Les semences

{{III.}} Utilisons l’image qui suit prise à l’Évangile. Il est question d’une roche couverte d’un peu de terre superficielle : la semence qui y tombe fleurit rapidement, mais après, puisqu’elle n’a pas de racine, le soleil qui se lève la brûle et la dessèche. Cette roche c’est l’âme humaine, durcie par la négligence et pétrifiée par la malice : car à personne Dieu n’a créé un coeur de pierre, mais il devient tel par la malice. Si quelqu’un par exemple reprochait à un cultivateur de ne pas jeter plus vite les graines sur la terre pierreuse, en voyant qu’une autre terre pierreuse a déjà reçu les semences et a fleuri, ce dernier répondrait : J’ensemencerai plus tard cette terre, après avoir jeté ce qui pourra y fixer la graine, car il est préférable pour elle que j’agisse plus tardivement et plus sûrement comme le montre le cas de celle qui a reçu la semence de façon plus rapide et plus superficielle. Nous serions alors persuadés que le cultivateur a parlé raisonnablement et a agi avec compétence. De même le grand cultivateur de toute la nature diffère son aide quand il pense qu’elle serait prématurée, pour qu’elle n’agisse pas de façon superficielle. Mais vraisemblablement quelqu’un nous fera cette objection : Pourquoi alors une partie des semences tombe-t-elle sur cette âme, comparée à la pierre, qui est couverte superficiellement de terre ? Il faut répondre qu’il est alors préférable pour elle, parce qu’elle désire avec trop de fougue les réalités supérieures et ne se soucie pas de cheminer sur la route qui mène à elles, d’obtenir ce qu’elle désire : ainsi, ayant par là reconnu sa faute, elle attendra avec patience pour recevoir plus tard du cultivateur, après beaucoup de temps, des soins conformes à la nature.

Innombrables, dirait-on, sont les âmes, innombrables leurs caractères et en grand nombre leurs mouvements, leurs propos, leurs projets et leurs instincts : un seul les administre excellemment, celui qui connaît les moments, les secours convenables, les conduites et les voies, le Dieu et Père de l’univers, lui qui sait comment mener Pharaon à travers tant d’événements et même quand il est englouti dans la mer, car cela ne met pas fin à la conduite de Pharaon par Dieu. Ce n’est pas parce qu’il fut englouti qu’il fut détruit : Car dans la main de Dieu nous sommes nous-mêmes, avec nos paroles, toute notre prudence et la science que nous mettons dans nos oeuvres. Nous avons écrit cela modestement pour justifier ces textes : Le coeur de Pharaon fut endurci; et : Il a pitié de celui qu’il veut, il endurcit celui qu’il veut.