Tous ceux qui croient en toute certitude que la grâce et la vérité sont venues par Jésus-Christ, qui savent que le Christ est la Vérité puisqu’il a dit lui-même : Je suis la Vérité, ne reçoivent pas d’ailleurs que des paroles mêmes et de la doctrine du Christ la CONNAISSANCE qui invite les hommes à une vie bonne et bienheureuse. Par paroles du Christ, nous n’entendons pas seulement ce qu’il a enseigné quand il s’est fait homme et quand il a vécu dans la chair : car auparavant le Christ, Parole de Dieu, se trouvait déjà en Moïse et dans les prophètes. En effet, sans la Parole de Dieu, comment auraient-ils pu prophétiser au sujet du Christ ? Il ne serait pas difficile de prouver cela en montrant à partir des divines Écritures comment Moïse et les prophètes ont parlé, ou ont accompli tout ce qu’ils ont fait, parce qu’ils étaient remplis de l’Esprit du Christ : mais notre propos est de traiter le sujet présent avec toute la brièveté possible. C’est pourquoi il suffira, je pense, d’utiliser seulement ce témoignage de Paul dans la lettre qu’il écrivit aux Hébreux : A cause de sa foi Moïse, devenu grand, refusa d’être dit le fils de la fille de Pharaon, préférant souffrir avec le peuple de Dieu que jouir quelque temps de la volupté du péché, estimant qu’il y a plus de richesse dans les outrages subis par le Christ que dans les trésors des Égyptiens. Et Paul indique en ces termes que Jésus a parlé en ses apôtres, même après son assomption dans le ciel : Cherchez-vous une preuve de celui qui parle en moi, le Christ ? Traité des Principes: Préface
Il faut en effet savoir que les saints apôtres, lorsqu’ils ont prêché la foi au Christ, ont transmis très clairement à tous les croyants, même à ceux qui semblaient trop paresseux pour s’adonner à la recherche de la science divine, tout ce qu’ils ont jugé nécessaire. Mais les raisons de leurs assertions, ils ont laissé la tâche de les rechercher à ceux qui mériteraient les dons les plus éminents de l’Esprit et surtout qui auraient reçu du même Saint Esprit la grâce de la parole, de la sagesse et de la CONNAISSANCE. Des autres réalités, ils ont affirmé leur existence, mais ils n’ont pas parlé de leur manière d’être et de leur origine, assurément pour que dans la suite les plus zélés, par amour pour la sagesse, aient de quoi s’exercer, pour montrer les fruits de leurs capacités, ceux qui se sont préparés à devenir dignes et capables de recevoir la sagesse. Traité des Principes: Préface
En outre les Écritures ont été rédigées par l’action de l’Esprit de Dieu et n’ont pas seulement pour sens celui qui apparaît clairement, mais un autre aussi qui échappe à la plupart. Ce qui y est décrit est la figure de certains mystères et l’image des réalités divines. A ce sujet toute l’Église est unanime : Toute la loi est spirituelle, cependant ce que signifie spirituellement la loi n’est pas connu de tous, mais de ceux-là qui ont reçu la grâce du Saint Esprit dans la parole de sagesse et de CONNAISSANCE. Traité des Principes: Préface
Il faut partir de là comme d’éléments ou de fondements selon le précepte : Allumez en vous la lumière de la CONNAISSANCE, quand on désire construire comme un ensemble ou comme un corps de doctrine à partir des raisons de tout cela, pour approfondir à l’aide d’assertions claires et nécessaires la vérité de chaque point, afin d’en faire, comme nous l’avons dit, un seul corps de doctrine, à l’aide de comparaisons et d’affirmations, celles qu’on aura trouvées dans les saintes Écritures, ou celles qu’on aura découvertes en recherchant la conséquence logique et en suivant un raisonnement droit. Traité des Principes: Préface
Je sais que certains essaieront de dire que Dieu est un corps, et même en invoquant les Écritures, car ils lisent chez Moïse : Notre Dieu est un feu qui consume, et dans l’évangile de Jean : Dieu est souffle (esprit) et ceux qui l’adorent doivent l’adorer en esprit (souffle) et en vérité. Le feu et le souffle (esprit), ils ne les prennent que comme des corps. Je veux leur demander ce qu’ils disent de cette affirmation scripturaire : Dieu est lumière. En effet Jean écrit dans son épître : Dieu est lumière et il n’y a pas en lui de ténèbres. C’est assurément cette lumière qui illumine toute l’intelligence de ceux qui peuvent saisir la vérité, comme le dit le Psaume 35 : Dans ta lumière nous verrons la lumière. Que faut-il appeler lumière de Dieu, dans laquelle on voit la lumière, sinon la Puissance de Dieu qui fait voir à celui qu’elle illumine la vérité de toutes choses ou lui fait connaître Dieu lui-même, qui est nommé Vérité ? C’est cela que signifie la phrase : Dans ta lumière nous verrons la lumière ; c’est-à-dire dans ta Parole et ta Sagesse, à savoir dans ton Fils, nous te verrons, toi, le Père. Faut-il, puisqu’il est appelé Lumière, le juger semblable à la lumière de ce soleil-ci ? Et comment nous en sera-t-il donné quelque intelligence, même faible, pour concevoir, à partir de cette lumière corporelle, la cause de la CONNAISSANCE, et trouver la compréhension de la vérité ? Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section
Si tu me demandes ma pensée au sujet du Fils unique, désirant savoir si même à lui la nature divine n’est pas visible, elle qui est naturellement invisible, que ceci ne te paraisse pas aussitôt impie ou absurde : nous allons en donner de suite la raison. Autre chose est de voir, autre chose de connaître. Voir et être vu sont le propre des corps ; connaître et être connu, de la nature intellectuelle. Tout ce qui est le propre des corps, on ne peut l’attribuer au Père ni au Fils; ce qui appartient à la nature de la divinité est commun au Père et au Fils. C’est pourquoi ce dernier n’a pas dit dans son Évangile : personne ne voit le Père si ce n’est le Fils, ni le Fils si ce n’est le Père, mais : Personne ne connaît le Fils si ce n’est le Père, ni le Père si ce n’est le Fils. On voit par là clairement qu’aux mots « voir » et « être vu » parmi les natures corporelles correspondent, en ce qui concerne le Père et le Fils, les mots « connaître » et « être connu », ce qui se fait par la force de la CONNAISSANCE et non par la faiblesse de la visibilité. Puisqu’on ne peut attribuer en propre à la nature incorporelle et invisible les termes « voir » et « être vu », l’Évangile ne dit pas que le Père est vu par le Fils et le Fils par le Père, mais qu’ils sont connus l’un par l’autre. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Première section
Mais puisque nous avons cité la parole de Paul disant du Christ qu’il est le rayonnement de la gloire de Dieu et la figure et expression de sa substance, voyons ce qu’il faut en penser. Dieu est Lumière, selon Jean. Le Fils unique est le rayonnement de cette Lumière, il procède inséparablement de lui comme le rayonnement de la lumière et il illumine toute la création. Nous avons exposé plus haut comment il est la Voie et conduit au Père, comment il est la Parole interprétant et exprimant à la créature raisonnable les secrets de la sagesse et les mystères de la CONNAISSANCE, comment il est la Vérité, la Vie et la Résurrection : conformément à cela, nous devons comprendre l’action du rayonnement; par lui, en effet, on connaît et on perçoit ce qu’est la lumière elle-même. Ce rayonnement, s’offrant avec plus de modération et de douceur aux yeux fragiles et faibles des mortels, leur apprend peu à peu et les accoutume à supporter la clarté de la lumière, en écartant tout ce qui obscurcit et empêche la vision, selon cette parole du Seigneur : Ote la poutre de ton oeil : il les rend ainsi capables d’accueillir la lumière dans toute sa gloire, et là aussi il agit comme un médiateur entre les hommes et la Lumière. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section
Pour comprendre plus pleinement comment le Sauveur est une figure de la substance ou subsistance de Dieu, prenons un exemple qui, sans exprimer complètement ni proprement ce dont il s’agit, est choisi cependant parce que le Fils qui était sous la forme de Dieu s’est dépouillé de lui-même et, par ce dépouillement, a cherché à nous montrer la plénitude de la divinité. Supposons qu’on ait fait une statue tellement grande qu’elle contiendrait par sa grandeur le monde entier et qu’elle ne pourrait être vue de personne à cause de son immensité, et qu’on ait fait aussi une seconde statue, en tout semblable à l’autre par la configuration des membres et les traits du visage, par la forme et la matière, sans être cependant aussi grande : ceux qui ne pourraient pas examiner et contempler la première à cause de son immensité pourraient du moins, en voyant la petite, croire qu’ils ont vu la grande, puisqu’elles seraient absolument semblables par le dessin des membres et du visage, par la forme et la matière. Pareillement le Fils, se dépouillant de son égalité avec le Père pour nous montrer le chemin de la CONNAISSANCE, devient la figure et expression de sa substance : ainsi, nous qui ne pouvons regarder la gloire de la pure lumière qui se trouve dans la grandeur de sa divinité, par le fait qu’il en devient pour nous le rayonnement, nous recevons le moyen de voir la lumière divine en contemplant son rayonnement. Cette comparaison des deux statues, appliquée à des objets matériels, ne doit avoir de sens que le suivant : le Fils de Dieu, inséré dans la forme minuscule d’un corps humain, indiquait en lui-même, par suite de la similitude de ses oeuvres et de sa puissance, la grandeur infinie et invisible de Dieu le Père présent en lui et c’est pourquoi il disait à ses disciples : Qui m’a vu a vu le Père, et : Le Père et moi nous sommes un. Dans le même sens il faut comprendre : Le Père est en moi et moi dans le Père. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Seconde section
Maintenant, continuant notre exposé, recherchons brièvement ce que nous pouvons dire de l’Esprit Saint. Tous ceux qui croient de quelque façon qu’il y a une providence, confessent un Dieu inengendré qui a créé et qui gouverne l’univers et reconnaissent qu’il est le père de l’univers. Qu’il ait un Fils, nous ne sommes pas les seuls à l’affirmer, bien que cela paraisse assez étrange et incroyable à ceux que, chez les Grecs et les barbares, on considère comme des philosophes : cependant cette opinion semble tenue par quelques-uns d’entre eux, lorsqu’ils confessent que tout a été créé par la Parole ou la Raison de Dieu. Mais nous, faisant foi à sa doctrine que nous tenons avec certitude pour divinement inspirée, nous croyons qu’il n’est possible de parler du Fils de Dieu d’une manière plus éminente et plus divine et d’en donner la CONNAISSANCE aux hommes que par le moyen de son Écriture, inspirée par l’Esprit Saint, c’est-à-dire de l’Évangile et des écrits apostoliques, de la loi et des prophètes, comme le Christ lui-même l’a affirmé. Quant à l’être substantiel qu’est l’Esprit Saint, personne n’a pu en avoir le moindre soupçon, si ce n’est ceux qui connaissent la loi et les prophètes ou qui professent la foi dans le Christ. Car si personne ne peut parler dignement de Dieu le Père, il est cependant possible d’en acquérir quelque compréhension à l’occasion des créatures visibles et de ce que l’intelligence humaine perçoit naturellement : en outre tout cela peut être confirmé par le témoignage des Écritures saintes. Et quant au Fils de Dieu, bien que personne ne connaisse le Fils si ce n’est le Père, l’intelligence humaine apprend cependant des divines Écritures ce qu’il faut penser de lui : il ne s’agit pas alors seulement du Nouveau Testament, mais encore de l’Ancien, en rapportant de façon figurée au Christ les actions des saints, qui nous font connaître la nature divine et aussi la nature humaine qu’il a assumée. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Il ne faut pas penser que l’Esprit connaît lorsque le Fils lui révèle. En effet si l’Esprit Saint connaît le Père lorsque le Fils le lui révèle, il passe donc de l’ignorance à la CONNAISSANCE : cela est en vérité impie et sot, de le reconnaître Esprit Saint et de lui attribuer l’ignorance. Il ne faut pas penser qu’il était auparavant autre chose que Saint Esprit et qu’il a progressé jusqu’à devenir Saint Esprit. C’est comme si l’on osait dire qu’alors, quand il n’était pas Saint Esprit, il ignorait le Père et qu’après qu’il en eut reçu la CONNAISSANCE il est devenu Saint Esprit. Si cela était, jamais ce Saint Esprit n’aurait été compris dans l’unité de la Trinité avec Dieu le Père immuable et avec son Fils : c’est donc qu’il a toujours été Saint Esprit. Nous employons ces termes « toujours » ou « était » ou tout autre terme à signification temporelle, mais il faut les prendre tout simplement et avec indulgence, car leurs sens sont temporels, mais ce dont nous parlons, bien qu’il faille l’exprimer de façon temporelle dans la rédaction du discours, dépasse par sa nature toute compréhension d’un sens temporel. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Puisque l’action du Père et du Fils s’exerce sur les saints et les pécheurs, elle se manifeste en ce que tous les êtres raisonnables participent à la Parole de Dieu, c’est-à-dire à la Raison, et pour cela portent en eux comme des semences de la Sagesse et de la Justice, ce qu’est le Christ. De celui qui est vraiment, qui a dit par Moïse : Je suis celui qui suis, tous les êtres tirent participation. Cette participation du Père parvient à tous, justes ou pécheurs, êtres raisonnables et déraisonnables, et absolument à tout ce qui est. L’apôtre Paul montre, certes, que tous ont la participation au Christ quand il dit : Ne dis pas dans ton coeur : Qui montera dans le ciel, c’est-à-dire pour en faire descendre le Christ ? Ou: Qui descendra dans l’abîme, c’est-à-dire pour rappeler le Christ des morts ? Mais que dit l’Écriture: La Parole est tout près de toi, dans ta bouche et dans ton coeur. Par là il signifie que le Christ est dans le coeur de tous, en tant que Parole ou Raison, dont la participation fait les êtres raisonnables. Ce texte de l’Évangile : Si je n’étais pas venu et si je ne leur avais pas parlé, ils n’auraient pas de péché; maintenant ils n’ont pas d’excuse pour leur péché est clair pour ceux qui savent expliquer jusqu’à quel moment l’homme n’a pas de péché et à quel âge il devient sujet au péché : on voit ainsi comment, à cause de leur participation à la Parole ou à la Raison, on dit que les hommes ont le péché, à savoir à partir du moment où ils sont devenus capables de compréhension et de CONNAISSANCE, lorsque la raison, mise à l’intérieur d’eux-mêmes, leur aura apporté le discernement du bien et du mal. Lorsqu’ils ont commencé à savoir ce qu’est le mal, s’ils le font, ils deviennent coupables de péché. C’est ce que veut dire : Les hommes n’ont pas d’excuse pour leur péché : la parole ou raison divine a commencé à leur montrer dans le coeur le discernement du bien et du mal, pour qu’ils puissent ainsi échapper au mal et s’en garder; qui connaît le bien et ne le fait pas, est-il écrit, le péché est en lui. De même, aucun homme n’est hors de la communion de Dieu ; l’Évangile l’enseigne par la bouche du Sauveur : Le royaume de Dieu ne se laisse pas observer quand il vient et on ne dit pas : Le voici ici ou là. Mais le royaume de Dieu est au dedans de vous. Il faut voir aussi si on ne trouve pas la même signification dans cette parole de la Genèse : Et il souffla sur sa face un souffle de vie et l’homme fut fait comme une âme vivante. S’il faut comprendre que cela a été donné à tous les hommes en général, tous les hommes ont une participation à Dieu ; s’il faut entendre de l’Esprit de Dieu cette parole, puisque Adam lui-même, semble-t-il, a prophétisé sur plusieurs points, on ne peut l’appliquer de façon générale, mais seulement à quelques saints. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Que personne ne pense qu’en disant que l’Esprit Saint n’est donné qu’aux saints, tandis que les bienfaits et l’action du Père et du Fils parviennent aux bons et aux mauvais, aux justes et aux injustes, nous mettons le Saint Esprit au-dessus du Père et du Fils et nous lui attribuons une plus grande dignité : cela manquerait tout à fait de conséquence. Car nous avons décrit le caractère propre de sa grâce et de son action. Cependant il n’est pas question de plus ou de moins dans la Trinité, puisque une unique source de divinité gouverne l’univers par sa Parole et sa Raison et sanctifie par l’Esprit (le souffle) de sa bouche tout ce qui est digne de sanctification, comme il est écrit dans le Psaume : Par la Parole du Seigneur les deux ont été affermis et par l’Esprit (le souffle) de sa bouche toute leur puissance. C’est en effet une opération principale de Dieu le Père en plus de celle par laquelle il donne à tous les êtres d’exister selon leur nature. Il y a aussi un ministère principal du Seigneur Jésus-Christ à l’égard de ceux à qui il confère d’être raisonnables par nature, ministère par lequel il leur accorde en outre de bien l’être. Il y a encore une autre grâce de l’Esprit Saint attribuée à ceux qui en sont dignes, par le ministère du Christ, par l’opération du Père, d’après le mérite de ceux qui en sont faits capables. C’est ce qu’indiqué très clairement l’apôtre Paul, montrant qu’il y a une seule et même puissance de la Trinité quand il dit : Les dons sont différents, mais l’Esprit est le même; les ministères sont différents, mais le Seigneur est le même; les actions sont différentes, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous. A chacun il est donné de manifester l’Esprit selon ce qui convient. Il explique par là très clairement qu’il n’y a dans la Trinité aucune séparation, mais que ce qui est appelé don de l’Esprit, vient du ministère du Fils et est opéré par Dieu le Père : Tout est l’oeuvre d’un seul et même Esprit, répartissant à chacun comme il veut. Après ces mises au point sur l’unité du Père, du Fils et du Saint Esprit, revenons à ce que nous avons commencé de discuter. Dieu le Père donne à tous les êtres l’existence, mais la participation du Christ selon qu’il est Parole – ou Raison – les rend raisonnables. Ils s’ensuit qu’ils sont dignes de louange ou d’accusation parce qu’ils sont capables de vertu ou de malice. En conséquence la grâce de l’Esprit Saint est en eux pour rendre saints par sa participation ceux qui ne le sont pas par leur substance. Puisqu’ils ont reçu d’abord de Dieu le Père l’être, ensuite de la Parole la rationalité, en troisième lieu du Saint Esprit la sainteté, ils deviennent en revanche capables de recevoir le Christ en tant qu’il est la Justice de Dieu, ceux qui ont été déjà auparavant sanctifiés par l’Esprit Saint; et ceux qui ont mérité de parvenir à ce degré par la sanctification reçue de l’Esprit Saint, obtiennent néanmoins le don de sagesse par la vertu de l’action de l’Esprit de Dieu. C’est, je pense, ce que dit Paul lorsqu’il écrit qu’à certains est donnée la parole de sagesse, à d’autres la parole de CONNAISSANCE selon le même Esprit. Et désignant chaque sorte de dons, il rapporte toutes choses à la source de l’univers par ces mots : Les opérations sont différentes, mais c’est un seul Dieu qui opère tout en tous. Par là, l’action du Père qui donne l’existence à tous apparaît plus brillante et plus magnifique, lorsque chacun, en participant au Christ en tant que Sagesse, Connaissance et Sanctification, se perfectionne et monte dans son progrès à des degrés supérieurs. Sanctifié par la participation au Saint Esprit, on devient ainsi de plus en plus pur, on reçoit plus dignement la grâce de la sagesse et de la CONNAISSANCE, et en rejetant toutes les taches de la souillure et de l’ignorance et en s’en nettoyant, on en arrive à un tel progrès de pureté, qu’ayant reçu de Dieu l’existence, on parvient à être digne de Dieu, qui donne d’être d’une manière pure et parfaite : tellement que la créature devient aussi digne que l’est celui qui l’a créée. Ainsi celui qui est tel que l’a voulu son créateur comprendra par l’action de Dieu que sa puissance existe toujours et demeure éternellement. Pour que cela se produise et pour que les créatures adhèrent sans fin et sans séparation possible à celui qui est, c’est l’oeuvre de la Sagesse de les enseigner et de les conduire à la perfection par l’Esprit Saint qui les affermit et les sanctifie continuellement, condition qui seule rend possible la réception de Dieu. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Pour montrer cette dégradation et cette chute causées par la négligence, nous pouvons sans absurdité utiliser une comparaison. Supposons que quelqu’un ait acquis peu à peu une compétence ou un art, comme la géométrie ou la médecine, jusqu’à parvenir à la perfection, en se formant longtemps par l’enseignement reçu et par des exercices, pour posséder entièrement la discipline susdite : il ne pourra jamais lui arriver d’être savant au moment de s’endormir et ignorant à son réveil. Ce n’est pas le moment d’évoquer ou de rappeler les accidents qui peuvent survenir par suite d’une lésion ou de faiblesse physique, car ils ne conviennent pas à la comparaison ou à l’exemple pris. Conformément à ce que nous avons proposé, ce géomètre ou ce médecin, tant qu’il pratique son art et s’instruit raisonnablement à son sujet, garde en lui la CONNAISSANCE de sa discipline ; mais s’il ne l’exerce pas et s’il néglige de l’appliquer, il ne se souvient plus de quelques éléments, puis d’autres plus nombreux, et ainsi, après un long temps, tout s’en va dans l’oubli et disparaît complètement de sa mémoire. Il peut, certes, se faire, lorsque la déchéance commence et que la négligence est encore faible, qu’il se reprenne, revienne vite en lui-même, récupère ce qu’il a perdu et rappelle ce qu’il s’était ôté par des oublis encore restreints. Appliquons maintenant cela à ceux qui se sont adonnés à la CONNAISSANCE et à la sagesse de Dieu, dont la science et la pratique dépassent incomparablement toutes les autres disciplines, et, conformément à la comparaison proposée, voyons ce qu’est l’acquisition de cette CONNAISSANCE et ce qu’est sa perte, surtout lorsque nous entendons ce que l’Apôtre dit des parfaits, que face à face ils contempleront la gloire de Dieu, les mystères ayant été dévoilés. Traité des Principes: LIVRE I: Premier traité (I, 1-4): Troisième section
Il y a de nombreuses manières de comprendre le Christ, car, bien qu’il soit, certes, la Sagesse, il n’opère pas ni n’accomplit en tous les effets de la Sagesse, mais seulement en ceux qui s’adonnent en lui à la sagesse ; s’il est appelé médecin, il n’agit pas envers tous comme médecin, mais seulement envers ceux qui, ayant compris qu’ils sont malades, se réfugient dans sa miséricorde pour obtenir la santé. Je pense de même du Saint Esprit en qui se trouve toute la nature des dons. Aux uns en effet est fournie par l’Esprit la parole de sagesse, aux autres la parole de CONNAISSANCE, à d’autres la foi; et ainsi, en chacun de ceux qui peuvent le recevoir, l’Esprit lui-même prend la forme dont a besoin celui qui a mérité de participer à lui et se fait comprendre de cette façon. Mais, sans remarquer ces distinctions et ces différences, certains, entendant qu’il est nommé Paraclet dans l’Évangile, ne réfléchissant pas à l’activité et au rôle qui le font appeler Paraclet, l’ont comparé à je ne sais quels esprits vils et ont tenté de troubler par là les Églises du Christ, au point d’engendrer des dissensions non négligeables parmi les frères. Mais l’Évangile lui confère une si grande puissance et majesté que, selon lui, les apôtres ne pouvaient encore comprendre ce que voulait leur enseigner le Sauveur, avant la venue de l’Esprit Saint qui, se répandant dans leurs âmes, les éclairerait sur la nature de la Trinité et sur la foi en elle. Mais ces hérétiques, à cause de l’incapacité de leur intelligence qui les empêche non seulement d’exposer avec logique ce qui est exact, mais encore de prêter l’oreille à ce que nous disons, pensent de la divinité de l’Esprit Saint des choses inférieures à sa dignité et se sont livrés à l’erreur et à la tromperie, déformés par des esprits erronés plutôt qu’instruits par les enseignements du Saint Esprit, selon cette parole de l’apôtre : Suivant la doctrine des esprits démoniaques qui défendent de se marier, pour la perte et la ruine de beaucoup, et obligent à contretemps de s’abstenir des nourritures, pour séduire les âmes des innocents en faisant montre d’une observance plus stricte. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
Il nous faut donc savoir que l’Esprit Saint est Paraclet et qu’il enseigne des vérités trop grandes pour être exprimées, des vérités, pour ainsi dire, ineffables et qu’il n’est pas permis à l’homme de dire, c’est-à-dire qui ne peuvent être dévoilées par une parole humaine. Cette expression : il n’est pas permis, nous pensons qu’elle est employée par Paul au lieu de : il n’est pas possible, comme quand il dit : Tout est permis, mais tout ne convient pas; tout est permis, mais tout n’édifie pas. Ce dont nous avons la possibilité, parce que nous pouvons l’avoir, il dit que c’est permis. Le Paraclet, terme appliqué au Saint Esprit, vient du mot consolation – paraclèsis en effet se dit en latin consolatio – : celui en effet qui aura mérité de participer au Saint Esprit par la CONNAISSANCE des mystères ineffables, reçoit sans aucun doute consolation et joie du coeur. Lorsqu’il aura connu en effet la nature de tout ce qui se fait, qu’il saura, sur l’indication de l’Esprit, pourquoi et comment cela se fait, son âme ne pourra absolument plus être troublée ni accueillir aucun sentiment de peine : il ne sera plus terrifié par rien, lorsque, adhérant à la Parole de Dieu et à sa Sagesse, il dit dans l’Esprit Saint que Jésus est Seigneur. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
Mais puisque nous mentionnons le Paraclet et que nous exposons, dans la mesure de nos forces, comment il faut comprendre de lui ce terme, notre Sauveur lui-même est appelé Paraclet dans l’Epître de Jean: Si l’un de nous a péché, nous avons un Paraclet auprès du Père, Jésus-Christ le juste, et il est lui-même propitiation pour nos péchés. Voyons si par hasard cette appellation de Paraclet signifierait, appliquée au Sauveur, autre chose qu’appliquée à l’Esprit Saint. Appliqué au Sauveur, Paraclet semble vouloir dire intercesseur, et les deux sens de consolateur et d’intercesseur existent dans le grec Paraclet. A cause de la parole qui suit : Il est lui-même propitiation pour nos péchés, il faut, semble-t-il, comprendre plutôt Paraclet appliqué au Sauveur comme intercesseur, car il est dit intercéder auprès du Père pour nos péchés. Appliqué au Saint-Esprit, Paraclet doit signifier consolateur, car il console les âmes auxquelles il ouvre et révèle le sens de la CONNAISSANCE spirituelle. Traité des Principes: Livre II: Troisième traité (II, 7): Section unique
L’Évangile dit des intendants déshonnêtes qu’ils seront coupés en deux et qu’une partie d’eux sera mise parmi les infidèles, comme si cette partie qui ne leur serait pas propre serait à mettre ailleurs : il indique sans aucun doute la manière dont sont châtiés ceux dont, à ce qu’il me semble, l’esprit est représenté comme devant être séparé de l’âme. Si cet esprit est à comprendre comme étant de nature divine, c’est-à-dire l’Esprit Saint, nous penserons que cela est dit du don de l’Esprit Saint : donné soit par le baptême, soit par la grâce de l’Esprit – puisqu’à quelqu’un est donnée la parole de sagesse ou la parole de CONNAISSANCE ou d’un autre don quel qu’il soit -, s’il n’a pas été bien administré, qu’il ait été enfoui dans la terre ou enfermé dans un mouchoir, le don de l’Esprit sera assurément ôté à l’âme, et la partie qui restera, c’est-à-dire la substance de l’âme, est mise avec les infidèles, coupée et séparée de cet esprit avec lequel elle aurait dû se joindre au Seigneur pour être un seul esprit avec lui. Si cela n’est pas à entendre de l’Esprit de Dieu, mais de la nature de l’âme elle-même, ce qui est dit sa partie supérieure est ce qui a été fait à l’image de Dieu et à sa ressemblance, et l’autre partie est celle qu’elle a assumée dans la suite à cause de la chute du libre arbitre, contrairement à la nature de sa création première et de sa pureté première : c’est cette partie en tant qu’elle est amie de la matière corporelle et aimée d’elle qui sera punie en recevant le sort des infidèles. On peut enfin comprendre en un troisième sens cette division : chacun des fidèles, même le plus petit dans l’Église, est assisté par un ange selon l’Écriture, et le Sauveur rapporte que cet ange voit toujours la face de Dieu le Père; cet ange, qui ne faisait en quelque sorte qu’un avec celui qu’il gouvernait, lui est ôté par Dieu d’après ce qui est dit, si son pupille s’en rend indigne par sa désobéissance; et alors la partie, c’est-à-dire la partie de nature humaine, arrachée de sa partie divine, est envoyée avec les infidèles, parce qu’elle n’a pas gardé fidèlement les avertissements de l’ange qui lui avait été attribué par Dieu. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Seconde section
Il est certain que, de toute façon, aucun être animé ne peut rester oisif et immobile, mais a un vif désir de se remuer, d’agir toujours et de vouloir quelque chose, de quelque manière que ce soit : je pense que telle est la nature de tous les êtres animés. A plus forte raison l’animal raisonnable, l’homme, a toujours besoin de se remuer et d’agir. S’il ne se souvient pas de ce qu’il est et ignore ce qui lui convient, il prendra seulement pour but l’utilité du corps et recherchera dans tous ses mouvements les voluptés et les plaisirs corporels ; s’il cherche à s’occuper du bien commun et à y pourvoir, il travaillera à servir l’État, à obéir aux magistrats, à faire tout ce qui semble contribuer à l’utilité commune. Mais s’il est capable de comprendre ce qui est au-dessus des réalités corporelles et de s’occuper de la sagesse et de la CONNAISSANCE, sans aucun doute il appliquera toute son activité à des études de ce genre, pour rechercher la vérité et connaître les causes et la nature des choses. De même que dans cette vie l’un prend comme bien suprême le plaisir du corps, l’autre le souci du bien commun, un troisième l’étude des réalités intellectuelles, de même nous recherchons si dans cette vie qui est la vraie vie, qui selon l’Écriture est cachée avec le Christ en Dieu, c’est-à-dire dans cette vie éternelle, notre manière et notre condition de vie seront en quelque sorte semblables à celles-là. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section
Mais ceux qui reçoivent l’interprétation des Écritures selon le sens des apôtres espèrent que ce que mangeront les saints, c’est le pain de vie qui nourrit l’âme des aliments de la vérité et de la sagesse, illumine l’intelligence et l’abreuve de la coupe de la Sagesse divine, selon ce que dit l’Écriture : La Sagesse a préparé sa table, immolé ses victimes, mélangé son vin dans le cratère et elle crie à grande voix: Venez chez moi, mangez les pains que je vous ai préparés et buvez le vin que j’ai mélangé pour vous. Nourrie de ces aliments de la Sagesse, l’intelligence est rétablie dans son intégrité et dans sa perfection, dans l’état où l’homme a été créé au début, à l’image de Dieu et à sa ressemblance. Et même celui qui aura quitté cette vie avec une CONNAISSANCE insuffisante, mais en apportant des oeuvres dignes d’approbation, sera instruit dans cette Jérusalem, cité des saints, il recevra l’enseignement et la formation et il deviendra une pierre vive, une pierre précieuse et choisie, parce qu’il aura enduré avec courage et constance les luttes de cette vie et les combats pour la piété; et là-haut il connaîtra de manière plus vraie et plus claire ce qui lui a été dit déjà ici-bas, parce que : L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. Les princes et les chefs sont à entendre de ceux qui dirigent leurs inférieurs, les instruisent, les enseignent et les forment dans la CONNAISSANCE des réalités divines. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section
Mais si ces promesses ne paraissent guère aptes à susciter dans les intelligences de ceux qui espèrent en elles un désir adéquat, demandons-nous, en nous répétant un peu, dans quelle mesure est naturel et inséré dans l’âme le désir de la réalité elle-même, pour décrire enfin en quelque sorte, par la voie de l’interprétation spirituelle, la forme de ce pain de vie, la qualité de ce vin et la caractéristique des Principautés. De même que dans les métiers manuels la pensée donne l’idée de l’oeuvre, indiquant ce qui est à faire, comment le faire et pour quels usages le faire, puis l’exécution a lieu par le moyen des mains, de même, en ce qui concerne les oeuvres de Dieu, qui ont été faites par lui, il faut penser que l’idée et la compréhension de ce qu’il a fait et que nous voyons restent cachées. Quand nous contemplons de nos yeux des objets fabriqués par un artisan, si l’un d’eux nous paraît particulièrement bien fait, aussitôt nous désirons ardemment apprendre de quelle façon, comment et pour quels usages il a été fait : bien plus et sans comparaison possible nous brûlons du désir ineffable de connaître la raison des oeuvres de Dieu que nous voyons. Ce désir, cet amour, nous croyons que sans aucun doute ils ont été mis en nous par Dieu. Comme l’oeil recherche par nature la lumière et la vision, comme notre corps désire par nature nourriture et boisson, de même notre intelligence porte en elle un désir qui lui est propre et naturel de connaître la vérité divine et les causes des choses. Ce désir nous ne l’avons pas reçu de Dieu pour qu’il ne doive ni ne puisse jamais recevoir de satisfaction : autrement c’est en vain que l’amour de la vérité semblerait avoir été mis dans notre intelligence par le Dieu créateur, s’il ne pouvait jamais obtenir ce qu’il désire. C’est pourquoi ceux qui, même en cette vie, se sont mis à étudier, au prix d’un grand labeur, la piété et la religion, ne comprennent, certes, que peu de choses des trésors nombreux et immenses de la CONNAISSANCE divine, mais cependant, par le fait même d’occuper à cela leur entendement et leur intelligence et de progresser dans ce désir, ils en reçoivent beaucoup d’utilité, parce qu’ils se sont tournés vers le goût et l’amour de la recherche de la vérité et qu’ils se sont rendus plus disposés à recevoir l’instruction future. Ainsi, lorsqu’on veut peindre une image, avant de tracer les lignes de la forme à venir, on en dessine l’esquisse d’un trait léger et on prépare les indications aptes à recevoir les visages qui seront peints par-dessus : il est clair que la figure ébauchée par l’esquisse sera davantage susceptible de recevoir les vraies couleurs. Cela vaut aussi pour la CONNAISSANCE de la vérité, si dans ce cas l’esquisse et l’ébauche elles-mêmes sont dessinées sur les tablettes de notre coeur par le stylet de notre Seigneur Jésus-Christ. Pour cela il est dit peut-être : A celui qui a on donnera et on ajoutera ?. Il est donc clair qu’à ceux qui ont déjà en cette vie une certaine ébauche de la vérité et de la CONNAISSANCE, sera ajoutée dans le futur la beauté de l’image parfaite. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section
Après tout cela il faut penser qu’il ne s’écoulera pas un laps de temps de peu de durée jusqu’à ce que soit montrée après leur mort, aux hommes qui en sont dignes et l’ont mérité, la raison de ce qui se passe sur la terre pour que la CONNAISSANCE de tous ces mystères et la grâce d’une science complète les fasse jouir d’une joie inénarrable. Alors s’il est vrai que l’air que voici, qui s’étend entre le ciel et la terre, n’est pas dépourvu d’êtres animés, et d’êtres animés raisonnables, d’après ces paroles de l’Apôtre : Vous avez vécu jadis dans ces péchés, selon ce siècle et ce monde, selon le prince qui a puissance sur l’air, sur l’esprit (le souffle) qui agit maintenant dans les fils de la désobéissance, ou d’après celles-ci : Nous serons ravis sur les nuées à la rencontre du Christ dans l’air et ainsi nous serons toujours avec le Seigneur, il faut penser en conséquence que les saints y demeureront un certain temps pour connaître de deux manières la raison qui dispose ce qui se passe dans les airs. J’ai employé comme il suit l’expression « de deux manières » : tant que nous étions sur terre, par exemple, nous avons vu les animaux et les arbres, nous avons constaté leurs différences, ainsi que la diversité extrême qu’il y a parmi les hommes; mais en les voyant nous n’avons pas compris leurs raisons, seulement cette diversité que nous avons perçue nous a amenés à rechercher et à scruter pourquoi tous ces êtres ont été créés si différents ou sont gouvernés de façon variée ; après avoir conçu sur terre le goût et l’amour de cette CONNAISSANCE, nous en recevrons après la mort la science et la compréhension, si cependant nous en avons le désir; lorsque nous aurons une intelligence complète de leurs raisons, alors nous comprendrons des deux manières ce que nous avons vu sur terre. Il faut parler de même de ce qui se passe dans le séjour aérien. Je pense en effet que les saints, en quittant cette vie, demeureront en un lieu situé sur la terre, celui que l’Écriture divine appelle le Paradis, comme dans un lieu d’instruction, ou, pour ainsi dire, un auditoire ou une école des âmes, pour être instruits de tout ce qu’ils ont vu sur la terre, pour recevoir aussi quelques indications sur les réalités qu’ils verront dans la suite. De la même façon, quand ils étaient encore en cette vie, ils ont conçu quelque idée des réalités futures, à travers un miroir, en énigme, certes, mais cependant en partie : ces réalités seront révélées de façon plus claire et plus lumineuse aux saints dans les lieux et temps convenables. Si quelqu’un, certes, a le coeur pur, l’intelligence plus limpide et la pensée plus exercée, il progressera plus rapidement, montera vite à travers l’espace aérien et parviendra aux royaumes des cieux à travers ce que l’on pourrait appeler les demeures d’étape de chaque lieu, que les Grecs ont nommées sphères, c’est-à-dire globes, et que l’Écriture divine nomme les cieux. Dans chacune il apercevra d’abord ce qui s’y passe et ensuite même la raison de ce qui s’y passe ; et ainsi il parcourra dans l’ordre chaque chose à la suite de celui qui a pénétré les cieux, Jésus fils de Dieu, qui a dit : Je veux que là oh je suis, ceux-ci soient avec moi. Il donne une idée de cette diversité de lieux quand il dit : Il y a beaucoup de demeures auprès du Père. Quant à lui il est partout et parcourt toutes choses : ne le comprenons plus désormais dans l’exiguïté qu’il a assumée à nos yeux pour nous, c’est-à-dire dans les limites étroites qui l’ont enserré quand il était sur terre dans notre corps parmi les hommes et qui peuvent faire penser qu’il est circonscrit dans un seul lieu. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section
Lorsque les saints seront parvenus, pour ainsi dire, dans les lieux célestes, ils contempleront alors la nature des astres un à un et ils sauront s’ils sont des êtres animés ou quelque chose d’autre. Mais ils comprendront aussi les raisons des autres oeuvres de Dieu, car lui-même les leur révélera. Alors il leur montrera comme à ses fils les causes des choses et la puissance de sa création, leur enseignera pourquoi telle étoile est placée à tel endroit du ciel, pourquoi elle est séparée d’une autre par tel intervalle : si elle avait été plus proche, par exemple, quelles en auraient été les conséquences, et si elle avait été plus éloignée qu’est-ce qui serait arrivé ? Ou si cette étoile avait été plus grande que cette autre, comment l’univers ne serait pas resté semblable, mais tout aurait pris une autre forme. Ainsi donc, après avoir parcouru la science de la nature des astres et des relations des êtres célestes, ils en viendront à ce qui ne se voit pas, ce que nous connaissons seulement de nom, aux réalités invisibles. L’apôtre Paul nous a appris qu’elles sont nombreuses, mais nous ne pouvons faire la moindre conjecture sur leur nature et leurs différences. Et ainsi, la nature raisonnable croissant peu à peu, non comme elle le faisait en cette vie quand elle était dans la chair ou le corps et l’âme, mais grandissant par la compréhension et la pensée, parvient, en tant qu’elle est une intelligence parfaite, à la CONNAISSANCE parfaite, sans que les sentiments charnels lui fassent désormais obstacle, mais dans sa croissance intellectuelle elle contemple toujours dans leur pureté et, pour ainsi dire, face à face, les causes des choses ; elle acquiert ainsi la perfection, d’abord celle qui permet son ascension, ensuite celle qui demeure, et elle a comme nourriture la contemplation et la compréhension des choses et de ce qui les cause. En effet dans cette vie corporelle se produit d’abord la croissance du corps jusqu’à l’état où nous sommes pendant les premières années, par le moyen d’une nourriture suffisante, mais ensuite, quand nous avons atteint la taille convenant à la mesure de notre croissance, nous n’usons plus de la nourriture pour grandir, mais pour vivre et nous conserver en vie : ainsi, à mon avis, quand l’intelligence parvient à la perfection, elle se nourrit, elle use des aliments qui lui sont propres et lui conviennent, dans une mesure où il n’y a ni défaut ni excès. En tout il faut entendre comme nourriture la contemplation et la compréhension de Dieu suivant les mesures qui sont propres et qui conviennent à la nature qui a été faite et créée; il faut que ceux qui commencent à voir Dieu, c’est-à-dire à le comprendre par leur pureté de coeur, observent ces mesures. Traité des Principes: Livre II: Cinquième traité (II, 10-11): Troisième section
Tantôt donc l’Apôtre ne mentionne pas l’action de Dieu dans le fait de devenir vase d’honneur ou de déshonneur, mais il nous attribue tout en disant : Si quelqu’un se purifie lui-même, il sera un vase destiné à l’honneur, sanctifié et utile pour le maître, préparé pour toute oeuvre bonne ; tantôt il ne mentionne pas notre propre action, mais semble tout attribuer à Dieu en disant : Le potier qui travaille l’argile a le pouvoir de faire, à partir de la même pâle, tel vase pour un usage honorable, tel autre pour un usage sans honneur. Mais il n’y a pas de contradiction entre ces deux paroles de l’Apôtre, il faut les accorder et faire des deux une seule affirmation parfaite. Notre propre action n’est rien sans la CONNAISSANCE qu’en a Dieu, et la CONNAISSANCE qu’en a Dieu ne nous force pas à progresser si nous-mêmes nous ne faisons pas aussi quelque chose dans la direction du bien. Car la volonté libre sans la CONNAISSANCE qu’en a Dieu et la capacité d’user dignement de sa liberté ne peut destiner quelqu’un à l’honneur ou au déshonneur, et par contre l’action de Dieu seule ne peut destiner quelqu’un à l’honneur ou au déshonneur, si elle n’a l’orientation de notre volonté comme une certaine matière de cette diversité, selon qu’elle tend vers le meilleur ou vers le pire. Que cela nous suffise comme démonstration du libre arbitre. Traité des Principes: Livre III: Sixième traité (III, 1): Philocalie 21:
Les pensées qui viennent de notre coeur – la mémoire des actes passés ou la réflexion sur quelque chose ou cause que ce soit -, nous constatons que tantôt elles viennent de nous-mêmes, tantôt elles sont soulevées par les puissances adverses, parfois aussi elles sont mises en nous par Dieu et les saints anges. Mais tout cela paraîtra peut-être fabuleux, si ce n’est pas prouvé par des témoignages venant de la divine Écriture. Les pensées qui naissent de nous-mêmes, David les atteste quand il dit dans les Psaumes: La pensée de l’homme te louera et le reste de ses pensées célébrera pour toi un jour de fête. Celles qui viennent habituellement des puissances contraires, Salomon dans l’Ecclésiaste en témoigne ainsi : Si l’esprit de celui qui a le pouvoir monte sur toi, ne quitte pas ta place, parce que la guérison arrêtera des péchés nombreux. Et l’apôtre Paul lui aussi en donne témoignage en ces termes : Détruisant les pensées et tout orgueil qui se dresse contre la CONNAISSANCE du Christ. Que cela vienne aussi de Dieu, David l’atteste pareillement dans les Psaumes : Bienheureux l’homme que tu t’attaches, Seigneur, il a des élévations dans son coeur. Et l’Apôtre dit que Dieu a mis dans le coeur de Tite. Que certaines pensées peuvent être suggérées aux coeurs des hommes par des anges, bons ou mauvais, cela est indiqué par l’ange qui accompagne Tobie et par ces paroles du prophète : Et l’ange qui parlait en moi répondit. Le livre du Pasteur affirme de même que deux anges accompagnent chaque homme : lorsque de bonnes pensées montent dans notre coeur, elles sont suggérées selon lui par le bon ange, et si ce sont des pensées contraires, elles sont soulevées par l’ange mauvais. Barnabé enseigne la même doctrine dans son épître lorsqu’il parle de deux voies, celle de la lumière et celle des ténèbres, auxquelles certains anges sont préposés : à la voie de la lumière des anges de Dieu, à la voie des ténèbres des anges de Satan. Mais il ne faut pas penser que ce qu’ils suggèrent à nos coeurs, qu’il s’agisse des bonnes ou des mauvaises pensées, produise autre chose qu’un mouvement ou un stimulant qui nous pousse au bien ou au mal. Nous avons la possibilité, lorsqu’une puissance maligne s’est mise à nous provoquer au mal, de rejeter loin de nous ces suggestions mauvaises, de résister à leurs persuasions perverses et de ne faire absolument rien de coupable ; et en revanche aussi celle de ne pas suivre la puissance divine qui nous invite à agir mieux, car le pouvoir du libre arbitre reste sauf dans l’un et l’autre cas. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section
Nous avons été contraints à nous étendre un peu plus sur la lutte que les puissances adverses mènent contre les hommes, en discutant aussi des événements plus pénibles qui affectent le genre humain, c’est-à-dire des tentations de cette vie, selon ce que dit Job : Toute vie d’homme sur terre n’est-elle pas tentation ? Nous voulions ainsi montrer avec plus de clarté comment tout cela arrive et ce qu’il faut en penser pour le faire pieusement. Maintenant, voyons aussi comment les hommes tombent dans le péché de la fausse CONNAISSANCE et dans quel but les puissances contraires engagent aussi sur ce point la lutte contre nous. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Première section
Le saint apôtre, voulant nous donner un grand et mystérieux enseignement au sujet de la CONNAISSANCE et de la sagesse dans la première épître aux Corinthiens, dit : Mais nous, nous parlons de la sagesse entre parfaits, la sagesse non de ce monde, ni des princes de ce monde qui sont détruits, mais nous parlons de la sagesse de Dieu cachée dans le mystère, celle que Dieu avant tous les siècles a prédestinée à servir à notre gloire, celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue. S’ils l’avaient connue, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de majesté. Dans ce texte, voulant montrer quelles sont les différentes sagesses, il écrit qu’il y a une certaine sagesse de ce monde et une certaine sagesse des princes de ce monde et qu’autre est la sagesse de Dieu. Par ces paroles : la sagesse des princes de ce monde, il ne veut pas dire, à mon avis, qu’il existe une sagesse pour tous les princes de ce monde, mais, me semble-t-il, il indique qu’il y a une sagesse propre à chacun des princes de ce monde. Pareillement lorsqu’il dit : Mais nous parlons de la sagesse de Dieu cachée dans le mystère, celle que Dieu avant tous les siècles a prédestinée à servir à notre gloire, il faut se demander s’il identifie cette sagesse de Dieu qui est cachée, et que Dieu n’a pas fait connaître dans les autres époques et les autres générations aux fils des hommes comme il l’a révélée maintenant à ses saints apôtres et prophètes, avec cette sagesse de Dieu qui existait aussi avant la venue du Sauveur, celle qui rendait sage Salomon, alors que ce qu’enseigne le Sauveur est plus sage que Salomon, d’après la parole du Sauveur lui-même : Voici qu’il y a ici plus que Salomon : cela montre en effet que les disciples du Sauveur recevaient plus de doctrine que ce qu’avait eu Salomon. Si on objecte que, certes, le Sauveur en savait davantage, mais que cependant il ne donnait pas aux autres plus de doctrine que Salomon, comment concilier avec cela et comment lui accorder logiquement ce qui est dit à la suite : La reine du Midi se dressera au jour du jugement et condamnera les hommes de cette génération, parce qu’elle est venue des confins de la terre pour entendre la sagesse de Salomon, et voici qu’il y a ici plus que Salomon ! Il y a donc une sagesse de ce monde et il y a aussi une sagesse pour chacun peut-être des princes de ce monde. A propos de la sagesse du Dieu unique il est indiqué, pensons-nous, qu’elle a agi de façon moindre auprès des hommes de l’antiquité, des hommes d’autrefois, mais qu’elle s’est révélée plus complètement et plus clairement dans le Christ. Mais de cette sagesse de Dieu nous traiterons en son lieu. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section
Puisque nous sommes en train de traiter des puissances contraires et de la manière dont elles mènent des combats contre nous, ces puissances qui insinuent dans les intelligences humaines une fausse CONNAISSANCE et séduisent les âmes, alors que celles-ci pensent avoir trouvé la sagesse, il me paraît nécessaire de discerner et de distinguer ce qu’est la sagesse de ce monde et ce qu’est la sagesse des princes de ce monde, pour que nous puissions ainsi remarquer qui sont les pères de cette sagesse, ou mieux de ces sagesses. Je pense donc, comme on l’a dit plus haut, que la sagesse de ce monde est autre chose que les sagesses qui sont des princes de ce monde : c’est par cette sagesse, semble-t-il, que l’on conçoit et comprend ce qui est de ce monde. Rien en elle ne peut nous donner quelque idée de la divinité, de la nature du monde, ou de tout ce qui est d’un ordre plus élevé, ni même de la manière dont on peut mener une vie bonne et bienheureuse ; elle est de même nature, par exemple, que la poésie, la grammaire, la rhétorique, la musique, on peut y ajouter peut-être aussi la médecine. Dans tous ces arts, croyons-nous, est présente la sagesse du monde. Nous entendons par sagesse des princes de ce monde ce qu’on appelle la philosophie mystérieuse et occulte des Égyptiens, l’astrologie des Chaldéens, la sagesse des Indiens, qui promettent la CONNAISSANCE des réalités supérieures, et aussi les opinions multiples et variées des Grecs sur la divinité. Nous voyons donc dans les Écritures saintes qu’il y a des princes au-dessus de chaque nation : ainsi nous lisons dans Daniel qu’il y a un prince du royaume des Perses et un prince du royaume des Grecs, et la logique même de son texte montre à l’évidence qu’il ne s’agit pas d’hommes, mais de certaines puissances. Dans le prophète Ézéchiel il est indiqué très clairement que le prince de Tyr est une puissance spirituelle. Ces princes de ce monde et les autres du même genre, ayant chacun leur sagesse, professant leurs doctrines et des opinions diverses, lorsqu’ils virent notre Seigneur et Sauveur promettre dans sa prédication qu’il était venu en ce monde pour détruire toutes les doctrines relevant de ce qui est faussement appelé CONNAISSANCE, ignorant quelle était sa personnalité cachée, lui ont aussitôt tendu des embûches. En effet, les rois de la terre se sont dressés et les princes se sont rassemblés contre le Seigneur et contre son Christ. Ayant connu leurs embûches et compris celles qu’ils ont machinées contre le Fils de Dieu lorsqu’ils ont crucifié le Seigneur de la gloire, l’Apôtre dit : Nous parlons de la sagesse entre parfaits, la sagesse non de ce monde, ni des princes de ce monde qui sont détruits, celle qu’aucun des princes de ce monde n’a connue. S’ils l’avaient connue, jamais ils n’auraient crucifié le Seigneur de majesté. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section
Au sujet de ceux qui enseignent le Christ autrement que le permet la règle posée par les Écritures, il n’est pas inutile de voir si c’est dans un but hostile à la foi dans le Christ que les puissances contraires se sont efforcées d’imaginer des doctrines à la fois mythiques et impies, ou si ces mêmes puissances, ayant entendu la parole du Christ, ne pouvant la rejeter des profondeurs de leur conscience, ni la garder de façon pure et sainte, par le moyen d’instruments qui leur étaient dociles et, pour ainsi dire, par leurs propres prophètes, ont introduit diverses erreurs contre la règle de la vérité chrétienne. Il faut penser plutôt que ces puissances apostates et transfuges qui se sont éloignées de Dieu inventent les erreurs et les tromperies de leur doctrine fausse, soit à cause de la méchanceté même de leur intelligence et de leur volonté, soit à cause de leur jalousie contre ceux qui se préparent à monter par la CONNAISSANCE de la vérité au degré même d’où elles sont tombées, afin d’empêcher de tels progrès. Traité des Principes: Livre III: Septième traité (III, 2-4): Deuxième section
Je pense que cette expression attribuée à Dieu être tout en tout signifie aussi qu’il sera tout en chaque être. Il sera tout en chaque être en ce sens que tout ce qu’une intelligence raisonnable, purifiée de toutes les ordures des vices et nettoyée complètement de tous les nuages de la malice, peut sentir, comprendre et croire, tout cela sera Dieu, et elle ne fera rien d’autre que sentir Dieu, penser Dieu, voir Dieu, tenir Dieu, Dieu sera tous ses mouvements : et c’est ainsi que Dieu lui sera tout. Il n’y aura plus de discernement du mal et du bien, car il n’y aura plus de mal – Dieu en effet lui est tout, lui en qui il n’y a pas de mal – et celui-là ne désirera plus manger de l’arbre de la CONNAISSANCE du bien et du mal qui est toujours dans le bien et à qui Dieu est tout. Si donc la fin restituée selon la condition initiale et la consommation des choses rapportée à leur début restaureront l’état qu’avait alors la nature raisonnable, quand elle n’avait pas besoin de manger de l’arbre de la CONNAISSANCE du bien et du mal, après avoir écarté tout sentiment de malice, l’avoir nettoyé pour parvenir à la propreté et à la pureté, celui-là seul qui est l’unique Dieu bon lui deviendra tout et il sera tout, non seulement en quelques-uns, ni en beaucoup, mais en tous, quand il n’y aura plus de mort, plus d’aiguillon de la mort, et absolument plus de mal : alors Dieu sera vraiment tout en tous. Mais cette perfection et cette béatitude des natures raisonnables, certains pensent qu’elle perdurera dans l’état dont nous avons parlé, c’est-à-dire celui où tous les êtres possèdent Dieu et où Dieu est pour eux tout, si leur union avec la nature corporelle ne les en éloigne pas du tout. Traité des Principes: Livre III: Huitième traité (III, 5-6): Seconde section
Qu’il y a des économies mystérieuses, montrées par les divines Écritures, tous, même les plus simples, parmi ceux qui viennent à notre doctrine, le croient ; que sont-elles en revanche, ceux qui sont sages et sans orgueil avouent qu’ils ne le savent pas. Si quelqu’un est embarrassé au sujet de l’union de Lot avec ses filles, des deux épouses d’Abraham, des deux soeurs mariées à Jacob et des Jeux servantes qui ont enfanté par lui, ils diront seulement qu’il y a là des mystères que nous ne comprenons pas. Et lorsqu’ils lisent la manière dont le tabernacle fut construit, persuadés que ce qui est écrit est symbole, ils cherchent à qui on pourra appliquer chacun des détails indiqués à propos du tabernacle : ils ne se trompent pas quand ils sont persuadés que le tabernacle est symbole de quelque chose, mais parfois ils s’égarent lorsqu’ils veulent appliquer la parole de façon digne de l’Écriture à telle réalité dont le tabernacle est symbole. Et tout récit qu’on croit raconter des noces, des enfantements, des guerres ou n’importe quoi qui serait compris par la foule comme des histoires, ils affirment qu’il y a là des symboles. Quant à savoir de quoi, tantôt à cause de capacités insuffisamment exercées, tantôt par précipitation, parfois aussi malgré l’exercice et la réflexion, à cause de la difficulté sans mesure qu’ont les hommes pour trouver les réalités, on n’arrive pas à éclaircir le sens de chaque chose. Et que dire des prophéties que nous savons tous pleines d’énigmes et de paroles obscures ? Et si nous en venons aux évangiles, leur sens exact, puisqu’il est la pensée du Christ, exige pour être compris la grâce qui a été donnée à celui qui a dit : Nous, nous avons la pensée du Christ pour que nous sachions ce que Dieu nous a accordé : ce que nous disons, nous ne le disons pas dans des paroles apprises de la sagesse humaine, mais dans des paroles apprises de l’Esprit. Quant à ce qui a été révélé à Jean, quel lecteur ne serait pas frappé de constater qu’y sont cachés des mystères ineffables, dont la présence apparaît même à celui qui ne comprend pas ce qui est écrit ? A qui, parmi ceux qui savent examiner les textes, les épîtres des apôtres sembleraient claires et faciles à comprendre, alors que d’innombrables passages donnent l’occasion d’entrevoir, là aussi, comme à travers une ouverture, des pensées très sublimes et très nombreuses ? C’est pourquoi, les choses étant ainsi et de nombreuses personnes s’y trompant, il n’est pas sans danger, quand on lit l’Écriture, de déclarer facilement qu’on comprend, ce qui exige qu’on soit en possession de la clef de la CONNAISSANCE qui, d’après le Seigneur, se trouve chez les docteurs de la loi. Qu’ils nous disent, ceux qui ne veulent pas accepter qu’avant la venue du Christ la vérité se trouvait chez les docteurs de la loi, comment il se fait que notre Seigneur Jésus-Christ nous déclare que la clef de la CONNAISSANCE est chez eux, alors que, d’après nos contradicteurs, ils n’ont pas de livres contenant les mystères secrets et parfaits de la CONNAISSANCE. Le texte en effet est le suivant : Malheur à vous, docteurs de la loi, car vous avez ôté la clef de la CONNAISSANCE; vous n’êtes pas entrés vous-mêmes et vous avez empêché les autres d’entrer. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
La méthode qui nous paraît s’imposer pour l’étude des Écritures et la compréhension de leur sens est la suivante ; elle est déjà indiquée par ces écrits eux-mêmes. Dans les Proverbes de Salomon nous trouvons cette directive concernant les doctrines des divines Écritures : Et toi, inscris trois fois ces choses dans ta réflexion et dans ta CONNAISSANCE, afin de répondre avec des paroles de vérité aux questions qui te sont posées. Il faut donc inscrire trois fois dans sa propre âme les pensées des saintes Écritures : afin que le plus simple soit édifié par ce qui est comme la chair de l’Écriture – nous appelons ainsi l’acception immédiate – ; que celui qui est un peu monté le soit par ce qui est comme son âme ; mais que le parfait, semblable à ceux dont l’Apôtre dit : Nous parlons de la sagesse parmi les parfaits, non de celle de ce siècle ni des princes de ce siècle qui sont détruits, mais nous parlons de la sagesse de Dieu cachée dans le mystère, que Dieu a prédestinée avant tous les siècles à notre gloire, le soit de la loi spirituelle qui contient une ombre des biens à venir. De même que l’homme est composé de corps, d’âme et d’esprit, de même l’Écriture que Dieu a donnée dans sa providence pour le salut des hommes. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Mais tout cela est caché, pensons-nous, dans ces récits. Car le royaume de Dieu est semblable à un trésor caché dans un champ. Celui qui le trouve le recache et, plein de joie, s’en va vendre tout ce qu’il a pour acheter ce champ. Demandons-nous si l’ensemble du champ plein de toutes sortes de plantes ne serait pas ce qui dans l’Écriture est visible, superficiel et obvie, et si ce qu’il contient, qui n’est pas vu de tous, mais est en quelque sorte enfoui sous les plantes visibles, ne serait pas les trésors cachés de la sagesse et de la CONNAISSANCE que l’Esprit, par l’intermédiaire d’Isaïe, appelle ténébreux, invisibles et cachés. Pour les trouver on a besoin de Dieu, le seul qui puisse briser les portes d’airain qui les cachent et casser les verrous de fer apposés à ces portes, afin de trouver ce qui est écrit dans la Genèse au sujet des différentes races ou, pour ainsi dire, semences véritables des âmes, proches ou éloignées d’Israël, et la descente en Egypte des soixante-dix âmes pour devenir aussi nombreuses que les astres du ciel. Mais puisque tous ceux qui sortent d’elles ne sont pas lumière du monde – car tous ceux qui viennent d’Israël ne sont pas Israël -, les descendants des soixante-dix deviennent comme le sable qui est le long du rivage de la mer et est impossible à compter. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Mais, en tout cela, qu’il nous suffise de conformer notre intelligence à la règle de piété et de penser de l’Esprit Saint que sa parole n’est pas composée avec l’élégance des discours qui relèvent de la fragilité humaine, mais que, comme il est écrit : Toute la gloire du roi est à l’intérieur, le trésor des significations divines est contenu et enfermé dans le vase fragile de la lettre vile. Mais si quelqu’un est plus curieux et demande l’explication des détails, qu’il vienne entendre avec nous comment l’apôtre Paul, scrutant les profondeurs de la divine sagesse et de la divine CONNAISSANCE, avec l’aide de l’Esprit Saint qui scrute même les profondeurs de Dieu, et n’ayant pas la force d’en venir à bout et de parvenir, pour ainsi dire, à une CONNAISSANCE intime, désespère d’y arriver et s’exclame dans sa stupeur : Ô profondeur des richesses de la sagesse et de la CONNAISSANCE de Dieu ! Et combien il désespère, dans cette exclamation, d’atteindre à la compréhension parfaite, on l’apprend de ces paroles : Combien les jugements de Dieu sont impossibles à scruter et ses voies à suivre à la trace ! Il ne dit pas en effet qu’il est difficile de pouvoir scruter les jugements de Dieu, mais qu’on ne le peut pas du tout ; il ne dit pas qu’il est difficile de suivre ses voies à la trace, mais qu’on ne peut pas le faire. On peut, certes, avancer dans cet examen, on peut y progresser en s’y appliquant de plus en plus intensément, par la grâce de Dieu qui illumine l’intelligence, mais on ne pourra atteindre parfaitement la fin de ce qu’on recherche. Aucune intelligence créée n’a la possibilité de parvenir à une CONNAISSANCE absolue, mais, dès qu’elle trouve quelque chose de ce qu’elle cherche, elle en voit d’autres qui sont à chercher ; et si elle parvient à ces dernières, elle en verra de bien plus nombreuses qui seront encore à chercher. C’est pourquoi le très sage Salomon, contemplant dans sa sagesse la nature des choses, dit : J’ai dit : Je deviendrai sage. Et cette sagesse s’est éloignée de moi, plus qu’elle ne l’était avant. Qui trouvera l’immensité de sa profondeur ? Et Isaïe, sachant que les débuts des choses ne peuvent être trouvés par une nature mortelle, même pas par ces natures qui, bien plus divines que l’humaine, ont cependant elles-mêmes été faites et créées, sachant donc qu’aucune d’elle ne peut trouver ni le début ni la fin, dit : Dites ce qui fut avant et nous saurons que vous êtes des dieux ; annoncez ce qu’il y aura en dernier lieu et nous verrons que vous êtes des dieux. Car un docteur hébreu expliquait cela ainsi : le début et la fin de toutes choses ne peuvent être compris par personne, si ce n’est seulement par le Seigneur Jésus-Christ et par l’Esprit Saint, et c’est pourquoi Isaïe disait sous forme de vision que les deux Séraphins sont les seuls qui de deux ailes couvrent la face de Dieu, de deux autres les pieds et de deux ailes volent en se criant l’un à l’autre : Saint ! Saint ! Saint ! le Seigneur Sabaoth, toute la terre est pleine de ta gloire ! Puisque les deux Séraphins seuls ont leurs ailes sur la face de Dieu et sur ses pieds, il faut avoir l’audace d’affirmer que ni les armées des saints anges, ni les saints Trônes, Dominations, Principautés et Puissances ne peuvent connaître intégralement le début de tout et la fin de l’univers. Mais il faut comprendre que ces saints esprits et puissances ici mentionnés sont proches de ces débuts et en perçoivent plus que les autres ne peuvent le faire ; cependant quel que soit ce qu’ont appris ces puissances sur la révélation du Fils de Dieu ou de l’Esprit Saint, quelle que soit la quantité de CONNAISSANCEs qu’elles ont pu atteindre, certes beaucoup plus grande pour les puissances supérieures que pour les inférieures, il leur est cependant impossible de comprendre tout, puisqu’il est écrit : La plus grande partie des oeuvres de Dieu reste cachée. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section
Si quelqu’un ose attribuer une corruption atteignant la substance même à celui qui a été fait à l’image et à la ressemblance de Dieu, il étend, à ce que je pense, le motif de son impiété jusqu’au Fils de Dieu lui-même : car le Fils est aussi appelé image de Dieu dans les Écritures. Ou certainement celui qui veut qu’il en soit ainsi, qu’il accuse l’autorité de l’Écriture qui dit que l’homme a été fait à l’image de Dieu. Il est clair que les signes de cette image divine en l’homme peuvent être reconnus, non dans la forme du corps qui se corrompt, mais dans la prudence de l’intelligence, dans la justice, la modération, le courage, la sagesse, l’instruction, bref dans tout le choeur des vertus, présentes en Dieu de façon substantielle, en l’homme par son activité et l’imitation de Dieu, selon ce que dit le Seigneur dans l’Évangile : Soyez miséricordieux comme votre Père est miséricordieux, et : Soyez parfaits comme votre Père est parfait. Cela montre avec évidence qu’en Dieu toutes ces vertus existent toujours, sans pouvoir progresser ni régresser, mais que dans les hommes chacune d’elle est acquise peu à peu. Par là les hommes semblent avoir une certaine parenté avec Dieu ; puisque Dieu connaît tout et qu’aucune réalité intellectuelle ne lui est cachée – en effet Dieu seul, Père, Fils Unique et Saint Esprit, non seulement connaît ce qu’il a créé, mais encore possède la CONNAISSANCE de lui-même -, l’intelligence raisonnable peut cependant, en progressant du petit jusqu’au plus grand et du visible jusqu’à l’invisible, parvenir à une compréhension plus parfaite. Elle est en effet placée dans un corps et doit progresser des réalités sensibles qui sont corporelles à celles qui ne sont pas sensibles, mais incorporelles et intellectuelles. Mais de peur qu’il ne paraisse pas convenable d’appeler non sensibles les réalités intellectuelles, nous utiliserons comme exemple une affirmation de Salomon : Tu trouveras aussi une sensibilité divine. Cela montre que les réalités intellectuelles sont cherchées non avec un sens corporel, mais avec un autre sens appelé divin. Traité des Principes: Livre IV: Neuvième traité (IV, 1-3): Deuxième section