La virginité est une sorte de martyre.

Eloge de S.Etienne et de Thècle — Elle conservait cette virginité, qui, si l’on y regarde bien, est un grand martyre avant le martyre lui-même. Car les plaisirs sont pour le corps de cruels bourreaux, plus cruels même que des bourreaux ils tourmentent en effet avec des liens qui ne sont pas faits de main d’homme ; ils blessent l’âme par le moyen des yeux ; par les oreilles ils approchent les flammes de la luxure de la fermeté de l’âme ; ils flagellent l’intelligence avec un dur fouet ; ils nous tourmentent en des luttes toujours nouvelles. Quand on aura imposé à ses yeux d’être comme aveugle en face de la beauté humaine, alors le plaisir entr’ouvre ce qui a été fermé et se fraye un chemin par les oreilles au moyen des chansons lascives ; quand il rencontre des oreilles fermées aux chansons impures, alors il s’en joue en se servant des mauvaises pensées comme d’une parure ; et lorsque, pour tout dire, notre vigilance nous a faits surmonter toutes ses embûches, le plaisir vient encore durant notre sommeil nous combattre avec des ombres ; ainsi c’est un cycle sans fin de luttes, qui ne commence pas avec le soleil pour s’apaiser avec la nuit. Et si le plaisir s’en prend à la jeunesse, alors c’est le feu qui se mêle au feu, la paille qui s’unit à la fournaise. Car la jeunesse se laisse facilement enflammer par le plaisir, étant plus inflammable encore que l’huile et plus sensible aux duretés de la tempérance. Et tout cela fit de la virginité un long martyre pour cette bienheureuse vierge Thècle ; elle combattait contre les plaisirs comme le martyr en face des fauves ; elle luttait avec les pensées comme lui avec les tortures ; elle était aux prises avec les imaginations voluptueuses comme avec les tourments des bourreaux ; mais elle remportait, elle aussi, la victoire dans cette lutte intime et si variée, parce que le feu sacré de son âme était plus ardent que celui de la nature.