{La puissance de la croix du Christ en nous.} Commentaire sur l’Epître aux Romains — 6,1.
Comment est-il donc possible que le péché ne règne pas en notre chair ? Si nous faisons ce que dit l’Apôtre : « Faites donc mourir vos membres, les membres de l’homme terrestre» [Col 3, 5], et si «nous portons toujours dans notre corps la mort du Christ» [2 Cor 4,10]. Il est certain en effet que là où l’on porte la mort du Christ, le péché ne peut régner. Car telle est la puissance de la croix du Christ, que, si on l’a devant les yeux, si on la garde fidèlement dans l’esprit, de telle sorte que le regard attentif de notre esprit soit fixé sur la mort du Christ, aucune concupiscence, aucune volupté, aucune colère, aucune envie ne peut prendre le dessus, mais immédiatement devant cette présence toute l’armée de chair et de péché que nous avons dite est mise en fuite ; le péché lui-même ne peut pas subsister, puisque ce sont les actes et les œuvres qui en constituent le fond. Il y a donc en nous une concupiscence du péché, qui exerce son règne dans la chair, et une concupiscence de l’esprit, qui exerce son règne sur l’esprit, ainsi que nous l’avons dit, puisque « la chair a des désirs contraires à ceux de l’esprit et l’esprit en a de contraires à ceux de la chair» [Gai 5, 17]. Lorsque nous désirons ce qui est défendu, ou ce qui ne convient pas, ou ce qui n’est pas à propos, c’est la concupiscence de la chair. Mais quand notre âme brûle de désir et défaille en voyant le salut de Dieu, c’est ia concupiscence de l’esprit.