Le jeûne n’est pas un bien essentiel.

{{Conférences — 21, 13.}} Si nous comptons le jeûne parmi les vertus et plaçons l’abstinence des aliments entre les biens essentiels, il sera donc mauvais et criminel de se nourrir…

{{14.}} Voici qui manifeste bien clairement que le jeûne est chose indifférente: qu’il justifie, si on l’observe, mais ne damne pas, si on le rompt, sauf le cas où la transgression d’un précepte, plutôt que l’usage de la nourriture, réclamerait un châtiment… Vous le voyez, Dieu n’estime pas que le jeûne soit un bien par essence, puisqu’il ne lui agrée pas par lui-même, mais à raison d’autres bonnes œuvres, et qu’au rebours les circonstances peuvent le rendre vain et, plus encore, odieux : « Quand ils jeûneront, je n’écouterai pas leurs prières» ( Jer 14, 12 ), dit le Seigneur.

{{17.}} Tenons fermement ces notions sur la nature du jeûne. Nous pourrons ensuite nous y porter de toutes les forces de notre âme, sachant qu’il nous sera bon, si nous y observons le temps, la qualité, la mesure convenable, sans mettre en lui le terme de notre espérance, mais avec la pensée de parvenir par son moyen à la pureté du coeur et à la charité apostolique. Le seul fait qu’on lui ait déterminé des temps spéciaux, où il doive être pratiqué ou non, et qu’on en ait encore réglé la qualité et la mesure, prouve assez clairement qu’il n’est pas bon par essence, mais tient le milieu entre le bien et le mal. Ce que l’autorité d’un précepte ordonne comme bon ou interdit comme mauvais, n’est point soumis de la sorte à des exceptions de temps, si bien que l’on doive, de temps en temps, faire ce qui est défendu, omettre ce qui est prescrit. Il n’est pas de temps et de mesure déterminées pour pratiquer la justice, la patience, la sobriété, la pureté, la charité ; et d’autre part liberté n’est jamais laissée à l’injustice, à l’impatience, à la colère, à l’impureté, à l’envie, à la superbe.