L’Échelle sainte – extraits sur la foi (II)

28. Cette langue qui ne sût jamais mentir, me raconta le fait suivant : “Il y a près de dix ans, nous avions ici un frère qui était d’une si grande piété, qui prenait tant de soin et d’attention pour être un véritable soldat de Jésus Christ, qui était animé d’un zèle si vif et d’une si grande ardeur dans les exercices de la vie religieuse, qu’en le voyant dans de si belles dispositions, je tremblais pour lui et craignais beaucoup que le démon, jaloux de ses vertus et de ses mérites, ne se servît de son ardeur et de son zèle même pour lui faire heurter le pied contre quelque mauvaise pierre. Or ce qui ne manque guère d’arriver à ceux qui marchent avec trop de précipitation, arriva malheureusement à ce frère : il fit une chute. Mais aussitôt il vint me trouver. C’était vers le soir. Il me découvrit et me montra la blessure qu’il avait faite à son âme; dans l’abîme de sa douleur, il me conjura avec instance d’y appliquer le fer et le feu, et de lui ordonner les remèdes convenables. Comme il vit que son médecin spirituel ne voulait pas employer la rigueur et la sévérité qu’il désirait, et ce pauvre religieux n’était pas indigne de quelque indulgence, il se jeta à mes pieds, les arrosant de ses larmes et me conjurant de l’envoyer à la Prison, que vous avez vue; et pour venir à bout de me gagner, il ne cessait de me répéter qu’il était impossible qu’on puisse le dispenser d’y être condamné. Ainsi par la violence qu’il me fit, il me força, en quelque sorte, à convertir en rigueur et en sévérité la douceur et la tendresse que j’avais pour lui. On vit donc dans ce religieux ce qu’on ne voit guère chez les malades, et ce qui est contraire au cours ordinaire des choses. Aussi je lui avais à peine accordé la permission qu’il demandait avec tant d’instance, qu’il courut promptement vers les pénitents, pour être leur confrère et l’imitateur de leurs travaux et de leurs larmes. La contrition que son amour pour Dieu lui avait fait concevoir de sa faute, fut si vive et si violente, que huit jours après qu’il fut entré dans le monastère, il partit de ce monde pour aller devant le Seigneur; mais, avant de mourir, il eut bien soin de demander que son corps fût privé de la sépulture. Je crus pour cette fois, ne pas devoir céder à ses désirs. Je fis donc apporter et déposer son corps dans le cimetière destiné à la sépulture des pères. Or je le jugeai digne de cet honneur, puisqu’après une pénitence de sept jours dans la Prison, Dieu l’avait trouvé capable, le huitième, de jouir de la liberté et de la félicité des cieux. En effet, il y a un religieux qui a su d’une manière certaine qu’avant même que cet illustre pénitent se soit relevé de devant les pieds vils et méprisables de celui qui vous parle, il avait reçu le pardon de son péché, et qu’il était parfaitement réconcilié avec Dieu. EH! N’en soyons point étonnés, car il avait dans le coeur la même foi que la pécheresse de l’Évangile, et c’était avec une espérance et une confiance parfaites en Dieu, qu’il avait arrosé de ses larmes mes misérables pieds. Or tout n’est-il pas possible à celui qui croit ?” (Mt 9,22) Quant à moi, j’ai vu des âmes souillées de péchés, et possédées même par la folie et l’amour des plaisirs sensuels, lesquelles néanmoins, par les exercices de la pénitence, par la présence de ceux qui aimaient Dieu, et surtout par la considération approfondie de leur triste état, ont changé d’affections et de sentiments, ont donné leur coeur à Dieu, L’ont aimé uniquement, ont triomphé de toute crainte servile, et se sont enfin livrées entièrement aux saintes ardeurs de la charité. Aussi remarquons bien que notre Seigneur ne dit pas de la pécheresse convertie : “Elle a beaucoup tremblé”; mais elle a beaucoup aimé.” (cf. Lc 7,47). Et que ce fut par un amour ardent pour Dieu qu’elle se délivra de l’amour charnel et profane. 377 L’Échelle Sainte: CINQUIÈME DEGRÉ

46. Ce moine est vraiment heureux, lequel, par la vivacité de sa foi, peut contempler la beauté des anges, et jouir ainsi de la société de ces Intelligences célestes; mais il est bien autrement heureux celui qui, par la méditation de la mort, par le souvenir amer de ses péchés, et par les larmes abondantes de sa fervente pénitence, s’est mis dans l’état heureux de ne plus retomber dans le péché. Or on pourrait difficilement, je crois, me persuader que, pour arriver à la perfection du premier état, il ne faille pas auparavant avoir passé par le second état dont nous venons de parler. 496 L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ

60. Mais, si une âme profondément pénitente et sincèrement affligée de ses péchés reçoit de Dieu des consolations ineffables, une âme pure et sainte reçoit de Lui des lumières extraordinaires. Or cette illumination divine est une impression douce et forte, qu’on ne peut ni exprimer, ni comprendre, ni voir : c’est la foi seule qui la fait comprendre, voir et sentir. Quant aux consolations d’une âme pénitente, c’est un certain rafraîchissement doux et agréable qui rend en quelque sorte cette âme semblable à un enfant qui pleure et rie presqu’en même temps. Ce rafraîchissement, par un effet admirable, renouvelle cette âme affligée, et fait que ses larmes, d’amères qu’elles étaient, deviennent douces et agréables. 514 L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ

68. Le Seigneur, dont la justice égale la sainteté, récompense, par le sentiment d’une componction pleine de foi, le moine qui, dans la solitude, vit selon la foi et les règles de la sainteté, comme il récompense, par d’ineffables consolations, le moine qui, pour des motifs louables, demeure dans un monastère pour y vivre saintement sous l’autorité et l’obéissance d’un supérieur. Mais celui qui, sincèrement et selon Dieu, n’embrasse pas l’un ou l’autre de ces deux genres de vie, se prive misérablement du don des larmes. 523 L’Échelle Sainte: SEPTIÈME DEGRÉ

16. Enchaînons donc ce tyran cruel par le souvenir douloureux de nos fautes; frappons-le fortement par le travail de nos mains; tourmentons-le sans cesse par la pensée des biens éternels que nous attendons; traînons-le impitoyablement devant le tribunal de notre foi; et là faisons lui subir un interrogatoire et un jugement flétrissants; demandons-lui avec empire qu’il ait à nous dire quel est le père méchant qui l’a engendré, et quels sont les abominables enfants à qui, lui-même, il a donné naissance; forçons-le à nous avouer quelles sont les personnes qui le poursuivent et lui donnent la mort. Malgré lui, il nous répondra que ceux qui le combattent jusqu’à le faire mourir, ce sont les disciples sincères de l’obéissance, et que dans ces hommes il ne trouve rien qui puisse lui servir un seul moment pour se reposer; qu’il ne peut séjourner tranquillement qu’avec les faux moines qui ne font que leur propre volonté; que c’est pour cela qu’il les aime et ne les quitte jamais; que les causes qui concourent à lui donner l’existence, sont en grand nombre, et qu’il doit nommer l’insensibilité du coeur, l’oubli du ciel et des vérités éternelles, et quelquefois un travail trop pénible et des exercices trop multipliés et trop fatigants; que ses enfants sont l’inconstance, le changement de demeure, la désobéissance au supérieur, l’oubli du jugement et, de temps à autre, la négligence à remplir les devoirs de la vie religieuse; que les ennemis qui le chargent de chaires et le réduisent en captivité, sont la psalmodie fervente, une occupation continuelle, et la méditation de la mort; et que ses ennemis mortels sont la prière et l’espérance vive et certaine des biens à venir. Quant à la prière, si vous voulez connaître d’où elle tire son origine, il faut le lui demander à elle-même. 697 L’Échelle Sainte: TREIZIÈME DEGRÉ

23. Une foi inébranlable préserve de toute sorte d’inquiétudes; la pensée de la mort porte à renoncer à son propre corps. 882 L’Échelle Sainte: SEIZIÈME DEGRÉ

2. La timidité est une passion puérile qui est assez souvent le partage de la vieillesse ou d’une âme esclave de la vanité. C’est un manquement de foi et de confiance en Dieu; elle est produite en nous par des malheurs que nous croyons prévoir comme nous devant surprendre inopinément. 955 L’Échelle Sainte: VINGTIÈME DEGRÉ

7. Est-il pour vous des lieux qui vous inspirent de la frayeur? n’hésitez pas de choisir le milieu de la nuit pour les aller visiter; car si vous cédez le moins du monde aux objets qui vous donnent des sentiments de crainte d’une manière aussi vaine que ridicule, cette crainte se fortifiera dans vous, et cette passion, vous la garderez toute votre vie. Si donc vous mettez en pratique la résolution que je vous suggère, armez-vous courageusement de la prière, et dans ces lieux effrayants tendez avec confiance vers le ciel vos mains suppliantes, invoquez le doux nom de Jésus avec une foi vive et ardente, et vous mettrez vos ennemis en pièces. Voilà les armes les plus puissantes que vous puissiez trouver et sur la terre et dans les cieux, pour faire la guerre à la timidité. Avez-vous eu le bonheur de guérir votre âme de cette maladie, et de remporter une heureuse victoire sur vous-même ? ne manquez pas, par d’humbles cantiques de louanges, d’en témoigner toute votre reconnaissance à celui qui par sa grâce vous a fait vaincre et triompher. Cette conduite attirera sur vous de nouvelles faveurs, et vous méritera une protection constante. 960 L’Échelle Sainte: VINGTIÈME DEGRÉ

34. Prenez donc bien garde d’ajouter foi aux insinuations perfides du démon; car c’est un trompeur rusé, et un insigne enchanteur. Il ne remarquera pas de vous persuader que vous devez faire connaître aux autres les excellentes qualités et les bonnes dispositions de votre coeur pour la vertu, et de les publier, afin de les édifier et de procurer par ce moyen le salut à plusieurs. Dans cette tentation si délicate, ne perdez pas de vue ces paroles de l’évangile : “Que servira-t-il à un homme d’avoir gagé l’univers entier, s’il vient lui-même à perdre son âme ?” (Mt 16,26) Rien ne porte davantage et plus efficacement à la piété que l’humilité et la simplicité de nos actions; car ces vertus sont elles-mêmes une leçon solide et frappante qui fait assez connaître aux autres combien il est funeste de se laisser emporter par l’orgueil ; et je ne sais pas s’il serait possible de trouver quelqu’autre chose qui fût plus avantageuse et plus salutaire. 1004 L’Échelle Sainte: VINGT-UNIÈME DEGRÉ

19. Quand une fois le démon a pu établir sa demeure dans le coeur de ceux qu’il a soumis à ses volontés, il leur apparaît pendant leur sommeil, et même pendant leur réveil, tantôt sous la figure d’un ange, tantôt sous la figure d’un martyr, alors il leur révèle quelque secret mystérieux, fait semblant de leur donner quelques grâces précieuses. C’est ainsi qu’en trompant ces misérables, et en leur ôtant un reste de foi et de raison, il achève de les perdre. 1041 L’Échelle Sainte: VINGT-DEUXIÈME DEGRÉ