foi

Notre Seigneur et Sauveur Jésus-Christ, victime d’un faux témoignage, « se taisait », accusé, « il ne répondait rien », bien persuadé que toute sa vie et ses actions parmi les Juifs surpassaient toute voix réfutant le faux témoignage et toutes paroles répondant aux accusations. Mais toi, pieux Ambroise, tu as voulu, je ne sais pourquoi, qu’aux faux témoignages de Celse contre les chrétiens dans son traité, et aux accusations contre la FOI des églises dans son livre, j’oppose une défense : comme s’il n’y avait pas dans les faits une réfutation manifeste et un discours plus fort que tous les écrits, qui confond les faux témoignages et laisse les accusations sans vraisemblance et sans effet ! Or Jésus, victime d’un faux témoignage, se taisait : il suffit à présent de citer l’attestation de Matthieu, car celle de Marc est équivalente. Voici le texte de Matthieu : « Le grand prêtre et le sanhédrin cherchaient un faux témoignage contre Jésus en vue de le faire mourir, et ils n’en trouvèrent pas, bien que plusieurs faux témoins se fussent présentés. Enfin il s’en présenta deux qui déclarèrent : ” Cet homme a dit : Je peux détruire le temple de Dieu et le rebâtir en trois jours. ” Le grand prêtre se leva et lui dit : ” Tu ne réponds rien à ce que ces gens déposent contre toi ? ” Mais Jésus se taisait. » En outre, accusé, il ne répondait pas, car il est écrit : « Jésus fut amené en présence du gouverneur. Celui-ci l’interrogea : ” Es-tu le roi des Juifs ? ” Jésus lui répliqua :” Tu le dis “. Mais quand il était accusé par les grands prêtres et les anciens, il ne répondait rien. Alors Pilate lui dit : ” N’entends-tu pas tout ce qu’ils allèguent contre toi ? ” Mais il ne lui répondit sur aucun point, à l’extrême étonnement du gouverneur. » PRÉFACE

Pour nous, c’est un juste titre de gloire que «la tribulation » et ce qu’énumère la suite ne nous séparent point , mais non pour Paul, ou les apôtres et quiconque leur ressemble il est si au-dessus de tels obstacles qu’il dit « En tout cela nous sommes plus que vainqueurs par Celui qui nous a aimes », indiquant plus qu’une simple victoire. Et si même les apôtres doivent se glorifier de n’être point sépares « de l’amour de Dieu dans le Christ Jésus notre Seigneur », ils peuvent se glorifier de ce que « ni mort ni vie, ni anges ni principautés », ni quoi que ce soit du reste ne peut « les séparer de l’amour de Dieu dans le Christ-Jésus notre Seigneur ». Aussi je déplore qu’on puisse croire au Christ d’une FOI susceptible d’être ébranlée par Celse, qui ne vit même plus la vie commune parmi les hommes, mais qui est mort depuis longtemps, ou par quelque force persuasive du discours. Et je ne sais dans quelle catégorie il faut ranger celui qui a besoin de discours écrits dans des livres en réponse aux charges de Celse contre les chrétiens, pour ressaisir et remettre debout une FOI qui chancelle. Néanmoins, comme il se trouve peut-être, dans la foule de ceux qui passent pour fidèles, des gens que pourrait ébranler et retourner l’ouvrage de Celse, mais que la réponse par des raisons capables de ruiner les propos de Celse et d’établir la vérité pourrait guérir, j’ai décidé d’obéir à ton ordre et de répondre au traité que tu m’as envoyé : bien que, à mon avis, nul de ceux qui ont fait le moindre progrès en philosophie n’y reconnaisse un véritable discours, comme l’a intitulé Celse. PRÉFACE

Voilà la préface que j’ai décidé, une FOIs parvenu dans ma réfutation de Celse à l’entrée en scène du Juif qui attaque Jésus, de mettre en tête de l’ouvrage. Et cela, pour que le lecteur de mes répliques à Celse la trouve dès l’abord et voie que ce livre n’est pas du tout écrit pour des fidèles, mais soit pour ceux qui n’ont aucune expérience de la FOI au Christ, soit pour ceux qui, au dire de l’Apôtre, sont faibles dans la FOI ; car, dit-il « celui qui est faible dans la FOI, accueillez-le ». Que cette préface me serve d’excuse pour avoir suivi un plan au début de mes réponses à Celse, et un autre après ce début. Mon intention était d’abord de noter les chefs d’accusation et, brièvement, ce qu’on peut y répondre, et puis de composer le discours en un tout organique. Plus tard, la matière elle-même m’a suggéré, pour gagner du temps, de me contenter de ces réponses du début et, dans la suite, de discuter avec toute la rigueur possible les charges de Celse contre nous. Je demande donc de l’indulgence pour ce qui suit immédiatement la préface. Et si les réponses ultérieures ne réussissent point à te convaincre, pour elles aussi je demande la même indulgence, et je te renvoie, si tu désires encore avoir les réfutations par écrit des discours de Celse, à ceux qui ont plus d’intelligence que moi et sont capables de réfuter par la parole et par la plume les charges de Celse contre nous. Plus heureux, cependant, l’homme qui n’a aucun besoin, même s’il lit le traité de Celse, d’une défense contre lui, mais dédaigne tout le contenu de son livre, car le premier venu des fidèles du Christ, par l’Esprit qui est en lui, avec raison le méprise. PRÉFACE

Et fort judicieusement, il ne reproche point à l’Evangile son origine barbare, car il a cet éloge : Les barbares sont capables de découvrir des doctrines. Mais il ajoute : Pour juger, fonder, adapter à la pratique de la vertu les découvertes des barbares, les Grecs sont plus habiles. Or voici ce que je peux dire, partant de son observation, pour défendre la vérité des thèses du christianisme : quiconque vient des dogmes et des disciplines grecs à l’Evangile peut non seulement juger qu’elles sont vraies, mais encore prouver, en les mettant en pratique, qu’elles remplissent la condition qui semblait faire défaut par rapport à une démonstration grecque, prouvant ainsi la vérité du christianisme. Mais il faut encore ajouter : la parole (divine) a sa démonstration propre, plus divine que celle des Grecs par la dialectique. Et cette démonstration divine, l’Apôtre la nomme « démonstration de l’Esprit et de la puissance » : « de l’Esprit », par les prophéties capables d’engendrer la FOI chez le lecteur, surtout en ce qui concerne le Christ ; « de la puissance », par les prodigieux miracles dont on peut prouver l’existence par cette raison entre bien d’autres qu’il en subsiste encore des traces chez ceux qui règlent leur vie sur les préceptes de cette parole. LIVRE I

Celse déclare ensuite, j’ignore sous quelle impulsion : Les chrétiens paraissent exercer un pouvoir par les invocations des noms de certains démons, faisant allusion, je pense, aux exorcistes qui chassent les démons. Mais il semble manifestement calomnier l’Evangile. Ce n’est point par des invocations qu’ils semblent exercer un pouvoir, mais par le nom de Jésus joint à la lecture publique des récits de sa vie. En effet, cette lecture aboutit souvent à chasser les démons des hommes, surtout lorsque les lecteurs lisent avec une disposition saine de FOI véritable. Mais telle est la puissance du nom de Jésus contre les démons que parFOIs, même prononcé par des méchants, il réalise son effet. Voilà ce qu’enseignait Jésus en disant : « Beaucoup me diront en ce jour-là : par ton nom nous avons chassé les démons et fait des miracles». » Celse n’en fait pas mention : volontairement et par malice, ou par ignorance, je ne sais. Ensuite il accuse même le Sauveur : C’est par magie qu’il a pu faire les miracles qu’il parut accomplir; et prévoyant que d’autres, au courant des mêmes secrets, allaient faire la même chose en se vantant de le faire par la puissance de Dieu, Jésus les chassa de sa société. Et il élève cette accusation : S’il a le droit de les chasser, alors, coupable des mêmes fautes, il est lui-même un vilain personnage; ou si lui-même n’est pas vilain de les avoir faites, ceux qui agissent comme lui ne le sont pas non plus. Bien au contraire : même s’il semblait impossible de répondre à la question « comment Jésus a fait cela ? », il est manifeste que les chrétiens n’utilisent aucune pratique d’incantations, mais le nom de Jésus avec d’autres paroles auxquelles ils ont FOI d’après la divine Ecriture. LIVRE I

Ensuite, puisqu’il appelle souvent secrète notre doctrine, il faut aussi le réfuter sur ce point. Le monde presque entier connaît . la prédication des chrétiens mieux que les thèses favorites des philosophes. Qui donc ignore de Jésus sa naissance d’une vierge, sa crucifixion, sa résurrection objet de FOI pour un grand nombre, et la menace du jugement de Dieu qui, selon leurs mérites, punira les pécheurs et récompensera les justes ? Bien plus, le mystère de la résurrection, parce qu’il n’est point compris, est la risée incessante des incroyants. Dire que sur ces points notre doctrine est secrète, c’est le comble de l’absurdité. Et qu’il existe, comme au delà des matières d’enseignement public, certains points inaccessibles à la foule n’est pas propre à la seule doctrine des chrétiens , c’est aussi le cas des philosophes dont certaines doctrines étaient exotériques, et d’autres, ésotériques Des auditeurs de Pythagore s’en tenaient au « Il l’a dit », mais d’autres étaient instruits en secret de vérités inaccessibles aux oreilles profanes et non encore purifiées. De plus, tous les mystères célèbres en tous lieux de la Grèce ou de la barbarie, pour être secrets, n’ont pas été calomniés. C’est donc sans fondement, ni intelligence exacte du secret du christianisme qu’il le calomnie. LIVRE I

Après quoi, il exhorte a n’accepter de doctrines que sous la conduite de la raison et d’un guide raisonnable, car l’erreur est inévitable quand, sans cette précaution, on donne son adhésion à certains. Et il les assimile à ceux qui croient sans raison aux prêtres mendiants de Cybèle et aux devins, aux dévots de Mithra et de Sabazios, à tout ce qu’on peut rencontrer, apparitions d’Hécate, d’un autre ou d’autres démons. Car, de même que souvent parmi eux des hommes pervers prennent avantage de l’ignorance de gens faciles à tromper et les mènent à leur guise, ainsi en va-t-il des chrétiens. Il ajoute que certains, ne voulant pas même donner ni recevoir de raison sur ce qu’ils croient, usent de ces formules: «N’examine pas, mais crois; la FOI te sauvera. » Il soutient qu’ils disent : La sagesse dans ce siècle est un mal, et la folie un bien. Il faut y répondre : s’il était possible que tous les hommes délaissent les affaires de la vie pour consacrer leurs loisirs à la philosophie, nul ne devrait poursuivre d’autre voie que celle-là. Car dans le christianisme on ne trouvera pas moins — pour parler sans orgueil —, d’examen approfondi des croyances, ni d’explication des énigmes prophétiques, des paraboles évangéliques et de mille autres événements ou préceptes à signification symbolique. Mais si ce n’est pas possible, vu le nombre infime de gens qui, à cause des nécessités de la vie ou de la faiblesse humaine, s’adonne à la raison, quelle autre méthode plus efficace pour aider la foule trouverait-on que celle qui fut transmise aux nations par Jésus ? LIVRE I

De plus, je le demande, au sujet de la foule des croyants qui se sont échappés de l’immense flot du vice où ils se roulaient auparavant : lequel était préférable pour eux ? D’avoir, dans une FOI non réfléchie, un peu réformé leurs moeurs et trouvé secours dans la croyance aux châtiments des fautes et aux récompenses des bonnes oeuvres, ou bien de différer leur conversion par simple FOI jusqu’à ce qu’ils puissent se livrer à l’examen des doctrines ? Il est clair que tous les hommes, sauf de très rares exceptions, ne pourraient ainsi obtenir l’avantage retiré de la simple FOI, mais resteraient dans une vie corrompue. Aux autres preuves que l’amour du Logos pour les hommes n’est point parvenu à la vie des hommes sans l’action de Dieu, il faut donc ajouter celle-là. L’homme pieux ne croira pas qu’un simple médecin des corps qui a ramené nombre de malades à la santé vient résider dans les villes et les nations sans l’action de Dieu : car aucun bienfait n’arrive aux hommes sans l’action de Dieu. Mais si celui qui a soigné les corps d’une multitude et les a ramenés à la santé ne guérit pas sans l’action de Dieu, combien est-ce plus vrai de Celui qui a soigné, converti, amélioré les âmes d’une multitude, les a soumises au Dieu suprême, leur a appris à conformer toute action à son bon plaisir et à éviter tout ce qui peut déplaire à Dieu, jusqu’à la moindre des paroles, des actions, ou même des pensées ! LIVRE I

Enfin, à leurs objections ressassées contre la FOI, il faut répondre : nous l’admettons comme utile à la foule, et nous avouons enseigner à croire même sans réflexion à ceux qui ne peuvent tout laisser et poursuivre l’examen d’une doctrine ; mais eux, sans qu’ils l’avouent, en pratique font de même. Qui donc, s’étant orienté vers la philosophie et jeté dans une école de philosophes, à l’aventure ou pour avoir eu l’accès facile auprès de tel maître, en vient à ce parti, sinon parce qu’il croit supérieure l’école en question ? Car ce n’est point après avoir suivi l’exposé des doctrines de tous les philosophes et des différentes écoles, ni la réfutation des unes et la preuve des autres, qu’il fait ce choix d’être stoïcien, platonicien, péripatéticien, épicurien, ou disciple de l’école philosophique que l’on voudra. C’est par un penchant non raisonné, refuserait-on de l’avouer, qu’on vient à pratiquer par exemple le stoïcisme, après avoir exclu les autres ; ou le platonisme, par mépris pour la moindre élévation des autres ; ou le péripatétisme, pour sa très grande humanité et sa générosité plus grande que celle des autres écoles à reconnaître les biens humains. Et certains, en ce qui concerne la doctrine de la providence, troublés par la première attaque tirée du sort terrestre des gens sans vertu et des gens de bien, donnent une adhésion précipitée à la négation radicale de la providence et choisissent la doctrine d’Épicure et de Celse. Si donc il faut croire, comme l’argument le montre, à n’importe lequel des fondateurs d’école chez les Grecs ou les barbares, pourquoi pas bien davantage au Dieu suprême et à Celui qui enseigne que nous devons l’adorer lui seul, et négliger le reste qui ou est inexistant, ou s’il existe est digne d’estime mais non d’adoration ni de respect ? LIVRE I

A cet égard celui qui, non content d’avoir la FOI, considère ces questions avec la raison, dira les preuves qui lui sont venues à l’esprit et qu’il a découvertes par une recherche rigoureuse. N’est-il pas vrai qu’il y a plus de raison, puisque toutes les affaires humaines dépendent d’une FOI, à croire en Dieu plus qu’en elles ? Qui donc navigue, se marie, procrée des enfants, jette des semences en terre, à moins de croire en d’heureux résultats, bien que le contraire puisse arriver aussi et arrive parFOIs ? Et pourtant la FOI en des résultats heureux et conformes aux désirs donne à tous les hommes l’audace d’entreprises à l’issue incertaine et hasardeuse. Si donc l’espérance et la FOI en un avenir heureux soutient la vie dans chaque entreprise à l’issue incertaine, comment cette FOI ne sera-t-elle pas acceptée plus raisonnablement par celui qui a FOI, au-dessus de la mer où l’on navigue, de la terre qu’on ensemence, de la femme qu’on épouse, et des autres affaires humaines, en Dieu qui a créé tout cela, et en Celui qui, avec une sublime élévation d’esprit et une grandeur d’âme divine, a osé présenter cette doctrine aux habitants de toute la terre, au prix de graves dangers et d’une mort réputée infâme qu’il a endurés pour le salut des hommes ; et il a enseigné, à ceux qui se laissèrent dès le début persuader de se mettre au service de la doctrine, à oser, en dépit de tous les dangers et de l’imminence continuelle de la mort, parcourir toute la terre pour le salut des hommes. LIVRE I

Celse a cité comme une expression courante chez les chrétiens : La sagesse dans le cours de cette vie est un mal, et la folie un bien. Il faut répondre qu’il calomnie la doctrine, puisqu’il n’a pas cité le texte même qui se trouve chez Paul et que voici : « Si quelqu’un parmi vous se croit sage, qu’il devienne fou dans ce siècle pour devenir sage, car la sagesse de ce monde est folie devant Dieu. » L’Apôtre n’affirme donc pas simplement : « la sagesse est folie devant Dieu », mais : « la sagesse de ce monde… » ; ni non plus : « si quelqu’un parmi vous se croit sage, qu’il devienne fou » en général, mais : « qu’il devienne fou dans ce siècle pour devenir sage ». Donc, nous appelons « sagesse de ce siècle » toute philosophie remplie d’opinions fausses, qui est périmée d’après les Ecritures ; et nous disons : « la folie est un bien », non point absolument, mais quand on devient fou pour ce siècle. Autant dire du Platonicien, parce qu’il croit à l’immortalité de l’âme et à ce qu’on dit de sa métensomatose, qu’il se couvre de folie aux yeux des Stoïciens qui tournent en ridicule l’adhésion à ces doctrines, des Péripatéticiens qui jasent des « fredonnements » de Platon, des Epicuriens qui crient à la superstition de ceux qui admettent une providence et posent un dieu au-dessus de l’univers ! Ajoutons qu’au sentiment de l’Ecriture, il vaut bien mieux donner son adhésion aux doctrines avec réflexion et sagesse qu’avec la FOI simple ; et qu’en certaines circonstances, le Logos veut aussi cette dernière pour ne pas laisser les hommes entièrement désemparés. C’est ce que montre Paul, le véritable disciple de Jésus, quand il dit : « Car, puisque dans la sagesse de Dieu le monde n’a pas connu Dieu avec la sagesse, il a plu à Dieu de sauver les croyants par la folie de la prédication » D’où il ressort donc clairement que c’est dans la sagesse de Dieu que Dieu devait être connu. Et puisqu’il n’en fut rien, Dieu a jugé bon ensuite de sauver les croyants, non pas simplement par la folie, mais par la folie relative à la prédication. De là vient que la proclamation de Jésus-Christ crucifié est la folie de la prédication, comme le dit encore Paul qui en avait pris conscience et déclare « Mais nous, nous prêchons Jésus-Christ crucifié, scandale pour les Juifs, folie pour les Gentils, mais pour ceux qui sont appelés, Juifs et Grecs, Christ, puissance de Dieu et sagesse de Dieu » LIVRE I

Celse pense qu’il existe entre maints peuples une parenté dans la même doctrine. Il énumère tous ceux qui auraient tenu cette doctrine à l’origine. Mais je ne sais pourquoi il calomnie les seuls Juifs et n’ajoute pas leur peuple à la liste des autres, puisqu’il a partagé avec eux les mêmes labeurs, des sentiments identiques, des doctrines en bien des points semblables. Aussi convient-il de lui demander pourquoi donc il a cru aux histoires des barbares et des Grecs sur l’antiquité des peuples qu’il mentionne, tandis qu’il accuse de mensonge les histoires de ce seul peuple. Car si chacun a sincèrement raconté le passé de son peuple, pourquoi refuser de croire aux seuls prophètes des Juifs ? Et si c’est par complaisance pour leur doctrine propre que Moïse et les prophètes ont écrit bien des traits de leur histoire, pourquoi ne pas en dire autant des historiens des autres peuples ? Les Egyptiens qui vilipendent les Juifs dans leur histoire seraient-ils dignes de FOI, et les Juifs qui accusent de même façon les Egyptiens quand ils rappellent les nombreuses vexations qu’ils en ont subies et y voient la raison de leur punition par Dieu, seraient-ils coupables de mensonge ? Et ce n’est pas des seuls Egyptiens qu’il faut le dire : on trouvera un conflit des Assyriens contre les Juifs et, qui plus est, relaté dans les archives assyriennes. Et de même les historiens juifs — pour ne pas sembler préjuger en disant : les prophètes — ont désigné les Assyriens comme leurs ennemis. Voilà bien l’arbitraire de cet homme : il croit ces peuples sages et condamne les Juifs comme totalement insensés ! Entends Celse en effet nous dire :” Il est une doctrine d’une haute antiquité, toujours maintenue par les peuples les plus sages, les villes, les sages”. Et il n’a pas voulu qualifier les Juifs “de peuple très sage” au même titre que “les Egyptiens, les Assyriens, les Indiens, les Perses, les Odryses, les habitants de Samothrace et d’Eleusis”. LIVRE I

Ensuite, dans le secret dessein de calomnier le récit de la création d’après Moïse, qui révèle que le monde n’a pas encore dix mille ans, tant s’en faut, Celse prend parti, tout en cachant son intention, pour ceux qui disent que le monde est incréé. Car en disant : “Il y eut de toute éternité bien des embrasements, bien des déluges, dont le plus récent est l’inondation survenue naguère au temps de Deucalion”, il suggère clairement à ceux qui sont capables de le comprendre que, selon lui, le monde est incréé. Mais qu’il nous dise, cet accusateur de la FOI chrétienne, par quels arguments démonstratifs il a été contraint d’admettre qu’il y eut bien des embrasements, bien des déluges, et que les plus récents de tous furent l’inondation du temps de Deucalion et l’embrasement du temps de Phaéton ! S’il produit à leur sujet les dialogues de Platon, nous lui répondrons : à nous aussi il est permis de dire que dans l’âme pure et pieuse de Moïse, élevé au-dessus de tout le créé et uni au Créateur de l’univers, résidait un esprit divin qui fit connaître la vérité sur Dieu bien plus clairement que Platon et les sages grecs ou barbares. Et s’il nous demande des raisons de cette FOI, qu’il nous en donne le premier de ce qu’il avance sans preuves, ensuite nous prouverons que nos affirmations sont fondées. LIVRE I

Puisqu’on vient de toucher à la question des prophètes, ce qui va suivre ne sera pas inutile, non seulement pour les Juifs qui croient que les prophètes ont parlé par l’esprit divin, mais même pour les Grecs de bonne FOI. Je leur dirai qu’il est nécessaire d’admettre que les Juifs aussi ont eu des prophètes, puisqu’ils devaient être maintenus rassemblés sous la législation qui leur a été donnée, croire au Créateur selon les traditions qu’ils avaient reçues, et n’avoir, en vertu de la loi, aucun prétexte de passer par apostasie au polythéisme des païens. Et cette nécessité, je l’établirai ainsi. « Les païens », comme il est écrit dans la loi même des Juifs, « écouteront augures et devins », tandis qu’à ce peuple il est dit : « Mais tel n’a pas été pour toi le don du Seigneur ton Dieu » ; et il est ajouté : « Le Seigneur ton Dieu suscitera pour toi parmi tes frères un prophète. » Les païens usaient de divinations par les augures, les présages, les auspices, les ventriloques, les aruspices, les Chaldéens tireurs d’horoscopes, toutes choses interdites aux Juifs ; les Juifs dès lors, s’ils n’avaient eu aucune consolation de connaître le futur, sous la poussée de cet insatiable appétit humain de connaître l’avenir, auraient méprisé leurs propres prophètes comme n’ayant en eux rien de divin, et n’auraient pas reçu de prophètes après Moïse, ni inscrit leurs paroles dans les Écritures, mais se seraient tournés spontanément vers la divination et les oracles des païens ou auraient tenté d’établir chez eux quelque chose de semblable. Aussi n’y a-t-il rien d’étrange à ce que leurs prophètes aient fait des prédictions même sur des événements quotidiens, pour la consolation de ceux qui désiraient de tels oracles : ainsi la prophétie de Samuel même sur des ânesses perdues, et celle qu’on mentionne dans le troisième livre des Rois, sur la maladie du fils du roi. Sinon, comment ceux qui veillaient à l’observation des commandements de la loi auraient-ils condamné le désir d’obtenir un oracle des idoles ? C’est ainsi qu’on trouve Élie faisant à Ochosias cette réprimande : « N’y a-t-il pas de Dieu en Israël que vous alliez consulter en Baal une mouche, dieu d’Akkaron ? » LIVRE I

Voilà donc, ce me semble, exactement démontré non seulement que notre Sauveur naîtrait d’une vierge, mais encore qu’il y avait des prophètes parmi les Juifs : ils ne prédisaient pas uniquement les événements futurs d’intérêt général, comme la destinée du Christ et celle des royaumes de ce monde, les malheurs futurs d’Israël, la FOI des Gentils au Sauveur et bien d’autres choses dites à son sujet, mais même les événements particuliers, comme la manière de retrouver les ânesses perdues de Cis, la maladie dont souffrait le fils du roi d’Israël et toutes les autres histoires de ce genre. LIVRE I

Avant d’aborder la réponse, il faut dire de presque chaque histoire, fut-elle vraie, que vouloir établir qu’elle a eu lieu et en donner une représentation compréhensive est une chose des plus difficiles et, dans certains cas, impossible. Supposons par exemple que l’on dise que la guerre de Troie n’a pas eu lieu pour cette raison majeure que s’y mêle un récit incroyable, où un certain Achille est fils d’une déesse de la mer et d’un homme Pélée, un Sarpédon fils de Zeus, un Askalaphos et un Jalmenos d’Ares, un Énée d’Aphrodite. Comment établir la réalité de tout cela, étant donné surtout l’embarras où nous met la fiction qui s’entrelace je ne sais comment avec l’opinion qui prévaut chez tous que la guerre de Troie entre Grecs et Troyens a réellement eu lieu ? Supposons encore que l’on ne croie pas aux aventures d’Œdipe, de Jocaste et de leurs enfants Étéocle et Polynice, parce qu’on a fait intervenir dans le récit le Sphinx, sorte de demi-jeune fille : comment en établir la preuve ? Ainsi encore pour le cas des Epigones, même si rien de semblable n’est mêlé à la trame du récit, ou du retour des Héraclides, ou d’une infinité d’autres. Tout lecteur judicieux de ces histoires qui veut se garder d’erreur à leur propos discernera d’une part ce qui mérite son adhésion et ce qu’il interprétera allégoriquement en recherchant l’intention de ceux qui ont forgé de telles fictions, et d’autre part ce qu’il refusera de croire, comme écrit par complaisance pour certains. Ces remarques préliminaires à toute l’histoire de Jésus rapportée dans l’Évangile sont faites non pour inviter les gens vifs d’esprit à une FOI simple et irréfléchie, mais dans le dessein d’établir que les lecteurs ont besoin d’un jugement sain et d’un examen approfondi, et en quelque sorte d’entrer dans l’intention des écrivains, pour trouver dans quel esprit chaque événement est décrit. LIVRE I

Je dirai donc d’abord : si celui qui refuse de croire en l’apparition du Saint-Esprit sous la forme d’une colombe était présenté comme épicurien, ou partisan de Démocrite, ou péripatéticien, le propos conviendrait au personnage. Mais en fait le très docte Celse n’a même pas vu qu’il attribuait une telle parole à un Juif qui croit en bien des récits des écritures prophétiques plus extraordinaires que l’histoire de la forme de la colombe. On pourrait dire en effet au Juif incrédule sur l’apparition, qui pense pouvoir l’accuser de fiction : mais toi, mon brave, comment pourrais-tu prouver que le Seigneur Dieu a dit à Adam, Eve, Caïn, Noé, Abraham, Isaac, Jacob ce que la Bible atteste qu’il a dit à ces êtres humains ? Et pour comparer cette histoire à une autre, je dirais volontiers au Juif : Ton Ézéchiel aussi a écrit ces paroles : « Le ciel s’ouvrit et je vis une vision de Dieu » ; et après l’avoir racontée, il ajoute : « C’était la vision d’un aspect de la gloire du Seigneur, et il me parla. » Si ce que l’on relate de Jésus est faux, puisqu’à ton avis nous ne pouvons pas prouver avec évidence la vérité de ce qu’il a seul vu et entendu, ainsi que, comme tu semblés y tenir, « l’un des suppliciés », pourquoi ne dirions-nous point à plus juste titre qu’Ézéchiel lui aussi est victime d’un prestige quand il dit : « Le ciel s’ouvrit… etc. » ? De plus, lorsqu’Isaïe affirme : « Je vis le Seigneur des armées assis sur un trône très élevé ; les Séraphins se tenaient autour de lui, ayant six ailes l’un, six ailes l’autre…» etc., d’où tiens-tu la preuve qu’il l’a réellement vu ? Car tu as cru, Juif, que ces visions sont véridiques, et que le prophète, sous l’influence de l’Esprit de Dieu, les a non seulement vues, mais encore racontées et écrites. Mais qui donc est plus digne de FOI quand il affirme que le ciel lui a été ouvert, et qu’il a entendu une voix ou qu’il a vu « le Seigneur des armées assis sur un trône très élevé » ? Isaïe, Ézéchiel, ou bien Jésus ? Des premiers on ne trouve aucune oeuvre aussi sublime, tandis que la bonté de Jésus pour les hommes ne s’est pas bornée à la seule période de son incarnation ; même jusqu’à ce jour sa puissance opère la conversion et l’amélioration des moeurs de ceux qui croient en Dieu par lui. Et la preuve manifeste qu’elles sont dues à sa puissance, comme il le dit lui-même et que l’expérience le montre, c’est, nonobstant le manque d’ouvriers qui travaillent à la moisson des âmes, la moisson si abondante de ceux qui sont récoltés et introduits dans les aires de Dieu partout répandues, les églises. LIVRE I

Et cela, je le dis au Juif, non que je refuse, moi chrétien, de croire à Ezéchiel et à Isaïe, mais pour lui inspirer de la honte grâce à ces prophètes auxquels nous croyons comme lui : car Jésus est bien plus digne de FOI lorsqu’il a dit avoir eu cette vision, et qu’il a raconté aux disciples, comme c’est probable, la vision qu’il a vue et la voix qu’il a entendue. Une autre objection pourrait être que ceux qui ont mentionné par écrit la forme de la colombe et la voix céleste n’ont pas tous entendu Jésus leur faire ce récit. Mais l’Esprit qui enseigna à Moïse l’histoire plus ancienne que lui, celle qui commence à la création et va jusqu’au récit d’Abraham son ancêtre, enseigna de même aux évangélistes le miracle survenu au moment du baptême de Jésus. Celui qui a été orné du charisme qu’on appelle « discours de sagesse » » expliquera encore la raison de l’ouverture du ciel et de la forme de la colombe, et pourquoi le Saint-Esprit n’apparut point à Jésus sous la forme d’un autre être vivant que celui-là. Mais la raison ne demande pas de m’en expliquer ici : mon propos est de prouver que Celse n’a pas été judicieux d’attribuer à un Juif, avec de telles paroles, un manque de FOI en un fait plus vraisemblable que ceux auxquels il croit. LIVRE I

Je me souviens d’avoir un jour, dans une discussion avec des Juifs dont on vantait la science, en présence de nombreux juges pour dirimer le débat, employé un argument de ce genre : « Dites-moi, mes amis : deux personnes sont venues au genre humain, dont on a relaté des prodiges bien au-dessus de la nature humaine ; je veux dire Moïse votre législateur qui a écrit sa propre histoire, et Jésus notre maître qui n’a laissé aucun livre sur lui mais à qui ses disciples rendent témoignage dans les Evangiles. Quel arbitraire de croire que Moïse dit la vérité, bien que les Egyptiens l’aient accusé d’être un sorcier qui semble avoir fait ses miracles par sorcellerie, mais de ne pas croire Jésus, puisque vous l’accusez ! A tous deux, des peuples rendent témoignage ; les Juifs, à Moïse ; et les chrétiens, loin de nier la mission prophétique de Moïse, partent de là pour prouver la vérité sur Jésus, acceptent comme vraies les histoires miraculeuses que racontent de lui ses disciples. Si donc vous nous demandez la raison de notre FOI en Jésus, donnez d’abord celle de votre FOI en Moïse, puisqu’il a vécu avant lui, ensuite nous vous donnerons celle de notre FOI en lui ; si vous vous dérobez et refusez les preuves au sujet de Moïse, alors pour l’instant nous faisons comme vous et ne fournissons pas de preuves. Avouez néanmoins que vous n’avez pas de preuve à offrir pour Moïse, et écoutez les preuves tirées de la loi et des prophètes en faveur de Jésus. Bien plus, l’étonnant est que les preuves qui valent pour Jésus dans la loi et les prophètes prouvent aussi que Moïse et les prophètes étaient des prophètes de Dieu. » LIVRE I

Un examen approfondi de la question fera dire : suivant le terme de l’Écriture, il existe une sorte de genre, un sens divin, que le bienheureux seul trouve à présent, au dire de Salomon « Tu trouveras un sens divin » Et ce sens comporte des espèces, la vue, qui peut fixer les réalités supérieures aux corps, dont font partie les Chérubins et les Séraphins , l’ouïe, percevant des sons dont la réalité n’est pas dans l’air , le goût, pour savourer le pain vivant descendu du ciel et donnant la vie au monde ; de même encore l’odorat, qui sent ces parfums dont parle Paul qui se dit être « pour Dieu la bonne odeur du Christ » , le toucher, grâce auquel Jean affirme avoir touche de ses mains « le Logos de vie ». Ayant trouvé le sens divin, les bienheureux prophètes regardaient divinement, écoutaient divinement, goûtaient et sentaient de même façon, pour ainsi dire d’un sens qui n’est pas sensible , et ils touchaient le Logos par la FOI, si bien qu’une émanation leur arrivait de lui pour les guérir. Ainsi voyaient-ils ce qu’ils écrivent avoir vu, entendaient-ils ce qu’ils disent avoir entendu, éprouvaient-ils des sensations de même ordre lorsqu’ils mangeaient, comme ils le notèrent, « le rouleau » d’un livre qui leur était donné. Ainsi encore Isaac « sentit l’odeur des vêtements » divins de son fils et put ajouter à sa bénédiction spirituelle : « Voici l’odeur de mon fils, pareille à l’odeur d’un champ fertile béni par le Seigneur. » De la même manière que dans ces exemples et de façon plus intelligible que sensible, Jésus « toucha » le lépreux pour le guérir doublement, à mon avis, en le délivrant non seulement, comme l’entend la foule, de la lèpre sensible par son toucher sensible, mais encore de l’autre lèpre par son toucher véritablement divin. C’est donc ainsi que « Jean rendit témoignage en disant : J’ai vu l’Esprit, tel une colombe, descendre du ciel et demeurer sur lui. Et moi, je ne le connaissais pas, mais celui qui m’a envoyé baptiser dans l’eau m’avait dit : Celui sur qui tu verras l’Esprit descendre et demeurer, c’est lui qui baptise dans l’Esprit Saint. Oui, j’ai vu et j’atteste que c’est Lui le Fils de Dieu. » De plus, c’est bien pour Jésus que le ciel s’est ouvert ; et à ce moment là, de nul autre que Jean il n’est écrit qu’il vit le ciel ouvert. Mais le Sauveur prédit à ses disciples que de cette ouverture du ciel ils seront plus tard les témoins, et dit : « En vérité, en vérité, je vous le dis : vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre sur le Fils de l’homme. » Ainsi encore Paul fut ravi au troisième ciel, après l’avoir vu d’abord ouvert, puisqu’il était disciple de Jésus. Mais expliquer maintenant pourquoi Paul dit : ” Etait-ce en son corps ? Je ne sais ; était-ce hors de son corps ? Je ne sais. Dieu le sait “, est hors de propos. LIVRE I

Après cela, je ne sais comment, le point capital de la démonstration de Jésus, à savoir qu’il a été prédit par les prophètes juifs, par Moïse et ceux qui lui ont succédé, voire par ceux qui l’ont précédé, est volontairement omis par lui, incapable qu’il était, je crois, de réfuter l’argument : car ni les Juifs, ni aucune de toutes leurs sectes n’ont nié que Jésus ait été prédit. Mais peut-être ne connaissait-il même pas les prophéties ; s’il avait compris ce qu’affirment les chrétiens, que de nombreux prophètes ont prédit la venue du Sauveur, il n’aurait pas attribué au personnage du Juif des paroles qui conviennent mieux à un Samaritain ou un Sadducéen. Et ce ne pourrait être un Juif, celui qui a dit dans son discours fictif : ” Mais mon prophète a dit un jour à Jérusalem que le Fils de Dieu viendrait rendre justice aux saints et châtier les pécheurs “. Car ce n’est pas un prophète unique qui a prophétisé sur le Christ. Et même si les Samaritains et les Sadducéens, qui acceptent les seuls livres de Moïse, affirment que le Christ y est prophétisé, ce n’est certes point à Jérusalem, qui n’est pas encore nommée au temps de Moïse, que la prophétie a été dite. Plût donc au ciel que tous les accusateurs de l’Évangile soient d’une égale ignorance non seulement des faits, mais des simples textes de l’Écriture, et qu’ils attaquent le christianisme sans que leur discours ait la moindre vraisemblance capable d’éloigner, je ne dis pas de leur FOI, mais de leur peu de FOI, les gens instables qui croient ” pour un temps “. Mais un Juif ne proclamerait pas qu’un prophète a dit que le Fils de Dieu viendrait, car ce qu’ils disent, c’est que viendra le Christ de Dieu. Bien plus, souvent, ils nous posent directement des questions sur le titre de Fils de Dieu, disant qu’un tel être n’existe pas et n’a pas été prophétisé. Et je ne veux pas dire que le Fils de Dieu n’est pas prédit par les prophètes, mais que c’est faire une attribution en désaccord avec le personnage d’un Juif, incapable de rien dire de tel, que de lui prêter ce mot : « Mon prophète a dit un jour à Jérusalem que le Fils de Dieu viendrait. » LIVRE I

Ensuite, comme s’il n’était pas le seul dont il est prophétisé qu’il rend la justice aux saints et châtie les pécheurs, comme s’il n’y avait aucune prédiction sur le lieu de sa naissance, la passion qu’il endurerait des Juifs, sa résurrection, les miracles prodigieux qu’il accomplirait, il dit : ” Pourquoi serait-ce à toi plutôt qu’à une infinité d’autres nés depuis la prophétie que s’appliquerait ce qui est prophétisé ? ” Je ne sais pourquoi il veut attribuer à d’autres la possibilité de conjecturer qu’ils sont eux-mêmes l’objet de cette prophétie, et ajoute : ” Les uns, fanatiques, les autres, mendiants, déclarent venir d’en haut en qualité de Fils de Dieu “. Je n’ai pas appris que ce soit un fait reconnu chez les Juifs. Il faut donc répondre d’abord que bien des prophètes ont fait des prédictions de bien des manières chez les Juifs sur le Christ : les uns en énigmes, les autres par allégorie ou autres figures, et certains même littéralement. Il déclare ensuite dans le discours fictif du Juif aux croyants de son peuple : Les prophéties rapportées aux événements de sa vie peuvent aussi bien s’adapter à d’autres réalités, et il le dit avec une habileté malveillante ; j’en exposerai donc quelques-unes entre beaucoup d’autres ; et à leur sujet, qu’on veuille bien dire ce qui peut contraindre à les renverser et détourner de la FOI les croyants à l’intelligence prompte. LIVRE I

Sur le lieu de sa naissance, il a été dit que « le chef sortira de Bethléem», voici comment : « Mais toi, Bethléem bourg d’Éphrata, tu es bien petite pour être entre les milliers de Juda ; toi d’où sortira pour moi celui qui doit régner sur Israël et dont les origines sont aux temps anciens, aux jours d’éternité ». » Cette prophétie ne saurait convenir à aucun de ceux qui, au dire du Juif de Celse, sont des fanatiques ou des mendiants et déclarent venir d’en haut, si l’on n’a pas clairement montré qu’il est né à Behtléem, autrement dit qu’il est venu de Bethléem pour gouverner le peuple. Or, que Jésus soit né à Bethléem, si, après la prophétie de Michée et après le récit consigné dans les évangiles par les disciples de Jésus, on désire être convaincu par d’autres preuves, on montre, sachons-le, conformément à l’histoire évangélique de sa naissance, à Bethléem la grotte où il est né, et dans la grotte la crèche où il fut enveloppé de langes. Et ce qu’on montre est célèbre dans la contrée, même parmi les étrangers à la FOI, puisqu’on effet dans cette grotte est né ce Jésus que les chrétiens adorent et admirent. Je pense pour ma part qu’avant la venue du Christ, les princes des prêtres et les scribes du peuple enseignaient, à cause de la clarté évidente de la prophétie, que le Christ naîtrait à Bethléem ; et le bruit s’en était même répandu chez la plupart des Juifs. De là vient qu’Hérode, selon l’Écriture, s’informant auprès des princes des prêtres et des scribes du peuple, avait appris d’eux que le Christ naîtrait « à Bethléem de Judée », lieu d’origine de David. De plus, il est attesté dans l’Évangile selon Jean que les Juifs avaient dit que le Christ naîtrait à Behtléem, lieu d’origine de David. Mais après la venue du Christ, ceux qui s’efforcèrent de détruire l’idée que sa naissance a été prédite des le commencement cachèrent cet enseignement au peuple. Effort semblable à celui que l’on tenta en persuadant les soldats de garde au tombeau qui l’avaient vu ressusciter des morts et l’annonçaient, par cette consigne donnée aux témoins : « Dites plutôt ses disciples sont venus la nuit le dérober durant notre sommeil. S’il en vient quelque chose aux oreilles du gouverneur, nous saurons le persuader et vous épargner tout ennui. » LIVRE I

Je rétorque : un examen sensé et judicieux de la conduite des apôtres de Jésus montre que par la puissance divine ils enseignaient le christianisme et réussissaient à soumettre les hommes à la parole de Dieu. Ils ne possédaient ni éloquence naturelle ni ordonnance de leur message selon les procèdes dialectiques et rhétoriques des Grecs, qui entraînent les auditeurs. Mais il me semble que si Jésus avait choisi des hommes savants au regard de l’opinion publique, capables de saisir et d’exprimer des idées chères aux foules, pour en faire les ministres de son enseignement, il eût très justement prête au soupçon d’avoir prêche suivant une méthode semblable à celle des philosophes chefs d’école, et le caractère divin de sa doctrine n’aurait plus paru dans toute son évidence. Sa doctrine et sa prédication auraient consisté en discours persuasifs de la sagesse avec le style et la composition littéraire. Notre FOI, pareille à celle qu’on accorde aux doctrines des philosophes de ce monde, reposerait sur « la sagesse des hommes » et non sur « la puissance de Dieu ». Mais à voir des pêcheurs et des publicains sans même les premiers rudiments des lettres — selon la présentation qu’en donne l’Évangile, et Celse les croit véridiques sur leur manque de culture —, assez enhardis non seulement pour traiter avec les Juifs de la FOI en Jésus-Christ, mais encore pour le prêcher au reste du monde et y réussir, comment ne pas chercher l’origine de leur puissance de persuasion ? Car ce n’était pas celle qu’attendent les foules. Et qui n’avouerait que sa parole : « Venez à ma suite, je vous ferai pêcheurs d’hommes », Jésus l’ait réalisée par une puissance divine dans ses apôtres. Paul aussi, je l’ai dit plus haut, la propose en ces termes : « Ma doctrine et ma prédication ne consistaient pas en des discours persuasifs de la sagesse, mais dans une démonstration de l’Esprit et de la puissance, pour que notre FOI reposât, non point sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu. » Car, selon ce qui est dit dans les prophètes quand ils annoncent avec leur connaissance anticipée la prédication de l’Évangile, « le Seigneur donnera sa parole aux messagers avec une grande puissance, le roi des armées du bien-aimé », pour que soit accomplie cette prophétie : « afin que sa parole courre avec rapidité ». Et nous voyons, de fait, que « la voix » des apôtres de Jésus « est parvenue à toute la terre, et leurs paroles, aux limites du monde ». Voilà pourquoi sont remplis de puissance ceux qui écoutent la parole de Dieu annoncée avec puissance, et ils la manifestent par leur disposition d’âme, leur conduite et leur lutte jusqu’à la mort pour la vérité. Mais il y a des gens à l’âme vide, même s’ils font profession de croire en Dieu par Jésus-Christ ; n’étant pas sous l’influence de la puissance divine, ils n’adhèrent qu’en apparence à la parole de Dieu. LIVRE I

Celse a traité les apôtres de Jésus d’hommes décriés, en les disant « publicains et mariniers fort misérables ». Là encore je dirai : il semble tantôt croire à son gré aux Écritures, pour critiquer le christianisme, et tantôt, pour ne pas admettre la divinité manifestement annoncée dans les mêmes livres, ne plus croire aux Evangiles. Il aurait fallu, en voyant la sincérité des écrivains à leur manière de raconter ce qui est désavantageux, les croire aussi en ce qui est divin. Il est bien écrit, dans l’épître catholique de Barnabé, dont Celse s’est peut-être inspiré pour dire que les apôtres de Jésus étaient des hommes décriés et fort misérables, que « Jésus s’est choisi ses propres apôtres, des hommes qui étaient coupables des pires péchés ». Et, dans l’Évangile selon Luc, Pierre dit à Jésus : « Seigneur, éloigne-toi de moi, parce que je suis un homme pécheur. » De plus, Paul déclare dans l’épître à Timothée, lui qui était devenu sur le tard apôtre de Jésus : « Elle est digne de FOI la parole : Jésus-Christ est venu dans le monde pour sauver les pécheurs, entre lesquels je tiens moi, le premier rang. » Mais je ne sais comment Celse a oublié ou négligé de mentionner Paul fondateur, après Jésus, des églises chrétiennes. Sans doute voyait-il qu’il lui faudrait, en parlant de Paul, rendre compte du fait que, après avoir persécuté l’Église de Dieu et cruellement combattu les croyants jusqu’à vouloir livrer à la mort les disciples de Jésus, il avait été ensuite assez profondément converti pour « achever la prédication de l’Évangile du Christ, depuis Jérusalem jusqu’en Illyrie », tout en « mettant son point d’honneur de prédicateur de l’Évangile », pour éviter de « bâtir sur les fondations posées par autrui », à ne prêcher que là où n’avait pas du tout été annoncée la bonne nouvelle de Dieu réalisée dans le Christ. Qu’y a-t-il donc d’absurde à ce que Jésus, dans le dessein de montrer au genre humain quelle puissance il possède de guérir les âmes, ait choisi des hommes décriés et fort misérables, et les ait fait progresser jusqu’à devenir l’exemple de la vertu la plus pure pour ceux qu’ils amènent à l’évangile du Christ ? LIVRE I

Après cela, le Juif de Celse déclare, comme un Grec ami du savoir et instruit de la littérature grecque : “Les anciens mythes qui ont attribué à Persée, Amphion, Eaque et Minos une naissance divine — et nous ne les avons même pas crus — étalent du moins avec complaisance leurs oeuvres grandes, admirables et véritablement surhumaines, pour ne point paraître indignes de FOI. Mais toi, qu’as-tu présenté de beau ou d’admirable en oeuvres ou en paroles ? Tu ne saurais rien nous montrer malgré la sommation qu’on te fit dans le temple de fournir un signe manifeste que tu es Fils de Dieu”. A cela il faut répondre : que les Grecs nous montrent, de l’un de ceux qui viennent d’être énumérés, une oeuvre utile à la vie, éclatante, dont l’influence s’étendit à la postérité et qui soit capable de donner une vraisemblance au mythe qui leur attribue une naissance divine ! Mais en fait, ils ne montreront sur les héros dont ils ont écrit l’histoire rien qui approche même de loin les exploits accomplis par Jésus. A moins par hasard que les Grecs nous renvoient à leurs mythes et à leurs récits, et nous veuillent, là, déraisonnablement crédules, et ici, en dépit d’une évidence flagrante, incrédules. Or nous, nous affirmons : l’oeuvre de Jésus, toute la terre des hommes la porte, où résident grâce à Jésus, les églises de Dieu composées d’hommes convertis de péchés innombrables. De plus, le nom de Jésus chasse encore des hommes les égarements d’esprit, les démons et, aujourd’hui encore, les maladies ; et il fait naître merveilleusement douceur, modération de caractère, sentiment d’humanité, bonté, mansuétude chez ceux qui ne feignent pas d’accepter, pour des avantages ou des nécessités de la vie, mais acceptent véritablement la doctrine sur Dieu, le Christ et le jugement à venir. LIVRE I

Celse affirme : “Le corps d’un Dieu n’use pas d’une voix comme la tienne, ni d’une pareille méthode de persuasion”. C’est là encore une objection sans valeur et absolument méprisable. Il suffira de lui répondre : Apollon de Delphes et celui de Didymes, un dieu d’après la FOI des Grecs, use d’une voix pareille, celle de la Pythie ou de la prophétesse de Milet : ce n’est pas pour les Grecs une raison de refuser la divinité d’Apollon de Delphes ou de Didymes ou de tout autre dieu semblable établi en un lieu particulier. Mais combien il était plus excellent que Dieu usât d’une voix proférée avec puissance, faisant naître chez les auditeurs une persuasion indicible ! LIVRE I

Ensuite, cet homme qui, par son impiété et ses doctrines misérables, est, s’il m’est permis de dire, haï de Dieu, en vient à injurier Jésus : “Tout cela était d’un homme haï de Dieu et d’un misérable sorcier”. A vrai dire, si l’on examine strictement les mots et les faits, il est impossible qu’il y ait un homme « haï de Dieu », puisque Dieu « aime tous les êtres, et n’a de dégoût pour rien de ce qu’il a fait ; car, s’il avait haï quelque chose, il ne l’aurait pas formé ». Et si certains passages des prophètes ont des expressions de ce genre, ils seront interprétés d’après ce principe général que l’Écriture s’exprime, à propos de Dieu, comme s’il avait des passions humaines. Mais pourquoi répliquer à un homme qui, ayant promis des arguments dignes de FOI, croit devoir user de blasphèmes et d’injures contre Jésus, le traitant de misérable et de sorcier ? C’est là l’oeuvre de quelqu’un qui, loin de démontrer par des preuves, est atteint d’une passion vulgaire et non philosophique : il aurait dû exposer le sujet, le soumettre à un examen loyal et présenter de son mieux les objections qui lui venaient à l’esprit. LIVRE I

Il faut donc examiner ce qu’il dit contre les croyants venus du judaïsme. Il affirme qu’« abandonnant la loi de leurs pères, à cause de la séduction exercée par Jésus, ils ont été bernés de la plus ridicule façon et ont déserté, changeant de nom et de genre de vie ». Il n’a pas remarqué que ceux des Juifs qui croient en Jésus n’ont pas abandonné la loi de leurs pères. Car ils vivent en conformité avec elle, et doivent leur appellation à la pauvreté d’interprétation de la loi. « Ebion » est en effet le nom du pauvre chez les Juifs et « Ebionites », l’appellation que se donnent ceux des Juifs qui ont reçu Jésus comme Christ. De plus, Pierre paraît avoir gardé longtemps les coutumes juives prescrites par la loi de Moïse, comme s’il n’avait pas encore appris de Jésus à s’élever du sens littéral de la loi à son sens spirituel. Nous l’apprenons des Actes des Apôtres. Car, « le lendemain » de l’apparition à Corneille de l’ange de Dieu lui enjoignant d’envoyer « à Joppé » vers Simon surnommé Pierre, « Pierre monta sur la terrasse vers la sixième heure pour prier. Il sentit la faim et voulut manger. Or, pendant qu’on préparait un repas, il lui survint une extase : il voit le ciel ouvert, et un objet, semblable à une grande nappe nouée aux quatre coins, en descendre vers la terre. Et dedans, il y avait tous les quadrupèdes et les reptiles de la terre, et tous les oiseaux du ciel. Une voix lui dit alors : Debout, Pierre, immole et mange ! Mais Pierre répondit : Oh ! non, Seigneur, car je n’ai jamais rien mangé de souillé ni d’impur. Et de nouveau la voix lui dit : Ce que Dieu a purifié, toi ne le dis pas souillé ». Vois donc ici comment on représente que Pierre garde encore les coutumes juives sur la pureté et l’impureté. Et la suite montre qu’il lui fallut une vision pour communiquer les doctrines de la FOI à Corneille qui n’était pas israélite selon la chair, et à ses compagnons : car, resté juif, il vivait selon les traditions ancestrales et méprisait ceux qui étaient hors du judaïsme. Et dans l’épître aux Galates, Paul montre que Pierre, toujours par crainte des Juifs, cessa de manger avec les Gentils, et, à la venue de Jacques vers lui, « se tint à l’écart » des Gentils « par peur des circoncis » ; et le reste des Juifs ainsi que Barnabé firent de même. LIVRE II

S’il faut ajouter encore une autre raison, je dirai que, même cela les prophètes l’ont prédit. Isaïe du moins dit clairement : « Vous entendrez de votre oreille et vous ne comprendrez pas, vous regarderez de vos yeux et vous ne verrez pas. Car le coer de ce peuple s’est épaissi », etc. Qu’on nous dise alors pourquoi il est prédit aux Juifs que malgré le témoignage de leurs oreilles et de leurs yeux, ils ne comprendraient pas les paroles ni ne verraient le spectacle de la manière qu’il fallait. De toute évidence, voyant Jésus ils n’ont pas vu qui il était, l’entendant ils n’ont pas compris à ses paroles la divinité qui était en lui et qui allait transférer aux Gentils qui avaient FOI en lui la sollicitude de Dieu jusqu’alors réservée aux Juifs. Aussi peut-on voir, après l’avènement de Jésus, les Juifs entièrement abandonnés, ne possédant rien de ce qui autreFOIs leur paraissait sacré, pas même un signe de la présence de la divinité parmi eux. Car ils n’ont plus de prophètes ni de prodiges ; tandis qu’on en trouve des traces d’une certaine importance chez les chrétiens, oui et même, « de plus grands » ; et si je suis digne de créance, moi aussi j’en ai vus. Le Juif de Celse dit : “Pourquoi aurions-nous indignement traité celui que nous avons publiquement prédit ? Dans le but d’être punis plus que les autres ? ” A cela aussi on peut répondre : les Juifs plus que les autres, pour leur manque de FOI en Jésus et combien d’autres outrages qu’ils lui ont faits, non seulement souffriront du jugement auquel nous croyons, mais encore en ont déjà souffert. Quel peuple en effet est-il banni de sa propre capitale et du lieu réservé au culte traditionnel sinon les seuls Juifs ? Voilà ce qu’ils ont souffert dans leur profonde indignité, moins pour aucun de leurs nombreux autres péchés, que pour ce qu’ils ont osé contre notre Jésus. LIVRE II

Nous reprochons donc aux Juifs de ne l’avoir pas tenu pour Dieu, alors que les prophètes ont souvent attesté qu’il est une grande puissance et un dieu au-dessous du Dieu et Père de l’univers. A lui, disons-nous, dans l’histoire de la création racontée par Moïse, le Père a donné l’ordre : « Que la lumière soit », « Que le firmament soit » et tout le reste dont Dieu a ordonné la venue à l’existence. A lui, il a été dit : « Faisons l’homme à notre image et ressemblance. » Et le Logos, l’ordre reçu, a fait tout ce que le Père lui avait commande. Nous le disons en nous fondant non sur des conjectures, mais sur la FOI aux prophéties reçues chez les Juifs, ou il est dit en propres termes de Dieu et des choses créées : « Il a dit et les choses furent, il a ordonné et elles furent créées. » Si donc Dieu donna l’ordre et les créatures furent faites, quel pourrait être, dans la perspective de l’esprit prophétique, celui qui fut capable d’accomplir le sublime commandement du Père, sinon Celui qui est, pour ainsi dire, Logos vivant et Vérité ? D’autre part, les Evangiles savent que celui qui dit en Jésus « Je suis la voie, la vérité, la vie » n’est pas circonscrit au point de n’exister en aucune manière hors de l’âme et du corps de Jésus. Cela ressort de nombreux passages dont nous citerons le peu que voici Jean-Baptiste, prophétisant que le Fils de Dieu allait bientôt paraître, sans se trouver seulement dans ce corps et cette âme mais présent partout, dit de lui « Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas, qui vient après moi. » Or s’il avait pensé que le Fils de Dieu est là seulement ou se trouvait le corps visible de Jésus, comment eut-il affirme : « Au milieu de vous se tient quelqu’un que vous ne connaissez pas » ? De plus, Jésus lui-même élevé l’intelligence de ses disciples à de plus hautes conceptions du Fils de Dieu, quand il dit : « Là ou deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis présent au milieu d’eux. » Et telle est la signification de sa promesse à ses disciples : « Et voici que je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » Lorsque nous disons cela, nous ne séparons point le Fils de Dieu de Jésus, car c’est un seul être, après l’incarnation, qu’ont formé avec le Logos de Dieu l’âme et le corps de Jésus. Si en effet, selon l’enseignement de Paul qui dit : « Celui qui s’unit au Seigneur est un seul esprit avec lui », quiconque a compris ce que c’est qu’être uni au Seigneur et s’est uni à lui est un seul esprit avec le Seigneur, de quelle manière bien plus divine et plus sublime le composé dont nous parlions est-il un seul être avec le Logos de Dieu ! Il s’est, de fait, manifesté parmi les Juifs comme « la Puissance de Dieu », et cela par les miracles qu’il accomplit, n’en déplaise à ceux qui le soupçonnent comme Celse de mettre en oevre la sorcellerie, et comme les Juifs d’alors, instruits à je ne sais quelle source sur Béelzébul, de chasser les démons « par Béelzébul prince des démons ». Notre Sauveur les convainquit alors de l’extrême absurdité de leurs dires par le fait que le règne du mal n’avait pas encore pris fin. Ce sera évident à tous les lecteurs sensés du texte évangélique ; il est hors de propos de l’expliquer maintenant. LIVRE II

Considère s’il n’y a pas une grande autorité dans sa parole : « Quiconque se déclarera pour moi devant les hommes, à mon tour je me déclarerai pour lui devant mon père qui est dans le ciel ; mais quiconque me reniera devant les hommes… » etc. Remonte avec moi par la pensée à Jésus prononçant ces paroles, et note que ce qu’il prédisait n’est pas encore arrivé. Peut-être, par manque de FOI en lui, diras-tu : ce ne sont que sornettes et paroles en l’air, car la chose prédite n’arrivera pas. Ou peut-être le doute sur l’assentiment à donner à ses paroles te fera dire : si ces prédictions sont accomplies, si l’enseignement des paroles de Jésus est accrédité, du fait que les gouverneurs et les rois se préoccupent de détruire ceux qui reconnaissent Jésus, alors nous croirons qu’il a dit cela parce qu’il avait reçu de Dieu une grande autorité pour répandre cette doctrine dans le genre humain, et était persuadé de son triomphe. Et qui ne serait rempli d’admiration en remontant par la pensée à Celui qui enseignait alors et disait : « Cet Évangile sera prêché dans le monde entier, en témoignage pour eux et les Gentils », et en considérant que, comme il l’avait dit, l’Évangile de Jésus a été prêché « à toute créature sous le ciel», « aux Grecs et aux barbares, aux savants et aux ignorants » ? Car sa parole prêchée avec puissance a soumis toute l’humanité et il n’est pas possible de voir une race d’hommes qui ait pu se soustraire à l’enseignement de Jésus. LIVRE II

Mais comment n’est-ce pas un mensonge flagrant que l’assertion du Juif de Celse : ” De toute sa vie, n’ayant persuadé personne, pas même ses disciples, il fut châtié et endura ces souffrances ! ” Car d’où vient la haine excitée contre lui par les grands-prêtres, les anciens et les scribes, sinon de ce que les foules étaient persuadées de le suivre jusqu’aux déserts, conquises non seulement par la logique de ses discours, toujours adaptés à ses auditeurs, mais encore par ses miracles qui frappaient d’étonnement ceux qui ne croyaient pas à la logique de son discours ? Comment n’est-ce pas un mensonge flagrant de dire qu’il ne persuada pas même ses disciples. Ils ont bien ressenti alors une lâcheté tout humaine, car ils n’étaient pas encore d’un courage éprouvé, mais sans touteFOIs se départir de leur conviction qu’il était le Christ. Car Pierre, aussitôt après son reniement, eut conscience de la gravité de sa chute, et «sortant dehors, il pleura amèrement» » ; les autres, bien que frappés de découragement à son sujet, car ils l’admiraient encore, furent affermis par son apparition à croire qu’il était Fils de Dieu d’une FOI encore plus vive et plus ferme qu’auparavant. Par un sentiment indigne d’un philosophe, Celse imagine que la supériorité de Jésus sur les hommes ne consistait pas dans sa doctrine du salut et la pureté de ses moers. Il aurait dû agir contrairement au caractère du rôle qu’il avait assumé : ayant assumé une nature mortelle, il aurait dû ne pas mourir ; ou il devait mourir, mais non d’une mort qui pût servir d’exemple aux hommes : car cet acte leur apprendrait à mourir pour la religion, et à en faire hardiment profession en face de ceux qui sont dans l’erreur en matière de piété et d’impiété et qui tiennent les gens pieux pour très impies, et pour très pieux ceux qui, fourvoyés dans leurs idées sur Dieu, appliquent à tout plutôt qu’à Dieu la juste notion qu’ils ont de lui ; et leur erreur est au comble quand ils massacrent avec fureur ceux qui, saisis par l’évidence de l’unique Dieu suprême, se sont consacrés de toute leur âme jusqu’à la mort. Celse met dans la bouche du Juif un autre reproche contre Jésus :” Il ne s’est pas montré pur de tout mal.” De quel mal Jésus ne s’est-il pas montré pur ? Que le lettré de Celse le dise ! S’il entend que Jésus ne s’est pas montré pur du mal au sens strict, qu’il fasse clairement la preuve d’un acte mauvais accompli par lui ! Si, au contraire, il entend par mal la pauvreté, la croix, la conspiration d’hommes insensés, il est évident qu’on peut dire que du mal est arrivé aussi à Socrate, qui n’a pas pu prouver qu’il était pur de ce mal. Mais qu’il est nombreux chez les Grecs le choeur des philosophes qui furent pauvres et d’une pauvreté volontairement choisie ! La plupart des Grecs le connaissent par leurs histoires : Démocrite laissa son bien abandonné en pâturage aux brebis ; Cratès se libéra en gratifiant les Thébains de l’argent que lui avait procuré la vente de tout ce qu’il possédait ; de plus, Diogène, par exagération de pauvreté, vivait dans un tonneau, et nulle personne d’intelligence même modérée n’en conclut que Diogène vivait dans le mal. De plus, puisque Celse veut que ” Jésus n’ait pas même été irréprochable,” c’est à lui de montrer lequel de ceux qui ont adhéré à sa doctrine a rapporté de Jésus quoi que ce soit de vraiment répréhensible. Ou bien, si ce n’est pas d’après eux qu’il l’accuse d’être répréhensible, qu’il montre d’après quelle source il a pu dire qu’il n’était pas irréprochable. Jésus a tenu ses promesses en faisant du bien à ceux qui se sont attachés à lui. Et en voyant sans cesse accomplis les événements qu’il avait prédits avant qu’ils arrivent, l’Évangile prêché dans le monde entier, ses disciples partis annoncer sa doctrine à toutes les nations, en outre, leur procès devant gouverneurs et rois sans autre motif que son enseignement, nous sommes remplis d’admiration pour lui et nous fortifions chaque jour notre FOI en lui. Mais je ne sais pas de quelles preuves plus fortes et plus évidentes Celse voudrait qu’il ait confirmé ses prédictions ; à moins peut-être qu’ignorant, à ce qu’il semble, que le Logos est devenu l’homme Jésus, il eût voulu qu’il n’éprouvât rien d’humain et ne devînt pas pour les hommes un noble exemple de la manière de supporter l’adversité. Mais peut-être celle-ci apparaît-elle à Celse lamentable et des plus répréhensibles, puisqu’il regarde la peine comme le plus grand des maux et le plaisir comme le bien parfait : ce qui n’est accepté par aucun des philosophes qui admettent la Providence, et qui conviennent que le courage est une vertu ainsi que l’endurance et la grandeur d’âme. Ainsi, par les souffrances qu’il a supportées, Jésus n’a pas discrédité la FOI en sa personne, mais il l’a fortifiée plutôt dans ceux qui veulent admettre le courage, et dans ceux qui ont appris de lui que la vie heureuse au sens propre et véritable n’est point ici-bas, mais dans ce qu’il appelle « le siècle à venir », tandis que la vie dans « le siècle présent » est un malheur, la première et la plus grande lutte à mener par l’âme. LIVRE II

Après cela, je ne sais pour quelle raison, il ajoute cette remarque fort niaise :” Si, en forgeant des justifications absurdes à ce qui vous a ridiculement abusés, vous croyez offrir une justification valable, qu’est-ce qui empêche de penser que tous les autres qui ont été condamnés et ont disparu d’une manière plus misérable encore sont des messagers plus grands et plus divins que lui ? ” Mais il est d’une évidence manifeste et claire à tout homme que Jésus, dans les souffrances qui sont rapportées, n’a rien de comparable a ceux qui ont disparu d’une manière plus misérable encore, à cause de leur magie ou de quelque autre grief que ce soit. Car personne ne peut montrer qu’une pratique de sorcellerie ait converti les âmes de la multitude des pèches qui règnent parmi les hommes et du débordement de vice. Et le Juif de Celse, assimilant Jésus aux brigands, déclare ” On pourrait dire avec une égale impudence d’un brigand et d’un assassin mis au supplice ce n’était pas un brigand, mais un Dieu, car il a prédit à ses complices qu’il souffrirait le genre de supplice qu’il a souffert “.Mais d’abord on peut dire ce n’est pas du fait qu’il a prédit ce qu’il souffrirait que nous avons de tels sentiments sur Jésus, comme par exemple lorsque nous professons sincèrement et hardiment qu’il est venu de Dieu à nous , ensuite, nous disons que cette assimilation même est prédite en quelque sorte dans les Evangiles, puisque Jésus « fut compte parmi les malfaiteurs » par des malfaiteurs car ils ont préféré qu’un brigand, emprisonné « pour sédition et meurtre », fût mis en liberté, et que Jésus soit crucifié, et ils le crucifièrent entre deux brigands. De plus, sans cesse, dans la personne de ses disciples véritables et qui rendent témoignage à la vérité, Jésus est crucifié avec des brigands et souffre la même condamnation qu’eux parmi les hommes. Nous disons dans la mesure ou il y a une analogie entre des brigands et ceux qui, pour leur piété envers le Créateur qu’ils veulent garder intacte et pure comme l’enseigna Jésus acceptent tous les genres d’outrages et de morts, il est clair que Celse a quelque raison de comparer aux chefs de brigands Jésus, l’initiateur de cet enseignement sublime. Mais ni Jésus qui meurt pour le salut de tous, ni ceux qui endurent ces souffrances à cause de leur piété, seuls de tous les hommes à être persécutés pour la manière dont ils croient devoir honorer Dieu, ne sont mis à mort sans injustice, et Jésus ne fut pas persécuté sans impiété. Note aussi le caractère superficiel de ce qu’il dit de ceux qui furent alors les disciples de Jésus : “Alors les compagnons de sa vie, qui entendaient sa voix, l’avaient pour maître, quand ils le virent torturé et mourant, ne voulurent ni mourir avec lui ni mourir pour lui, et, loin de consentir à mépriser des supplices, ils nièrent qu’ils fussent ses disciples. Et vous, maintenant, voulez mourir avec lui”. Ici donc Celse, pour attaquer notre doctrine, ajoute FOI au péché commis par les disciples encore débutants et imparfaits, que rapportent les Evangiles. Mais leur redressement après leur faute, leur assurance à prêcher devant les Juifs, les maux sans nombre endurés de leur part, leur mort enfin pour l’enseignement de Jésus, il n’en dit mot. C’est qu’il n’a pas voulu considérer la prédiction de Jésus à Pierre « Vieilli, tu étendras les mains… » etc. ; à quoi l’Écriture ajoute « Il indiquait ainsi la mort par laquelle il rendrait gloire à Dieu » , ni considérer la mort par le glaive au temps d’Hérode, pour la doctrine du Christ, de Jacques frère de Jean, apôtre et frère d’apôtre , ni considérer non plus tous les exploits de Pierre et des autres apôtres dans leur intrépide prédication de l’Évangile, et comment ils s’en allèrent du Sanhédrin après leur flagellation, « tout joyeux d’avoir été jugés dignes de subir des outrages pour son nom », surpassant de loin tout ce que les Grecs racontent de l’endurance et du courage des philosophes. Des l’origine donc, prévalait chez les auditeurs de Jésus cette leçon capitale de son enseignement le mépris de la vie recherchée par la foule et l’empressement à mener une vie semblable à celle de Dieu. Et comment n’est-ce pas un mensonge que la parole du Juif de Celse “Au cours de sa vie, il ne gagna qu’une dizaine de mariniers et publicains des plus perdus, et encore pas tous ?” Il est bien clair, même des Juifs en conviendraient, qu’il à gagné non seulement dix hommes, ni cent, ni mille, mais en bloc tantôt cinq mille, tantôt quatre mille» , et gagné au point qu’ils le suivaient jusqu’aux déserts, seuls capables de contenir la multitude assemblée de ceux qui croyaient en Dieu par Jésus, et ou il leur présentait non seulement ses discours mais ses actes. Par ses redites, Celse me force à l’imiter puisque j’évite avec soin de paraître négliger l’un quelconque de ses griefs. Sur ce point donc, suivant l’ordre de son écrit, il déclare “Alors que de son vivant il n’a persuadé personne, après sa mort ceux qui en ont le désir persuadent des multitudes n’est-ce point le comble de l’absurde. Il aurait dû dire, pour garder la logique si, après sa mort ceux qui en ont, pas simplement le désir, mais le désir et la puissance, persuadent des multitudes, combien est-il plus vraisemblable que pendant sa vie il en ait persuadé bien davantage par sa puissante parole et par ses actes. LIVRE II

Et comme c’est un Juif qui tient ces propos chez Celse, on pourrait lui dire et toi donc, mon brave, pourquoi enfin cette différence tu croîs divines les oevres que d’après tes Écritures Dieu accomplit par Moïse, et tu tâches de les justifier contre ceux qui les calomnient comme des effets de la sorcellerie, analogues à ceux qu’accomplissent les sages d’Egypte ; tandis que celles de Jésus dont tu reconnais l’existence, suivant l’exemple des Egyptiens qui te critiquent, tu les accuses de n’être pas divines ? Si en effet le résultat final, la nation entière constituée par les prodiges de Moïse, prouve évidemment que c’était Dieu l’auteur de ces miracles au temps de Moïse, comment cet argument ne sera-t-il pas plus démonstratif pour le cas de Jésus, auteur d’une plus grande oevre que celle de Moïse ? Car Moïse a pris ceux de la nation formée de la postérité d’Abraham qui avaient gardé le rite traditionnel de la circoncision, observateurs décidés des usages d’Abraham, et il les conduisit hors d’Egypte en leur imposant les lois que tu croîs divines. Jésus, avec une autre hardiesse, substitua au régime antérieur, aux habitudes ancestrales, aux manières de vivre d’après les lois établies, le régime de l’Évangile. Et, tout comme les miracles que Moïse fit d’après les Écritures étaient nécessaires pour lui obtenir l’audience non seulement de l’assemblée des Anciens, mais encore du peuple, pourquoi Jésus lui aussi, pour gagner la FOI d’un peuple qui avait appris à demander des signes et des prodiges, n’aurait-il pas eu besoin de miracles capables, par leur grandeur et leur caractère divin supérieurs si on les compare à ceux de Moïse, de les détourner des fables juives et de leurs traditions humaines, et de leur faire accepter que l’auteur de cette doctrine et de ces prodiges était plus grand que les prophètes ? Comment donc n’était-il pas plus grand que les prophètes, lui que les prophètes proclament Christ et Sauveur du genre humain ? Bien plus, toutes les attaques du Juif de Celse contre ceux qui croient en Jésus peuvent se retourner en accusation contre Moïse , en sorte qu’il n’y a pas ou presque pas de différence à parler de la sorcellerie de Jésus et de celle de Moïse, tous deux pouvant, à s’en tenir a l’expression du Juif de Celse, être l’objet des mêmes critiques. Par exemple le Juif de Celse dit a propos du Christ « O lumière et vérité ! De sa propre voix, il annonce ouvertement, même vos écrits l’attestent, que d’autres encore viendraient à vous, usant de pareils miracles, des méchants et des sorciers ». Mais a propos de Moïse, celui qui ne croît pas à ses miracles, qu’il soit d’Egypte ou de n’importe ou, pourrait dire au Juif « O lumière et vérité ! De sa propre voix, Moïse annonce ouvertement, même vos écrits l’attestent, que d’autres encore viendraient à vous, usant de pareils miracles, des méchants et des sorciers » Car il est écrit dans votre loi : « Que surgisse en toi un prophète ou un faiseur de songes qui te propose un signe ou un prodige, et qu’ensuite ce signe ou ce prodige annoncé arrive, s’il te dit alors « Allons suivre d’autres dieux que vous ne connaissez pas et servons les », vous n’écouterez pas les paroles de ce prophète ni les songes de ce songeur » etc… L’un, dans sa critique des paroles de Jésus, dit encore « Et il nomme un certain Satan, habile à contrefaire ces prodiges » L’autre, dans l’application de ce trait à Moïse, dira « Et il nomme un prophète faiseur de songes habile à contrefaire ces prodiges ». Et de même que le Juif de Celse dit de Jésus : « Il ne nie pas en eux tout caractère divin, mais il y voit l’oevre de méchants » , ainsi, qui ne croît pas aux miracles de Moïse lui dira la même chose en citant la phrase précédente « Il ne nie même pas en eux tout caractère divin, mais il y voit l’oevre de méchants » Et ainsi fera-t-il pour cette parole « Sous la contrainte de la vérité, Moïse a en même temps démasqué la conduite des autres et confondu la sienne ». Et quand le Juif déclare « N’est-ce donc pas un argument misérable de conclure, des mêmes oevres, à la divinité de l’un et a la sorcellerie des autres ? » on pourrait lui répondre à cause des paroles de Moïse déjà citées « N’est-ce donc pas un argument misérable de conclure, des mêmes oevres, à la qualité de prophète et serviteur de Dieu de l’un et a la sorcellerie des autres ? » Mais insistant davantage, Celse ajoute aux comparaisons que j’ai citées « Pourquoi donc, d’après ces oevres, faut-il croire à leur méchanceté plutôt qu’à la sienne sur son propre témoignage ? » On ajoutera à ce qui était dit « Pourquoi donc, d’après ces oevres, faut-il croire à la méchanceté des gens auxquels Moïse défend de croire malgré leur étalage de signes et de prodiges, et non plutôt à la méchanceté de Moïse, quand il attaque les autres pour leurs signes et leurs prodiges ? » Il multiplie les paroles dans le même sens pour avoir l’air d’amplifier sa brève argumentation : « Elles sont en fait, et lui-même en convint, des signes distinctifs non d’une nature divine, mais de gens trompeurs et fort méchants. » Qui donc désigne ce « lui-même » ? Toi, Juif, tu dis que c’est Jésus ; mais celui qui t’accuse comme sujet aux mêmes critiques rapportera ce « lui-même » à Moïse. LIVRE II

Puisque l’auteur de tels propos est Juif, nous lui répondrons comme à un Juif pour défendre notre Jésus, appliquant encore son argument à Moïse : combien d’autres usent de ces contes merveilleux comme le fit Moïse pour persuader leurs auditeurs naïfs et tirer profit de l’imposture. L’évocation de Zamolxis, de Pythagore et de leurs contes merveilleux conviendrait mieux à quelqu’un qui ne croit pas à Moïse qu’à un Juif, pas précisément curieux des histoires grecques. Mais l’Égyptien même incrédule aux miracles de Moïse citerait vraisemblablement l’exemple de Rhampsinite en disant : l’histoire de sa descente chez Hadès, du jeu de dés avec Déméter, de la serviette lamée d’or conquise sur elle pour montrer un signe de sa descente chez Hadès et de sa remontée, est bien plus vraisemblable que celle de Moïse écrivant qu’« il était entré dans la nuée où était Dieu » et que seul il approcha de Dieu à l’exclusion des autres ; car voici ce qu’il a écrit : « Moïse seul s’approchera de Dieu, les autres ne s’approcheront pas. » En conséquence, au Juif qui tient ces propos, nous, disciples du Christ, nous dirons : Défends-toi donc, toi qui incrimines notre FOI en Jésus, dis ce que tu répondras à l’Égyptien et aux Grecs sur les accusations que tu portes contre notre Jésus, mais qui peuvent d’abord s’appliquer à Moïse. Même si tu luttes fortement pour défendre Moïse, comme assurément son histoire peut recevoir une justification impressionnante et manifeste, à ton insu, dans ton apologie de Moïse, tu prouveras malgré toi que Jésus est plus divin que lui. LIVRE II

Mais le Juif, après avoir rapporté les histoires grecques de ces conteurs de merveilles et des soi-disant ressuscites des morts, dit aux Juifs qui croient en Jésus : «Pensez-vous que les aventures des autres soient des mythes en réalité comme en apparence, mais que vous auriez inventé à votre tragédie un dénouement noble et vraisemblable avec son cri sur la croix quand il rendit l’âme ? » Nous répondrons au Juif : les exemples que tu as cités, nous les tenons pour mythes, mais ceux des Écritures, qui nous sont communes avec vous et en égale vénération, nous nions absolument que ce soient des mythes. Voilà pourquoi nous croyons que ceux qui ont écrit sur les personnages autreFOIs ressuscites des morts n’usent pas de contes merveilleux ; nous croyons de même que Jésus est alors ressuscité tel qu’il l’a prédit et qu’il fut prophétisé. Mais voici en quoi sa résurrection des morts est plus miraculeuse que la leur : eux furent ressuscités par les prophètes Élie et Elisée ; Lui ne le fut par aucun des prophètes, mais par son Père qui est dans les cieux. Pour la même raison, sa résurrection a eu plus d’efficacité que la leur : car quel effet eut pour le monde la résurrection de petits enfants par Élie et Elisée, qui soit comparable à l’effet de la résurrection de Jésus prêchée et admise des croyants grâce à la puissance divine ? Il juge contes merveilleux le tremblement de terre et les ténèbres ; je les ai défendus plus haut de mon mieux en citant Phlégon qui a rapporté que ces faits survinrent au temps de la passion du Sauveur. Il ajoute, de Jésus : « Vivant, il ne s’est pas protégé lui-même ; mort, il ressuscita et montra les marques de son supplice, comment ses mains avaient été percées. » Je lui demande alors : que signifie « il s’est protégé lui-même » ? S’il s’agit de la vertu, je dirai qu’il s’est bel et bien protégé : sans dire ni faire quoi que ce fût d’immoral, mais vraiment « comme une brebis il a été conduit à l’abattoir, comme un agneau devant le tondeur il est resté muet », et l’Évangile atteste : « ainsi, il n’a pas ouvert la bouche ». Mais si l’expression « il s’est protégé » s’entend de choses indifférentes ou corporelles, je dis avoir prouvé par les Évangiles qu’il s’y est soumis de plein gré. Puis, après avoir rappelé les affirmations de l’Évangile : « ressuscité des morts, il montra les marques de son supplice, comment ses mains avaient été percées », il pose la question : « Qui a vu cela ? » et, s’en prenant au récit de Marie-Madeleine dont il est écrit qu’elle l’a vu, il répond : « Une exaltée, dites-vous ». Et parce qu’elle n’est pas la seule mentionnée comme témoin oculaire de Jésus ressuscité, et qu’il en est encore d’autres, le Juif de Celse dénature ce témoignage : « et peut-être quelque autre victime du même ensorcellement ». Ensuite, comme si le fait était possible, je veux dire qu’on puisse avoir une représentation imaginaire d’un mort comme s’il était en vie, il ajoute, en adepte d’Épicure, que « quelqu’un a eu un songe d’après une certaine disposition, ou, au gré de son désir dans sa croyance égarée, une représentation imaginaire » et a raconté cette histoire ; « chose, ajoute-t-il, arrivée déjà à bien d’autres ». Or c’est là, même s’il le juge très habilement dit, ce qui est propre néanmoins à confirmer une doctrine essentielle : l’âme des morts subsiste ; et pour qui admet cette doctrine, la FOI en l’immortalité de l’âme ou du moins à sa permanence n’est pas sans fondement. Ainsi même Platon, dans son dialogue sur l’âme, dit qu’autour de tombeaux sont apparues à certains « des images semblables aux ombres », d’hommes qui venaient de mourir. Or ces images apparaissant autour des tombeaux des morts viennent d’une substance, l’âme qui subsiste dans ce qu’on appelle le « corps lumineux » Celse le rejette, mais veut bien que certains aient eu une vision en rêve et, au gré de leur désir, dans leur croyance égarée, une représentation imaginaire. Croire à 1’existence d’un tel songe n’est point absurde, mais celle d’une vision chez des gens qui ne sont pas absolument hors de sens, frénétiques ou mélancoliques, n’est pas plausible. Celse a prévu l’objection il parle d’une femme exaltée. Cela ne ressort pas du tout de l’histoire écrite d’où il tire son accusation Ainsi donc, après sa mort, Jésus, au dire de Celse, aurait provoqué une représentation imaginaire des blessures reçues sur la croix, sans exister réellement avec ces blessures. Mais suivant les enseignements de l’Evangile, dont Celse admet à sa guise certaines parties pour accuser, et rejette les autres, Jésus appela près de lui l’un des disciples qui ne croyait pas et jugeait le miracle impossible. Il avait bien donné son assentiment à celle qui assurait l’avoir vu, admettant la possibilité de voir apparaître l’âme d’un mort, mais il ne croyait pas encore vrai que le Christ fût ressuscite dans un corps résistant. D’où sa repartie « Si je ne vois, je ne croirai pas », puis ce qu’il ajoute « Si je ne mets ma main à la place des clous et ne touche son côté, je ne croirai pas. » Voilà ce que disait Thomas, jugeant qu’aux yeux sensibles pouvait apparaître le corps de l’âme « en tout pareil » a sa forme antérieure « par la taille, les beaux yeux, la voix », et souvent même « revêtu des mêmes vêtements » Mais Jésus l’appela près de lui « Avance ton doigt ici voici mes mains , avance ta main et mets-la dans mon côte , et ne sois plus incrédule, mais croyant » LIVRE II

Apres quoi Celse, blâmant ce qui est écrit, fait une objection non négligeable. Si Jésus voulait réellement manifester sa puissance divine, il aurait dû apparaître à ses ennemis, au juge, bref a tout le monde. Il est vrai que selon l’Évangile, il nous semble qu’après la résurrection il n’est point apparu comme auparavant en public et à tout le monde. S’il est écrit dans les Actes que, « leur apparaissant pendant quarante jours », il annonçait à ses disciples le Règne de Dieu, dans les Evangiles, il n’est pas dit qu’il fût sans cesse avec eux une FOIs, huit jours aprés, toutes portes closes, « il parut au milieu d’eux », puis une autre FOIs, dans des conditions semblables. Paul de même, vers la fin de sa première Épître aux Corinthiens, insinuant que Jésus n’apparut point en public comme au temps précédant sa passion, écrit : « Je vous ai transmis d’abord ce que j’ai reçu moi-même : que le Christ est mort pour nos péchés, conformément aux Écritures », qu’il est ressuscité, « qu’il est apparu à Céphas, puis aux Douze. Ensuite, il est apparu à plus de cinq cents frères à la FOIs, dont la plupart vivent encore et quelques-uns sont endormis. Ensuite, il est apparu à Jacques, puis à tous les Apôtres. Et en tout dernier lieu, il m’est apparu à moi aussi, comme à l’avorton. » Qu’elles me paraissent grandes, admirables, sans proportion avec le mérite non seulement de la foule des croyants, mais encore de l’élite en progrès dans la doctrine, les vérités de ce que contient ce passage ! Elles pourraient montrer la raison pour laquelle, après sa résurrection d’entre les morts, il n’apparaît point comme auparavant. Mais, parmi les nombreuses considérations qu’exigé un traité écrit comme celui-ci contre le discours de Celse qui attaque les chrétiens et leur FOI, vois si on peut en offrir quelques-unes de vraisemblables pour toucher ceux qui prêteront attention à notre défense. LIVRE II

Mais pour quelle raison le Juif de Celse a-t-il dit que Jésus se cachait ? Car il dit de lui : Quel messager envoyé en mission se cacha-t-il jamais au lieu d’exposer l’objet de son mandat ? Non, il ne se cachait pas, puisqu’il dit à ceux qui cherchaient à le prendre : « Chaque jour j’étais dans le temple à enseigner librement, et vous n’osiez m’arrêter. » A la suite, où Celse ne fait que se répéter, j’ai déjà répondu une FOIs, je me bornerai donc à ce qui est déjà dit. Car plus haut se trouve écrite la réponse à l’objection : Est-ce que, de son vivant, alors que personne ne le croyait, il prêchait à tous sans mesure, et, quand il aurait affermi la FOI par sa résurrection d’entre les morts, ne se laissa-t-il voir en cachette qu’à une seule femmelette et aux membres de sa confrérie ? Ce n’est pas vrai : il n’est pas apparu seulement à une femmelette, car il est écrit dans l’Évangile selon Matthieu : « Après le sabbat, dès l’aube du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l’autre Marie allèrent visiter le sépulcre. Alors il se fit un grand tremblement de terre : l’ange du Seigneur descendit du ciel et vint rouler la pierre. » Et peu après, Matthieu ajoute : « Et voici que Jésus vint à leur rencontre ? évidemment, les Marie déjà nommées ?, et il leur dit : « Je vous salue ». Elles s’approchèrent, embrassèrent ses pieds et se prosternèrent devant Lui. » On a également répondu à sa question : Est-ce donc que, durant son supplice, il a été vu de tous, mais après sa résurrection, d’un seul – en réfutant l’objection qu’il n’a pas été vu de tous. Ici j’ajouterai : ses caractères humains étaient visibles de tous ; ceux qui étaient proprement divins – je ne parle pas de ceux qui le mettaient en relation avec les autres êtres, mais de ceux qui l’en séparaient – n’étaient pas intelligibles à tous. De plus, note la contradiction flagrante où Celse s’empêtre. A peine a-t-il dit : « Il s’est laissé voir en cachette à une seule femmelette et aux membres de sa confrérie », qu’il ajoute : « durant son supplice, il a été vu de tous, après sa résurrection, d’un seul ; c’est le contraire qu’il aurait fallu. » Entendons ce qu’il veut dire par « durant son supplice il a été vu de tous, après sa résurrection, d’un seul ; c’est le contraire qu’il aurait fallu». A en juger par son expression, il voulait une chose impossible et absurde : que, durant son supplice, il soit vu d’un seul, après sa résurrection, de tous ! Ou comment expliquer : « c’est le contraire qu’il aurait fallu »? Jésus nous a enseigné qui l’avait envoyé, dans les paroles : « Personne n’a connu le Père si ce n’est le Fils », « Personne n’a jamais vu Dieu : mais le Fils unique, qui est Dieu, qui est dans le sein du Père, lui, l’a révélé» . C’est lui qui, traitant de Dieu, annonça à ses disciples véritables les caractéristiques de Dieu. Les indices qu’on en trouve dans les Écritures nous offrent des points de départ pour parler de Dieu : on apprend, ici, que « Dieu est lumière et il n’y a point en lui de ténèbres », là, que « Dieu est esprit, et ses adorateurs doivent l’adorer en esprit et en vérité ». De plus, les raisons pour lesquelles le Père l’a envoyé sont innombrables : on peut à son gré les apprendre soit des prophètes qui les ont annoncées d’avance, soit des évangélistes ; et on tirera bien des connaissances des apôtres, surtout de Paul. En outre, si Jésus donne sa lumière aux hommes pieux, il punira les pécheurs. Faute d’avoir vu cela, Celse écrit : Il illuminera les gens pieux et aura pitié des pécheurs ou plutôt de ceux qui se sont repentis. Après cela, il déclare : S’il voulait demeurer caché, pourquoi entendait-on la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu ? S’il ne voulait pas demeurer caché, pourquoi le supplice et pourquoi la mort ? Il pense par là montrer la contradiction entre ce qui est écrit de lui, sans voir que Jésus ne voulait ni que tous ses aspects fussent connus de tous, même du premier venu, ni que tout ce qui le concerne demeurât caché. En tout cas, la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu « Celui-ci est mon Fils bien-aimé en qui je me suis complu », au témoignage de l’Écriture, n’a pas été dite de façon à être entendue de la foule, comme l’a cru le Juif de Celse. De plus, la voix venant de la nuée, sur la haute montagne, a été entendue de ceux-là seuls qui avaient fait l’ascension avec lui ; car c’est le propre de la voix divine d’être entendue seulement de ceux à qui il « veut » faire entendre sa parole. Et je n’insiste pas sur le fait que la voix de Dieu, mentionnée dans l’Écriture, n’est certainement pas de l’air en vibration, ou un ébranlement d’air, ou tout autre définition des traites sur la voix : elle est donc entendue par une oreille supérieure et plus divine que l’oreille sensible Et comme Dieu qui parle ne veut pas que sa voix soit audible à tous, qui a des oreilles supérieures entend Dieu, mais qui est sourd des oreilles de l’âme est insensible à la parole de Dieu. Voilà pour répondre à la question : « Pourquoi entendait-on la voix du ciel le proclamant Fils de Dieu ? » Et la suivante : « S’il ne voulait pas demeurer caché, pourquoi le supplice et pourquoi la mort ? » trouve une réponse suffisante dans ce qu’on a dit longuement de sa passion dans les pages précédentes. LIVRE II

En voilà assez, je pense, pour permettre d’établir que l’incrédulité des Juifs à l’égard de Jésus était en accord avec ce qu’on rapporte du peuple dès l’origine. Le Juif de Celse objecte : Quel Dieu, se présentant aux hommes, les trouve-t-il incrédules ? Surtout quand il apparaît à ceux qui espèrent sa venue ? Pourquoi enfin n’est-il pas reconnu de ceux qui l’attendent depuis si longtemps? A quoi je pourrais dire : Voulez-vous, braves gens, répondre à mes questions? Quels miracles, à votre avis, vous apparaissent plus grands ? Ceux de l’Egypte et du désert, ou ceux que Jésus, je le disais, accomplit parmi nous ? Si les premiers vous semblent plus grands que les derniers, n’est-ce point là une preuve flagrante qu’il est bien conforme au caractère de ceux qui ont été incrédules aux grands de mépriser les petits ? Je suppose que c’est votre opinion sur ceux que nous racontons de Jésus. Si l’on dit les miracles de Jésus égaux à ceux que l’Écriture rapporte de Moïse, qu’y a-t-il d’étonnant dans l’incrédulité de ce peuple à l’origine de l’une et l’autre alliances ? Car de Moïse date l’origine de la législation, dans laquelle sont rapportées vos fautes d’incrédulité ; et l’origine de la législation et de l’alliance nouvelles date, selon notre FOI, du temps de Jésus. Et vous attestez, par votre incrédulité à Jésus, que vous êtes bien les fils de ceux qui, au désert, furent incrédules aux apparitions de Dieu. Et le reproche de notre Sauveur vaudra aussi contre vous qui n’avez pas cru en lui : « Ainsi vous êtes des témoins et vous approuvez les actes de vos pères » ; et en vous s’accomplit la prophétie : « Votre vie sera comme en suspens devant vos yeux, et vous ne croirez pas à votre vie », car vous n’avez pas cru à la Vie venue habiter parmi les hommes. LIVRE II

D’ailleurs des miracles s’opéraient partout, ou du moins en beaucoup d’endroits, et Celse lui-même mentionne ensuite Asclépios qui accordait des guérisons et des prédictions de l’avenir à toutes les villes à lui consacrées comme Trikkè, Épidaure, Cos, Pergame, Aristéas de Proconnèse, le héros de Clazomène, et Cléomède d’Astypalée.” Et chez les seuls Juifs, affirmant leur consécration au Dieu de l’univers, il n’y aurait eu aucun signe ou prodige pour aider et affermir leur FOI au Créateur de l’univers et leur espérance d’une autre vie meilleure ? Mais comment eût-ce été possible ? Ils auraient aussitôt passé au culte des démons diseurs d’oracles et guérisseurs et auraient abandonné le Dieu au secours duquel théoriquement on avait FOI, mais qui ne leur eût pas donné la moindre manifestation de lui-même. Et puisqu’il n’en est rien, qu’au contraire ils ont enduré des maux sans nombre plutôt que de désavouer le judaïsme et sa loi, et souffert en Syrie, en Perse, sous Antiochus, comment n’est-ce pas la démonstration plausible pour ceux qui refusent de croire aux récits de miracles et aux prophéties, qu’il n’y a point là de fictions, mais au contraire qu’un esprit divin résidait dans les âmes pures des prophètes qui ont accepté toutes les peines pour la défense de la vertu, et les incitait à prédire certaines choses pour leurs contemporains, d’autres pour la postérité, mais spécialement la venue future d’un Sauveur au genre humain ? LIVRE III

Considère aussi la preuve qu’il en propose : ” A l’origine, ils étaient en petit nombre, animés de la même pensée; à peine se propagent-ils en multitude, ils se divisent et se séparent, et chacun veut avoir sa propre faction : ils y aspiraient dès l’origine.” Il est évident que, comparés à la multitude qu’ils allaient devenir, les chrétiens à l’origine étaient en petit nombre ; bien qu’ils n’eussent pas été, à tous égards, en nombre si petit. Car ce qui provoqua l’envie contre Jésus, et excita les Juifs à conspirer contre lui, c’était la multitude de ceux qui le suivaient dans les déserts : des foules de quatre à cinq mille hommes, sans compter les femmes et les enfants. Si puissante était la séduction de ses discours que non seulement les hommes voulaient le suivre aux déserts, mais même les femmes oubliaient la faiblesse et la réserve féminines en accompagnant le maître aux déserts. Et les tout petits, si insensibles d’ordinaire, l’accompagnaient avec leurs père et mère, soit qu’ils les aient suivis, soit qu’ils fussent peut-être entraînés par sa divinité pour en recevoir la semence. Mais accordons qu’ils aient été en petit nombre à l’origine : en quoi cela contribue-t-il à prouver que les chrétiens ne voudraient pas faire naître chez tous les hommes la FOI en l’Évangile ? LIVRE III

Il déclare aussi que tous étaient animés par la même pensée. Il ne voit même pas là que dès l’origine il y eut désaccord entre croyants sur l’interprétation des livres regardés comme divins. Du moins, pendant que les apôtres prêchaient encore et que les témoins oculaires de Jésus enseignaient ce qu’ils avaient appris de lui, un débat important s’éleva entre les Juifs croyants concernant les Gentils qui venaient à l’Évangile : fallait-il leur faire observer les coutumes juives ou leur enlever le fardeau des aliments purs et impurs, qui ne devait pas charger ceux qui avaient laissé les coutumes ancestrales dans la Gentilité et qui croyaient en Jésus. De plus, dans les épîtres de Paul, contemporain de ceux qui avaient vu Jésus, on trouve des allusions à certaines disputes sur la question de savoir si la résurrection avait déjà eu lieu, et si « le Jour du Seigneur » était proche ou lointain. Il y a en outre ce passage : « Evite les discours creux et profanes, et les contradictions de la pseudo-science. Pour l’avoir professée, certains ont fait naufrage dans la FOI » ; il montre que dès l’origine, il y eut des interprétations différentes, lorsque les croyants, au dire de Celse, n’étaient pas encore nombreux. LIVRE III

Après cela il déclare :” Leur société est d’autant plus étonnante qu’on peut mieux prouver qu’elle ne repose sur aucun fondement solide. Elle n’a de fondement solide que la révolte, l’avantage qu’on en espère et la crainte des étrangers : telle est l’assise de leur FOI. ” A quoi je répliquerai : notre société est si bien établie sur un fondement, ou plutôt, non pas sur un fondement, mais sur l’action de Dieu, qu’elle a pour origine Dieu enseignant aux hommes, dans les prophètes, à espérer la venue du Christ pour sauver les hommes. Dans la mesure où cela n’est point véritablement réfuté, malgré les réfutations apparentes des incroyants, dans cette mesure même il est établi que cette doctrine est la doctrine de Dieu, et démontré que Jésus est le Fils de Dieu avant et après son incarnation. Mais je l’affirme, même depuis son incarnation, elle ne cesse d’être découverte, par ceux qui ont les yeux de l’âme très pénétrants, comme la plus divine, réellement descendue de Dieu vers nous, ne pouvant tirer son origine ni son développement de l’intelligence humaine, mais uniquement de l’apparition sensible de Dieu qui, dans la variété de sa sagesse et de ses miracles, a établi d’abord le judaïsme et après lui le christianisme. Ainsi se trouve réfuté le propos qu’il faut considérer la révolte et l’avantage qu’on en espère comme le principe de la doctrine par laquelle tant d’hommes ont été convertis et rendus meilleurs. LIVRE III

Quel ramassis attirons-nous, quels contes terrifiants forgeons-nous, comme Celse l’écrit sans preuve, le montre qui voudra ! A moins que par contes terrifiants que nous forgeons Celse ne veuille entendre cet enseignement : que Dieu est juge et que les hommes sont jugés sur toutes leurs actions, ce que l’on établit d’une manière variée, à la FOIs par les Écritures et le raisonnement plausible. Il est vrai cependant, car j’aime la vérité, que Celse déclare vers la fin : « Dieu nous garde, eux, moi, et tout autre homme, de rejeter la doctrine que les injustes seront punis et les justes jugés dignes de récompense. » Or si l’on excepte la doctrine du jugement, quels sont donc ces contes terrifiants que nous forgeons pour attirer les hommes ? De plus, puisqu’il dit que, forgeant les déformations de l’antique tradition, nous commençons par étourdir les hommes aux sons de la flûte et de la musique, comme ceux qui battent du tambour autour gens qu’on initie aux rites des Corybantes, je lui répondrai : les déformations de quelle antique tradition ? De la tradition grecque, qui a enseigné aussi l’existence de tribunaux sous la terre ? De la tradition juive, qui a prédit entre autres l’existence d’une vie qui suit la vie présente ? je serait bien incapable de prouver que nous déformons la vérité, nous tous du moins qui nous efforçons d’avoir une FOI réfléchie, quand nous accordons notre vie à de telles doctrines. LIVRE III

Il veut ensuite comparer notre FOI à la religion des Égyptiens, chez qui, dès l’abord, on rencontre de magnifiques enclos et bois sacrés, des vestibules immenses et beaux, des temples admirables entourés d’imposants péristyles, des cérémonies empreintes de respect et de mystère; mais dès qu’on entre et pénètre à l’intérieur, on y contemple, objet d’adoration, un chat, un singe, un crocodile, un bouc, un chien. Mais quelle ressemblance y a-t-il entre la majesté extérieure offerte dès l’abord par les Égyptiens et ce qu’on trouve chez nous ? Quelle ressemblance avec ces animaux sans raison qui après ces vestibules vénérables sont objets d’adoration à l’intérieur du temple? Faut-il penser que les prophéties, le Dieu suprême, le mépris des idoles soient ce qui d’après lui est vénérable, mais que Jésus-Christ crucifié corresponde à l’animal sans raison qu’on adore ? Si telle est sa pensée, et je ne crois pas qu’il dirait autre chose, je répondrai que j’ai abondamment prouvé plus haut que, pour Jésus, même ce qui apparaît humainement comme son malheur fut un bienfait pour l’univers et le salut du monde entier. LIVRE III

Ensuite, à propos des pratiques des Égyptiens, qui parlent avec respect même des animaux sans raison et affirment qu’ils sont des symboles de la divinité, ou quelque titre qu’il plaise à leurs prophètes de leur donner, il dit : Elles provoquent chez ceux qui ont acquis ce savoir l’impression que leur initiation ne fut pas vaine. Quant aux vérités que nous présentons à ceux qui ont une connaissance approfondie du christianisme dans nos discours faits sous l’influence de ce que Paul appelle « don spirituel », dans le discours de sagesse « grâce à l’Esprit », dans le discours de science « selon l’Esprit» », Celse semble n’en avoir pas la moindre idée. On le voit non seulement d’après ce qu’il vient de dire, mais encore d’après le trait qu’il lance plus tard contre la société des chrétiens quand il dit qu’ils excluent tout sage de la doctrine de leur FOI, mais se bornent à inviter les ignorants et les esclaves ; ce que nous verrons en son temps, en arrivant au passage. Il affirme même que nous nous moquons des Égyptiens. Cependant, ils proposent bien des énigmes qui ne méritent pas le mépris, puisqu’ils enseignent que ce sont là des hommages rendus non à des animaux éphémères, comme le pense la foule, mais à des idées éternelles. Tandis que c’est une sottise de n’introduire dans les explications sur Jésus rien de plus vénérable que les boucs ou les chiens de l’Egypte. A quoi je répondrai : tu as raison, mon brave, de relever dans ton discours que les Égyptiens proposent bien des énigmes qui ne méritent pas le mépris, et des explications obscures sur leurs animaux ; mais tu as tort de nous accuser dans ta persuasion que nous ne disons que de méprisables sottises quand nous discutons en détail les mystères de Jésus, selon la sagesse du Logos, avec ceux qui sont parfaits dans le christianisme. Paul enseigne que de telles gens sont capables de comprendre la sagesse du christianisme quand il dit : « Pourtant c’est bien de sagesse que nous parlons parmi les parfaits, mais non d’une sagesse de ce siècle, ni des princes de ce siècle, qui vont à leur perte. Nous parlons au contraire d’une sagesse de Dieu, ensevelie dans le mystère, dès avant les siècles fixée par Dieu pour notre gloire, et qu’aucun des princes de ce siècle n’a connue. » LIVRE III

De nouveau, lorsqu’on dit d’Asclépios qu’une grande foule d’hommes, Grecs et barbares, reconnaît l’avoir vu souvent et le voir encore, non comme un fantôme, mais en train de guérir, de faire du bien, de prédire l’avenir, Celse nous demande de le croire, et il ne nous blâme pas comme fidèles de Jésus quand nous croyons à ces témoignages. Mais quand c’est aux disciples de Jésus, témoins de ses prodiges, qui ont manifesté clairement la pureté de leur conscience, que nous accordons notre FOI parce que nous voyons leur franchise, autant qu’il est possible de juger d’une conscience d’après des écrits, Celse nous traite de sots. Il est d’ailleurs bien incapable de montrer, comme il dit, l’innombrable foule d’hommes, Grecs et barbares, qui reconnaissent Asclépios. Nous pouvons, nous, s’il y attache de l’importance, montrer clairement la foule innombrable d’hommes, Grecs et barbares, qui reconnaissent Jésus. Et certains manifestent, dans les guérisons qu’ils opèrent, le signe qu’ils ont reçu, grâce à leur FOI, un pouvoir miraculeux, vu qu’ils n’invoquent sur ceux qui demandent la guérison que le Dieu suprême et le nom de Jésus en y joignant son histoire. Par eux, moi aussi j’ai vu bien des gens délivrés de graves maladies, d’égarements d’esprit, de démences et d’une infinité d’autres maux que ni hommes ni démons n’avaient pu guérir. LIVRE III

Voyons encore ce que Celse dit ensuite, empruntant aux histoires des prodiges qui d’eux-mêmes semblent incroyables, mais auxquels il ne refuse point sa FOI, à en juger du moins par la manière dont il s’exprime. Voici d’abord ceux d’Aristéas de Proconnèse, dont il dit : Ensuite, Aristéas, après avoir si miraculeusement disparu aux yeux des hommes, apparut de nouveau clairement, et beaucoup plus tard il visita maintes régions de la terre et raconta des choses étonnantes: malgré la recommandation d’Apollon aux Mésapontins de placer Aristéas au rang des dieux, il n’est plus personne pour le croire dieu. Il semble avoir tiré l’histoire de Pindare et d’Hérodote. Mais il suffit de citer ici le passage d’Hérodote qui se trouve dans le quatrième livre des Histoires, et que voici : « J’ai dit d’où était Aristéas, l’auteur de ce poème. Je vais dire ce que j’ai entendu raconter de lui à Proconnèse et à Cyzique. Aristéas, dit-on, ne le cédait à aucun concitoyen pour la noblesse de sa famille. Étant entré, à Proconnèse, dans la boutique d’un foulon, il y mourut ; et le foulon, ayant fermé son atelier, se mit en route pour porter la nouvelle aux parents du défunt. Le bruit de la mort d’Aristéas s’était déjà répandu dans la ville, quand un homme qui venait de la ville d’Atarkè entra en contestation avec ceux qui le propageait : il avait, disait-il, en se rendant à Cyzique, rencontré Aristéas et conversé avec lui. Comme il le soutenait avec force en face de ses contradicteurs, les parents du défunt se présentèrent à la boutique du foulon avec un brancard pour enlever le corps ; on ouvrit la maison, et on n’y aperçut Aristéas ni mort ni vif. Sept ans après, il aurait reparu à Proconnèse, aurait composé ce poème que les Grecs appellent maintenant Arismaspées, et, le poème composé, aurait disparu pour la deuxième FOIs. Voilà ce qu’on raconte dans ces deux villes. Et voici ce que je sais être arrivé aux Métapontins, en Italie, deux cent quarante ans après la seconde disparition d’Aristéas, ainsi que mes calculs à Proconnèse et à Métaponte m’ont permis de le reconnaître. Les Métapontins racontent qu’Aristéas en personne leur apparut dans leur pays, qu’il leur ordonna d’élever un autel à Apollon et de dresser auprès de cet autel une statue sous le nom d’Aristéas de Proconnèse ; il leur aurait dit qu’ils étaient les seuls Italiotes chez qui Apollon était venu jusqu’alors ; et que lui, qui présentement était Aristéas, l’avait accompagné ; en ce temps-là, quand il accompagnait le dieu, il était un corbeau. Cela dit, il avait disparu et les Métapontins, à ce qu’ils disent, avaient envoyé à Delphes demander au Dieu ce qu’il fallait penser de l’apparition de cet homme. La Pythie leur aurait conseillé d’obéir à l’apparition, car s’ils obéissaient ils s’en trouveraient mieux. Et eux, ayant accueilli avec FOI cette réponse, s’y seraient conformés. De fait, une statue qui porte le nom d’Aristéas se dresse aujourd’hui près du monument dédié à Apollon ; tout autour, il y a des lauriers et le monument est érigé sur la place. Mais en voilà assez sur Aristéas. » LIVRE III

A cette histoire d’Aristéas, il faut répondre : si Celse l’avait citée comme une histoire sans indiquer qu’il l’avait acceptée comme vraie, autre eût été ma réponse à son argument. Mais, comme il affirme qu’Aristéas, après avoir disparu miraculeusement, apparut de nouveau clairement, visita maintes régions de la terre et raconta des choses étonnantes, et que de plus il cite, comme de son propre chef en y donnant son assentiment, l’oracle d’Apollon qui recommanda aux Métapontins de placer Aristéas au rang des dieux, voici l’argument que je lui oppose : comment, tu ne vois que fictions dans les miracles que les disciples de Jésus rapportent de lui, tu blâmes ceux qui y croient, et tu penses qu’il n’y a dans ces histoires-là ni prestiges ni fictions. Comment, quand tu accuses les autres de croire sans raison aux miracles de Jésus, peux-tu donner l’apparence d’ajouter FOI à des histoires de cette taille sans donner à leur sujet la moindre démonstration ni la preuve qu’elles se sont réellement passées? Crois-tu Hérodote et Pindare incapables de mentir, tandis que ceux qui se sont exposés à la mort pour les enseignements de Jésus et qui ont laissé à la postérité, sur l’objet de leur FOI, des écrits de cette valeur mèneraient pour des fictions, selon toi, des mythes et des prestiges le rude combat d’une vie précaire et d’une mort violente? Accepte d’être impartial entre les récits sur Aristéas et l’histoire de Jésus, et juge, aux résultats bienfaisants pour la réforme des moers et la piété envers le Dieu suprême, s’il n’y a pas lieu de dire : il faut croire l’action de Dieu impliquée dans l’histoire de Jésus, nullement dans celle d’Aristéas de Proconnèse. Dans quel dessein la Providence aurait-elle permis les prodiges d’Aristéas, quelle utilité pour le genre humain eut-elle visée dans l’exhibition de ces merveilles que tu lui prêtes, tu ne peux le dire ! Nous au contraire, lorsque nous racontons l’histoire de Jésus, nous apportons de sa réalité une justification valable : la volonté de Dieu d’établir par Jésus la doctrine qui sauverait les hommes ; doctrine qui repose sur les apôtres comme fondements de l’édifice du christianisme à sa fondation, mais qui se développe aux temps postérieurs où s’accomplissent, au nom de Jésus, bien des guérisons et d’autres manifestations non négligeables. LIVRE III

Jésus lui-même et ses disciples voulaient en effet que leurs adhérents ne croient pas seulement à sa divinité et à ses miracles comme s’il n’avait point participé à la nature humaine et pris cette chair qui chez les hommes convoite « contre l’esprit ». Mais ils voyaient en outre que la puissance qui est descendue jusqu’à la nature humaine et aux vicissitudes humaines, et a pris une âme et un corps d’homme, contribuerait, parce qu’elle est objet de FOI, en même temps que les réalités divines, au salut des croyants. Ceux-ci voient qu’avec Jésus la nature divine et la nature humaine ont commencé à s’entrelacer, afin que la nature humaine, par la participation à la divinité, soit divinisée, non dans Jésus seul mais encore en tous ceux qui, avec la FOI, adoptent le genre de vie que Jésus a enseigné et qui élève à l’amitié pour Dieu et à la communion avec lui quiconque vit suivant les préceptes de Jésus. LIVRE III

Celse pour montrer qu’il a lu beaucoup d’histoires grecques cite encore celle de Cléomède d’Astypalée, et raconte : Celui-ci entra dans un coffre, s’enferma à l’intérieur, et on ne put l’y retrouver, mais il s’en était envolé par une providence miraculeuse, lorsqu’on vint briser le coffre pour le prendre. Cette histoire, si elle n’est pas une fiction comme elle semble l’être, n’est point comparable à celle de Jésus ; car la vie de ces hommes ne présente aucune preuve de la divinité qu’on leur attribue, alors que celle de Jésus a pour preuves les églises de ceux qu’il a secourus, les prophéties faites à son sujet, les guérisons accomplies en son nom, la connaissance de ces mystères dans la sagesse et la raison que l’on trouve chez ceux qui s’appliquent à dépasser la simple FOI et à scruter le sens des Écritures ; car tel est l’ordre de Jésus : « Scrutez les Écritures », telle est l’intention de Paul qui a enseigné que nous devons « savoir répondre à chacun » comme il se doit, et celle d’un autre auteur qui a dit : « Soyez toujours prêts à la défense contre quiconque demande raison de la FOI qui est en vous. » Mais Celse veut qu’on lui accorde qu’il ne s’agit pas d’une fiction : à lui de dire le dessein de la puissance surhumaine qui a fait envoler Cléomède de l’intérieur du coffre par une providence miraculeuse. Car s’il présente de cette faveur faite à Cléomède une raison valable et une intention digne de Dieu, on jugera de la réponse à lui faire. Mais s’il demeure embarrassé pour en donner la moindre raison plausible, parce que, de toute évidence, cette raison est impossible à trouver, ou bien en accord avec ceux qui ont refusé d’admettre cette histoire, on prouvera sa fausseté, ou bien on dira qu’en faisant disparaître l’homme d’Astypalée, un démon a joué un tour semblable à ceux des sorciers et trompé les regards ; et cela contre Celse qui a pensé qu’un oracle divin avait déclaré qu’il s’était envolé du coffre par une providence miraculeuse. LIVRE III

La FOI en Antinoos ou l’un de est, si j’ose dire, due à la malchance. La FOI en Jésus, elle, paraît soit due à la chance, soit la conclusion d’une étude sérieuse. Elle est due à la chance pour la multitude, elle est la conclusion d’une étude sérieuse pour le tout petit nombre. En disant qu’une FOI est, à parler vulgairement, due à la chance, je n’en rapporte pas moins la raison à Dieu qui sait les causes du sort assigné à tous ceux qui viennent à l’existence humaine. D’ailleurs les Grecs diront que même pour ceux qu’on tient pour les plus sages, c’est à la chance qu’ils doivent le plus souvent par exemple d’avoir eu tels maîtres et rencontré les meilleurs, quand d’autres enseignaient les doctrines opposées, et d’avoir reçu leur éducation parmi l’élite. Car beaucoup ont leur éducation dans un tel milieu qu’il ne leur est pas même donné de recevoir une représentation des biens véritables, mais ils restent dès leur prime enfance avec les mignons d’hommes ou de maîtres licencieux, ou dans une autre condition misérable qui empêche leur âme de regarder vers le haut. Il est certes probable que la Providence a ses raisons pour permettre ces inégalités et il n’est guère facile de les mettre à la portée du commun. Voilà ce que j’ai cru devoir répondre dans l’intervalle en digression au reproche : Telle est la puissance de la FOI qu’elle préjuge n’importe quoi. Il fallait, en effet, souligner que la différence d’éducation explique la diversité de la FOI chez les hommes : leur FOI est due à la chance ou à la malchance ; et conclure de là qu’il peut sembler que même pour les gens à l’esprit vif, ce qu’on nomme la chance et ce qu’on appelle la malchance contribuent à les faire paraître plus raisonnables et à leur faire donner aux doctrines une adhésion d’ordinaire plus raisonnable. Mais en voilà assez sur ce point. Il faut considérer les paroles suivantes où Celse dit que notre FOI, s’emparant de notre âme, crée une telle adhésion à Jésus. Il est bien vrai que notre FOI crée une telle adhésion. Mais vois si cette FOI ne s’avère pas louable quand nous nous confions au Dieu suprême, en exprimant notre reconnaissance à Celui qui nous a conduits à une telle FOI, en affirmant que ce n’est pas sans l’aide de Dieu qu’il a osé et accompli une telle entreprise. Nous croyons aussi à la sincérité des Evangélistes, que nous devinons à la piété et à la conscience manifestées dans leurs écrits, où il n’est trace d’inauthenticité, de tromperie, de fiction ou d’imposture. Car nous en avons l’assurance : des âmes qui n’ont point appris les procédés enseignés chez les Grecs par la sophistique artificieuse, fort spécieuse et subtile, et l’art oratoire en usage aux tribunaux, n’auraient pas été capables d’inventer des histoires pouvant d’elles-mêmes conduire à la FOI et à la vie conforme à cette FOI. Je pense aussi que Jésus a voulu avoir de tels hommes comme maîtres de doctrine pour ne pas donner lieu d’y soupçonner de spécieux sophismes1, mais faire éclater aux yeux des gens capables de comprendre que la sincérité d’intention des écrivains unie, pour ainsi dire, à tant de simplicité, avait mérité une vertu divine bien plus efficace que ne semblent pouvoir être l’abondance oratoire, la composition des périodes, la fidélité aux divisions et aux règles de l’art grec. LIVRE III

Mais vois si les doctrines de notre FOI, en parfaite harmonie dès l’origine avec les notions communes, ne transforment pas les auditeurs judicieux. Car même si la perversion, soutenue par une ample culture, a pu implanter dans la foule l’idée que les statues sont des dieux, et que les objets d’or, d’argent, d’ivoire, de pierre, sont dignes d’adoration, la notion commune exige de penser que Dieu n’est absolument pas une matière corruptible et ne peut être honoré sous les formes façonnées par les hommes dans des matières inanimées qui seraient « à son image » ou comme des symboles. Aussi, d’emblée, est-il dit des images qu’« elles ne sont pas des dieux » et de ces objets fabriqués qu’ils ne sont pas comparables au Créateur, étant si minimes par rapport au Dieu suprême qui créa, maintient et gouverne l’ensemble de l’univers. Et d’emblée, comme si elle reconnaissait sa parenté, l’âme raisonnable rejette ceux qui lui avaient jusque-là paru être des dieux, et recouvre son amour naturel pour le Créateur ; et, à cause de cet amour, elle accueille aussi Celui qui le premier a donné ces enseignements à toutes les nations, par les disciples qu’il a établis et envoyés avec puissance et autorité divines prêcher la doctrine sur Dieu et sur son Règne. LIVRE III

Pour en venir aux livres écrits après Jésus, on y trouverait que les foules de croyants écoutent les paraboles comme si elles étaient au dehors et seulement dignes des doctrines exotériques ; mais les disciples reçoivent en particulier l’explication des paraboles. Car Jésus « expliquait toutes choses en particulier à ses disciples », préférant aux foules ceux qui aspiraient à sa sagesse. Il fait la promesse à ceux qui croient en lui de leur envoyer sages et scribes : « Voici que je vais vous envoyer des sages et des scribes, et on en fera mourir sur la croix. » De plus, dans sa liste des charismes donnés par Dieu, Paul place d’abord le discours de sagesse, en second lieu, comme lui étant inférieur, le discours de science, et en troisième lieu, comme au-dessous encore, la FOI. Et parce qu’il estimait davantage le discours que les réalisations de prodiges, il met les « actes de puissance » et les « dons de guérir » au-dessous des charismes de discours. Et dans les Actes des apôtres, Étienne atteste la science étendue de Moïse, en se fondant certainement sur des livres anciens et inaccessibles à la foule. Car il dit : « Moïse fut instruit dans toute la sagesse des Égyptiens. » Et c’est pourquoi, lors de ses prodiges, on le soupçonnait de les accomplir non pas, comme il le proclamait, par la puissance de Dieu, mais grâce à son habileté dans les sciences d’Egypte. C’est bien ce soupçon qui poussa le roi à mander les enchanteurs, les sages et les magiciens d’Egypte, mais leur néant se révéla devant la sagesse de Moïse qui surpassait toute la sagesse des Égyptiens. LIVRE III

J’en viens à un quatrième livre contre les objections qui suivent, après avoir prié Dieu par le Christ. Puissent m’être données de ces paroles dont il est écrit dans Jérémie, quand le Seigneur parlait au prophète : « Voici que j’ai mis dans ta bouche mes paroles comme un feu, voici que je t’ai établi en ce jour sur les nations et les royaumes, pour déraciner et pour détruire, pour perdre et pour abattre, pour bâtir et pour planter. » J’ai besoin désormais de paroles capables de déraciner les idées contraires à la vérité de toute âme trompée par le traité de Celse ou par des pensées semblables aux siennes. J’ai aussi besoin d’idées qui renversent les édifices de toute opinion fausse et les prétentions de l’édifice de Celse dans son traité, pareilles à la construction de ceux qui disent : « Allons ! Bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet atteigne le ciel. » J’ai encore besoin d’une sagesse qui abatte toutes les puissances altières qui s’élèvent « contre la connaissance de Dieu », et la puissance altière de la jactance de Celse qui s’élève contre nous. Et puisque je ne dois pas me borner à déraciner et à détruire toutes ces erreurs, mais, à la place de ce qui est déraciné, planter la plantation du champ de Dieu, à la place de ce qui est détruit, construire l’édifice de Dieu et le temple de la gloire de Dieu, voilà autant de raisons pour lesquelles je dois prier le Seigneur, dispensateur des dons mentionnés dans Jérémie, de me donner à moi aussi des paroles efficaces pour bâtir l’édifice du Christ et planter la loi spirituelle et les paroles des prophètes qui s’y rapportent. Il me faut surtout établir, contre les objections actuelles de Celse faisant suite aux précédentes, que l’avènement du Christ a bel et bien été prédit. En effet, il se dresse à la FOIs contre les Juifs et les chrétiens : les Juifs qui refusent que la venue du Christ soit déjà réalisée mais espèrent qu’elle aura lieu, et les chrétiens qui professent que Jésus est le Christ prédit, et il affirme : Voici la prétention de certains chrétiens et des Juifs : un Dieu ou Fils de Dieu, selon les uns est descendu, selon les autres descendra sur la terre pour en juger les habitants : propos si honteux qu’il n’est pas besoin d’un long discours pour le réfuter. Il semble bien parler avec exactitude quand il dit, non pas certains Juifs, mais tous les Juifs croient que quelqu’un descendra sur la terre, tandis que certains chrétiens seulement disent qu’il est descendu. Il veut indiquer ceux qui établissent par les Écritures juives que la venue du Christ a déjà eu lieu, et il paraît connaître l’existence de sectes qui nient que le Christ Jésus soit la personne prophétisée. Or j’ai déjà établi plus haut de mon mieux que le Christ avait été prophétisé ; aussi ne reviendrai-je pas sur les nombreuses preuves qui pourraient être fournies sur ce point, afin d’éviter les redites. Vois donc que s’il avait voulu, avec une logique au moins apparente, renverser la FOI aux prophéties ou à l’avènement futur ou passé du Christ, il devait citer les prophéties mêmes auxquelles, chrétiens ou Juifs, nous avons recours dans nos débats. Ainsi il eût, du moins en apparence, détourné ceux qui sont attirés, à l’en croire, par leur caractère spécieux, de l’adhésion aux prophéties et de la FOI, fondée sur elles, en Jésus comme au Christ. LIVRE IV

Si tu veux ma réponse aux plus ridicules propos de Celse, entends-le dire : Mais peut-être Dieu, méconnu parmi les hommes, et se jugeant par là diminué, voudrait-il être reconnu et mettre à l’épreuve les croyants et les incrédules, tout comme les parvenus avides d’ostentation ? C’est là prêter à Dieu une ambition excessive et trop humaine! Ma réponse est que Dieu, méconnu par la méchanceté des hommes, voudrait être reconnu, non qu’il s’en juge diminué, mais parce que sa connaissance délivre du malheur celui qui le reconnaît. De plus, ce n’est pas dans le dessein de mettre à l’épreuve les croyants ou les incrédules qu’il habite lui-même dans certains par sa mystérieuse et divine puissance ou leur envoie son Christ ; c’est pour écarter de tout malheur les croyants qui accueillent sa divinité et pour ôter aux incrédules l’occasion d’excuser leur manque de FOI sous prétexte qu’ils n’ont pas entendu son enseignement. Dès lors, quel argument peut montrer que, dans la logique de notre doctrine, Dieu serait d’après nous comme les parvenus avides d’ostentation ? Loin d’être avide d’ostentation à notre égard quand il désire nous faire connaître et comprendre son excellence, Dieu veut implanter en nous la félicité qui naît dans nos âmes du fait qu’il est connu de nous ; et il prend à coeur, par le Christ et l’incessante venue du Logos, de nous faire recevoir l’intimité avec lui. La doctrine chrétienne ne prête donc à Dieu aucune ambition humaine. LIVRE IV

Et je ne dis rien des autres vices des hommes, dont ne sont peut-être pas exempts ceux qui passent pour philosophes, car il y a bien des bâtards de la philosophie. Je n’insiste pas sur la présence fréquente de ces désordres chez ceux qui ne sont ni Juifs ni chrétiens. Mais, ou bien on ne les trouve absolument pas chez les chrétiens, à considérer strictement ce qu’est un chrétien, ou si on les rencontre, ce n’est certes pas chez ceux qui tiennent conseil, viennent aux prières communes et n’en sont pas exclus ; sauf peut-être l’un ou l’autre, dissimulé dans la foule. Nous ne sommes donc pas des vers formant assemblée, quand, nous dressant contre les Juifs au nom des Écritures qu’ils croient sacrées, nous montrons que Celui qu’annonçaient les prophètes est venu, qu’eux-mêmes, pour l’énormité de leurs fautes, ont été abandonnés, mais que nous, pour avoir accueilli le Logos, nous avons en Dieu les meilleures espérances, fondées sur notre FOI en lui, et sur une vie capable de faire de nous ses familiers, purs de toute perversité et de tout vice. Donc, se proclamer Juif ou chrétien, ce n’est pas dire tout uniment : c’est pour nous surtout que Dieu a créé l’univers et le mouvement du ciel. Mais être, comme Jésus l’a enseigné, pur « de coeur », doux, pacifique, courageux à supporter les périls pour la piété, permet à juste titre de se confier à Dieu, et, quand on a compris la doctrine des prophéties, d’aller jusqu’à dire : tout cela Dieu l’a révélé d’avance et prédit à nous les croyants. LIVRE IV

A celui qui donne une interprétation allégorique profonde de ce passage, qu’il touche juste ou non dans l’allégorie, nous dirons : est-ce aux seuls Grecs qu’il est permis de trouver des vérités philosophiques sous des significations cachées, ainsi qu’aux Égyptiens et à tous ceux des barbares qui prennent au sérieux la vérité de leurs mystères ; tandis que les seuls Juifs, leur Législateur et leurs écrivains t’ont paru les plus sots de tous les hommes, et que cette seule nation n’a reçu aucune part de la puissance divine, elle qui a été instruite à s’élever si magnifiquement jusqu’à la nature incréée de Dieu, à fixer les yeux sur lui seul, à placer en lui seul ses espérances ? Celse raille encore le passage sur le serpent qui se rebelle contre les prescriptions que Dieu fit à l’homme, tenant le propos pour un conte de bonnes femmes. Il s’abstient volontairement de mentionner le « jardin » et la manière dont il est dit que Dieu l’a planté « en Eden, au Levant », et qu’ensuite « il fit pousser du sol toute espèce d’arbres attrayants à voir et bons à manger, et l’arbre de la vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal », puis les paroles qui s’y ajoutent, capables par elles-mêmes d’inciter le lecteur de bonne FOI à voir que tout cela peut, sans inconvenance, être compris au sens figuré. Alors, comparons-lui les paroles de Socrate sur Amour dans le “Banquet” de Platon, et qu’on attribue à Socrate censé plus vénérable que tous ceux qui en traitent dans le “Banquet”. Voici le passage de Platon : « Le jour où naquit Aphrodite banquetaient les dieux, entre autres, le fils d’Invention, Expédient. Au sortir du festin s’en vint mendier Pauvreté, car on avait fait bombance, et elle se tenait à la porte. LIVRE IV

La mention qu’il fait d’une procréation parfaitement absurde et après l’âge, bien qu’il ne donne pas de nom propre, désigne évidemment celle d’Abraham et de Sara. Quand il rejette les menées de frères, il veut parler de celles de Caïn contre Abel, ou encore d’Ésaü contre Jacob. La douleur d’un père peut être celle d’Isaac au départ de Jacob, peut-être encore celle de Jacob d’avoir vu Joseph emmené pour être vendu en Egypte. L’expression tromperies de mères désigne dans son texte, je crois, les dispositions prises par Rébecca pour faire tomber non sur Esaü, mais sur Jacob, les bénédictions d’Isaac. Mais qu’y a-t-il d’absurde à dire que Dieu à étroitement collaboré à tout cela, dans la persuasion où nous sommes que sa divinité ne s’éloigne jamais de ceux qui se consacrent à lui en menant une vie de vertu solide. Il raille encore l’enrichissement de Jacob chez Liban, pour n’avoir pas compris le sens de la parole : « Celles qui étaient sans marque étaient pour Liban, celles qui étaient marquées, pour Jacob. » Et il dit : Dieu a fait don à ses enfants d’ânes, de brebis et de chameaux, pour n’avoir pas vu que « tout cela leur est arrivé en figures et fut écrit pour nous qui touchons à la fin des temps » ; nous chez qui les nations variées ont été marquées et sont gouvernées par la parole de Dieu, richesse donnée qui est figurativement appelé Jacob. C’est l’arrivée de ceux qui viendront des nations à la FOI au Christ qu’indiqué l’histoire de Laban et de Jacob. LIVRE IV

Une lecture loyale de l’Écriture eût empêché Celse de dire que nos livres ne sont pas susceptibles d’allégorie. En effet, c’est en partant des prophéties où sont relatés les faits historiques et non à partir de l’histoire, qu’on peut se convaincre que même les faits historiques ont été relatés en vue d’une interprétation allégorique, et très sagement adaptés aux besoins de la foule à la FOI simple, et de l’élite qui veut et peut examiner les questions avec intelligence. Si ceux qui, d’après Celse, passent aujourd’hui pour des Juifs et des chrétiens raisonnables étaient les seuls à allégoriser les Écritures, on pourrait supposer que Celse a dit une chose plausible. Mais puisque les auteurs de nos doctrines et les écrivains ont recours eux-mêmes à ces interprétations allégoriques, qu’y a-t-il à supposer sinon qu’ils ont écrit de manière que ces faits soient interprétés allégoriquement suivant leur intention principale. LIVRE IV

Ensuite, parmi tous les traités renfermant des allégories et des interprétations en un style qui n’est pas sans beauté, il a fait choix du plus ordinaire, apte peut-être à favoriser la FOI de la multitude des simples, mais bien incapable d’impressionner les intelligents. Il dit : De ce genre, justement, je connais une controverse d’un certain Papiscos et Jason, qui mérite moins le rire que la pitié et la haine. Donc loin de moi le propos d’en réfuter les inepties : elles sautent aux yeux de tous, surtout de celui qui a la patience de supporter la lecture du livre lui-même. Je préfère enseigner ceci conformément à la nature : Dieu n’a rien fait de mortel; mais tous les êtres immortels sont oeuvres de Dieu, et les êtres mortels sont leurs oeuvres. L’âme est oeuvre de Dieu, mais autre est la nature du corps. En fait, à cet égard, il n’y aura aucune différence entre un corps de chauve-souris, de ver, de grenouille ou d’homme: la matière en est la même, de même espèce aussi leur principe de corruption. Néanmoins je voudrais que quiconque a entendu Celse s’indigner et déclarer que le traité intitulé “Controverse de Papiscos et de Jason” sur le Christ mérite moins le rire que la haine prenne en mains le petit traité, et ait la patience de supporter la lecture de ce qu’il contient, afin de condamner aussitôt Celse, parce qu’il n’y trouve rien qui mérite la haine. Un lecteur sans parti pris trouvera que le livre ne porte même point à rire : on y présente un chrétien discutant avec un Juif, à partir des Écritures juives, et montrant que les prophéties sur le Christ s’appliquent à Jésus, bien que l’autre s’oppose à l’argument d’une manière qui n’est pas sans noblesse et qui convient au personnage d’un Juif. LIVRE IV

Mais je ne sais pourquoi, joignant deux sentiments incompatibles qui ne peuvent se trouver ensemble dans une nature humaine, il dit que ce livre mérite la pitié et la haine. Car on conviendra que celui dont on a pitié n’éveille pas la haine en même temps que la pitié, et que celui qui est haï n’éveille pas la pitié en même temps que la haine. Et la raison pour laquelle Celse dit n’avoir pas le propos d’en réfuter les inepties, c’est, croit-il, qu’il saute aux yeux de tous que, même avant une réfutation rationnellement conduite, le livre est nul et mérite la pitié et la haine. Mais j’invite le lecteur de cette apologie réfutant l’accusation de Celse, à supporter la lecture de nos livres, et autant que possible à rechercher l’intention, la conscience, et l’état d’esprit des écrivains : il y verra des hommes qui défendent avec ardeur ce qu’on leur a transmis, et que certains écrivent manifestement une histoire dont ils furent témoins et qu’ils considèrent comme miraculeuse et digne d’être rapportée pour le bien de ceux qui l’entendraient. Ou bien qu’on ose nier que la source et le principe de tout bien pour l’âme est de croire au Dieu de l’univers, d’accomplir toutes les actions en vue de lui plaire en quoi que ce soit, sans même garder une pensée qui lui déplaise, puisque non seulement les paroles et les actions mais les pensées mêmes seront jugées par lui ! Et quelle autre doctrine serait plus efficace pour convertir et amener la nature humaine à une vie vertueuse que la FOI ou la persuasion que le Dieu suprême voit toutes nos paroles, nos actions et même nos pensées ? Présente qui voudra une autre méthode qui à la FOIs convertisse et améliore non pas un ou deux individus seulement, mais encore autant que possible un très grand nombre ; alors la comparaison des deux méthodes fera comprendre exactement quelle doctrine dispose à la vie vertueuse. LIVRE IV

Une FOIs qu’il a présenté les dieux comme créateurs de tous les corps, tandis que seule l’âme serait l’oeuvre de Dieu, s’il voulait répartir la multitude des oeuvres créées et l’attribuer à plusieurs dieux, ne devait-il pas établir par un argument valable les différences entre les dieux produisant, certains les corps des hommes, d’autres ceux des bestiaux, d’autres ceux des bêtes sauvages ? Voyant des dieux créateurs de dragons, d’aspics, de basilics, d’autres créateurs de chaque espèce d’insectes, d’autres de chaque espèce de plantes et d’herbes, il lui fallait donner les raisons de cette division du travail. Car peut-être s’il s’était livré à un examen précis de la question, ou bien il aurait maintenu qu’un seul Dieu est créateur de toutes choses et a fait chacune en vue d’une fin et pour une raison, ou bien, s’il ne le maintenait pas, il aurait vu la réplique à faire à l’objection que ce qui est corruptible est de sa propre nature matière indifférente, et qu’il n’y a aucune absurdité à soutenir que le monde, constitué d’éléments dissemblables, est l’oeuvre d’un unique Artisan qui établit les différences entre les espèces pour le bien du tout. Ou, finalement, s’il ne savait pas établir ce qu’il professait d’enseigner, il aurait dû ne pas faire connaître du tout son avis sur une doctrine de cette importance ; à moins, par hasard, que lui qui se moque de ceux qui professent une FOI simple ait voulu lui-même que nous ajoutions FOI à ce qu’il avançait, bien qu’il ait prétendu non pas exprimer son avis, mais enseigner. LIVRE IV

Puisqu’il voulait, dans ce passage, prouver que les animaux sans raison sont plus divins et plus savants que les hommes, Celse devait établir de manière plus développée l’existence de cet art divinatoire, en présenter ensuite une plus claire justification : réfuter apodictiquement les raisons des négateurs de l’art divinatoire, détruire apodictiquement aussi les raisons de ceux qui attribuent aux démons ou aux dieux les mouvements fatidiques des animaux, apporter enfin les preuves que l’âme des animaux sans raison est plus divine. S’il avait ainsi manifesté sa compétence philosophique dans ces graves questions, j’aurais fait mes efforts pour m’opposer à ses arguments plausibles : j’aurais réfuté l’assertion que les animaux sans raison sont plus savants que les hommes, démasqué le mensonge qu’il y a à leur attribuer des notions de la divinité plus saintes que les nôtres et des entretiens mutuels et saints. Mais, en fait, il incrimine notre FOI au Dieu suprême et veut nous faire croire que les âmes des oiseaux ont des notions plus divines et plus claires que celles des hommes. Si c’est vrai, les oiseaux ont de Dieu des notions bien plus claires que les notions de Celse ; et ce n’est pas étonnant, si Celse ravale l’homme à ce point. Et encore, à suivre sa pensée, les oiseaux auraient des notions plus nobles et plus divines je ne dis pas que nous, chrétiens, ou que les Juifs qui usent des mêmes Écritures que nous, mais même que les théologiens parmi les Grecs, car c’étaient des hommes ! Donc, selon Celse, la race des oiseaux qu’il croit divinateurs a mieux compris la nature de la divinité que Phérécyde, Pythagore, Socrate et Platon ! Et nous aurions dû nous mettre à leur école pour que, comme ils nous enseignent l’avenir par la divination, selon la conception de Celse, ainsi encore ils libèrent les hommes des doutes sur la divinité en leur communiquant la claire notion qui leur en a été donnée. LIVRE IV

J’aborde maintenant un cinquième livre contre le traité de Celse, pieux Ambroise : non pour me livrer à un bavardage injustifiable puisqu’il n’irait pas sans péché, mais je fais de mon mieux pour ne laisser sans examen aucun de ses propos, notamment là où d’aucuns pourraient croire qu’il a dirigé des critiques pertinentes contre nous ou contre les Juifs. S’il m’était possible, par ce discours, de pénétrer la conscience de chaque lecteur de son ouvrage, d’en arracher tout trait blessant une âme que ne protège pas entièrement l’armure de Dieu, d’appliquer un remède spirituel guérissant la blessure causée par Celse, blessure empêchant qui se fie à ses arguments d’être robuste dans la FOI, c’est bien ce que j’aurais fait. Mais c’est l’oeuvre de Dieu d’habiter invisiblement par son Esprit et l’Esprit du Christ ceux qu’il juge devoir habiter. Pour moi, en tâchant, par des discours et des traités, de raffermir les hommes dans la FOI, je dois faire tous mes efforts pour mériter le titre d’ouvrier qui n’a pas à rougir, de fidèle dispensateur de «la parole de la vérité». Et l’un de ces efforts me semble être de réfuter de mon mieux les arguments plausibles de Celse, exécutant avec confiance le mandat que tu m’as donné. Je vais donc citer les arguments de Celse qui suivent ceux auxquels j’ai déjà répondu – au lecteur de juger si je les ai renversés -, je vais leur opposer mes réfutations. Que Dieu m’accorde de ne point aborder mon sujet en laissant mon esprit et ma raison purement humains et vides d’inspiration divine, « pour que la FOI » de ceux que je désire aider « ne repose pas sur la sagesse des hommes », mais que je reçoive de son Père qui seul peut l’accorder « la pensée du Christ » et la grâce de participer au Logos de Dieu, et qu’ainsi je puisse détruire « toute puissance altière qui s’élève contre la connaissance de Dieu » et la suffisance de Celse qui s’élève contre nous et contre notre Jésus, et encore contre Moïse et les prophètes. Et que celui qui donne « aux messagers son Logos avec une grande puissance » me l’accorde à moi aussi et me fasse don de cette grande puissance, et que naisse chez les lecteurs la FOI fondée sur le Logos et la puissance de Dieu ! LIVRE V

La question présente est donc de réfuter le passage que voici : ” Juifs et chrétiens, nul Dieu, nul Fils de Dieu n’est descendu ni ne saurait descendre. Que si vous parlez d’anges, dites-nous quels ils sont, dieux ou des êtres d’une autre espèce ? D’une autre espèce, sans doute, des démons.” Ces redites de Celse – car il l’a maintes FOIs déjà répété plus haut -, n’exigent pas une longue discussion : les réponses données suffiront. Je me bornerai entre bien d’autres à quelques remarques qui semblent être dans la ligne des précédentes, bien qu’elles n’aient pas cependant tout à fait le même sens. J’établirai donc que, dans sa thèse absolue que nul Dieu ou Fils de Dieu n’est jamais descendu vers les hommes, Celse réduit à néant les manifestations de Dieu généralement admises que lui-même avait mentionnées plus haut. En effet si, dans l’affirmation absolue que nul Dieu ou Fils de Dieu n’est descendu ni ne saurait descendre, Celse a dit la vérité, c’en est fait évidemment de toutes les descentes des dieux du ciel sur la terre pour prédire aux hommes ou les guérir par leurs oracles. Ni Apollon de Pytho, ni Asclépios, ni aucun de ceux auxquels on attribue des actes pareils ne peut être un dieu descendu du ciel, si ce n’est peut-être un dieu dont le sort est de toujours habiter la terre, comme banni du séjour des dieux ou un des êtres incapables d’entrer en communion avec les dieux qui s’y trouvent. Ou bien Apollon, Asclépios et tous ceux dont on vénère l’action sur la terre ne peuvent être des dieux, mais certains démons bien inférieurs aux hommes sages qui s’élèvent par la vertu jusqu’à la voûte du ciel. Remarque à quel point, dans son dessein de ruiner notre FOI, on le prend, lui qui tout au long de son traité refuse de s’avouer épicurien, à passer en transfuge au camp d’Épicure. Le moment est venu pour toi, lecteur des arguments de Celse qui admets ce qui précède, ou bien de nier la présence de Dieu qui étend sa providence à tous les hommes individuellement, ou bien de l’admettre et de prouver que la doctrine de Celse est fausse. Nies-tu radicalement la Providence? Alors pour établir la vérité de ta position, tu prouveras la fausseté des raisons qui lui font admettre des dieux et une providence. Affirmes-tu néanmoins la providence, en refusant d’adhérer à l’assertion de Celse : Ni Dieu ni Fils de Dieu n’est descendu ou ne descend vers les hommes ? Alors pourquoi ne point examiner sérieusement, dans ce que j’ai dit de Jésus et dans les prophéties qui le concernent, quel est celui qu’il faut plutôt croire Dieu ou Fils de Dieu descendu vers les hommes : Jésus qui a mené à bien et accompli de si grandes oeuvres, ou ceux qui, sous prétexte d’oracles et de divinations, loin de réformer les m?urs de ceux qu’ils guérissent, vont jusqu’à éloigner du culte vénérable, pur et sans mélange dû au Créateur de l’univers et divisent l’âme de ceux qui s’attachent à eux, sous prétexte d’honneur à rendre à de multiples dieux au lieu de l’unique, seul manifeste et véritable Dieu ? Puis, comme si Juifs et chrétiens avaient répondu que ceux qui descendent vers les hommes sont des anges, il reprend : Si vous parlez d’anges, dites-nous quels ils sont : des dieux ou des êtres d’une autre espèce ? Et, supposant notre réponse, il ajoute : ? D’une autre espèce sans doute, les démons. Eh bien ! précisons ce point. D’un commun accord nous disons que les anges sont « des esprits chargés d’un ministère, envoyés en service pour le bien de ceux qui doivent hériter du salut ». Ils montent porter les supplications des hommes dans les régions célestes les plus pures du monde, ou même dans les supracélestes plus pures que celles-là. Ensuite, ils en descendent porter à chacun suivant son mérite une des grâces que Dieu leur enjoint de dispenser à ceux qui reçoivent ses faveurs. Eux donc, que nous avons appris à nommer anges à cause de leur fonction, nous les trouvons parFOIs aussi dans les saintes Écritures nommés dieux, parce qu’ils sont divins ; mais ils ne le sont pas au point qu’il nous soit ordonné de vénérer et d’adorer à la place de Dieu ceux qui nous dispensent et nous apportent les grâces de Dieu. Car il faut faire remonter toute demande, prière, supplication et action de grâce vers le Dieu suprême par le Souverain Prêtre qui est au-dessus de tous les anges, Logos vivant et Dieu. Et nous offrirons au Logos lui-même des demandes, des prières, des actions de grâce, et même des supplications, si nous sommes capables de discerner entre le sens absolu et le sens relatif du mot supplication. LIVRE V

Vois donc tout d’abord comme il tourne en ridicule dans ce passage l’embrasement du monde, admis même par des philosophes grecs de valeur, lorsqu’il prétend qu’en admettant la doctrine de l’embrasement, nous faisons de Dieu un cuisinier. Il n’a pas vu que, selon l’opinion de certains Grecs qui l’ont peut-être empruntée à la très ancienne nation des Hébreux, le feu est infligé en purification au monde et vraisemblablement aussi à chacun de ceux qui ont besoin d’être à la FOIs châtiés et guéris par le feu. Il brûle mais ne consume pas ceux en qui il n’y aurait pas de matière exigeant cette destruction par le feu, mais il brûle et consume ceux qui ont bâti, comme on dit au sens figuré, « en bois, en FOIn, en chaume », l’édifice de leurs actions, de leurs paroles, de leurs pensées. Les divines Écritures disent que le Seigneur visitera « comme le feu du fondeur, comme l’herbe du foulon » chacun de ceux qui ont besoin, à cause du mélange pour ainsi dire d’une malice mauvaise découlant du vice, – ont besoin, dis-je, du feu comme pour affiner les âmes mélangées d’airain, d’étain, de plomb. Voilà ce que n’importe qui peut apprendre du prophète Ézéchiel. On ne veut pas dire que Dieu applique le feu, tel un cuisinier, mais que Dieu agit en bienfaiteur de ceux qui ont besoin d’épreuve et de feu, et c’est ce que le prophète Isaïe attestera dans la sentence contre une nation pécheresse : « Puisque tu as des charbons de feu, assieds-toi sur eux, ils te seront un secours. » Le Logos, qui dispense des enseignements adaptés aux foules de ceux qui liront l’Écriture, dit avec une sagesse cachée des choses sévères pour effrayer ceux qui ne peuvent autrement se convertir du flot de leurs péchés. Même dans ces conditions, l’observateur perspicace trouvera une indication du but visé par ces châtiments sévères et douloureux à ceux qui les endurent : il suffit de citer ici le passage d’Isaïe : « A cause de mon nom, je te montrerai ma colère, et j’amènerai sur toi ma gloire pour ne pas t’exterminer. » J’ai été contraint de rapporter en termes obscurs les vérités dépassant la FOI des simples qui ont besoin d’une instruction simple dans les termes ; je ne voulais point paraître laisser sans réfutation l’accusation de Celse qui dit : Lorsque Dieu, tel un cuisinier, appliquera le feu. De ce qu’on vient de dire ressortira pour les auditeurs intelligents la manière dont il faut répondre aussi à la parole : Toute autre race sera grillée, et ils seront les seuls à survivre. Rien d’étonnant que telle soit la pensée de ceux qui, parmi nous, sont appelés par l’Écriture : « Ce qu’il y a de fou dans le monde, ce qui est sans naissance et que l’on méprise, ce qui n’est pas, qu’il a plu à Dieu de sauver, eux qui croient en lui, par la folie de la prédication puisque le monde par le moyen de la sagesse n’a pas reconnu Dieu dans la sagesse de Dieu ». Ils ne peuvent pénétrer le sens du passage et ne veulent pas consacrer leurs loisirs à chercher le sens de l’Écriture, en dépit de la parole de Jésus : « Scrutez les Écritures » ; et ils ont conçu une telle idée du feu appliqué par Dieu et du sort destiné au pécheur. Et sans doute convient-il de dire aux enfants des choses proportionnées à leur condition puérile à dessein, si petits qu’ils soient, de les convertir au mieux ; ainsi, à ceux que l’Écriture nomme fous dans le monde, sans naissance, objets de mépris, convient l’interprétation obvie des châtiments, puisque seules la crainte et la représentation des châtiments peuvent les convertir et les éloigner de nombreux maux. Aussi, l’Écriture déclare-t-elle que seront les seuls à survivre, sans goûter le feu et les châtiments, ceux qui sont tout à fait purs dans leurs opinions, leurs m?urs, leur esprit ; tandis que ceux qui ne le sont pas, mais, selon leur mérite, ont besoin du ministère des châtiments par le feu, elle déclare qu’ils y seront soumis jusqu’à un certain terme qu’il convient à Dieu d’assigner à ceux qui ont été créés « à son image », et ont vécu contrairement à la volonté de la nature qui est « selon l’image ». Voilà ma réponse à sa remarque : Toute autre race sera grillée, et ils seront les seuls à survivre. LIVRE V

Il a longuement raillé la résurrection de la chair qui est prêchée dans les églises, mais plus nettement comprise par l’élite des penseurs. Inutile donc de redonner son texte déjà cité une FOIs. Mais puisque cette défense est écrite contre un homme étranger à notre FOI, et à cause de ceux qui sont encore de tout petits enfants, ballottés par les flots et emportés « à tout vent de doctrine par la piperie des hommes pour fourvoyer dans l’erreur », qu’on me permette, sur ce problème, d’exposer de mon mieux et d’établir quelques points adaptés aux besoins des lecteurs. Pas plus que les divines Écritures nous ne disons que ceux qui sont morts depuis longtemps, surgissant de terre, vivront avec la même chair sans qu’elle ait reçu d’amélioration ; en le prétendant, Celse nous calomnie. Car nous entendons aussi maints passages scripturaires qui traitent de la résurrection d’une manière digne de Dieu. Il suffît de citer ici le mot de Paul, de la Première aux Corinthiens : « Mais, dira-t-on, comment les morts ressuscitent-ils ? Avec quel corps reviennent-ils ? ? Insensé ! Ce que tu sèmes, toi, ne reprend vie, s’il ne meurt. Et ce que tu sèmes, ce n’est pas le corps à venir, mais un simple grain, de blé par exemple ou d’une des autres plantes ; et Dieu lui donne un corps à son gré, à chaque semence un corps qui lui est propre ». » Vois donc comment il indique ici que « ce n’est pas le corps à venir » qui est semé, mais qu’il y a comme une résurrection de la semence jetée nue en terre, Dieu donnant « à chaque semence un corps qui lui est propre » : de la semence jetée en terre se lève tantôt un épi, tantôt un arbre comme pour le grain de la moutarde, ou encore un arbre plus grand pour un noyau d’olive ou un des autres fruits. LIVRE V

« Dieu donne donc à chacun un corps à son gré » : aux plantes ainsi semées, comme aux êtres qui sont pour ainsi dire semés dans la mort et qui reçoivent en temps opportun, de ce qui est semé, le corps assigné par Dieu à chacun selon son mérite. Nous entendons aussi l’Écriture qui enseigne longuement la différence entre le corps pour ainsi dire semé et celui qui en est comme ressuscité. Elle dit : « Semé dans la corruption, il ressuscite incorruptible ; semé dans l’abjection, il ressuscite glorieux ; semé dans la faiblesse, il ressuscite plein de force ; semé corps psychique, il ressuscite corps spirituel. » A celui qui le peut, de savoir encore sa pensée dans ce passage : « Tel le terrestre, tels seront aussi les terrestres, tel le céleste, tels seront aussi les célestes. Et comme nous avons porté l’image du terrestre, de même nous porterons l’image du céleste. » Cependant l’Apôtre veut laisser caché le sens mystérieux du passage, qui ne convient pas aux simples et à l’entendement commun de ceux que la FOI suffît à amender. Il est néanmoins forcé ensuite, pour nous éviter des méprises sur le sens des ses paroles, de compléter l’expression : « Nous porterons l’image du céleste » par celle-ci : « Je l’affirme, frères : la chair et le sang ne peuvent hériter du royaume de Dieu, ni la corruption hériter de l’incorruptibilité1. » Et sachant bien le mystérieux sens caché qu’il y avait dans ce passage, comme il convient à un auteur laissant par écrit à la postérité l’expression de sa pensée, il ajoute : «Voici que je vais vous dire un mystère. » C’est précisément la formule d’introduction aux doctrines profondes et mystérieuses, justement cachées à la foule. Ainsi encore il est écrit dans le livre de Tobie : « Il est bon de tenir caché le secret du roi » ; puis, à l’égard de ce qui est glorieux et adapté à la foule, en dosant la vérité : « Il est bon de révéler les oeuvres de Dieu pour sa gloire. » Dès lors notre espérance n’est pas celle des vers et notre âme ne regrette pas le corps putréfié ; sans doute a-t-elle besoin d’un corps pour passer d’un lieu à un autre ; mais, ayant médité la sagesse selon la parole : « La bouche méditera la sagesse », elle sait qu’il y a une différence entre l’habitation terrestre où se trouve la tente et qui est vouée à la destruction, et la tente où les justes gémissent accablés, non parce qu’ils veulent se dévêtir de la tente, mais « pardessus elle se revêtir » (d’une autre) afin que, ainsi revêtus, « ce qu’il y a de mortel soit englouti par la vie ». « Il faut en effet », toute la nature corporelle étant corruptible, que cette tente « corruptible revête l’incorruptibilité », et que d’autre part, ce qui est « mortel » et destiné à la mort, conséquence immédiate du péché, « revête l’immortalité ». Ainsi, quand « cet être corruptible revêtira l’incorruptibilité et cet être mortel l’immortalité, alors s’accomplira » l’antique prédiction des prophètes, la fin du triomphe de la mort qui dans son triomphe nous avait soumis à elle, et la perte de l’aiguillon dont elle pique l’âme incomplètement protégée, lui infligeant les blessures qui viennent du péché. LIVRE V

Voilà un exposé partiel de notre doctrine de la résurrection, dans les limites ici convenables, car j’en ai traité ailleurs par un examen approfondi du mystère. Il faut maintenant, comme il est raisonnable, combattre les , objections de Celse. Il n’a pas compris la signification de nos Écritures, incapable de juger qu’il ne faut pas penser que la signification de ces auteurs savants soit présentée par ceux qui ne professent rien de plus que la FOI relativement à la doctrine chrétienne. Essayons donc de montrer . que des opinions parfaitement absurdes ont été soutenues par des hommes remarquables pour leur spéculation rationnelle et leurs réflexions philosophiques. Et les propos qu’on peut railler pour leurs misérables inepties de bonnes femmes sont les leurs plus que les nôtres ! LIVRE V

Mais pour ne pas laisser de côté ce que Celse a dit dans l’intervalle, citons également ces paroles : ” On peut à ce propos produire comme témoin Hérodote qui s’exprime en ces termes: « Les gens de la ville de Maréa et d’Apis, habitant les régions de l’Egypte limitrophes de la Libye, se tenaient eux-mêmes pour Libyens et non pour Égyptiens, et ils supportaient mal la réglementation des sacrifices, désirant ne pas avoir à s’abstenir de la viande de vache ; ils envoyèrent au sanctuaire d’Ammon, et prétendirent qu’ils n’avaient rien de commun avec les Égyptiens; ils habitaient, disaient-ils, en dehors du Delta, ils ne partageaient pas leurs croyances; et ils voulaient pouvoir manger de tout. Mais le dieu ne le leur permit pas: il déclara que l’Egypte est le pays que le Nil arrose en le recouvrant, et que sont Égyptiens ceux qui, habitant au-dessous de la ville d’Eléphantine, boivent de l’eau de ce fleuve. » Tel est le récit d’Hérodote. Or Ammon n’est pas inférieur aux anges des Juifs pour transmettre les volontés divines. Il n’y a donc nulle injustice à ce que chaque peuple observe les pratiques religieuses de son pays. Assurément, nous trouverons qu’il y a une différence considérable entre les nations, et cependant chacune d’elles semble tenir les siennes pour les meilleures. Les Ethiopiens qui habitent Méroé adorent les seuls Zeus et Dionysos , les Arabes Uranie et Dionysos et ceux-là seulement. Tous les Égyptiens adorent Osiris et Isis, les Saïtes Athéné, les Naucratites, depuis quelque temps seulement, invoquent Sérapis ; les autres suivent chacun ses lois respectives. Les uns s’abstiennent des brebis, parce qu’ils honorent ces animaux comme sacrés, les autres des chèvres, ceux-ci des crocodiles, ceux-là des vaches, et ils s’abstiennent des porcs parce qu’ils les ont en horreur. Pour les Scythes, eux, c’est une action vertueuse de manger des hommes, et il y a des Indiens qui pensent accomplir une action sainte en mangeant leurs pères. Le même Hérodote le dit quelque part : en FOI de quoi je citerai encore son texte. « Si en effet on imposait à tous les hommes de faire un choix parmi toutes les lois et qu’on leur enjoignît de choisir les plus belles, chacun après mûr examen choisirait celles de son pays; tant ils sont convaincus, chacun de son côté, que leurs propres lois sont de beaucoup les plus belles. Dans ces conditions, il n’est pas vraisemblable qu’un autre qu’un fou fasse des choses de ce genre un objet de risée. Et que telle soit à l’égard des lois la conviction de tous les humains, on peut en juger par de nombreux témoignages, en particulier par celui-ci. Darius, du temps qu’il régnait, appela les Grecs qui étaient près de lui et leur demanda à quel prix ils consentiraient à manger leurs pères morts; ils déclarèrent qu’ils ne le feraient à aucun prix. Ensuite, Darius appela les Indiens qu’on nomme Callaties, lesquels mangent leurs pères; et, en présence des Grecs qui, grâce à un interprète, comprenaient ce qui se disait, il leur demanda à quel prix ils accepteraient de brûler leurs pères décèdes; ils poussèrent de grands cris et prièrent Darius de ne pas prononcer des paroles de mauvais augure. Telles sont donc, en fait, les coutumes établies; et, à mon avis, Pindare a eu raison de dire que la coutume règne sur tous. » LIVRE V

Celse ajoute cette remarque sur les Juifs : Il n’est pas vraisemblable qu’ils jouissent de la faveur et de l’amour de Dieu à un plus haut degré que les autres, ni que des anges soient envoyés à eux seuls, comme s’ils avaient obtenu en partage une terre de bienheureux : nous voyons assez quel traitement ils ont mérité, eux et leur pays. Je réfuterai donc cela en disant : ce peuple a joui de la faveur de Dieu comme le montre déjà le fait que le Dieu suprême est appelé « Dieu des Hébreux », même par ceux qui sont étrangers à notre FOI. Et justement parce qu’ils jouissaient de sa faveur tant qu’ils ne furent point abandonnés par lui, ils continuaient malgré leur petit nombre à être protégés par la puissance divine : ainsi, sous Alexandre de Macédoine ils n’ont rien souffert de sa part, bien que certaines conventions et serments les aient empêchés de prendre les armes contre Darius. On dit même qu’alors le grand-prêtre des Juifs, revêtu de sa robe sacrée, fut adoré par Alexandre qui dit avoir eu durant son sommeil l’apparition d’un être revêtu de ce costume, lui promettant qu’il soumettrait l’Asie entière. Nous donc, chrétiens, nous déclarons : il leur est bel et bien arrivé de jouir de la faveur et de l’amour de Dieu à un plus haut degré que les autres. Mais cette disposition favorable s’est portée sur nous quand Jésus eut transféré la puissance, en action chez les Juifs, à ceux des Gentils qui ont cru en lui. Voilà pourquoi les Romains, malgré leurs nombreux desseins contre les chrétiens pour les empêcher de subsister davantage, n’ont pas pu y réussir. En effet, la main divine assurait leur défense pour que la parole de Dieu se répandît d’un coin de la terre de Judée à tout le genre humain. LIVRE V

Il mélange des choses incompatibles et assimile entre elles des choses dissemblables ; car après avoir parlé des soixante ou soixante-dix anges descendus, selon lui, et dont les pleurs, à l’en croire, seraient les sources chaudes, il ajoute qu’il vint alors, dit-on, au tombeau de Jésus deux anges d’après les uns, un seul d’après les autres. Il n’a pas observé, je pense, que Matthieu et Marc ont parlé d’un seul, Luc et Jean de deux, ce qui n’est pas contradictoire. Les auteurs désignent par un seul ange celui qui a fait rouler la pierre loin du tombeau, et par deux anges ceux qui se sont présentés « en robe étincelante » aux femmes venues au tombeau, ou ceux qui ont été vus à l’intérieur « assis dans leurs vêtements blancs ». Il serait possible de montrer ici que chacune de ces apparitions est à la FOIs un événement historique et une manifestation d’un sens allégorique relatif aux vérités qui apparaissent à ceux qui sont prêts à contempler la résurrection du Logos; cela ne relève pas de l’étude actuelle, mais plutôt des commentaires de l’Évangile. Des réalités merveilleuses se sont parFOIs manifestées aux hommes : c’est ce que rapportent aussi parmi les Grecs non seulement ceux qu’on pourrait soupçonner d’inventer des fables, mais encore ceux qui ont donné maintes preuves de la rigueur philosophique et de leur loyauté à citer les faits qui leur sont parvenus. J’ai lu de ces traits chez Chrysippe de Soles, d’autres chez Pythagore ; et depuis, chez certains aussi plus récents, nés d’hier ou d’avant-hier, comme chez Plutarque de Chéronée dans le “Traité de l’âme”, et le Pythagoricien Noumenios dans le deuxième livre “Sur l’incorruptibilité de l’âme”. Ainsi donc, quand les Grecs, et surtout leurs philosophes, racontent des faits de cet ordre, leurs récits ne provoquent ni moquerie ni dérision et on ne les traite pas de fictions et de fables. Au contraire, quand des hommes voués au Dieu de l’univers et qui, pour ne pas dire une parole mensongère sur Dieu, acceptent d’être maltraités jusqu’à la mort, annoncent qu’ils ont vu des apparitions d’anges, ils ne mériteraient pas créance et leurs paroles ne seraient pas reconnues véridiques ? Il serait déraisonnable de trancher ainsi entre la sincérité et le mensonge. La rigueur de la critique exige une recherche longue et précise, un examen de chaque point, après lesquels, avec lenteur et précaution, on prononce que tels auteurs disent vrai et tels auteurs mentent sur les prodiges qu’ils racontent. Tous ne manifestent pas qu’ils sont dignes de FOI, tous ne montrent pas clairement qu’ils transmettent aux hommes des fictions et des fables. Il faut ajouter à propos de la résurrection de Jésus d’entre les morts : il n’est pas étonnant qu’alors un ange ou deux soient apparus pour annoncer qu’il était ressuscité, et qu’ils aient pourvu à la sécurité de ceux qui pour leur salut croyaient à ce miracle. Et il ne me semble pas déraisonnable que toujours ceux qui croient Jésus ressuscité et présentent comme un fruit appréciable de leur FOI la générosité de leur vie et leur aversion pour le débordement du vice, ne soient point séparés des anges qui les accompagnent pour leur porter secours dans leur conversion à Dieu. Celse reproche aussi à l’Écriture d’affirmer qu’un ange avait roulé la pierre loin du tombeau où était le corps de Jésus : il ressemble à un jeune homme qui s’exerce à user de lieux communs pour soutenir une accusation. Comme s’il avait trouvé contre l’Écriture une objection subtile, il ajoute : Le Fils de Dieu, à ce qu’il paraît, ne pouvait ouvrir le tombeau, mais il a eu besoin d’un autre pour déplacer la pierre. Mais je ne veux pas perdre mon temps à discuter l’objection ni, en développant ici une interprétation allégorique, paraître introduire mal à propos des considérations philosophiques. Du récit lui-même je dirai que d’emblée il semble plus digne que ce fût l’inférieur et le serviteur, plutôt que celui qui ressuscitait pour le bien des hommes, qui ait fait rouler la pierre. Je m’abstiens de souligner que ceux qui conspiraient contre le Logos, qui avaient décidé de le tuer et de montrer à tous qu’il était mort et réduit à rien, ne voulaient pas du tout que son tombeau fût ouvert, afin que personne ne pût voir le Logos vivant après leur conspiration. Mais « l’Ange de Dieu » venu sur terre pour le salut des hommes coopère avec l’autre ange et, plus fort que les auteurs de la conspiration, fait rouler la lourde pierre, afin que ceux qui croient le Logos mort soient persuadés qu’« il n’est point parmi les morts », mais qu’il vit et « précède » ceux qui consentent à le suivre, pour expliquer la suite de ce qu’il avait commencé à leur expliquer auparavant, lorsqu’au premier temps de leur initiation ils n’étaient pas encore capables de saisir les vérités plus profondes. LIVRE V

Celse a mal compris, me semble-t-il, cette parole de l’Apôtre : « Dans les derniers temps, certains s’écarteront de la FOI pour s’attacher à des esprits trompeurs et à des doctrines diaboliques, séduits par des menteurs hypocrites marqués au fer rouge dans leur conscience : ils interdisent le mariage et l’usage d’aliments que Dieu a créés pour être pris avec actions de grâce par les croyants. » Il a mal compris encore les gens qui citent ces paroles de l’Apôtre contre ceux qui altèrent les vérités du christianisme ; aussi dit-il que, parmi les chrétiens, certains sont appelés les cautères de l’oreille. Il ajoute que d’autres sont nommés énigmes, chose dont je ne sais rien. Il est vrai que l’expression pierre de scandale est fréquente dans les Écritures : on a coutume de l’appliquer à ceux qui détournent de la saine doctrine les esprits simples et faciles à berner. Ce que désigne les Sirènes danseuses et séductrices qui scellent à la cire les oreilles de ceux qui leur obéissent et changent leurs télés en têtes de porc, je ne le sais, pas plus que personne, j’imagine, parmi ceux de notre doctrine ni ceux des sectes. LIVRE V

Loin de moi la pensée de critiquer Platon : de lui aussi la grande foule des hommes a retiré des avantages ; mais je veux mettre en lumière l’intention de ceux qui ont dit : « Ma doctrine et ma prédication n’avaient rien des discours persuasifs de la sagesse ; c’était une démonstration de l’Esprit et de la puissance, afin que notre FOI reposât non point sur la sagesse des hommes mais sur la puissance de Dieu. » Le divin Logos déclare que prononcer un mot, fut-il en lui-même vrai et très digne de FOI, n’est pas suffisant pour toucher l’âme humaine sans une puissance donnée par Dieu à celui qui parle et une grâce qui rayonne dans ses paroles, véritable don de Dieu à ceux dont la parole est efficace. C’est bien ce que dit le prophète dans le psaume soixante-septième : « Le Seigneur donnera sa parole à ceux qui prêchent avec grande puissance. » LIVRE VI

Déjà chez Moïse et les prophètes, antérieurs non seulement à Platon mais encore à Homère et à l’invention de l’alphabet chez les Grecs, on trouve bien des passages répondant à la grâce que Dieu leur avait donnée et pleins de pensées sublimes. Ils étaient loin d’avoir dit cela pour avoir compris Platon de travers, comme le croit Celse : comment eussent-ils pu entendre celui qui n’était pas encore né ? Et pour appliquer le mot de Celse aux apôtres de Jésus, plus récents que Platon, vois s’il n’est pas d’emblée invraisemblable de dire que Paul le fabricant de tentes, Pierre le pêcheur, Jean qui a laissé les filets de son père, aient transmis une telle doctrine sur Dieu pour avoir compris de travers les propos de Platon dans ses Lettres. Et, bien que souvent déjà Celse ait répété que nous demandons une FOI immédiate, il l’affirme encore comme une nouveauté qui s’ajouterait à ses propos antérieurs ; mais la réponse déjà faite suffit. LIVRE VI

Il ajoute : On le voit, Platon, bien qu’il pose avec fermeté que le Bien est ineffable, touteFOIs, pour ne point paraître éluder toute discussion, donne la raison de celte difficulté: car peut-être que le néant même pourrait être exprimable. Puisqu’il prétend là établir qu’il ne faut pas simplement croire, mais rendre raison de sa FOI, nous citerons, nous aussi, le mot de Paul pour blâmer ceux qui croient à la légère : « Autrement, vous auriez cru en vain. » LIVRE VI

Il est vrai qu’il s’agit là d’une opinion ancienne ; mais non, comme le croit Celse, que l’ancienneté de cette distinction remonte à Héraclite et à Platon. Avant eux, les prophètes avaient distingué chacune des deux sagesses. Il suffit pour le moment de citer, parmi les paroles de David, celle qui a trait au sage inspiré par la divine sagesse : « Même s’il voit mourir les sages, il ne verra pas la corruption. » Aussi, la sagesse divine, qui diffère de la FOI, est le premier de ce qu’on appelle les charismes de Dieu. Après elle le second, aux yeux de ceux qui ont une science précise en ce domaine, est ce qu’on appelle la connaissance. Et le troisième est la FOI, puisqu’il faut que soient sauvés même les plus simples qui s’adonnent de leur mieux à la pitié. LIVRE VI

D’où la déclaration de Paul : « A l’un, un discours de sagesse est donné par l’Esprit, à l’autre un discours de connaissance selon le même Esprit, à un autre la FOI dans le même Esprit. » Pour cette raison, ce ne sont pas les premiers venus que l’on pourrait trouver en possession de la divine sagesse, mais ceux qui sont éminents et supérieurs parmi tous les adhérents au christianisme ; et ce n’est point aux plus incultes, aux esclaves, aux moins instruits que l’on divulgue les secrets de la sagesse divine. LIVRE VI

Tel me paraît avoir été le but de Celse lorsqu’il allègue que les chrétiens appellent le Créateur Dieu maudit : il voulait qu’ajoutant FOI à ses attaques contre nous, on fût amené, si possible, à détruire les chrétiens comme les plus impies de tous les hommes. Il confond les sujets et il prétend expliquer la raison pour laquelle le Dieu de la création mosaïque est appelé maudit, en en affirmant : Ce Dieu est vraiment digne de malédiction au jugement de ceux qui le regardent comme tel, puisqu’il a maudit le serpent qui apportait la connaissance du bien et du mal aux premiers hommes. LIVRE VI

J’ai inséré ces remarques dans mon discours contre Celse pour montrer aux lecteurs que je connais plus clairement que lui, et non sur de vagues on-dit, les doctrines que j’attaque moi aussi. Mais ceux qui se glorifient de semblables chimères font-ils eux aussi profession de quelque sorcellerie magique, et est-ce là pour eux le sommet de la sagesse, je ne le donne pas pour certain, car je n’ai rien trouvé de tel. A Celse, déjà souvent convaincu de faux témoignages et d’accusations sans fondement, de savoir si là encore il ment, ou s’il a trouvé quelque chose de ce genre chez des gens étrangers et hostiles à la FOI, et l’a cité dans son traité. LIVRE VI

Car selon notre FOI, l’Esprit divin fait mourir les pratiques du corps et les inimitiés qui ont leur origine dans le désir de la chair, ennemi de Dieu. LIVRE VI

Si la Pythie est hors d’elle-même et sans conscience lorsqu’elle rend des oracles, quelle nature faut-il attribuer à l’esprit qui répand la nuit sur son intelligence et ses pensées ? N’est-ce pas ce genre de démons que beaucoup de chrétiens chassent des malades à l’aide non point d’un procédé magique, incantatoire ou médical, mais par la seule prière, de simples adjurations et des paroles à la portée de l’homme le plus simple ? Car ce sont généralement des gens simples qui l’opèrent. La grâce contenue dans la parole du Christ a prouvé la faiblesse et l’impuissance des démons : pour qu’ils soient vaincus et se retirent sans résistance de l’âme et du corps de l’homme, il n’est pas besoin d’un savant capable de fournir des démonstrations rationnelles de la FOI. LIVRE VI

Il n’est pas d’étrangers à la FOI qui aient rien fait de semblable à ce que firent les prophètes ; il n’en est pas de plus récents, même postérieurs à la venue de Jésus, dont l’histoire dise qu’ils aient prophétisé parmi les Juifs. Car, de l’aveu de tous, le Saint-Esprit a abandonné les Juifs coupables d’impiété envers Dieu et envers Celui qui avait été prédit par leurs prophètes. Mais les signes du Saint-Esprit sont apparus, d’abord au temps de l’enseignement de Jésus, et en plus grand nombre après son ascension, mais par la suite en moins grand nombre. Cependant il en reste encore aujourd’hui des vestiges chez quelques-uns dont les âmes ont été purifiées par le Logos et les actions qu’il inspire. « Car l’Esprit Saint qui nous éduque fuit la duplicité, il s’éloigne des pensées sans intelligence. » Celse promet d’indiquer la manière dont se font les divinations en Phénicie et en Palestine, comme une chose dont il est instruit et qu’il sait de première main. Examinons donc ce point. Il dit d’abord qu’il y a plusieurs espèces de prophéties, mais sans les indiquer : il en était incapable, ce n’était là qu’une hâblerie. Mais voyons celle qu’il présente comme le type le plus achevé chez les hommes de celte région. LIVRE VI

S’il avait été de bonne FOI dans son accusation, il aurait dû citer les prophéties dans leur texte : celles dont l’auteur s’est proclamé le Dieu tout-puissant, ou celles où l’on croit entendre le Fils de Dieu ou le Saint-Esprit. Car ainsi il eût au moins tâché d’en réfuter la teneur et de montrer qu’il n’y a aucune inspiration divine dans les discours qui par leur contenu détournent des fautes, blâment l’état présent, annoncent l’avenir. Aussi les contemporains des prophètes ont-ils écrit et gardé leurs prophéties pour que la postérité, en les lisant, les admire comme des paroles de Dieu et que, bénéficiant non seulement de celles qui blâment et qui convertissent, mais encore de celles qui prédisent, et convaincue par les événements que c’était l’Esprit divin qui avait prédit, elle persévère dans la piété conforme au Logos, persuadée par la loi et les prophètes. LIVRE VI

Après quoi, pour ruiner la FOI de ceux qui admettent l’histoire de Jésus, parce qu’elle a été prédite, il ajoute : Eh bien ! que les prophètes aient prédit que le grand Dieu, pour ne rien dire de plus grossier, subirait l’esclavage, la maladie, la mort, Dieu devrait-il subir la mort, l’esclavage, la maladie sous prétexte que cela a été prédit, pour que sa mort fît croire qu’il était Dieu ? Mais les prophètes n’ont pu le prédire : c’est un mal et une impiété. On n’a donc point à examiner s’ils l’ont prédit ou non, mais si l’acte est honnête et digne de Dieu. Si l’acte est honteux et mauvais, quand bien même tous les hommes en transes sembleraient le prédire, il faut refuser de le croire. Comment donc la vérité admettrait-elle que Jésus ait subi cela comme un Dieu ? LIVRE VI

S’il faut caractériser brièvement la différence entre le régime d’abord en vigueur chez les Juifs suivant les lois de Moïse, et le régime plus pariait que les chrétiens veulent suivre maintenant d’après l’enseignement de Jésus, voici ce que je dirai. D’une part il ne convenait pas aux Gentils appelés à la FOI de suivre à la lettre le régime de Moïse, puisqu’ils étaient soumis aux Romains. De l’autre, il n’était pas possible aux Juifs d’autreFOIs de conserver intacte leur constitution, puisque par hypothèse ils obéissaient au régime évangélique. Les chrétiens ne pouvaient se conformer à la loi de Moïse en massacrant leurs ennemis ou ceux que leurs transgressions de la loi condamnaient à périr brûlés ou lapidés, puisque même les Juifs, malgré leur désir, ne pouvaient leur infliger cette peine ordonnée par la loi. LIVRE VI

Pour nous, qui avons soin de ne rien combattre de ce qui est noblement exprimé, même si les auteurs sont étrangers à notre FOI, et de ne pas leur chercher noise ni vouloir renverser les doctrines saines, voici notre réponse. On a beau insulter ceux qui veulent consacrer tous leurs efforts à pratiquer la piété à l’égard du Dieu de l’univers qui agrée aussi bien la FOI que les simples ont en lui et la piété réfléchie de ceux qui ont plus d’intelligence, et qui font monter leurs prières avec action de grâce vers le Créateur de l’univers comme par le Grand-Prêtre qui a réglé pour les hommes la pure piété envers Dieu ; on a beau traiter ces gens de boiteux et mutilés dans l’âme, et dire qu’ils vivent pour le corps, une chose morte, eux qui disent de tout leur coeur : « Nous vivons dans la chair, évidemment, mais nous ne combattons pas avec les moyens de la chair. Non, les armes de notre combat ne sont point charnelles, mais puissantes par Dieu » : que l’on prenne garde, rien qu’en disant du mal de ceux qui prient pour être à Dieu, de faire boiter son âme et de mutiler en soi-même « l’homme intérieur » en l’amputant, par ces calomnies contre ceux qui veulent vivre dans la vertu, de la modération et de l’équilibre dont le Créateur a naturellement jeté la semence dans la nature raisonnable ! Quand au contraire on a appris entre autres choses du divin Logos pour le mettre en pratique, quand on est insulté, à bénir, quand on est persécuté, à endurer, quand on est calomnié, à supplier, on sera de ceux qui, ayant redressé les pas de l’âme, purifient et préparent l’âme toute entière. Il ne s’agit point de distinguer seulement en paroles l’essence de la génération, l’intelligible du visible, de rapporter la vérité à l’essence, de fuir par tous les moyens l’erreur qui accompagne la génération. On aspire, selon cet enseignement, non point aux choses de la génération, que l’on voit et qui, pour cette raison, sont passagères, mais aux réalités supérieures, qu’on veuille les appeler essence, ou invisibles parce qu’elles sont intelligibles, ou choses qu’on ne voit pas parce que leur nature est d’échapper aux sens. LIVRE VI

Que Celse n’aille pas s’indigner si nous traitons de boiteux et mutilés des jambes de l’âme ceux qui s’empressent autour des objets tenus pour sacrés comme s’ils l’étaient en vérité, et qui ne voient pas qu’aucune ?uvre d’artisans ne peut être sacrée. Mais ceux qui professent la piété conforme à l’enseignement de Jésus courent aussi, jusqu’à ce que, parvenus au terme de la course, ils s’écrient d’un coeur ferme et sincère : « J’ai combattu le bon combat, j’ai achevé ma course, j’ai gardé la FOI : il ne me reste plus qu’à recevoir la couronne de justice. » C’est bien « ainsi et non à l’aventure » que court chacun de nous, « ainsi » qu’il fait du pugilat, « sans frapper dans le vide », mais frappant ceux que domine « le Prince de l’empire de l’air, cet esprit qui agit actuellement dans les fils de la désobéissance ». Libre à Celse de dire que nous vivons pour le corps, qui est chose morte ! Nous entendons la parole : « Si vous vivez selon la chair, vous devez mourir ; mais si par l’Esprit vous faites mourir les actions du corps, vous vivrez. » Nous avons appris : « Si nous vivons par l’Esprit, suivons aussi l’Esprit. » Ah ! puissions-nous montrer par nos actions qu’il a menti en disant de nous que nous vivons pour le corps, qui est une chose morte. LIVRE VI

Eh bien, voyons ce qu’il déclare ensuite : Tenons-nous en là ! Ils ne peuvent tolérer la vue des temples, des autels, des statues. Mais les Scythes non plus, ni les Nomades de Libye, ni les Sères, peuple sans dieu, ni d’autres nations sans FOI ni loi. C’est aussi le sentiment des Perses, ainsi que le rapporte Hérodote : « Les Perses, à ma connaissance, observent les coutumes suivantes: ils n’ont pas l’usage d’élever des statues, ni des temples, ni des autels ; au contraire, ils taxent de folie ceux qui le font ; la raison en est, à mon avis, qu’ils n’ont jamais pensé, comme les Grecs, que les dieux soient de même nature que les hommes. » Bien plus, voici à peu près ce que déclare Héraclite : « Et encore ces statues qu’ils prient, comme si l’on bavardait avec des maisons. Ils ne savent rien de la vraie nature des dieux et des héros. » Que nous enseignent-ils donc de plus sage qu’Héraclite ? Lui, du moins, insinue qu’il est stupide de prier les statues quand on ne connaît pas la vraie nature des dieux et des héros. LIVRE VI

A quoi il faut répondre : si vraiment les Scythes, les Nomades de la Libye, les Sères que Celse déclare peuple sans dieu, et bien d’autres nations sans FOI ni loi, et si les Perses même ne peuvent tolérer la vue des temples, des autels, des statues, la raison de leur intolérance n’est pas la même que la nôtre. Il faut examiner en effet les doctrines qui poussent à l’intolérance ceux qui ne peuvent tolérer les temples et les statues, afin de pouvoir louer cette intolérance si elle est motivée par de saines doctrines, et la blâmer si les motifs sont erronés. LIVRE VI

Il croit ensuite que, du fait que nous rendons un culte en même temps à Dieu et à son Fils, il suit que, selon nous, non seulement Dieu mais encore ses ministres reçoivent un culte. Et certes, s’il avait pensé à ceux qui sont les véritables ministres de Dieu après le Fils unique de Dieu, Gabriel, Michel et le reste des anges, et dit qu’il faut leur rendre un culte, peut-être aurais-je tiré au clair le sens de l’expression rendre un culte, et les actions de celui qui le rend, et dirais-je sur ce point, qui comporte la discussion de sujets difficiles, ce que j’ai pu en comprendre. Mais, quand il croît que les démons adorés par les païens sont les ministres de Dieu, il ne nous amène point à la conséquence que nous devons leur rendre un culte. Car l’Écriture les présente comme ministres du Mauvais, du Prince de ce monde, qui détourne de Dieu ceux qu’il peut. Donc, puisqu’ils ne sont pas ministres, nous évitons d’adorer tous ceux que les autres hommes adorent et de leur rendre un culte. Car si nous avions appris qu’ils étaient des ministres du Dieu suprême, nous ne dirions pas qu’ils sont des démons. C’est pourquoi nous adorons le Dieu unique et son Fils unique, Logos et Image, par nos meilleures supplications et demandes, offrant nos prières au Dieu de l’univers par son Fils unique. C’est à lui d’abord que nous les offrons en lui demandant, puisqu’il est « propitiation pour nos péchés », de présenter comme Grand-Prêtre au Dieu suprême nos prières, nos sacrifices et nos supplications. Telle est la FOI que nous avons en Dieu par son Fils qui la fortifie en nous, et Celse ne peut montrer la moindre faction au sujet du Fils de Dieu. Oui, nous adorons le Père en admirant son Fils, Logos, Sagesse, Vérité, Justice et tout ce que nous avons appris de ce qu’est le Fils de Dieu : nous admirons donc aussi Celui qui est né d’un tel Père. Mais en voilà assez. LIVRE VIII

De plus, Celse veut consacrer des prémices aux démons. Mais nous le faisons à Celui qui a dit : « Que la terre fasse pousser du gazon, des herbes portant semence, selon leur espèce et selon leur ressemblance, des arbres fruitiers donnant du fruit contenant leur semence selon leur espèce sur la terre. » Celui à qui nous offrons les prémices est aussi Celui vers qui nous faisons monter nos prières, puisque « nous avons un Grand-Prêtre insigne qui a pénétré dans le ciel, Jésus le Fils de Dieu », et nous demeurons fermes dans cette FOI que nous professons, tant que nous vivons, obtenant la bienveillance de Dieu et de son Fils unique, qui s’est manifesté à nous en Jésus. LIVRE VIII

Voyons encore le passage suivant : Faut-il énumérer tous les oracles rendus dans les sanctuaires d’une voix divine par les prophètes et prophétesses et d’autres inspirés, hommes et femmes; toutes les merveilles qu’on a entendues au fond de leurs sanctuaires ; toutes les révélations obtenues des victimes et des sacrifices ; toutes les manifestations venant d’autres prodiges ? D’autres ont bénéficié d’apparitions notoires. La vie entière est remplie de ces faits ! Combien de cités ont été bâties grâce aux oracles ou délivrées d’épidémies ou de famines ! Combien, pour les avoir méprisés ou négligés ont misérablement péri ! Combien furent fondées de colonies sur leur ordre, et qui ont prospéré pour avoir suivi leurs prescriptions ! Combien de princes, combien de particuliers ont dû au même motif leur succès ou leur échec ! Combien de personnes désolées de n’avoir pas d’enfants ont obtenu ce qu’elles ont demandé et échappé à la colère des démons ! Combien d’infirmités corporelles ont été guéries ! Combien, en revanche, pour avoir outragé des sanctuaires, en ont été aussitôt châtiés ! Les uns furent à l’instant frappés de démence, les autres avouèrent leurs forfaits, ceux-ci se donnèrent la mort, ceux-là furent saisis de maladies incurables. Il y en eut même qui furent anéantis par une voix redoutable venant du sanctuaire. Je ne sais pourquoi Celse, qui présente ces histoires comme manifestes, a considéré comme fables les prodiges relatés dans nos écrits à propos des Juifs, de Jésus et de ses disciples. Pourquoi nos écrits ne seraient-ils pas vrais, et les histoires de Celse des inventions fabuleuses ? Elles ne trouvent même pas créance auprès d’écoles philosophiques des Grecs comme celles de Démocrite, d’Épicure, d’Aristote, qui peut-être eussent ajouté FOI aux nôtres à cause de leur évidence, s’ils avaient connu Moïse ou l’un des prophètes qui ont accompli des miracles, ou encore Jésus lui-même. On raconte que la Pythie s’est parFOIs laissée corrompre pour rendre des oracles. Nos prophètes, au contraire, ont été admirés pour la clarté de leurs messages, non seulement par leurs contemporains mais aussi par la postérité. Car, grâce aux oracles des prophètes, des cités ont été bâties, des hommes ont recouvré la santé, des famines ont pris fin. De plus, il est clair que la nation entière des Juifs, selon les oracles, vint d’Egypte fonder une colonie en Palestine. Tant qu’elle suivit les prescriptions de Dieu, elle a prospéré ; quand elle s’en écarta elle eut à s’en repentir. Et qu’est-il besoin de dire combien de princes et combien de particuliers d’après les récits de l’Écriture ont connu le succès ou l’échec suivant qu’ils ont été fidèles aux prophéties ou qu’ils les ont méprisées ? LIVRE VIII

Alors je ne sais pourquoi Celse, faisant état du courage de ceux qui luttent jusqu’à la mort pour ne point abjurer le christianisme, ajoute, comme s’il assimilait nos doctrines à celles que professent les initiateurs et les mystagogues : Par dessus tout, mon brave, comme tu crois à des châtiments éternels, les interprètes des mystères sacrés, initiateurs et mystagogues, y croient aussi. Les menaces que tu adresses aux autres, ils te les adressent à toi-même. Il est permis d’examiner lesquelles des deux sont les plus vraies ou plus puissantes. Car en paroles chacun affirme avec une égale énergie la vérité de ses doctrines propres. Mais quand il faut des preuves, les autres en montrent un grand nombre de manifestes, présentent des oeuvres de certaines puissances démoniaques et d’oracles, et résultant de toutes sortes de divinations. Il prétend donc par là que notre doctrine sur les châtiments éternels est la même que celle des initiateurs aux mystères, et veut examiner laquelle des deux est la plus vraie. Or je puis dire qu’est vraie la doctrine capable de mettre les auditeurs dans la disposition de vivre conformément à ses principes. Et telle est bien la disposition des Juifs et des chrétiens, relativement à ce qu’ils nomment le siècle à venir avec ses récompenses pour les justes, ses châtiments pour les pécheurs. Que Celse donc ou tout autre montre ceux à qui les initiateurs et les mystagogues inspirent de telles dispositions par rapport aux châtiments éternels ! Il est probable que l’intention de l’auteur de cette doctrine n’est pas seulement de donner lieu aux sacrifices expiatoires et aux discours sur les châtiments, mais encore de disposer les auditeurs à faire tout leur possible pour se garder eux-mêmes des actes qui sont la cause des châtiments. De plus, la lecture attentive des prophéties me paraît capable, par la prévision de l’avenir qu’elles contiennent, de persuader le lecteur intelligent et de bonne FOI que l’Esprit de Dieu était présent en ces hommes. A ces prophéties on ne peut comparer le moins du monde aucune des oeuvres démoniaques que l’on exhibe, ni des actions miraculeuses dues aux oracles, ni des divinations. LIVRE VIII

Après cela il approuve ceux qui espèrent l’éternité et l’identité près de Dieu pour l’âme ou l’intelligence, ce qu’on appelle chez eux principe spirituel, esprit raisonnable, intelligent, saint et bienheureux, âme vivante. Il admet comme une opinion juste la doctrine selon laquelle ceux qui ont mené une vie vertueuse seront heureux, mais les gens injustes seront pour toujours accablés de maux éternels. En outre, je trouve admirables plus que tout ce qu’a jamais écrit Celse, ces mots qui concluent les remarques précédentes : c’est une doctrine que ni eux ni personne d’autre ne doivent jamais abandonner. Mais Celse écrivait contre les chrétiens, dont la FOI repose toute entière sur Dieu et sur les promesses du Christ aux justes et ses enseignements sur le châtiment des injustes : il aurait dû voir qu’un chrétien qui accepte les arguments de Celse contre les chrétiens et abandonne le christianisme, en même temps qu’il rejette l’Évangile rejette aussi probablement cette doctrine que, d’après Celse lui-même, ni les chrétiens ni personne d’autre ne doivent jamais abandonner. LIVRE VIII

Ainsi encore nous voulons implanter la conviction que ceux qui ont mené une vie vertueuse seront heureux, en observant que même des étrangers à la FOI donnent sur la vie vertueuse plusieurs arguments semblables aux nôtres ; car on ne trouverait personne qui ait entièrement perdu les notions communes du bien et du mal, du juste et de l’injuste. LIVRE VIII

Considère toi-même la disposition qui agréera davantage au Dieu suprême dont la puissance est inégalable en tout ordre de choses, spécialement pour répandre sur les hommes les bienfaits de l’âme, du corps, des biens extérieurs. Sera-ce la consécration totale de soi-même à Dieu, ou la minutieuse recherche des noms, des pouvoirs, des activités des démons, des incantations, des plantes particulières aux démons, des pierres avec leurs inscriptions correspondant aux formes traditionnelles des démons symboliquement ou de tout autre manière ? Il est évident, même à une réflexion sommaire, que la disposition simple et sans vaine curiosité qui, de ce fait, se consacre au Dieu suprême, sera agréée de Dieu et de tous ses familiers. Au contraire, pour la santé physique, l’amour du corps, la réussite dans les choses indifférentes, se préoccuper des noms des démons, chercher comment charmer les dénions par des incantations, c’est vouloir être abandonné par Dieu, comme un être mauvais, impie et démoniaque plutôt qu’humain, aux démons qu’on choisit en prononçant ces formules, pour être tourmenté soit par les pensées que chacun d’eux suggère, soit par d’autres malheurs. Car il est vraisemblable que ces êtres, étant mauvais et, comme l’avoue Celse, rivés au sang, au fumet de graisse, aux incantations et autres choses de ce genre, ne gardent, même envers ceux qui leur offrent ces jouissances, ni leur FOI ni, si l’on peut dire, leurs engagements. Car, que d’autres les invoquent contre ceux qui leur ont rendu un culte et qu’ils achètent leur service avec plus de sang, de fumet de graisse et de ce culte qu’ils exigent, ils peuvent s’en prendre à qui hier leur rendait un culte et leur donnait une part de ce festin qui leur est cher. LIVRE VIII

A quoi il faut répondre : quand l’occasion s’en présente, nous apportons aux empereurs un secours divin, pour ainsi dire, en nous revêtant de « l’armure de Dieu. » Nous le faisons pour obéir à la voix de l’Apôtre qui dit : « Je vous recommande donc avant tout de faire des demandes, des prières, des supplications, des actions de grâce pour tous les hommes, pour les rois et tous les dépositaires de l’autorité. » Et plus on a de piété, plus on secourt efficacement ceux qui règnent, bien mieux que les soldats qui vont aux combats et tuent autant d’ennemis qu’ils peuvent. Mais voici encore ce qu’on pourrait dire aux étrangers à la FOI qui nous demandent de combattre en soldats pour le bien public et de tuer des hommes. Même ceux qui, d’après vous, sont prêtres de certaines statues et gardiens des temples de vos prétendus dieux ont soin de garder leur main droite sans souillure pour les sacrifices, afin d’offrir à ceux que vous dites dieux les sacrifices traditionnels avec des mains pures de sang et de meurtre. Et sans doute, en temps de guerre, vous n’enrôlez pas vos prêtres. Si donc cette conduite est raisonnable, combien plus celle des chrétiens ! Pendant que d’autres combattent en soldats, ils combattent comme prêtres et serviteurs de Dieu ; ils gardent pure leur main droite, mais luttent par des prières adressées à Dieu pour ceux qui se battent justement et pour celui qui règne justement, afin que tout ce qui est opposé et hostile à ceux qui agissent justement puisse être vaincu. De plus, nous qui par nos prières vainquons tous les démons qui suscitent les guerres, font violer les serments et troublent la paix, nous apportons à l’empereur un plus grand secours que ceux que l’on voit combattre. Et nous collaborons aux affaires publiques en faisant monter, dans la justice, nos prières jointes aux exercices et aux méditations qui enseignent à mépriser les plaisirs et à ne plus les avoir pour guides. Plus que d’autres nous combattons pour l’empereur. Nous ne servons pas avec ses soldats, même s’il l’exige, mais nous combattons pour lui en levant une armée spéciale, celle de la piété, par les supplications que nous adressons à la divinité. LIVRE VIII