Le mode de multiplication de la nature angélique peut être indicible et impensable aux conjectures humaines : ce qui est sûr, c’est qu’il y en a un. Ce mode de multiplication aurait été aussi celui des hommes dont la nature est si proche de celle des anges et il aurait porté l’humanité jusqu’au terme fixé par la volonté de son Créateur. Et si quelqu’un a du mal à concevoir ce mode de GÉNÉRATION pour l’humanité, dans le cas où elle n’aurait pas eu besoin du concours du mariage, à notre tour, nous le prierons de nous dire comment les anges existent et comment leurs myriades constituent une espèce unique et en même temps peuvent être dénombrées. A celui donc qui met en avant l’impossibilité pour l’homme d’être sans le mariage, nous sommes fondés à donner cette réponse : l’homme serait sans le mariage comme les anges eux-mêmes, puisque notre ressemblance avec les anges avant la chute nous est prouvée par le rétablissement des choses dans leur premier état. XVII
Alors que la plénitude de l’humanité avait été préméditée par l’ « activité presciente » de Dieu et que cette plénitude devait se réaliser par ce genre de naissance animale, Dieu dont le gouvernement ordonne et délimite exactement toutes choses, puisque ce mode de GÉNÉRATION était rendu nécessaire pour nous par ce glissement vers en bas qu’il avait prévu, lui qui voit le futur comme le présent, Dieu établit à l’avance le temps nécessaire à la constitution de l’humanité, en sorte que la venue des âmes dans leur nombre fixe règle la durée et que le courant du temps s’arrêtera, lorsqu’il ne sera plus utile à la venue de la race humaine . XXII
Avec l’achèvement de la GÉNÉRATION humaine, le temps cessera définitivement et alors toutes choses retourneront à leurs éléments primitifs. Dans ce bouleversement universel, l’humanité aussi sera transformée et de son état périssable et terrestre, passera dans un état impassible et éternel. C’est à quoi le divin Apôtre me semble avoir songé, lorsqu’il prédit dans son Épître aux Corinthiens l’arrêt soudain du temps et le renouvellement de tout ce qui est soumis au mouvement : « Je vous annonce, dit-il, un mystère : tous, nous ne nous endormirons pas dans la mort, mais tous nous serons transformés, dans un instant indivisible, en un clin d’oeil, au son de la dernière trompette. » A mon sens, puisque le plérôme de l’humanité est parvenu à son terme selon la mesure prévue, par le fait que le nombre des âmes n’a plus désormais à s’accroître, l’Apôtre veut dire qu’un instant suffira à la transformation de la création et il exprime par cet instant indivisible et ce clin d’oeil cette limite du temps qui n’a ni partie ni extension. Aussi celui qui est parvenu à cet ultime sommet du temps, après lequel il n’y a plus de division temporelle, ne peut obtenir cette révolution transformante de la mort que si la trompette de la Résurrection a d’abord retenti pour réveiller tous les morts et faire passer tous ensemble dans l’immortalité ceux qui resteront en vie ; ceux-ci deviendront semblables aux autres que la résurrection aura transformés, au point de n’être plus entraînés vers le bas par le poids de leur chair et de ne plus être retenus à terre par leur masse, mais de vivre dans les espaces célestes. « Nous serons ravis, en effet, dit l’Apôtre, dans les nuages, à la rencontre du Seigneur, dans les airs, et ainsi pour toujours, nous serons avec le Seigneur . » Supportons donc le temps qui s’étend nécessairement le long du développement de l’humanité. XXII