Conférences — 14, 5. Mais il est utile et séant à chacun, selon l’état de vie qu’il a choisi ou la grâce qu’il a reçue, de se hâter en toute ardeur et diligence vers l’achèvement de l’œuvre entreprise. Il pourra bien louer et admirer les vertus des autres ; mais qu’il ne sorte point pour cela de la profession qu’il a lui-même une fois embrassée, sachant que, suivant l’Apôtre, le corps de l’Eglise est un, mais les membres nombreux, et qu’elle a « des dons différents selon la grâce qui nous a été donnée : soit de prophétie, pour l’exercer selon la règle de foi ; soit de ministère, pour l’exercer dans les fonctions du ministère ; celui-ci a reçu le don d’enseigner : qu’il enseigne ; celui-là le don d’exhorter : qu’il exhorte. Que celui qui donne, le fasse en simplicité ; celui qui préside, avec zèle ; celui qui pratique la miséricorde, avec une aimable gaieté» ( Rom 12, 6ss ). Un membre ne peut revendiquer le ministère des autres. Ni les yeux ne font l’office des mains ; ni le nez, celui des oreilles. Tous non plus ne sont pas apôtres, ni prophètes, ni docteurs ; tous n’ont pas la grâce des guérisons, tous ne parlent pas en langues, tous n’interprètent pas.
6. Le fait est coutumier à ceux qui ne sont pas encore bien affermis dans la profession qu’ils ont embrassée : entendent-ils célébrer tel et tel, qui vivent en des états différents du leur et pratiquent d’autres vertus, ces louanges les font brûler d’imiter sur-le-champ leur conduite. Mais c’est trop demander à l’humaine fragilité : les efforts dépensés en pareille rencontre demeurent nécessairement vains. Il est impossible en effet qu’un seul et même homme brille à la fois dans toutes les vertus énumérées plus haut. Avec une pareille ambition, voici ce qui arrive fatalement : tandis que l’on court après toutes, on n’en atteint parfaitement aucune ; et de ce changement et de cette inconstance, on a plus de dommage que de profit. Bien des voies mènent à Dieu. Que chacun poursuive donc celle où il est une fois entré et reste irrévocablement fidèle à sa direction première ; quelque profession qu’il ait choisie, qu’il s’y rende parfait.