L’âme connaît le Christ d’après son degré de pureté.

{{10, 6.}} C’est le degré de sa pureté, je l’ai dit dans la précédente conférence, qui détermine pour une âme le caractère et l’élévation de sa prière. Elle perd de vue plus ou moins les choses terrestres et matérielles, selon que sa pureté l’a fait monter plus ou moins. De là vient aussi qu’elle ne voit Jésus, par son regard intérieur, que dans l’humilité de sa chair, ou déjà dans sa gloire et venant parmi l’éclat de sa majesté. Il est impossible de le voir venant dans la gloire de sa royauté à celui qui, encore esclave de cette infirmité en quelque sorte judaïque, ne peut dire avec l’Apôtre : « Si nous avons connu le Christ selon la chair ; maintenant ce n’est plus ainsi que nous le connaissons» ( 2 Cor 5,16 ). Ceux-là seuls contemplent d’un regard très pur sa divinité, qui s’élèvent au-dessus des œuvres et des pensées terre-à-terre, pour se retirer avec lui sur la haute montagne de la solitude. Son sommet ne connaît pas le tumulte des pensées et des passions de la terre, et les parfums du vice ne l’atteignent pas : c’est le royaume de la foi très pure et des plus hautes vertus ; la gloire de la face du Christ et la vue de sa splendeur s’y révèlent à ceux qui sont dignes de le contempler du pur regard de l’âme. D’ailleurs Jésus ne laisse pas de se montrer aussi aux habitants des cités, des bourgs et des villages, j’entends à ceux qui s’adonnent aux œuvres de la vie active; mais non point dans le même éclat de gloire avec lequel il apparaît aux âmes assez fortes pour gravir avec lui la montagne des vertus, comme Pierre, Jacques et Jean ( cf. Mt 17, 1 ) ; et tel qu’il apparut en effet à Moïse ( cf. Ex 3, 2 ), et parla au prophète Elie, dans la solitude ( cf. 3 Rois 19, 9 ss ). Lui-même, Notre-Seigneur, a voulu confirmer cette doctrine en nous laissant l’exemple d’une pureté parfaite. Source inviolable de la sainteté, il n’avait nul besoin, pour s’y établir, du secours extérieur qui nous vient de l’éloignement des hommes et de la solitude. Plénitude de la pureté, il ne pouvait être souillé par le contact impur des foules, et le commerce des hommes était impuissant à contaminer celui qui purifie et sanctifie tout ce qui est souillé. Il se retire cependant « sur la montagne, afin d’y prier solitaire» ( Mt 14,23 ). L’exemple de son éloignement est une leçon. Si nous voulons, nous aussi, prier Dieu d’un cœur pur et vierge, fuyons comme lui la fièvre et la confusion des foules, afin de reproduire dès cette vie quelque image du moins de l’état bienheureux promis aux saints dans l’éternité, et que pour nous se réalise le mot de l’Apôtre : « Dieu tout en tous » ( 1 Cor 15, 28 ).