L’amour de la contemplation.

{{Poèmes sur lui-même, 11.}} Un terrible tourbillon occupait mon esprit, lorsque je recherchais, parmi tout ce qui était bon, ce qu’il y avait de meilleur. Jeter au fond de l’abîme ce qui était de la chair, c’était depuis longtemps décidé, et j’y trouvais alors encore plus de joie. Mais quand je considérais les routes qui mènent à Dieu, il n’était pas aisé de trouver la meilleure et la plus facile. L’une, comparée aux autres, semblait bonne ou mauvaise, comme il arrive souvent quand on doit agir… Voyant que ceux qui aiment la vie active sont utiles aux autres qui vivent autour d’eux, mais sont inutiles à eux-mêmes et tourmentés, agités par les flots qui rejettent la douceur des mœurs, et voyant d’autre part ceux qui ont quitté le monde être en quelque sorte plus solides, regarder Dieu d’un esprit tranquille, mais être utiles à eux seuls dans un amour étroit, et mener une vie étrange et rude, j’allai dans une voie moyenne entre ceux qui vivent à leur guise et ceux qui sont réunis, décidant de méditer comme les uns et de rendre service comme les autres… Ce fut là une partie de ma formation philosophique, ne pas avoir l’air de supporter ma vie antérieure, être l’ami de Dieu bien plutôt que le paraître; je pensais donc devoir aimer ceux qui mènent la vie active, ceux qui ont reçu de Dieu l’honneur de conduire les peuples par les rites sacrés. Mais l’amour de la vie monastique me tenait encore davantage, bien que je parusse frayer avec tout le monde ; car la vie solitaire est affaire des mœurs et non des corps. Le trône épiscopal était pour moi chose auguste à mes yeux, mais vu de loin, comme la lumière du soleil pour les yeux faibles.