Le chrétien seul est riche.

Le chrétien seul est riche. Le Pédagogue – 3, 6, 35, 2.

Nous oublions, semble-t-il, que celui-là seul est riche qui possède ce qu’il y a de plus précieux. Or ce qui est de grand prix, ce n’est ni les perles, ni l’argent, ni les habits magnifiques, ni la beauté du corps, mais la vertu, c’est-à-dire le Verbe communiqué par le Pédagogue en vue de l’acquisition de la vertu. Ce Verbe fait abjurer les vaines délices, demande le concours de l’effort personnel, et loue la frugalité, fille de la tempérance : « Préférez, dit-il, mes enseignements à l’argent, et la science à l’or le plus pur : car la sagesse est meilleure que les perles, et aucune pierre précieuse ne l’égale» [Prv 8, 10 sq]. Et encore: «Mes fruits sont meilleurs que l’or, que les pierres précieuses et que l’argent ; mes dons valent mieux que l’argent le plus pur » [ib. 19]. 4. S’il faut encore préciser, nous demanderons si le riche est celui qui possède de grands biens et qui est rempli d’or comme une vile bourse, ou si ce n’est pas plutôt celui qui est plein de justice et de beauté (car l’ordre est la vraie beauté), et qui sait, comme il le doit, montrer sa modération dans l’administration de ses biens et leur distribution à ses frères. 5. «Plus ils sèment, plus ils récoltent» [Prv 11, 24] ; et de ceux-là il est écrit: «Il a donné et distribué ses biens aux pauvres; sa justice subsistera dans les siècles» [Ps 111, 9]. Ce n’est donc pas celui qui possède et qui garde son trésor, c’est celui qui donne qui est riche. La générosité, non la possession, rend l’homme heureux. Bien donner, c’est le fruit de l’âme. 36, 1. La richesse est donc dans l’âme, et les vrais biens ne peuvent être acquis que par les bons, et les bons ce sont les chrétiens.

3, 7, 37, 2. Rien n’est plus éloigné de la vie divine que l’amour de la volupté : on ne diffère pas des moineaux quand il s’agit de manger, ni des boucs ou des porcs quand il s’agit de procréer. Pour croire que la volupté soit un bien, il faut, n’avoir aucune idée de ce qui est honnête. L’amour des«richesses détourne l’homme de la voie droite pour le porter sans pudeur vers de honteuses actions : il ne cherche, comme les bêtes, qu’à manger autant qu’il peut, à boire de même, et à satisfaire ses passions impures. 3. Alors il est bien rare qu’il hérite du royaume de Dieu [cf. Mc 10, 24]. Pourquoi tant de mets préparés ? Serait-ce pour apaiser la faim d’un seul homme ? Les ordures qui sortent de nos corps après les jouissances du festin accusent assez la honte de la gloutonnerie. 4. Pourquoi réunir tant d’échansons, alors qu’un seul verre suffirait ? Pourquoi tant de coffres de vêtements, et de vases d’or et d’ornements de toutes sortes ? Pour rassasier des hommes pillards et scélérats, dont les yeux sont insatiables. « Que l’aumône et la foi ne te quittent pas», dit l’Ecriture [Prv 3, 3]. 38, 1. Voici que nous avons en Elie le Thesbite un bel exemple de frugalité, lorsqu’il est assis sous l’arbre et que l’ange lui apporte sa nourriture : «C’était un pain d’orge cuit sous la cendre et un vase rempli d’eau» [3 Rois 19, 6]. Tel est le repas que Dieu lui envoie. 2. Nous donc qui marchons vers la vérité, nous devons être prêts pour la route. « Ne portez, dit le Seigneur, ni bourse, ni sac, ni chaussure» [Le 10, 4], c’est-à-dire: Ne possédez pas des richesses qui s’enferment dans une bourse ; ne remplissez pas vos greniers de froment, comme on met le grain dans des sacs, mais distribuez-le à ceux qui en ont besoin ; ne vous embarrassez pas de serviteurs et de bêtes de somme, qui, étant occupés à porter les bagages, sont appelés par allégorie la chaussure du riche en voyage. 3. Nous devons donc rejeter cette quantité de meubles, ces vases d’or et d’argent, et cette foule de domestiques, et accepter ces compagnes belles et vénérables que nous donne le Pédagogue et qui s’appellent : se servir soi-même et être content de peu. Il nous faut marcher en harmonieuse union avec le Verbe ; et si quelqu’un de nous a une femme et des enfants, sa maison ne sera pas pour lui une charge, mais elle apprendra plutôt à suivre le sage voyageur. 39, 1. De même la femme qui aime son mari doit être instruite comme son mari et formée à le suivre. Le bagage à prendre pour ce voyage qui mène au ciel est beau : c’est la frugalité unie à une sage gravité. Comme le pied est la mesure du soulier, ainsi ce qui est nécessaire au corps mesure exactement ce que nous devons posséder. Tout le reste, parures ou mobilier de riches, est une charge et non un ornement pour le corps. 2. Il faut, pour arriver au ciel, où l’on n’entre que par violence, un beau bâton, et c’est la bienfaisance ; et en le donnant à ceux qui sont accablés, nous acquérons le véritable repos. L’Ecriture le déclare, « les richesses doivent servir à racheter l’âme » [Prv 13, 8], ce qui veut dire que si l’homme est riche, il sera sauvé en faisant l’aumône. 3. Comme les puits où l’eau est abondante se remplissent à mesure qu’on les épuise, ainsi l’aumône, qui est une bonne source de bénignité, s’augmente et se remplit quand elle donne à boire à ceux qui ont soif ; de la même manière le lait afflue d’ordinaire dans les mamelles que l’on tète ou que l’on trait.

Clemente de Alexandria (150-211)