents aspects et espèces des choses à celui qui l’a faite, puisqu’il est son seigneur et son créateur, pour qu’il puisse tirer d’elle les formes diverses des êtres célestes et terrestres. Mais lorsque tous les êtres commenceront à se hâter à devenir tous un comme le Père est un avec le Fils, il faut comprendre logiquement que là où tous seront un, il n’y aura plus de diversité. Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section

Si nous considérons comment, en très peu d’années, malgré les embûches qui menacent ceux qui professent le christianisme, malgré même la mort de certains, la spoliation d’autres, la Parole a pu, sans posséder des maîtres en abondance, être prêchée partout sur la terre, de sorte que Grecs et barbares, sages et insensés, se sont adjoints à la religion annoncée par Jésus, nous ne pouvons douter que ce fait est au-dessus des forces de l’HOMME, puisque Jésus a enseigné avec toute l’autorité et la force persuasive nécessaires pour que la Parole s’impose. Ainsi c’est à bon droit que nous pouvons considérer ses paroles comme des prédictions, par exemple : Fous serez conduits devant les rois et les chefs à cause de moi, pour rendre témoignage devant eux et devant les nations ; et : Beaucoup me diront ce jour-là : Seigneur ! Seigneur ! n’est-ce pas en ton nom que nous avons mangé, en ton nom que nous avons bu et en ton nom que nous avons chassé les démons ? Et je leur dirai: Eloignez-vous de moi, vous qui pratiquez l’injustice, jamais je ne vous ai connus. Il aurait pu être vraisemblable que cela ait été dit en vain, de sorte que ces paroles ne soient pas vraies ; mais lorsque a été réalisé ce qu’il a dit avec tant d’autorité, cela montre qu’il est véritablement Dieu, devenu HOMME pour donner aux HOMMEs ses doctrines salutaires. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section

Que dire des prophéties sur le Christ contenues dans les Psaumes, du cantique qui a pour titre Pour le bien-aimé dont la langue est appelée le calame d’un scribe qui écrit vite, le plus beau des fils des HOMMEs, puisque la grâce a été répandue sur ses lèvres. Un indice de cette grâce répandue sur ses lèvres est que, passé le court moment de son enseignement – il a enseigné à peu près une année et quelques mois – toute la terre a été remplie de sa doctrine et de la religion qu’il a introduite. Car dans ses jours se sont levées la justice et une abondance de paix subsistant jusqu’à la consommation qui est appelée disparition de la lune, et il subsiste dominant de la mer à la mer et des fleuves aux confins de la terre. Et il a été donné un signe à la maison de David, car la vierge a porté dans son sein et a engendré un fils qui s’appelle Emmanuel, c’est-à-dire Dieu avec nous. Ce que dit le même prophète s’accomplit : Dieu avec nous : sachez-le, nations, et soyez vaincues, vous qui êtes puissants soyez vaincus. Nous avons eu le dessous et nous avons été vaincus, nous qui venons des nations, saisis par la grâce de sa Parole. Mais le lieu de sa naissance est prédit chez Michée : Et toi, dit-il, Bethléem, terre de Juda, tu n’es en rien la plus petite parmi les chefs de Juda, car de toi sortira le chef qui paîtra mon peuple Israël. Et les soixante-dix semaines ont été accomplies jusqu’au Christ chef, selon Daniel. Il est venu aussi selon Job, celui qui a dompté le grand cétacé et qui a donné à ses authentiques disciples le pouvoir de fouler aux pieds serpents et scorpions, ainsi que toute la puissance de l’ennemi, sans recevoir d’eux aucun dommage. Qu’on réfléchisse sur la venue en tous lieux des apôtres, de ceux qui ont été envoyés par Jésus annoncer l’Évangile, et l’on verra que leur audace dépassait l’HOMME et que leur entreprise était divine. Et lorsque nous examinons comment des HOMMEs écoutant cet enseignement nouveau et ces paroles étrangères sont venus à eux, vaincus, quand ils voulaient leur tendre des embûches, par une puissance divine qui les protégeait, nous ne sommes pas incroyants à l’égard des prodiges qu’ils ont faits, Dieu apportant à leurs paroles son témoignage par des signes, des prodiges et des puissances diverses. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Première section

La méthode qui nous paraît s’imposer pour l’étude des Écritures et la compréhension de leur sens est la suivante ; elle est déjà indiquée par ces écrits eux-mêmes. Dans les Proverbes de Salomon nous trouvons cette directive concernant les doctrines des divines Écritures : Et toi, inscris trois fois ces choses dans ta réflexion et dans ta connaissance, afin de répondre avec des paroles de vérité aux questions qui te sont posées. Il faut donc inscrire trois fois dans sa propre âme les pensées des saintes Écritures : afin que le plus simple soit édifié par ce qui est comme la chair de l’Écriture – nous appelons ainsi l’acception immédiate – ; que celui qui est un peu monté le soit par ce qui est comme son âme ; mais que le parfait, semblable à ceux dont l’Apôtre dit : Nous parlons de la sagesse parmi les parfaits, non de celle de ce siècle ni des princes de ce siècle qui sont détruits, mais nous parlons de la sagesse de Dieu cachée dans le mystère, que Dieu a prédestinée avant tous les siècles à notre gloire, le soit de la loi spirituelle qui contient une ombre des biens à venir. De même que l’HOMME est composé de corps, d’âme et d’esprit, de même l’Écriture que Dieu a donnée dans sa providence pour le salut des HOMMEs. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Les choses étant ainsi, il nous faut esquisser ce que nous pensons des caractères de cette compréhension des Écritures. Il faut d’abord montrer que le but que se propose l’Esprit, qui illumine par suite de la Providence divine et par le moyen de la Parole qui est dans le principe auprès de Dieu les ministres de la vérité, prophètes et apôtres, vise principalement les mystères ineffables qui se rapportent aux affaires concernant les HOMMEs – j’entends maintenant par HOMMEs les âmes qui se servent de corps – pour que celui qui peut être enseigné, ayant examiné les textes et s’étant adonné à la recherche de leur sens profond, communie à toutes les doctrines que ce sens veut exprimer. Pour connaître les mystères concernant les âmes, qui ne peuvent autrement obtenir la perfection sans participer à toute la richesse et la sagesse de la vérité sur Dieu, les mystères concernant Dieu sont nécessairement rangés en tête, comme les plus importants, ainsi que ceux qui concernent son Fils Unique : quelle est sa nature, de quelle façon est-il fils de Dieu, quelles sont les causes de sa descente jusqu’à une chair humaine et de son assomption totale de l’HOMME, quelle est son activité, sur qui et quand s’exerce-t-elle ? Nécessairement encore, au sujet des créatures raisonnables qui nous sont parentes, et aussi des autres, les plus divines et celles qui sont tombées de la béatitude, au sujet des causes de leur chute, il faudrait recevoir ce que dit l’enseignement divin, et de même en ce qui regarde les différences des âmes, l’origine de ces différences, la nature du monde et la cause de son existence, et il nous est encore nécessaire d’apprendre d’où viennent sur terre tant de si grands maux, et non seulement sur terre, mais encore ailleurs. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Tels étaient les projets, ou d’autres semblables, de l’Esprit qui éclaire les âmes des saints ministres de la vérité ; son second but était, à cause de ceux qui ne peuvent fournir le travail nécessaire pour découvrir tous ces mystères, de cacher la doctrine concernant ce qui vient d’être dit dans des textes présentant un récit qui expose la création des êtres sensibles, celle de l’HOMME et celle des nombreux HOMMEs qui ont été engendrés successivement à partir des premiers jusqu’à être une multitude, et dans d’autres histoires racontant les actions des justes et les péchés que ces derniers ont commis, parce qu’ils sont HOMMEs, les méchancetés, impudicités et actes d’avarice des iniques et des impies. Ce qui est le plus étonnant c’est que, à travers des histoires de guerres, de vainqueurs et de vaincus, certains mystères sont révélés à ceux qui savent examiner cela. Et ce qui est encore plus admirable, c’est qu’à travers la législation que contient l’Écriture les lois de la vérité sont prophétisées, et tout cela est écrit en ordre logique avec une puissance convenant vraiment à la Sagesse de Dieu. Le but était de rendre dans la plupart des cas le revêtement des sens spirituels, je veux dire le sens corporel des Écritures, non inutile, mais capable d’améliorer la plupart, dans la mesure de leurs capacités. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Pour ne pas nous attarder plus longtemps à parler du Juif dans le secret et de l’HOMME intérieur Israélite, tout cela suffisant pour ceux qui ne sont pas sans acuité, nous continuons selon notre propos et nous disons que Jacob fut le père des douze patriarches, ceux-ci des chefs de clans et ces derniers des Israélites qui leur ont succédé. Ainsi les Israélites corporels remontent aux chefs de clans, les chefs de clans aux patriarches, les patriarches à Jacob et à ses ancêtres ; mais les Israélites intelligibles, dont les corporels étaient des figures, ne viennent-ils pas des clans, les clans provenant de tribus et les tribus d’un seul HOMME qui n’a pas eu une naissance corporelle habituelle mais une meilleure, car il a été engendré par Isaac, qui descendait d’Abraham, tous remontant à Adam, que l’Apôtre dit être le Christ ? Le début de chacune des lignées de ceux qui sont les descendants du Dieu de l’univers, remonte au Christ qui, après le Dieu et Père de l’univers, est ainsi le père de tous les HOMMEs, comme Adam est le père de tous les HOMMEs. Si Eve a été prise par Paul comme une allégorie de l’Église, il n’y a rien d’étonnant, puisque Caïn est né d’Eve et que toute sa postérité remonte à Eve, à y voir des images de l’Église, car tous proviennent de l’Église en premier lieu. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Si donc les prophéties sur la Judée, Jérusalem, Israël, Juda, Jacob, quand nous ne les comprenons pas charnellement, supposent tel ou tel mystère caché, il s’ensuivrait que celles qui concernent l’Egypte et les Égyptiens, Babylone et les Babyloniens, Tyr et les Tyriens, Sidon et les Sidoniens, ainsi que les autres nations, ne prophétisent pas seulement au sujet des Égyptiens, Babyloniens, Tyriens et Sidoniens corporels. S’il y a des Israélites intelligibles, il s’ensuit qu’il y a des Égyptiens et des Babyloniens intelligibles. Car ce que dit Ézéchiel de Pharaon roi d’Egypte ne s’accorde pas si c’est dit d’un HOMME qui a gouverné ou gouvernera l’Egypte, comme cela sera clair quand on y fera attention. De même ce qui concerne le Prince de Tyr ne peut être compris d’un HOMME qui commandera à Tyr. Et ce qui est dit fréquemment de Nabuchodonosor, surtout dans Isaïe, comment est-il possible de le comprendre de cet HOMME ? Car il n’est pas tombé du ciel, il n’était pas le porte-aurore, il ne s’est pas levé au matin au-dessus de la terre comme un astre, l’HOMME Nabuchodonosor. Pas davantage ce qui est dit dans Ézéchiel de l’Egypte, qu’elle sera désertée quarante ans, de telle sorte qu’on n’y trouvera plus la trace d’un pied d’HOMME et qu’on lui fera tellement la guerre que sur toute son étendue on s’enfoncera dans le sang jusqu’au genou. Quel HOMME intelligent comprendra cela de l’Egypte voisine des Ethiopiens au corps noirci par le soleil ? Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Cependant il faut savoir que jamais la substance ne subsiste sans qualité et que seule l’intelligence discerne que ce qui est le substrat des corps et est capable de recevoir une qualité est la matière. Certains, voulant se livrer à ce sujet à une recherche plus profonde, ont osé dire que la nature corporelle n’est pas autre chose que les qualités. En effet, si la dureté et la mollesse, le chaud et le froid, l’humide et le sec, sont des qualités, lorsqu’on les supprime, elles et les autres qualités de même nature, on s’aperçoit qu’il n’y a plus de substrat, alors les qualités paraîtront être tout. C’est pourquoi les partisans de cette thèse ont essayé de soutenir ceci : puisque tous ceux qui admettent une matière incréée reconnaissent que les qualités ont été faites par Dieu, on trouve alors que, même pour eux, la matière elle-même n’est pas incréée, puisque les qualités sont tout, et que tous, sans contradiction, affirment qu’elles ont été faites par Dieu. Mais ceux qui veulent montrer que les qualités sont ajoutées du dehors à une matière sous-jacente, se servent d’exemples du genre suivant : Paul, sans aucun doute, ou se tait ou parle, ou veille ou dort, ou bien il garde une attitude définie du corps, c’est-à-dire ou il est assis ou il se tient debout ou il est couché. Tout cela constitue pour les HOMMEs des caractères accidentels, mais on ne peut presque jamais les trouver sans l’un d’eux. Cependant l’idée que nous avons de l’HOMME ne définit manifestement aucun de ces caractères, mais nous le comprenons et considérons sans tenir compte en aucune façon de son attitude, qu’il soit en état de veille ou de sommeil, en train de parler ou de se taire, ni des autres circonstances accidentelles auxquelles les HOMMEs sont nécessairement soumis. De même qu’on considère Paul sans aucun de ces caractères accidentels, de même on pourra comprendre le substrat sans les qualités. Lorsque notre intelligence, ayant écarté toute qualité de sa compréhension, contemple le point, si on peut ainsi parler, de la seule substance sous-jacente et s’y attache, sans regarder à la dureté ou à la mollesse, au chaud ou au froid, à l’humide ou au sec qui affectent cette substance, alors, par une sorte de pensée artificielle, elle semblera contempler la matière dépouillée de toutes ces qualités. Mais on demandera peut-être s’il est possible de trouver dans les Écritures quelque chose qui permette de comprendre cela. Il me semble que c’est indiqué dans les Psaumes par cette parole du prophète : Mes yeux ont vu ton incomplétude. Il semble que l’intelligence du prophète, examinant les principes des choses avec un regard plus perspicace et distinguant avec l’intellect et la raison seuls la matière des qualités, ait senti en Dieu une incomplétude, qui se parfait, comme il faut le comprendre, par l’adjonction des qualités. Dans son livre, Enoch parle ainsi : J’ai cheminé jusqu’à ce qui est imparfait; on peut le comprendre de façon semblable : l’intelligence du prophète a cheminé, scrutant et discutant une à une toutes les choses visibles jusqu’à parvenir au principe où l’on voit la matière imparfaite sans ses qualités. Il est en effet écrit dans le même livre de la bouche d’Enoch : J’ai considéré toutes les matières. C’est à comprendre ainsi : j’ai examiné l’une après l’autre toutes les divisions de la matière, qui, à partir de l’unité de la matière, se sont séparées en chaque espèce, celles des HOMMEs, des animaux, du ciel, du soleil et de tout ce qui est dans ce monde. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

D’autre part, considérons s’il ne paraît pas impie de dire que l’intelligence, capable de comprendre Dieu, puisse recevoir la mort dans sa substance : comme si le fait qu’elle puisse comprendre et penser Dieu ne pouvait pas suffire à lui conférer la perpétuité. D’autant plus que, même si l’intelligence peut tomber par négligence au point de ne pouvoir recevoir Dieu en elle avec pureté et intégrité, elle possède cependant toujours en elle comme des semences qui lui permettent de restaurer et de retrouver une meilleure compréhension, puisque l’HOMME intérieur, dit aussi raisonnable, est renouvelé selon l’image et la ressemblance de Dieu qui l’a créé. C’est pourquoi le prophète dit : Tous les confins de la terre se souviendront du Seigneur et se tourneront vers lui, et toutes les patries des nations l’adoreront en sa présence. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section

Si quelqu’un ose attribuer une corruption atteignant la substance même à celui qui a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, il étend, à ce que je pense, le motif de son impiété jusqu’au Fils de Dieu lui-même : car le Fils est aussi appelé image de Dieu dans les Écritures. Ou certainement celui qui veut qu’il en soit ainsi, qu’il accuse l’autorité de l’Écriture qui dit que l’HOMME a été fait à l’image de Dieu. Il est clair que les signes de cette image divine en l’HOMME peuvent être reconnus, non dans la forme du corps qui se corrompt, mais dans la prudence de l’intelligence, dans la justice, la modération, le courage, la sagesse, l’instruction, bref dans tout le choeur des vertus, présentes en Dieu de façon substantielle, en l’HOMME par son activité et l’imitation de Dieu, selon ce que dit le Seigneur dans l’Évangile : Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux, et : Soyez parfaits comme votre Père est parfait. Cela montre avec évidence qu’en Dieu toutes ces vertus existent toujours, sans pouvoir progresser ni régresser, mais que dans les HOMMEs chacune d’elle est acquise peu à peu. Par là les HOMMEs semblent avoir une certaine parenté avec Dieu ; puisque Dieu connaît tout et qu’aucune réalité intellectuelle ne lui est cachée – en effet Dieu seul, Père, Fils Unique et Saint Esprit, non seulement connaît ce qu’il a créé, mais encore possède la connaissance de lui-même -, l’intelligence raisonnable peut cependant, en progressant du petit jusqu’au plus grand et du visible jusqu’à l’invisible, parvenir à une compréhension plus parfaite. Elle est en effet placée dans un corps et doit progresser des réalités sensibles qui sont corporelles à celles qui ne sont pas sensibles, mais incorporelles et intellectuelles. Mais de peur qu’il ne paraisse pas convenable d’appeler non sensibles les réalités intellectuelles, nous utiliserons comme exemple une affirmation de Salomon : Tu trouveras aussi une sensibilité divine. Cela montre que les réalités intellectuelles sont cherchées non avec un sens corporel, mais avec un autre sens appelé divin. Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section