La tranquillité d’esprit.

Lettres. 2 (à Grégoire, 356), 11. 2. Il nous faut chercher à avoir l’esprit en paix. Nos yeux, s’ils vont en tout sens, de côté, en haut, ou en bas, et sans arrêt, sont incapables de voir nettement les objets. Ils doivent se fixer sur un, s’ils veulent en avoir une vision distincte. De la même manière, l’esprit de l’homme, tiré par mille soucis du monde, ne peut arriver à fixer un regard net sur la vérité. L’un pas encore engagé dans les liens du mariage, est troublé par la rage de ses désirs, l’impétuosité de ses tendances et les mauvaises amours ; un autre déjà marié, est troublé par d’autres soucis : s’il n’a pas d’enfants, il en désire, quand il les a, il connaît les inquiétudes de l’éducation, puis, il y a la fidélité de son épouse, le soin de sa maison, la direction des serviteurs, les dommages éprouvés dans les contrats, les disputes violentes avec les voisins, les embarras des tribunaux, les dangers du commerce, les travaux de l’agriculture. Toute journée qui commence apporte à l’âme son obscurcissement propre, et les nuits, qui emportent les soucis du jour, font naître des imaginations qui laissent encore l’esprit dans l’erreur. Il n’y a qu’un moyen de fuir ces ennuis, c’est de fuir le monde. La séparation d’avec le monde ne consiste pas à vivre matériellement hors de lui, mais à briser cette sympathie que l’âme a pour le corps. Alors on devient sans cité, sans demeure, sans biens propres, sans amis, sans richesses, sans moyen d’existence, sans affaires, sans engagements ; on devient ignorant des sciences humaines et prêt à recevoir dans son cœur l’impression de l’enseignement de Dieu… La paix est donc pour l’âme le début de sa purification.