Le moine prudent.

{{Lettres — 3, 242.}} Le moine prudent doit savoir tenir la balance égale, sans permettre que les plateaux penchent d’un côté, que l’abstinence aboutisse à l’épuisement, et la gloutonnerie à la débauche ; ne mangeant pas comme un goinfre, s’habillant de manière à être vêtu décemment, il dispose son corps à être le beau véhicule de son âme, il donne au pilote un gouvernail facile à manier, au guerrier de belles armes, au musicien une lyre harmonieuse. Car celui qui s’engraisse dans le bien-être et se pare de riches vêtements, prépare ce corps à bondir, il l’excite à de mauvais désirs, gâte son heureuse constitution, il le détruit par une excessive mollesse, et prépare à son âme un ennemi. Cessez donc de faire l’un et l’autre. Une vie sans discours est plus utile qu’un discours sans vie. Un homme, même en se taisant, rend service ; un autre, même en criant, ne fait que gêner. Si la vie et la parole vont ensemble, elles font la parure de toute philosophie.