Il y a des saints anges de Dieu que Paul appelle les ESPRITS chargés de ministère envers ceux qui hériteront du salut. Le même saint Paul nomme certains, je ne sais où il l’a pris, Trônes et Dominations, Principautés et Puissances et, après les avoir énumérés, pensant qu’il y a encore, en plus de ceux-là, comme d’autres offices et d’autres ordres d’êtres raisonnables, il dit du Sauveur qu’il est sur toute Principauté, Puissance, Vertu et Domination et sur tout nom qui est nommé non seulement dans ce siècle-ci, mais dans le futur. Par là il montre assurément qu’en plus de ceux qu’il a commémorés, ceux qui sont nommés en ce siècle, il y en a d’autres qui n’ont pas été maintenant énumérés, ni peut-être compris par personne ; et d’autres qui ne sont pas nommés dans ce siècle, mais le seront dans le futur. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section
Les noms de Diable, de Satan, de Malin, sont employés en de nombreux passages de l’Écriture pour désigner celui qui est décrit comme l’ennemi de Dieu. On y parle aussi des anges du Diable et du Prince de ce monde, terme dont on ne peut dire encore clairement s’il s’applique au Diable ou à un autre. Il y a des Princes de ce monde, possédant une certaine sagesse qui sera détruite : ces Princes sont-ils les mêmes que les Principautés contre lesquelles nous avons à lutter ou d’autres, il ne me paraît pas facile de se prononcer. Après ces Principautés, on nomme encore certaines Puissances contre qui nous avons à lutter et à porter le combat, mais nous avons aussi à le faire contre les Princes de ce monde et les Dirigeants de ces ténèbres : Paul nomme encore des ESPRITS de malice dans les deux. Que dire des ESPRITS malins et des démons impurs cités dans les évangiles ? Ensuite des êtres sont appelés d’un nom semblable, les Célestes – mais ils sont dits fléchir ou devoir fléchir le genou au nom de Jésus -, d’autres les Terrestres et les Infernaux que Paul énumère dans cet ordre. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section
Si nous entendons de façon absolue que ces saints anges, ces saintes Puissances, ces Trônes bienheureux, ces glorieuses Vertus et ces Dominations magnifiques possèdent substantiellement leurs puissances, dignités ou gloires, il s’ensuit, semble-t-il, sans aucun doute, qu’il faut entendre de façon semblable ceux qui sont présentés comme possédant les offices contraires. Il faudra donc penser que ces Principautés contre lesquelles nous avons à lutter ont reçu cette orientation de leur volonté qui les fait s’opposer et résister à toute sorte de bien, non parce qu’ils se sont écartés du bien par la suite à cause de leur libre arbitre, mais au moment même où ils ont commencé à exister en êtres substantiels. Pareillement les Puissances et les Vertus chez qui la malice ne serait pas plus récente et postérieure à l’existence. Ceux qui ont été appelés les Dirigeants et les chefs du monde des ténèbres, leur domination et leur puissance sur les ténèbres ne viendraient pas d’un propos pervers, mais des nécessités découlant de leur création. La logique oblige de comprendre de même les ESPRITS de malice, les ESPRITS mauvais et les démons impurs. Mais s’il paraît absurde de penser ainsi des puissances mauvaises et contraires – il est certainement absurde d’attribuer nécessairement au Créateur la cause de leur malice sans mettre en cause le propos de leur libre arbitre -, ne sommes-nous par forcés de reconnaître la même chose des vertus bonnes et saintes, c’est-à-dire que le bien n’est pas en eux quelque chose de substantiel, privilège, nous l’avons montré avec évidence, du Christ et de l’Esprit Saint seuls, et assurément, sans aucun doute, du Père. En effet il n’y a dans la nature de la Trinité aucune composition, nous l’avons aussi montré, pour que de pareils changements semblent logiquement pouvoir se produire. Il reste donc, à propos de chaque créature, que c’est par suite de leur action et de leurs mouvements que ces vertus qui paraissent exercer sur d’autres leur principat, leur puissance ou leur domination, ont été préposées à ceux sur qui elles dominent et exercent leur pouvoir, par suite de leurs mérites et non par une prérogative due à leur création. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Première section
Voyons donc si nous pouvons trouver dans l’Écriture sainte quelque signification de ce genre, s’appliquant au sens propre aux êtres célestes. L’apôtre Paul s’exprime ainsi : A la vanité la création est soumise, malgré elle, mais à cause de celui qui l’y a soumise, dans l’espérance, car la création elle-même sera libérée de la servitude de la corruption pour parvenir à la liberté glorieuse des fils de Dieu. A quelle vanité, je vous le demande, la création est-elle soumise, et quelle est cette création ? Comment cela se fait-il malgré elle et dans quelle espérance ? Comment la création elle-même sera-t-elle libérée de la servitude de la corruption ? Mais ailleurs le même apôtre dit : Car l’attente de la création espère la révélation des fils de Dieu. Et de même ailleurs : Non seulement cela, mais encore la création elle-même gémit et souffre ensemble jusqu’à maintenant. Il faut donc chercher en quoi consiste son gémissement et ses douleurs. Voyons donc d’abord quelle est la vanité à laquelle la création est soumise. Pour moi, je ne pense pas que la vanité soit autre que les corps : car, bien qu’éthéré, le corps des astres n’en est pas moins matériel. C’est pourquoi Salomon me paraît prendre à partie toute la nature corporelle, parce qu’elle est d’une certaine façon une charge et qu’elle entrave la vigueur des ESPRITS, quand il dit : Vanité des vanités, tout est vanité, dit l’Ecclésiaste, tout est vanité. J’ai regardé, dit-il, et j’ai vu tout ce qui est sous le soleil et voici que tout est vanité. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section
Il faut, certes, penser de même des puissances adverses qui se présentent en de telles conditions de lieux et de fonctions que leur situation de Principautés, Puissances, Dirigeants du monde des ténèbres, ESPRITS de malice, ESPRITS malins, démons impurs, ils ne la possèdent pas de façon substantielle, comme s’ils avaient été créés tels, mais selon leurs mouvements et leurs progrès dans le crime, ils ont obtenu ces degrés dans la malice. C’est le second ordre de la création raisonnable qui s’est tellement précipité dans la méchanceté que l’absence de conversion vient plus de sa volonté que de son pouvoir, car la frénésie du crime engendre la volupté et la délectation. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section
Le troisième ordre de la création raisonnable est formé de ces ESPRITS qui ont été jugés par Dieu aptes à remplir le genre humain, c’est-à-dire les âmes des hommes ; parmi eux nous en voyons que leurs progrès ont haussé jusqu’à l’ordre des anges, ceux qui sont devenus fils de Dieu ou de la résurrection, ou ceux qui, laissant les ténèbres, ont préféré la lumière et sont devenus fils de lumière, ou ceux qui, ayant surpassé toute lutte et devenus pacifiques, sont faits fils de la paix et fils de Dieu, ou ceux qui, mortifiant leurs membres terrestres et transcendant non seulement la nature corporelle, mais encore les mouvements ambigus et fragiles de l’âme, se sont attachés au Seigneur, devenus entièrement ESPRITS, pour être toujours avec lui un seul esprit, jugeant avec lui de toutes choses, jusqu’à ce qu’ils parviennent au degré des spirituels parfaits qui discernent tout et que, leur intelligence étant éclairée dans la plénitude de la sainteté par la Parole et la Sagesse de Dieu, ils ne puissent plus du tout être jugés par personne. Nous pensons, certes, qu’on ne doit en aucune façon accepter les questions ou les affirmations de certains, qui pensent que les âmes peuvent atteindre un tel degré de déchéance qu’oublieuses de leur nature raisonnable et de leur dignité, elles vont même jusqu’à se précipiter dans la classe des êtres animés déraisonnables, des animaux et des bestiaux. Ils tirent des Écritures des arguments mensongers, s’appuyant par exemple sur le précepte d’inculper et de lapider avec la femme l’animal auquel elle se serait unie contre nature et de lapider aussi le taureau qui donne des coups de corne; ou sur l’histoire de l’ânesse de Balaam qui parla, Dieu lui ouvrant la bouche, lorsque une bête de somme répondant avec une voix humaine, bien qu’elle fût muette, dénonça la folie du prophète. Tout cela, non seulement nous ne l’acceptons pas, mais encore nous réfutons et rejetons ces assertions contraires à notre foi. Cependant, lorsque nous aurons, au moment et à l’endroit convenables, confondu et réfuté cette doctrine perverse, nous montrerons comment il faut comprendre les passages des Écritures saintes qu’ils ont invoqués. Traité des Principes: LIVRE I: Second traité (I, 5-8): Deuxième section
Nous avons esquissé comme nous avons pu les comprendre ces trois opinions sur la fin de toutes choses et la béatitude suprême : que chaque lecteur juge en lui-même avec diligence et minutie, s’il veut en approuver et en choisir une. Il est dit qu’on pense pouvoir mener une vie incorporelle quand tout aura été soumis au Christ et par le Christ à Dieu le Père, lorsque Dieu sera tout en tous ; ou bien cependant que lorsque tout sera soumis au Christ et par le Christ à Dieu, avec qui les natures raisonnables formeront un seul esprit, puisqu’elles sont des ESPRITS, la substance corporelle elle-même associée à des ESPRITS excellents et très purs brillera, changée dans un état éthéré selon la qualité ou les mérites de ceux qui l’assument, d’après cette parole de l’Apôtre : Nous aussi nous serons changés ; ou encore que, lorsque la condition des choses qui se voient aura passé, toute corruptibilité ayant été rejetée et purifiée et tout l’état de ce monde, où l’on dit que se trouvent les sphères des planètes, ayant été dépassé et transcendé, c’est au-dessus de la sphère dite des étoiles fixes que la demeure des pieux et des bienheureux sera établie, comme dans la bonne terre, la terre des vivants, que recevront les paisibles et les doux. A cette terre correspond le ciel qui l’entoure et l’enferme comme dans une enceinte plus magnifique, le ciel au sens strict et premier. Dans ce ciel et dans cette terre trouveront place l’achèvement et la perfection de toutes choses d’une manière stable, sûre et très durable. C’est là que ceux qui auront été corrigés par les peines subies pour être purifiés de leurs péchés, lorsque tout aura été accompli et payé, mériteront d’habiter cette terre, et ceux qui ont obéi à la Parole de Dieu, se sont montrés capables de recevoir sa Sagesse et l’ont suivie, mériteront, selon l’Écriture, les royaumes de ce ciel ou de ces cieux. Ainsi s’accompliront ces paroles : Bienheureux les doux car ils recevront en héritage la terre. Bienheureux les pauvres par l’esprit car ils auront l’héritage du royaume des cieux, et ce que dit le Psaume : Il t’élèvera pour que tu hérites la terre. Pour cette terre-ci on emploie l’expression descendre, pour cette terre-là, qui est en haut, celle d’être élevé. Il semble ainsi que soit ouvert par les progrès des saints comme un chemin de cette terre-là à ces cieux-là : ils ne paraissent pas tant devoir rester dans cette terre que l’habiter, pour passer ensuite, lorsqu’ils auront fait quelque progrès, à l’héritage du royaume des cieux. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 1-3): Le commencement de ce monde et ses causes
Qu’ils disent alors, en examinant les Écritures divines, ce qu’est chaque vertu, et qu’ils ne cherchent pas à s’esquiver en disant que le Dieu qui rétribue chacun selon ses mérites, leur rend le mal pour le mal par haine des méchants et que ce n’est pas parce que ceux qui ont péché ont besoin d’être soignés par des remèdes plus pénibles qu’il leur applique un traitement qui, en vue de leur amendement, semble présentement les faire souffrir. Il ne lisent pas ce qui est écrit de l’espérance de ceux qui ont péri par le déluge, espérance dont Pierre dit dans sa Première Épître : Le Christ est mort selon la chair, mais a été vivifié selon l’esprit. Dans cet esprit il est allé prêcher aux ESPRITS maintenus en prison, ceux qui avaient été autrefois incrédules, lorsque Dieu attendait avec patience quand Noé construisait l’arche; dans l’arche un petit nombre, c’est-à-dire huit personnes, ont été sauvées par le moyen de l’eau; vous aussi, de façon semblable, il vous sauve aujourd’hui par le baptême. Au sujet de Sodome et de Gomorrhe, qu’ils nous disent s’ils croient que les paroles prophétiques viennent du Dieu dont on rapporte qu’il fit pleuvoir sur eux une pluie de feu et de soufre! Que dit de ces villes le prophète Ézéchiel ? Sodome sera restaurée dans son état ancien. En punissant ceux qui méritaient le châtiment, ne l’a-t-il pas fait pour leur bien ? Il a dit à la Chaldée : Tu as des charbons de feu, assieds-toi dessus et ils te seront utiles. A propos de ceux qui sont tombés dans le désert, que les hérétiques écoutent ce qui est rapporté dans le Psaume 77, attribué par son titre à Asaph : Lorsqu’il les tuait, alors ils le cherchaient. Il n’a pas dit que, les uns étant tués, les autres le recherchaient, mais que ceux qui étaient tués l’étaient de telle sorte que, mis à mort, ils recherchaient Dieu. Tout cela montre que le Dieu juste et bon, le Dieu de la loi et des Évangiles, est un seul et même Dieu, qu’il fait le bien avec justice et punit avec bonté, puisque ni la bonté sans la justice, ni la justice sans la bonté, ne sont le signe de la dignité de la nature divine. Ajoutons encore ce qui suit, forcés par leurs artifices. Si la justice est autre chose que le bien, puisque le mal est contraire au bien et l’injuste au juste, sans aucun doute l’injuste sera autre que le mal ; et puisque, selon vous, celui qui est juste n’est pas bon, celui qui est injuste ne sera pas mauvais ; de même, puisque celui qui est bon n’est pas juste, celui qui est mauvais ne sera pas injuste. Ne sera-t-il pas absurde, à ce qu’il semble, que celui qui est mauvais soit le contraire du Dieu bon, mais que personne ne soit le contraire du Dieu juste qu’ils présentent comme inférieur au bon ? A Satan qui est appelé le Malin ne correspond donc pas quelqu’un autre qui serait dit l’Injuste. Qu’en est-il donc ? Remontons au point d’où nous sommes descendus. Ils ne pourront pas dire que le mauvais n’est pas en même temps injuste, ni l’injuste mauvais. Mais si, dans ces contraires, il y a une liaison indissociable entre l’injustice et le mal et entre le mal et l’injustice, le bon sera certainement indissociable du juste et le juste du bon : de même que nous disons que la malice et l’injustice sont un seul et même mal, de même nous tenons que la bonté et la justice sont une seule et même vertu. Traité des Principes: Livre II: Premier traité (II, 4-5): Deuxième section
Il y a de nombreuses manières de comprendre le Christ, car, bien qu’il soit, certes, la Sagesse, il n’opère pas ni n’accomplit en tous les effets de la Sagesse, mais seulement en ceux qui s’adonnent en lui à la sagesse ; s’il est appelé médecin, il n’agit pas envers tous comme médecin, mais seulement envers ceux qui, ayant compris qu’ils sont malades, se réfugient dans sa miséricorde pour obtenir la santé. Je pense de même du Saint Esprit en qui se trouve toute la nature des dons. Aux uns en effet est fournie par l’Esprit la parole de sagesse, aux autres la parole de connaissance, à d’autres la foi; et ainsi, en chacun de ceux qui peuvent le recevoir, l’Esprit lui-même prend la forme dont a besoin celui qui a mérité de participer à lui et se fait comprendre de cette façon. Mais, sans remarquer ces distinctions et ces différences, certains, entendant qu’il est nommé Paraclet dans l’Évangile, ne réfléchissant pas à l’activité et au rôle qui le font appeler Paraclet, l’ont comparé à je ne sais quels ESPRITS vils et ont tenté de troubler par là les Églises du Christ, au point d’engendrer des dissensions non négligeables parmi les frères. Mais l’Évangile lui confère une si grande puissance et majesté que, selon lui, les apôtres ne pouvaient encore comprendre ce que voulait leur enseigner le Sauveur, avant la venue de l’Esprit Saint qui, se répandant dans leurs âmes, les éclairerait sur la nature de la Trinité et sur la foi en elle. Mais ces hérétiques, à cause de l’incapacité de leur intelligence qui les empêche non seulement d’exposer avec logique ce qui est exact, mais encore de prêter l’oreille à ce que nous disons, pensent de la divinité de l’Esprit Saint des choses inférieures à sa dignité et se sont livrés à l’erreur et à la tromperie, déformés par des ESPRITS erronés plutôt qu’instruits par les enseignements du Saint Esprit, selon cette parole de l’apôtre : Suivant la doctrine des ESPRITS démoniaques qui défendent de se marier, pour la perte et la ruine de beaucoup, et obligent à contretemps de s’abstenir des nourritures, pour séduire les âmes des innocents en faisant montre d’une observance plus stricte. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
Il reste à se demander à propos de l’ordre des anges, s’ils ont des âmes ou s’ils sont des âmes, et pareillement des autres puissances divines et célestes et des puissances contraires. Nous n’avons jamais trouvé d’attestation dans l’Écriture divine où les anges et les autres ESPRITS divins serviteurs de Dieu soient dits avoir des âmes ou être des âmes. Au sujet de Dieu, nous trouvons ceci écrit : Je mettrai mon âme sur l’âme qui aura mangé le sang et je l’arracherai de son peuple; et ailleurs : je ne tiens pas pour agréables vos néoménies, vos sabbats et votre grand jour. Vos jeûnes, vos fériés et vos fêtes, mon âme les hait. Et dans le Psaume 21 il est dit du Christ – car il est certain que ce psaume est composé comme prononcé par lui d’après le témoignage de l’Évangile – : Toi, Seigneur, n’éloigne pas ton secours, veille à ma défense, arrache à l’épée mon âme et au pouvoir du chien mon unique. Et nombreux sont les témoignages sur l’âme du Christ incarné. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section
Mais le sens même du mot âme, tel qu’il est en grec (psyché) a paru à certains de ceux qui cherchent avec plus de soin, suggérer une signification qui n’est pas sans intérêt. Car la parole divine dit que Dieu est feu : Notre Dieu est un feu qui consume. Et de la substance des anges elle affirme : Celui qui a fait de ses anges des ESPRITS (souffles) et de ses ministres un feu qui brûle. Et ailleurs : L’Ange du Seigneur apparut en flamme de feu dans le buisson. Bien plus, nous avons reçu le commandement d’être brûlants par l’esprit : par là sans aucun doute il est montré que la Parole de Dieu est enflammée et chaude. Mais le prophète Jérémie entendait de celui qui lui répondait : Voici que j’ai mis mes paroles dans ta bouche comme du feu. De même que Dieu est feu, que les anges sont la flamme du feu et que les saints brûlent par l’esprit, de même au contraire ceux qui sont tombés de l’amour de Dieu se sont refroidis dans leur charité pour lui et on dit qu’ils sont devenus froids. En effet le Seigneur dit : Par suite de la multiplication de l’iniquité, la charité de beaucoup se refroidira. Et tout ce qui, de quelque manière, symbolise dans les Écritures saintes la puissance adverse est toujours froid, comme on peut le remarquer. En effet le diable est appelé le serpent et le dragon : que peut-on trouver de plus froid ? Le dragon est représenté régnant dans les eaux, et ceci revient aussi à propos d’un des ESPRITS malins que le prophète montre dans la mer. En un autre endroit le prophète dit : Je lancerai l’épée sainte sur le dragon, le serpent qui fuit, sur le dragon, le serpent pervers, et l’épée le tuera. Et ailleurs : Même s’ils s’éloignaient de mes yeux et descendaient dans les profondeurs de la mer, je commanderai au dragon et il les mordra. Dans Job, le dragon est dit le roi de tous ceux qui sont dans les eaux. Le prophète annonce que de Borée viendront des maux sur tous ceux qui habitent la terre. Or Borée désigne dans les Écritures le vent froid, comme l’écrit la Sagesse: Borée est le vent froid. Cela, sans aucun doute, il faut l’entendre du diable. Si donc les réalités saintes sont appelées feu, lumière, et sont dites brûlantes, si les réalités contraires sont froides et si la charité se refroidit, selon l’Écriture, dans les pécheurs, on peut se demander si peut-être le mot âme, qui se dit en grec psyché, ne viendrait pas au figuré de ce refroidissement à partir d’un état plus divin et meilleur, c’est-à-dire que l’âme se serait refroidie de sa chaleur naturelle et divine pour recevoir l’état et la dénomination qu’elle a actuellement. Traité des Principes: Livre II: Quatrième traité (II, 8-9): Première section
Voyons aussi dans le Nouveau Testament le passage où Satan s’approche du Seigneur pour le tenter. Des ESPRITS malins et des démons impurs qui possédaient d’assez nombreuses personnes ont été mis en fuite par le Seigneur et chassés des corps de ces malades, que l’Écriture dit libérés par lui. Mais Judas, alors que le diable avait mis dans son coeur l’intention de livrer le Christ, reçut ensuite Satan tout entier en lui : il est écrit en effet que après la bouchée Satan entra en lui. Quant à l’apôtre Paul, il nous enseigne à ne pas donner de place au diable, mais revêtez, dit-il, les armes de Dieu, pour que vous puissiez résister aux astuces du diable, signifiant que les saints ont à lutter non contre la chair et le sang, mais contre les principautés, les puissances, les chefs de ce monde de ténèbres, les ESPRITS de méchanceté dans les deux. Il dit que le Sauveur a été crucifié par les princes de ce monde qui seront détruits et il affirme qu’il ne parle pas selon leur sagesse. Par tout cela, l’Écriture divine nous enseigne qu’il existe des ennemis invisibles en lutte contre nous et elle nous enjoint de nous armer contre eux. A cause de cela, les plus simples de ceux qui croient au Seigneur Christ pensent que tous les péchés commis par les hommes se font à cause de ces puissances contraires qui harcèlent l’intelligence des pécheurs, parce que, dans ce combat invisible, ces puissances se trouvent les plus fortes. Si par exemple le diable n’existait pas, aucun homme ne pécherait. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section
Nous disions plus haut que soit la providence divine soit les puissances contraires peuvent aussi éveiller en nous des souvenirs concernant le bien ou le mal. Cela est montré par le Livre d’Esther : Artaxerxès ne se rappelait pas les bonnes actions du très juste Mardochée, mais alors qu’il était harcelé par des insomnies nocturnes, Dieu mit en sa mémoire l’inspiration de réclamer les livres contenant le récit de ses chroniques : mis alors au courant des services rendus par Mardochée il fît pendre son ennemi Aman, lui fit rendre des honneurs magnifiques et sauva toute la nation sainte menacée par un péril imminent. C’est au contraire la puissance du diable, il faut le penser, qui remit en mémoire aux pontifes et aux scribes ce qu’ils allèrent dire à Pilate : Seigneur, nous nous sommes souvenus de ce que ce séducteur a dit quand il était encore vivant: le troisième jour après je ressusciterai. Lorsque Judas eut l’idée de livrer le Sauveur, elle ne venait pas seulement de son intelligence mauvaise : l’Écriture atteste en effet que le diable avait mis dans son coeur le désir de le livrer. C’est pourquoi Salomon a donné un bon précepte lorsqu’il a dit : Garde ton coeur de toute manière. De même l’apôtre Paul en disant : Nous devons accorder une plus grande attention à ce que nous entendons pour ne pas nous égarer, et : Ne donnez pas de place au diable: il montre par là que certaines actions et une certaine négligence spirituelle donnent de la place au diable qui, une fois entré dans notre coeur, nous possède, ou du moins souille notre âme s’il ne peut la posséder complètement, en lançant en nous ses traits enflammés ; par là, tantôt il nous blesse, d’une blessure qui descend dans nos profondeurs, tantôt seulement il nous enflamme. Il arrive rarement que quelques-uns, peu nombreux, réussissent à éteindre ses traits enflammés, de sorte que l’on ne trouve plus trace de la blessure, et cela se produit lorsqu’on est protégé, comme par une fortification très solide, par le bouclier de la foi. Cela est dit réellement dans l’Épître aux Ephésiens: Nous n’avons pas à lutter contre la chair et le sang, mais contre les principautés, les puissances, les chefs de ce monde de ténèbres, les ESPRITS de malice qui sont dans les deux. Il faudra comprendre de la sorte le mot nous, c’est-à-dire moi, Paul, et vous, Ephésiens, et tous ceux qui n’ont pas à lutter contre la chair et le sang : ce sont eux en effet qui ont à lutter contre les principautés et puissances, les chefs de ce monde de ténèbres. Il n’en était pas de même à Corinthe où l’on avait à lutter contre la chair et le sang : les Corinthiens n’étaient pas sujets à la tentation, si ce n’est à une tentation humaine. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section
Il y a aussi, outre ces princes, certaines forces de ce monde, c’est-à-dire des puissances spirituelles, consacrées à un certain genre d’action, qu’elles ont choisi elles-mêmes conformément à leur libre arbitre et parmi elles se trouvent ces ESPRITS qui agissent sur la sagesse de ce monde : par exemple une force ou puissance particulière inspire la poésie, une autre la géométrie, et ainsi animent-elles chaque art ou discipline de ce genre. Aussi de nombreux Grecs ont pensé qu’il ne pouvait y avoir de poésie sans folie ; et leurs histoires rapportent que parfois ceux qu’ils appellent vates sont soudain envahis par un esprit de folie. Que dire encore de ceux qu’ils nomment devins et qui, par l’opération des démons qui les gouvernent, profèrent des oracles dans des vers modulés avec art. Mais ceux qu’ils disent magiciens ou auteurs de maléfices, parfois après avoir invoqué les démons sur des enfants encore petits, leur ont fait dire des poèmes dignes de plonger tout le monde dans l’étonnement et la stupéfaction. Tout se passe de la même façon que lorsque des âmes saintes et sans tache, qui se sont vouées à Dieu de toute leur volonté et en toute pureté, qui se sont tenues à l’écart de toute contagion démoniaque, qui se sont purifiées par une grande abstinence et se sont instruites des doctrines pieuses et religieuses, ont acquis par là une participation à la divinité et ont mérité de recevoir la grâce de la prophétie et de tous les autres dons divins ; de même, il faut le penser, ceux qui se sont livrés aux puissances contraires, et cela par leur activité, leur vie et un zèle en leur faveur qui leur est agréable, reçoivent leur inspiration et deviennent participants à leur sagesse et à leur doctrine. Il s’ensuit qu’ils deviennent les sujets de leurs opérations, puisqu’ils se sont d’abord assujettis à leur esclavage. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section
Il me paraît logique de rechercher pourquoi l’âme humaine est tantôt mue par les bons ESPRITS, tantôt par les mauvais. Je soupçonne que les causes en sont antérieures à notre naissance corporelle, comme le montre Jean, s’agitant et exultant dans le sein de sa mère, lorsque la voix de la salutation de Marie parvint aux oreilles de sa mère Elisabeth, et comme le déclare le prophète Jérémie qui, avant d’être façonné dans le sein de sa mère, était connu de Dieu, avant de sortir de la matrice fut sanctifié par lui et reçut, encore enfant, la grâce de la prophétie. Et en revanche il est montré clairement que certains ont été possédés par des ESPRITS ennemis dès leur premier âge, c’est-à-dire qu’ils sont nés ayant déjà leur démon ; d’autres ont été devins étant enfants, comme le garantit l’histoire, d’autres ont subi dès leur jeune âge l’action du démon nommé Python, c’est-à-dire ventriloque. A tout cela, ceux qui déclarent que la providence de Dieu régit tout ce qui est dans ce monde – c’est là aussi une affirmation de notre foi, à ce qu’il me semble – ne pourront répondre autre chose que ce qui suit, pour montrer la providence divine indemne de toute faute d’injustice : il faut dire qu’il y a eu certaines causes antécédentes qui, avant que les âmes ne naissent dans des corps, les ont rendues coupables dans leurs pensées et dans leurs mouvements, au point de mériter de souffrir cela au jugement de la providence divine. Car l’âme possède toujours son libre arbitre, qu’elle soit dans ce corps ou en dehors de ce corps ; le libre arbitre est attiré toujours soit au bien soit au mal, et jamais le sens de la raison, c’est-à-dire l’intelligence ou âme, ne peut rester sans mouvement, bon ou mauvais. Que ces mouvements soient causes de mérites, c’est vraisemblable, même avant qu’ils n’agissent en ce monde ; ainsi, selon ces causes et ces mérites, dès la naissance, bien mieux, pour ainsi parler, avant même la naissance, la divine providence a réglé que les hommes subiraient du bien ou du mal. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section
Tout cela est dit de ce qui paraît arriver à l’homme dès la naissance et même avant qu’il ne vienne à la lumière du jour. De tout ce qui est suggéré par des ESPRITS divers à l’âme, c’est-à-dire aux pensées de l’homme, et le pousse au bien et au mal, il faut penser qu’il y a parfois des causes antécédentes à la naissance corporelle. Tantôt l’intelligence vigilante, rejetant d’elle le mal, s’attire l’aide des bons ESPRITS ; ou au contraire, négligente et lâche, elle ne se tient guère sur ses gardes et donne place à ces ESPRITS qui, comme des larrons machinant leurs embûches en cachette, s’arrangent pour faire irruption dans les intelligences humaines, lorsqu’ils voient que la paresse leur a fait place, comme le dit l’apôtre Pierre : Votre adversaire le diable tourne autour de vous comme un lion rugissant, cherchant qui dévorer. C’est pourquoi il faut garder de toute façon notre coeur jour et nuit et ne pas donner place au diable, mais faire tout ce qu’il faut pour que les ministres de Dieu, à savoir ces ESPRITS envoyés au service de ceux qui sont appelés à hériter du salut, trouvent en nous une place et se réjouissent d’entrer dans le gîte de notre âme : habitant chez nous, c’est-à-dire en notre coeur, ils nous dirigeront par des conseils meilleurs, si toutefois ils trouvent l’habitacle de notre coeur orné des parures de la vertu et de la sainteté. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section
Maintenant je pense qu’il ne faut pas passer sous silence les tentations qui naissent parfois de la chair et du sang ou de la prudence de la chair et du sang, dite ennemie de Dieu, puisque nous avons déjà parlé de ces tentations qui sont traitées de plus qu’humaines, les luttes que nous menons contre principautés et puissances, les chefs de ce monde de ténèbres et les ESPRITS de méchanceté qui sont aux deux et celles que nous poursuivons contre les ESPRITS malins ou les démons immondes. En cela il faut se demander, je crois, s’il y a en nous, hommes, qui sommes composés d’une âme et d’un corps et aussi d’un esprit de vie, quelque chose d’autre qui possède un stimulant qui lui est propre et un mouvement nous poussant au mal. C’est ainsi que certains se posent habituellement la question suivante : ne faut-il pas parler de deux âmes en nous, l’une plus divine et céleste et l’autre inférieure ; ou bien est-ce, parce que nous sommes attachés à des corps – des corps qui selon leur nature propre sont morts et tout à fait inanimés puisque c’est par nous, c’est-à-dire par nos âmes que le corps matériel est vivifié, alors qu’il est assurément en opposition et en inimitié avec l’esprit – que nous sommes attirés et poussés vers ces maux qui sont agréables au corps ; ou bien encore, troisième solution, suivant l’opinion de quelques Grecs, est-ce que notre âme, une par sa substance, est composée de plusieurs éléments, une partie dite rationnelle et une partie irrationnelle, cette partie dite irrationnelle se divisant de nouveau en deux tendances, la convoitise et la colère. Ces trois opinions susdites concernant l’âme ont été tenues, nous le savons, par certains. De ces trois, celle qui professe selon quelques philosophes grecs, avons-nous dit, le tripartisme de l’âme, je ne la vois guère confirmée par le témoignage de la divine Écriture ; quant aux deux autres qui restent, on peut trouver certaines affirmations dans les lettres divines qui paraissent pouvoir s’y adapter. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Troisième section
Mais, en tout cela, qu’il nous suffise de conformer notre intelligence à la règle de piété et de penser de l’Esprit Saint que sa parole n’est pas composée avec l’élégance des discours qui relèvent de la fragilité humaine, mais que, comme il est écrit : Toute la gloire du roi est à l’intérieur, le trésor des significations divines est contenu et enfermé dans le vase fragile de la lettre vile. Mais si quelqu’un est plus curieux et demande l’explication des détails, qu’il vienne entendre avec nous comment l’apôtre Paul, scrutant les profondeurs de la divine sagesse et de la divine connaissance, avec l’aide de l’Esprit Saint qui scrute même les profondeurs de Dieu, et n’ayant pas la force d’en venir à bout et de parvenir, pour ainsi dire, à une connaissance intime, désespère d’y arriver et s’exclame dans sa stupeur : Ô profondeur des richesses de la sagesse et de la connaissance de Dieu ! Et combien il désespère, dans cette exclamation, d’atteindre à la compréhension parfaite, on l’apprend de ces paroles : Combien les jugements de Dieu sont impossibles à scruter et ses voies à suivre à la trace ! Il ne dit pas en effet qu’il est difficile de pouvoir scruter les jugements de Dieu, mais qu’on ne le peut pas du tout ; il ne dit pas qu’il est difficile de suivre ses voies à la trace, mais qu’on ne peut pas le faire. On peut, certes, avancer dans cet examen, on peut y progresser en s’y appliquant de plus en plus intensément, par la grâce de Dieu qui illumine l’intelligence, mais on ne pourra atteindre parfaitement la fin de ce qu’on recherche. Aucune intelligence créée n’a la possibilité de parvenir à une connaissance absolue, mais, dès qu’elle trouve quelque chose de ce qu’elle cherche, elle en voit d’autres qui sont à chercher ; et si elle parvient à ces dernières, elle en verra de bien plus nombreuses qui seront encore à chercher. C’est pourquoi le très sage Salomon, contemplant dans sa sagesse la nature des choses, dit : J’ai dit : Je deviendrai sage. Et cette sagesse s’est éloignée de moi, plus qu’elle ne l’était avant. Qui trouvera l’immensité de sa profondeur ? Et Isaïe, sachant que les débuts des choses ne peuvent être trouvés par une nature mortelle, même pas par ces natures qui, bien plus divines que l’humaine, ont cependant elles-mêmes été faites et créées, sachant donc qu’aucune d’elle ne peut trouver ni le début ni la fin, dit : Dites ce qui fut avant et nous saurons que vous êtes des dieux ; annoncez ce qu’il y aura en dernier lieu et nous verrons que vous êtes des dieux. Car un docteur hébreu expliquait cela ainsi : le début et la fin de toutes choses ne peuvent être compris par personne, si ce n’est seulement par le Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit Saint, et c’est pourquoi Isaïe disait sous forme de vision que les deux Séraphins sont les seuls qui de deux ailes couvrent la face de Dieu, de deux autres les pieds et de deux ailes volent en se criant l’un à l’autre : Saint ! Saint ! Saint ! le Seigneur Sabaoth, toute la terre est pleine de ta gloire ! Puisque les deux Séraphins seuls ont leurs ailes sur la face de Dieu et sur ses pieds, il faut avoir l’audace d’affirmer que ni les armées des saints anges, ni les saints Trônes, Dominations, Principautés et Puissances ne peuvent connaître intégralement le début de tout et la fin de l’univers. Mais il faut comprendre que ces saints ESPRITS et puissances ici mentionnés sont proches de ces débuts et en perçoivent plus que les autres ne peuvent le faire ; cependant quel que soit ce qu’ont appris ces puissances sur la révélation du Fils de Dieu ou de l’Esprit Saint, quelle que soit la quantité de connaissances qu’elles ont pu atteindre, certes beaucoup plus grande pour les puissances supérieures que pour les inférieures, il leur est cependant impossible de comprendre tout, puisqu’il est écrit : La plus grande partie des oeuvres de Dieu reste cachée. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section