Le désir de voir Dieu n’est jamais satisfait

Vie de Moïse:

S’étant élevé à de tels sommets, [Moïse] brûle encore de désir, et il est insatiable d’avoir davantage, et il a encore soif de ce dont il s’est gorgé à satiété ; et comme s’il n’en avait pas encore joui, il demande à l’obtenir, suppliant Dieu de se manifester à lui, non dans la mesure où il peut y participer, mais comme il est en lui-même. Ressentir cela me semble d’une âme animée d’un amour et d’un désir ardent de la beauté essentielle, d’une âme que l’espérance ne cesse d’entraîner de ce qu’elle a vu à ce qui est au-delà, et qui alimente continuellement son désir de ce qui reste encore caché par ce qu’elle découvre sans cesse. Il s’ensuit que l’ardent amant de la beauté recevant ce qui lui apparaît continuellement comme une image de ce qu’il désire, aspire à se remplir de la figure même de l’archétype ; et la demande audacieuse de l’âme qui monte la montagne du désir, c’est de ne pas jouir de la beauté par des miroirs et des reflets, mais face à face. la voix divine accorde ce qui est demandé par les choses qu’elle refuse, offrant en peu de mots un abîme immense de pensée ; la munificence de Dieu lui accorde l’accomplissement de son désir; mais en même temps elle ne lui promet pas le repos ou la satiété. Et en effet il ne se serait pas montré lui-même à son serviteur, si cette vue avait été telle qu’elle eût arrêté le désir du voyant. Car c’est en cela que consiste la véritable vision de Dieu, dans le fait que celui qui lève les yeux vers lui ne cesse jamais de le désirer… On estimera donc que rien n’embrasse la nature illimitée. Or ce qui n’est pas limité échappe par nature aux prises de l’intelligence. Aussi tout le désir du beau qui entraîne à cette ascension ne cesse jamais de se tendre à mesure qu’il avance dans sa course vers le beau. Et c’est là réellement voir Dieu que de ne jamais trouver de satiété à ce désir. Mais il faut, toujours tourné vers lui, être enflammé du désir de voir davantage par ce qu’il est déjà possible de voir. Et ainsi nulle limite ne saurait interrompre le progrès de la montée vers Dieu, puisque d’un côté le beau n’a pas de borne et que de l’autre la croissance du désir tendu vers lui ne saurait être arrêtée par aucune satiété.