{{Conférences — 12, 7.}} Il y a plusieurs degrés de chasteté, par lesquels on s’élève à cette inviolable pureté. Et quoique je ne sois pas capable ni de les connaître tous, ni d’en parler comme il conviendrait, néanmoins, parce que la suite de notre discours m’y oblige, je vous en dirai ce que mon peu d’expérience m’en a fait connaître. Je laisse aux parfaits à en parler plus parfaitement, et ce que je dis ici ne doit apporter aucun préjudice à ceux qui possédant cette vertu dans un degré plus éminent, peuvent avoir aussi plus de lumière pour la pénétrer et pour la faire connaître aux autres. Je distinguerai donc six degrés en cette éminente chasteté, bien qu’ils soient tous fort éloignés l’un de l’autre; j’en passe d’ailleurs un bon nombre, qu’on pourrait insérer entre ceux-ci, parce qu’ils sont assez subtils et si peu sensibles, qu’à peine on peut les distinguer par l’esprit ou les énoncer par la parole. Les six auxquels je m’arrête conduisent peu à peu et en s’avançant de jour en jour jusqu’à la parfaite pureté. Car comme les corps croissent insensiblement chaque jour et acquièrent sans le savoir toute la perfection qu’ils doivent avoir, ainsi l’âme s’établit peu à peu dans la ferme et parfaite chasteté. Le premier degré de la pureté est donc que le moine ne succombe pas durant le jour aux assauts de la chair. Le second, que son esprit même ne s’arrête pas aux pensées malhonnêtes. Le troisième, que la vue d’une femme ne lui fasse pas la moindre impression. Le quatrième, que durant le jour il ne sente pas même les moindres mouvements de la chair. Le cinquième, que si la nécessité l’engage à parler ou à lire quelque chose sur le mariage et la génération humaine, son esprit ne soit nullement ému par la simple idée de la volupté, mais que dans la tranquille pureté de son cœur il y voie simplement l’œuvre et le ministère obligatoirement confiés au genre humain, et que dans la suite il n’y pense pas plus que s’il s’agissait des actions les plus banales et indifférentes. Le sixième degré de chasteté, c’est que, même dans le sommeil, il ne soit pas le jouet de fantômes féminins et séducteurs. Car, bien que, d’après nous, il n’y ait pas là de péché, c’est pourtant une marque que la concupiscence se cache encore au fond du cœur.