La grâce multiforme.

{{18,7.}} Certains, conduits par la grâce, sont comme ceux qui dans un festin royal sont heureux et se réjouissent d’une joie et d’un bonheur ineffable ; à d’autres moments ils sont comme l’épouse qui jouit dans l’union avec son époux d’un bonheur divin. Tantôt ils sont comme les anges incorporels, ayant malgré leur corps une égale légèreté ; tantôt ils sont comme dans l’ivresse de la boisson, réjouis et enivrés par l’Esprit, ivres des mystères spirituels et divins.

8. Parfois ils sont comme dans le gémissement et la lamentation sur le genre humain, priant pour tous les hommes, et ils se laissent aller à la douleur et aux gémissements, brûlant d’un amour spirituel pour l’humanité. Parfois l’Esprit les enflamme d’une telle joie et d’un tel amour, que, s’il était possible, ils mettraient tous les hommes dans leur cœur, sans distinguer les bons des mauvais. Parfois ils s’abaissent si bas au-dessous de tous les hommes dans l’humilité de l’Esprit, qu’ils s’estiment eux-mêmes comme les derniers et les plus misérables de tous. Parfois l’Esprit les maintient dans une joie ineffable. Parfois ils sont comme un homme valeureux qui, prenant les armes pour le roi et partant en guerre contre les ennemis, lutte courageusement et les bat. De la même manière l’homme spirituel prend les célestes armes de l’Esprit, part en guerre contre les ennemis et les met sous ses pieds.

9. Parfois l’âme se repose dans une tranquillité et une paix complète, jouissant du seul bonheur spirituel, de l’ineffable repos et du bien-être. Parfois la grâce la forme à l’intelligence et à la sagesse ineffable, et à la connaissance de l’Esprit mystérieux, dans les choses que la langue et la bouche ne peuvent exprimer. Parfois il n’y a aucune différence avec les autres hommes. Ainsi la grâce se présente de façon variée, elle conduit l’âme de diverses manières, lui donnant le repos selon la volonté de Dieu, et elle l’exerce de différentes façons, afin de la présenter parfaite, irréprochable et pure au Père céleste.

10. Ces opérations de l’Esprit dont nous avons parlé se rapportent à ceux qui sont élevés à un haut degré et proches de la perfection. Car les diverses formes de la grâce que nous avons dites s’expriment de façons différentes, mais elles agissent sans interruption sur les hommes, l’action succédant à l’action. Lorsqu’en effet l’âme est parvenue à la perfection de l’esprit, étant entièrement purifiée de toutes les passions, unie et mêlée dans une ineffable participation à l’Esprit Paraclet, et quand, ainsi mêlée à l’Esprit, elle est jugée digne de devenir esprit, alors elle devient toute lumière, toute œil, toute esprit, toute joie, toute repos, toute allégresse, toute amour, toute cœur, toute bonté et clémence. De même en effet que dans la profondeur de la mer une pierre est entièrement entourée d’eau, ainsi ceux qui sont mêlés au Saint Esprit de toutes manières deviennent semblables au Christ, ayant constamment en eux-mêmes les puissantes vertus de l’Esprit, et étant intérieurement purs, sans tache et sans reproche.