Le combat intérieur.

{{Discours — 2, 91.}} Je ne parle pas encore de cette guerre intérieure qui se fait en nous-mêmes, dans nos affections, guerre où nous sommes attaqués nuit et jour, en secret ou à découvert, par notre misérable corps, par cette agitation qui, du fait de nos sens et des charmes de cette vie, nous fait monter, descendre, tournoyer comme sur une mer orageuse, par ce limon fangeux dont nous sommes pétris, et par cette loi du péché qui résiste à la loi de l’esprit, qui s’efforce de détruire en nous l’image du Roi et tout ce qui nous venait comme d’une émanation divine. Or, même si l’on s’est exercé longtemps à l’amour de la sagesse, si l’on a peu à peu arraché son âme noble et lumineuse à ce qui est bas et ténébreux, ou si Dieu vous est propice, ou bien, si ces deux conditions sont réalisées et qu’on ait surtout l’habitude de regarder vers le ciel, à peine peut-on dominer la matière qui vous tire en-bas. Avant donc de l’avoir subjuguée autant que possible et d’avoir purifié son âme comme il convient, avant de s’être approché de Dieu bien plus que les autres, accepter de conduire les âmes, se faire le médiateur entre Dieu et les hommes (ce qui est sans doute la fonction du prêtre), j’estime que ce n’est nullement sûr.